Il est un père, un ami, un mari.
Il est aussi le créateur et l'interprète d'un personnage flamboyant que tu connais depuis toujours : Helmut Fritz.
Dans ce nouvel épisode en 3 parties de "La Légende Personnelle", je te propose d'explorer le concept même de création.
Le parcours unique d'un homme qui voulait :
vivre une vie extraordinaire,
s'exprimer à travers la musique et l'écriture,
créer un lien fort avec le public.
Ce que tu vas découvrir :
Le parcours d'Eric Greff
La création du personnage de Helmut Fritz
Comment gérer le succès et la célébrité
L'évolution de la carrière musicale d'Eric
Les conseils pour développer sa propre marque personnelle
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Il est aussi le créateur et l'interprète d'un personnage flamboyant que tu connais depuis toujours : Helmut Fritz.
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Style de vieTranscription
00:00Il voulait avoir une vie extraordinaire, il ne voulait pas la rêver, il voulait la
00:11vivre.
00:12La vivre en montant sur scène, la vivre en accédant à des émotions exacerbées.
00:17Pour ça, il a plaqué un job bien payé avec un statut social.
00:20Il a donné raison à la passion au détriment de la raison, il a écouté son étincelle
00:25viscérale, il a tenté la pop, il voulait devenir Robbie Williams, c'était déjà
00:30Il a eu une révélation, il a pivoté, il a créé une légende.
00:33Ce délire satirique l'a propulsé au plus haut, il a incarné un personnage qui s'autorise
00:39tout.
00:40Il a chanté devant des centaines de mille personnes, il a gagné un Inage Music Award,
00:44il a été nommé victoire de la musique, il a écrit un livre, il est devenu une légende
00:48qui vit encore quinze ans après.
00:49Dans ce format en trois épisodes, je vous parle de tranche de vie, de vibrer au rythme
00:56de son rêve.
00:58Faut-il se travestir pour réussir ? Pourquoi être soi-même ne suffit pas toujours ? Ceux
01:03qui réussissent sont-ils des produits pensés et marquetés ? Comment trouver son alignement
01:08?
01:09Elliot Helmuth, Géronimo, Rémo, c'est une histoire de détermination et de témérité,
01:15celle d'un homme qui a toujours rêvé grand, un homme qui a créé une légende personnelle,
01:20poursuivre la sienne, salut Eric Greff.
01:22Salut Marine Odato.
01:25Une fois n'est pas coutume, j'ai eu envie de faire cet échange avec toi dans le cadre
01:30d'un format long.
01:31On se lance dans une mini-série en trois épisodes car il y a beaucoup de choses à
01:37raconter je trouve, à partager et puis surtout à apprendre de son parcours de vie.
01:42Ces épisodes sont dispos sur toutes les plateformes de podcast mais aussi sur YouTube et Daily
01:46Motion et ils sont très documentés.
01:49Donc si vous les regardez sur les plateformes vidéo, vous aurez le plaisir de découvrir
01:53ou de redécouvrir des images qui jalonnent le parcours de mon invité.
01:57Enfin, pour clore cette intro, je voulais remercier mon partenaire binarrative.io grâce
02:03à qui nous réalisons cette série inédite et surtout Emmanuel Kenin aux manettes.
02:08Maintenant que le décor est planté, Eric, je te propose d'ouvrir le bal avec la question
02:12qui est à la base de tout, c'était quoi ton grand rêve ?
02:16Mon grand rêve c'était de, tu l'as dit tout à l'heure, d'avoir une vie extraordinaire
02:22en décomposant le mot, c'est-à-dire une vie qui ne soit pas celle de tout le monde
02:28et qui puisse m'inspirer et me faire dire au quotidien que je suis dans le vrai et que
02:36c'est un peu la phrase de Robin Williams dans les poètes disparus, au soir de la vieillesse
02:43de ne pas me retourner pour découvrir que je n'avais pas vécu en fait, tu vois, voilà.
02:46C'est joli ça.
02:47C'est ça l'idée.
02:48Et qu'est-ce qui a déclenché ça ?
