Dans son édito du 14/03/2024, Paul Sugy revient sur sur la mort de l’amiral Philippe de Gaulle, fils du général.
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00:00 Oui, assurément, un grand homme romain n'est pas seulement par la taille imposante qui le rapprochait bien sûr de son père.
00:05 Quand on est le fils de Charles de Gaulle, forcément on a maille à partir avec l'histoire.
00:09 Mais ce qu'il est important de dire ce matin, pour être juste avec Philippe de Gaulle,
00:13 c'est qu'il n'a pas été seulement bousculé par l'histoire dans le sillage de son père, mais il en a pris les devants.
00:18 Et à notre époque, je crois que c'est important de dire où l'idée même d'héritage, de lien filial est aussitôt suspecte.
00:24 Ce que Philippe de Gaulle nous réapprend, c'est aussi ce que veut dire être un fils.
00:28 Il n'a pas mis son honneur et sa bravoure au service de la France simplement par mimétisme,
00:32 moins encore par népotisme, mais parce que l'honneur et le courage coulaient dans ses veines.
00:36 L'histoire, bien sûr, pour lui, s'est précipitée en juin 1940. Il avait à peine 18 ans.
00:41 Il accompagne sa mère et ses deux sœurs sur la côte anglaise dans l'espoir de retrouver son père.
00:45 Ils ont perdu sa trace depuis quelques jours.
00:48 C'est seulement en ouvrant le journal, le lendemain de l'appel du 18 juin,
00:52 qu'il se rend compte qu'un général de brigade français du nom de Charles de Gaulle a lancé la veille au micro de la BBC
00:57 l'appel à la résistance contre l'occupant.
01:00 Philippe ensuite va au cours de la résistance embrasser le métier des armes.
01:03 Il y fera sa carrière alors que son père le général l'aurait préféré diplomate.
01:07 Il lui disait que ça n'est pas avantageux d'avoir trop de militaires dans une même famille.
01:11 Alors il a ensuite fait une carrière militaire prestigieuse,
01:14 mais le général de Gaulle ne l'a jamais favorisé avec un coup de pouce.
01:18 Oui, et c'est ça qui est important.
01:20 Pas de passe droit dans la famille.
01:22 Exactement. Il accédera d'ailleurs à des hauts grades d'officier bien plus tard.
01:26 Cette carrière militaire est marquée par une humilité, une discrétion qui sont imposées, bien sûr, par l'ombre de son père.
01:31 Il y a une anecdote qui est intéressante sur laquelle Philippe de Gaulle était revenu dans un entretien au Figaro magazine,
01:36 son dernier entretien il y a deux ans, en 2022.
01:38 Il n'a jamais été compagnon de la Libération.
01:41 C'est un oubli en quelque sorte dont le général lui-même s'était justifié.
01:45 Il lui avait dit, donc ça c'est les propos que Philippe de Gaulle rapportait au Figaro magazine,
01:48 "Naturellement, je ne pouvais pas, toi mon fils, te faire compagnon de la Libération,
01:52 sinon à titre posthume ou si tu étais revenu gravement mutilé".
01:55 Ça en dit long d'ailleurs au passage.
01:57 Mais c'est en dit long aussi sur la relation dure que le général avait avec son propre fils.
02:01 Et donc le général de Gaulle ajoute à la fin, "De toute façon", et là c'est évidemment le plus important,
02:06 "tout le monde sait que tu fus mon premier compagnon".
02:08 La classe politique lui a rendu hommage et une cérémonie nationale aura lieu aux Invalides la semaine prochaine.
02:13 Oui, un hommage unanime à droite et au sein de la majorité.
02:16 À gauche bien sûr, les voix ont manqué pour saluer sa mémoire.
02:18 Je n'ai même pas le courage de commenter cette ultime mesquinerie.
02:21 Le président de la République lui a salué évidemment la mémoire d'un grand résistant, d'un grand serviteur de la France.
02:26 Côté des Républicains, on s'incline plus bas que terre devant le dernier héritier en ligne directe du gaullisme,
02:31 dont la droite plus que jamais se réclame.
02:33 Et au Rassemblement National, on évoque avec respect le témoin de grandes heures de l'histoire de France.
02:37 Au fond, la leçon que Philippe de Gaulle laisse à l'entièreté de la classe politique, c'est d'abord une leçon d'humilité.
02:42 On le sait aujourd'hui, l'époque souffre d'une absence de figure tutélaire au sein de la classe politique,
02:47 qui nous invite parfois à nous souvenir de cette phrase de Bernard de Chartres,
02:50 "Nous sommes des nains, mais juchés sur des épaules de géants".
02:53 Cette impression de vivre à l'ombre de notre propre histoire devient parfois un peu farcesque,
02:57 quand ça nous conduit à singer avec un faste de carnaval les grandes heures qui ont marqué le passé.
03:02 On l'a vu encore récemment quand Emmanuel Macron ou Mathieu Panneau se disputaient la postérité de Simone Veil en constitutionnalisant l'IVG,
03:08 ou quand l'ensemble de la majorité répète à nos âmes que l'on revit le retour des années 30.
03:12 Ce qu'il faut surtout dans ces heures-là, c'est s'incliner avec déférence devant les heures qui ont marqué l'histoire de France,
03:17 en assurer humblement la transmission, nous n'en sommes pas les propriétaires mais seulement les dépositaires de cette histoire,
03:23 et puis les méditer suffisamment en soi-même pour se contraindre à la même exigence.
03:27 Voici, c'est la leçon du dernier fils du général de Gaulle.
03:31 (Générique)