02:49Je n'arrive pas, je ne peux pas te le timer dans le temps, je pense que c'est quelque
02:55chose qui a grandi en moi au fur et à mesure des années, c'est quelque chose d'assez
03:03intérieur.
03:04Je pense qu'en voyant ce qu'est le monde, comment il fonctionne, comment il est régi,
03:10comment la société est construite avec malheureusement une façon assez robotique.
03:17Tu vois, j'ai l'image de The Wall qui me vient là, avec tout le monde qui fait la
03:24même chose, tout le monde est au pas en fait, je n'avais pas envie d'être dans cette
03:27norme.
03:28La norme me fait chier en fait et donc il fallait que je sois en dehors des clous, je
03:35ne me voyais pas vivre autrement.
03:36Depuis toujours ?
03:37Pas depuis toujours, c'est venu assez tard.
03:42J'avais l'idée de quelque chose d'extraordinaire, mais comment le concrétiser, ça c'est venu
03:48tard et j'ai quand même mis, trempé l'orteil on va dire dans la vie académique et je me
03:54suis vite rendu compte que l'eau était trop froide pour moi, donc je n'y suis pas allé
03:58et ça c'est venu un peu plus tard mais on va en parler.
04:01Alors dans Space Cats, on parle de légendes personnelles et des méthodes aussi des invités
04:06pour ceux qui créent des légendes personnelles, toi tu crées des personnages uniques, Helmut,
04:11Elliot, Remo, j'en ai parlé en introduction, pourquoi créer ces personnages ?
04:18Je crois qu'il y a plusieurs raisons, alors ça tient peut-être au fait que déjà j'ai
04:27commencé par le théâtre quand j'avais 8 ans, donc quand tu es dans la peau de personnage
04:32sur scène, c'est pas toi, donc t'as un rôle à jouer, t'as un texte à apprendre,
04:36t'as quelque chose à restituer, donc tu empruntes à ta personne de ta petite expérience
04:42de vie, à 8 ans t'as pas vécu grand chose, mais en même temps tu joues des enfants,
04:47mais du coup tu peux aller assez loin parce que c'est pas toi, donc c'est une sorte
04:52de carapace, je pense que ça, ça m'est resté et puis je sais pas, alors Helmut c'est
05:00devenu naturellement, parce que c'était un projet humoristique, donc pour l'incarner,
05:04pour le porter, il fallait un personnage assez singulier, je pouvais pas signer Eric Gref
05:08un truc comme ça, puisque je ne parle pas comme ça dans la vie, donc il fallait ça,
05:14et après sur Geronimo, Remo, ça s'est imposé avec les styles musicaux, mais de manière
05:21peut-être un peu inconsciente, il fallait qu'il y ait un blaze un peu différent, déjà
05:28parce que Eric Gref, je trouve que ça sonne pas, on s'en est parlé déjà, mais je trouve
05:34que ça sonne pas rockstar, ça sonne pas artiste, et puis finalement, quand je regarde autour
05:39de moi, même dans la pop ou dans le rap, ils ont tous des personnages, tu regardes
05:46Aurel San, c'est un personnage, tu vois Aurélien il s'est créé Aurel San, Paul il a créé
05:52Stromae, tu vois avec tout un univers visuel, graphique, vestimentaire, etc., donc c'est
05:57assez commun finalement, de se mettre en scène, et puis je finirais par te dire qu'avec
06:05les années, la réflexion qui me vient, c'est peut-être de me dire que je suis un acteur
06:09de la chanson plus qu'un chanteur en fait, et donc j'endosse des rôles comme ça, comme
06:14un acteur, alors je vais pas faire de grandes comparaisons, parce que je fais pas du tout
06:17de cinéma, mais tu vois, le grand écart entre Helmut et Remo, dont on parlera tout
06:23à l'heure, c'est un grand écart que peut faire Dujardin quand il fait Brice Denis,
06:28et après il va faire The Artist quoi, donc ça n'a rien à voir, et pourtant il va se
06:33permettre d'interpréter les deux.
06:34C'est vrai qu'on ne le voit pas forcément comme ça, on n'a pas toujours cette façon
06:39de comparer la musique et les acteurs, c'est très juste en fait, ce que tu dis, un acteur
06:45de la musique finalement, en regardant en arrière, c'est quelque chose que tu as fait
06:50de manière très intuitive, c'est intéressant, et tes inspirations, donc on va parler tout
06:57à l'heure de Helmut, mais le reste, Eliott, Remo, Geronimo, à chaque fois ça vient aussi
07:08de toi, mais tu vas chercher d'inspiration ailleurs, comment tu fais, comment ça devient ?
07:13Geronimo par exemple, c'est très perso, il y a eu une expérience assez ésotérique
07:22pour moi, j'étais dans les montagnes italiennes, on était parti avec ma famille pour faire
07:29un dernier au revoir à ma tante et pour laisser ses cendres s'en aller, on a vécu un moment
07:35assez beau, assez intense, avec une cascade, sublime, l'eau a emporté les cendres, c'était
07:41bouleversant, et je ne sais pas, au retour de ce périple, j'avais l'impression d'entendre
07:47des chants apaches, c'est très bizarre, des trucs qui raisonnaient mais qui n'existaient
07:51pas, c'est un peu parti de là, et puis quelques temps après, j'étais dans le train et je
07:58vois une quatrième de couv' de TGV Magazine qui propose l'expo Indien des Plaines au
08:04Quai Branly à Paris, donc j'y vais, et là je prends une gifle monumentale à cette expo,
08:10je rentre dans l'histoire des Amérindiens, le génocide atroce, mais tout ce qu'eux font de
08:16magnifiques, les valeurs qu'ils portent, leur esthétique, etc., et donc arrive Géronimo,
08:24comme ça, et je commence à créer cet univers country-pop un peu, et avec de nouveau un peu
08:34une carapace amérindienne, mais quand même moins poussée qu'Helmuth, en fait.
08:38On y reviendra tout à l'heure. Donc en fait, ça vient à toi, c'est ça aussi, finalement,
08:42tu as cette capacité d'observation de ce qui arrive à toi, plusieurs fois,
08:47plusieurs fois, là tu captes, en plus TGV Magazine.
08:51Ouais, c'est vrai, c'est vrai.
08:52Voilà, c'est si chiant, c'est quand même pas la truc, tu me fais un petit TGV Magazine.
08:58C'est le vogue du pauvre.
08:59Non, c'est le vogue du voyageur.
09:01Du voyageur, du voyageur.
09:02Mais donc c'est ça, tu as aussi cette capacité à observer ce qui est autour de toi,
09:06à capter les éléments.
09:08Je crois.
09:09Et derrière, aller continuer pour te créer des personnages.
09:12Ouais, c'est bien dit, et puis à me laisser faire ensuite par la façon dont je vais restituer le truc.
09:17C'est ce que tu dis, c'est très intuitif, et à chaque fois, c'est le cas.
09:22Après, Géronimo, je pense qu'on séquencera les personnages, mais il y a eu Rémo,
09:28Rémo, ça vient d'un recueil de poèmes, et ce recueil, je l'ai écrit pendant deux ans,
09:32parce que c'était une phase de ma vie où j'avais besoin d'être plus dans la sensibilité,
09:36plus dans la douceur, d'essayer de me remplir d'amour,
09:40en réaction peut-être aussi au monde tel qu'il est, tel qu'il fonctionne.
09:43Tu vois, c'était une protection.
09:45Donc, c'est des choses qui arrivent naturellement, en fait.
09:48C'est des moments de vie.
09:49Et donc, Elliot, on va passer rapidement parce que ce n'est finalement pas une très grande phase.
09:54On va y aller, mais on va en parler.
09:56Mais ce Elliot aussi, il a un rapport avec toi, ton enfance.
09:59Oui, complètement.
10:00Peter et Elliot, il a un rapport toonesque de dessin animé.
10:05Il y a aussi Elliot dans E.T.
10:08C'est le premier film que j'ai vu au cinéma avec mon père.
10:11Et donc, ce nom d'Elliot m'est resté, en fait.
10:15Et puis, Vies Extraordinaires, E.T. l'extraterrestre,
10:19tu vois, le truc pas normal, le truc que tu n'es pas censé vivre ou que tu n'es pas censé voir.
10:25Je crois que tout ça est lié, en fait.
10:26Et donc, j'avais emprunté le nom d'Elliot pour le premier projet
10:30parce que celui-là aussi, je trouvais qu'il sonnait mieux qu'Eric.
10:33Tu vois, à chaque fois, il y a un complexe du nom, finalement,
10:36ou peut-être un complexe du costume.
10:40Parce que là, tu n'avais pas créé de costume pour Elliot.
10:41Non, je n'avais pas.
10:42C'était un plus, un mindset, un nom.
10:44Ouais, ouais.
10:45J'étais quand même, j'avais les cheveux blonds péroxidés, quoi.
10:48J'avais quand même une tête, je pensais avoir une tête de punk rocker.
10:51Et quand je revois les photos aujourd'hui, on dirait un vieux fan de Rod Stewart
10:55dans Confessions intimes, tu vois, donc ça ne marchait pas trop.
10:58Mais il faut toujours se revoir avec du recul et quelques années.
11:02Mais non, il n'y avait pas de personnage,
11:04mais il y avait une tentative de look déjà, à la base.
11:07OK, OK.
11:08Et donc ça, ça te permet, tu l'as dit précédemment,
11:10ça te permet aussi d'aller plus loin, de t'autoriser plus de choses.
11:14Parce que finalement, ce n'est pas Eric que tu exposes,
11:16c'est ton personnage.
11:18C'est ça, c'est ça, c'est...
11:20Ouais, tu es dédié à la création,
11:24aux chansons et à ce que tu incarnes sur scène.
11:27Et c'est beaucoup plus, c'est toujours beaucoup plus flamboyant
11:31et beaucoup plus intéressant ce qu'on peut montrer sur scène.
11:35En tout cas, pour ma part, que dans la vie où tu es plus calme et plus,
11:39je ne veux pas dire neutre, mais pas exubérant, quoi.
11:43Alors c'est marrant ce que tu dis, parce que là, je vais te demander qui est Eric Greff.
11:47Et moi, je trouve que tu es quand même quelqu'un de flamboyant.
11:52OK, c'est gentil.
11:53Vraiment, dans ta façon d'être, dans ta façon de vivre les choses,
11:56tu es très sensible, tu reçois toutes les informations,
12:00tu ressens tout très fort.
12:04Tu as quand même cette, je ne sais pas si tu as dit, cette flamboyance en toi.
12:09Mais donc, par rapport à tous ces personnages que tu as créés,
12:12qui sont peut-être aussi des extrêmes de toi, des facettes.
12:16C'est qui Eric Greff ?
12:18Ben c'est...
12:20Merci, alors moi, je ne me trouve pas flamboyant dans la vie,
12:22je me trouve plutôt inquiet et anxieux et en recherche permanente,
12:27en doute permanente de ce que je fais.
12:30Et justement, je suis un peu l'outil au service de ces personnages.
12:36C'est-à-dire que Eric, c'est l'outil au service de la création.
12:41C'est celui qui doit observer, absorber, travailler et restituer les personnages,
12:48les différents styles musicaux que j'ai pu explorer.
12:51C'est un peu comme ça que je me vois.
12:53Après, qui je suis ?
12:54Je suis surtout quelqu'un en dehors de mon travail et de la musique.
12:59Je suis un père de famille, je suis un mari, je suis un pote,
13:02donc j'ai un peu la vie de Monsieur Tout-le-Monde,
13:04et j'aime bien cette vie de Monsieur Tout-le-Monde.
13:06Et puis, pour revenir à la question de tout à l'heure,
13:10pourquoi les personnages ?
13:10Il y a peut-être aussi cette envie absolue de garder une forme d'anonymat
13:16pour ma vie de tous les jours.
13:17Je suis très heureux quand on partage un resto
13:20ou quand on va en vacances ensemble avec des potes,
13:24de ne pas être celui qu'on remarque sur la plage,
13:27qu'on va venir emmerder pour faire 12 000 selfies
13:30ou que les paparazzis vont traquer, ça ne m'intéresse pas.
13:33En fait, ça ne m'intéresse pas et je suis très content de ne pas être là-dedans
13:38parce que j'ai envie d'avoir une vie à côté de la scène et de la création,
13:43très normale.
13:44C'est ça, vive l'extraordinaire,
13:46vive des sensations à la forte, des connexions.
13:49Et quand tu rentres chez toi, tu raccroches ton costume et tu es tranquille.
13:53Comme quelqu'un qui a un boulot plus normal.
13:56C'est ça, c'est mon job.
13:57Et c'est intéressant, donc tu dis Eric c'est l'instrument au service d'eux
14:01et tu ne dis pas c'est le créateur d'eux.
14:04Si, c'est le créateur, mais après,
14:07celui qui propose la création, qui la montre aux gens, c'est le personnage.
14:11Donc oui, je suis le créateur,
14:15mais je suis toujours celui qui amène finalement le...
14:19Putain, c'est horrible parce qu'on parle de produit,
14:22mais le produit fini, tu vois, Helmuth ou Géronimo ou autre.
14:26J'amène la version finale de l'artiste qui fait sa proposition.
14:33Finalement, c'est comme si j'étais...
14:35D'ailleurs, je suis mon propre producteur sur mes disques,
14:37mais c'est comme si j'étais un peu le marionnettiste des personnages que je vais montrer.
14:42Donc, il y a une sorte de détachement et ça, c'est assez intéressant.
14:47Oui, mais c'est marrant parce que donc, tu ne conscientises pas mon corps.
14:53Je fais de la psychologie de confort, pardon.
14:56Mais en fait, tu ne conscientises pas le fait que tu sois au-dessus de tout ça.
15:02Tu vois, quand on dit au service d'eux et pas créateur,
15:06c'est parce que tu captes tout, tu captes les sons,
15:10tu captes ce que tu vois, ce que tu ressens, etc.
15:15Et ensuite, tu crées.
15:16Et c'est ça aussi qu'on va explorer aujourd'hui.
15:19Parce qu'aujourd'hui, la création, quelle qu'elle soit,
15:21que ce soit de l'écriture, de la musique, de la peinture,
15:25c'est avant tout réussir à capter les choses
15:30pour pouvoir être inspiré et s'inspirer au quotidien.
15:33Et c'est souvent le premier frein de chacun qui te dit
15:36« Non, mais moi, je ne sais pas écrire, je ne sais pas quoi dire, etc. »
15:39Et explorer, regarder ce qu'il y a autour de soi finalement
15:42et réussir à capter ça pour en faire quelque chose,
15:46c'est faisable pour toute personne qui a pris conscience de ça.
15:49OK, je vois.
15:52Moi, je suis peut-être plus le scénariste de ce que je vais faire
15:58que le réalisateur finalement, tu vois ?
16:00La façon dont je le sens en fait.
16:02Parce qu'en plus, tout part des mots pour moi.
16:06Je suis d'abord un auteur, même dans la musique,
16:08c'est ce qui est le plus intéressant, en tout cas j'espère,
16:11ce sont mes textes.
16:14Et donc pour moi, le mot, le verbe, c'est très important
16:17et tout part toujours d'une idée écrite en fait.
16:20Que ce soit une chanson, un synopsis de clip, mon livre
16:24ou le recueil de poèmes sur Rémo,
16:27c'est à chaque fois le mot en premier et tout part de là en fait.
16:32Donc moi, je te propose de revenir en arrière.
16:33D'accord.
16:34Parce que donc, mon observation, j'ai beaucoup fouillé.
16:39Mon observation de ta vie,
16:42ça me fait vraiment penser à cette fameuse quête du héros
16:44avec des cliffhangers, avec des moments de doute, de désespoir,
16:47des moments d'extase, etc.
16:50Et donc, ça a commencé, en tout cas cette prise de conscience
16:55parce que tu disais que tu avais mis le doigt à l'orteil
16:57dans une vie normale.
16:59Mais finalement, tu as suffoqué super vite,
17:02entre ta vie dans les bouchons,
17:06parce que tu avais ton job qui était un job avec un statut social
17:10et il t'a aimé en fait aller là-bas.
17:13Au début, ouais.
17:14Et puis, tu t'es mis à suffoquer.
17:16Et puis, il y a eu une soirée où tout a basculé.
17:20Où tout a basculé, ouais.
17:22Vas-y, raconte.
17:23Alors, c'est mon deuxième job en tant que cadre chez BMW France
17:30et on fait une convention à Munich où c'est un lancement de voiture.
17:33Donc, il y a tous mes collègues, il y a tout le bord de BMW,
17:37même allemand.
17:38Enfin, c'est un peu la soirée high level
17:40où il faut être en représentation et ne pas faire de conneries.
17:45Et c'est au bout, je crois, de deux ans d'activité.
17:48Et là, je suis au bout de cette histoire.
17:52Je commence à avoir la fibre artistique qui me chatouille profondément.
17:56Donc, je suis très malheureux finalement dans ce job.
17:59Et j'étais heureux au début et là, je ne peux plus, comme tu le disais.
18:03Et au bout de quelques moritos, avec modération,
18:09au bout de quelques moritos, il y a un groupe qui est là
18:11et qui joue des reprises pop sur scène.
18:14Et je ne sais pas, je pète un câble et je monte sur scène
18:17et je dis au mec, vas-y, file-moi ton micro.
18:19Il est très choqué, mais je lui dis, t'inquiète, ça fait partie du truc.
18:24Pas du tout, en fait.
18:25Et je lui dis au mec, vous savez jouer Robbie Williams ?
18:27Ouais, ouais, ouais, on a Phil dans le répertoire, etc.
18:30On a les séquences et tout.
18:31Et ils se mettent à jouer ça et moi, je les mets à chanter ça.
18:34Et j'oublie complètement où je suis, quoi.
18:36Je vire ma veste, ma cravate et je fais le fou pendant cinq minutes
18:40et je me prends pour Robbie Williams pendant cinq minutes
18:42devant tout le bord de BMW.
18:45Et donc, je comprends à l'issue de ce truc-là
18:50que je ne fais plus partie de ce monde-là,
18:52que je viens moi-même de faire exploser,
18:57enfin de marquer vraiment la frontière entre les deux univers,
19:01de faire exploser mon taf, ma place, mon poste
19:04et qu'il faut que je m'en aille, quoi.
19:06Et donc, je démissionne le lendemain.
19:07Voilà, je me barre.
19:09Tu te barres.
19:10Je me barre.
19:10Et donc...
19:14Attends, attends, je suis perdue.
19:16Je suis perdue, je suis perdue.
19:18OK, OK.
19:20Je suis perdue, je suis perdue.
19:21OK, OK.
19:22Donc, tu pars.
19:23Là, tu démissionnes pour vivre ta vie d'artiste.
19:27Sauf que...
19:28C'est ce que je crois.
19:29C'est ce que tu crois,
19:30parce que le plan ne va pas se passer comme prévu.
19:33Ah ben non, ah non, non.
19:34Déjà, qu'est-ce que tu fais ?
19:35La première chose, tu te dis, bon allez, ça y est,
19:37donc tu deviens idiote.
19:39Oui, la première chose,
19:41déjà, je cherche des gens pour essayer de faire de la musique avec moi
19:44parce que comme je ne sais que écrire des chansons
19:46et trouver des mélodies,
19:48mais que je ne suis pas instrumentiste,
19:49j'ai besoin de gens qui travaillent avec moi,
19:50qui composent.
19:53Et ensuite, des gens qui vont pouvoir enregistrer,
19:57des ingé-sons, des beatmakers.
19:58Mais à ce moment-là, je n'y connais rien, en fait.
19:59J'ai un rêve, j'ai un fantasme.
20:02Et j'ai une certitude au fond de moi,
20:04c'est que je suis fait pour cette vie extraordinaire
20:06dont on a parlé en préambule
20:09et qu'il faut que je me bouge les fesses pour qu'elle arrive.
20:12Donc, je commence à...
20:14Je trouve des gens, je commence à faire des maquettes
20:17et à démarcher les maisons de disques.
20:20Et à côté de ça, je commence à faire des petits boulots
20:24assez difficiles pour l'ego, quoi.
20:25Quand tu sors d'une boîte où tu es cadre
20:28et où tu as utilisé ta formation,
20:32école de commerce et tout,
20:33là, finalement, tu relis tout.
20:35C'est-à-dire que tu fais un 180, quoi.
20:39Donc, c'est très compliqué et ça va durer trois ans.
20:41Trois ans de petits boulots
20:43et trois ans de démarchage porte-à-porte des maisons de disques
20:46avec des chansons pop qui n'intéressent personne.
20:49Donc, là, ça fonctionne bien.
20:53Là, tu es un peu désespéré.
20:55Je casse la figure, bien quoi, ouais, ouais.
20:57Du coup, je suis au bout et je me dis
21:01en fait, non, tu t'es gouré, ce n'est pas pour toi,
21:03personne ne veut tes chansons,
21:05tu as rêvé ton talent,
21:06tu n'es pas un entertainer,
21:08tu n'es peut-être même pas un auteur,
21:09enfin, voilà.
21:11Et va arriver une bouée de sauvetage inattendue
21:19un soir en regardant un reportage sur Karl Lagerfeld
21:23et je vais voir ce génie de la mode,
21:28finalement, montrer aux gens
21:31que lui-même s'est créé un personnage complètement.
21:36De A à Z.
21:37De A à Z.
21:38Son outfit, son accent qui est forcé.
21:42Ça, je le saurais beaucoup plus tard en lisant sa bio.
21:47Tu ne l'as jamais vu sur une plage, en fait,
21:49paparazzi à poil, ça n'existe pas, quoi.
21:52Karl Lagerfeld, c'est un personnage presque imaginaire.
21:55Pourtant, il était bien réel,
21:58paix à son âme, ce grand monsieur.
22:00Et donc, ça va m'inspirer une espèce de caricature inattendue.
22:06Je me dis qu'il faut que je parodie ce mec-là dans la musique.
22:09Il faut que je crée un avatar,
22:13un sosie, mais un peu coloré de Karl Lagerfeld dans la musique
22:18pour faire un buzz.
22:21Tu penses au buzz à ce moment-là ?
22:23Ouais, alors je pense au buzz parce que je me dis
22:25il faut que je fasse un truc fou, fort et fou
22:28pour que les maisons de disques se disent qui est ce mec
22:31et qu'elle s'intéresse à moi
22:33et que je puisse leur proposer mes vrais sons, en fait, derrière.
22:36Au départ, c'est ça, la démarche.
22:38C'est-à-dire, c'est une feinte.
22:39C'est un hack, comme on dit aujourd'hui dans l'entrepreneuriat.
22:43Exactement, ouais.
22:45Et je ne m'attends pas à ce que ça marche aussi fort
22:49et à ce que ça change,
22:51que ça fasse bouger toutes les lignes de ma vie, en fait.
22:54Et tu vois, je reviens là-dessus parce que c'est marrant.
22:57Tout à l'heure, tu disais Géronimo, t'as entendu, t'es dans l'observation, etc.
23:01Karl Lagerfeld, l'accent allemand,
23:03en tout cas, toi, tu viens de l'Est de la France,
23:05tu sais le faire.
23:07Karl Lagerfeld, souvent, tu l'imitais aussi,
23:10mais c'est en voyant ce reportage que ça te saute vraiment aux yeux.
23:16Tu te dis, mais bien sûr, évidemment, je peux le faire.
23:19Je m'amuse tout le temps à faire l'accent allemand.
23:20C'est facile parce que quand on crée un personnage,
23:23il est complexe, ce personnage.
23:26Il faut le tenir sur la durée.
23:28Et toi, en l'occurrence, tu l'as tenu quand même assez longtemps.
23:34Ok, donc tu te dis, il faut que je fasse ce personnage.
23:37Et là, à ce moment-là, tu travailles avec d'autres personnes sur la pop.
23:41Oui.
23:42Avec ton pote Momo, c'est ça ?
23:43Oui, absolument.
23:44Qui ne fait pas du tout d'électro.
23:45Pas du tout.
23:47Qui déteste même cette musique.
23:48Tu détestes ?
23:48Oui, oui, parce que lui, c'est un vrai musicien.
23:51Quand je lui dis qu'il faut qu'on fasse un morceau électro
23:54et qu'on essaie de faire un buzz, il ne comprend pas.
23:56Il me dit, mais ça fait des mois et des mois
23:58qu'on travaille sur des chansons de pop,
24:00que tu te fais chier à cisder des textes.
24:03Moi, je trouve des mélodies au clavier,
24:05parce qu'il a fait American School, donc il est super doué, etc.
24:09Et je lui dis, ouais, mais tu vois bien qu'on n'y arrive pas, ça ne prend pas.
24:11Donc, il faut juste qu'on ruse un petit peu, quoi.
24:14Et donc, on va maquetter un truc pseudo électro.
24:19Enfin, quand je réécoute la maquette aujourd'hui,
24:21je me dis que c'était quand même bien improbable.
24:23Il y avait déjà le texte.
24:24L'intention était là.
24:26La mélodie du refrain était là.
24:28Et il y avait un son qui n'était pas possible.
24:30Et ensuite, avec les rencontres, tout a changé.
24:33Et donc, vous faites la maquette.
24:35Tu la postes sur Myspace.
24:37Et qu'est-ce qui se passe à ce moment-là ?
24:38Je l'envoie à ce moment-là.
24:39Je l'envoie à Bob Sinclar, à David Guetta, à plein de DJ.
24:45Et c'est un autre qui va répondre, qui s'appelle Laurent Conrad,
24:49qui avait fait un an avant un succès qui s'appelait Disco Beach
24:53et qui n'arrivait pas à créer la suite.
24:56Et donc, il m'appelle et il me dit, j'adore ce texte.
24:59Moi, je sais faire du son.
25:01Je suis plugé chez Sony Musique.
25:03Est-ce que ça t'intéresse qu'on se rencontre et qu'on travaille ensemble ?
25:05Et la version finale de la chanson va naître de cette rencontre, en fait.
25:09OK. Et donc, la version finale, ça donne ça.
25:12Magnéto.
25:31C'est pas moi.
25:55On ne te reconnaît pas.
25:57On ne te reconnaît pas.
25:58C'est dingue.
25:59Tu as un costume.
26:01Tu n'en pouvais plus du snobisme parisien.
26:04T'as écrit Serminia, on ne voulait pas d'Elliott.
26:06T'as écrit Elwood, on t'a parlé de ce fameux hack.
26:10Ce qui est intéressant aussi, c'est que tu as créé une case qui n'existait pas.
26:14Il n'y avait pas de personnage comme le tien,
26:17aussi acerbe, qui passe tout le monde au crime.
26:21Enfin, c'est aussi un peu dangereux.
26:23C'est-à-dire que là, tu t'en prends un peu à tout le monde,
26:25toute la société parisienne, etc.
26:27En même temps, sur le ton de l'humour,
26:30en même temps avec une musique qui est super tendance,
26:33bien écrite.
26:34Enfin, je veux dire, ce n'est pas un truc débile.
26:38Il y avait un peu Fatal Bazooka, tu vois,
26:43mais qui n'était pas dans ce texte.
26:45On n'était pas sur du texte.
26:46On reste quand même, c'est là, c'est fort.
26:49C'est qu'on reste sur de la chanson à texte.
26:52J'ai envie de dire, je fais exprès.
26:54Tu vois, je grossiterai.
26:55Mais quand on le lit, il y a une vraie histoire.
26:58Il y a une vraie revendication.
27:00Ah ben, il y a une revendication.
27:02Et puis, si on doit parler,
27:03si on doit aller sur le terrain du marketing,
27:06tu te rends compte que finalement, c'est une chanson.
27:09Bon, c'est anti-consumériste, anti-snobisme parisien.
27:12Mais c'est aussi une chanson qui parle de l'expérience client.
27:14Parce que tu es un client qui est déçu partout.
27:17Au Costes, on te jette.
27:18Chez Zadig, il y a une rupture de stock.
27:20Chez Weston, bon là, c'est le client qui est con,
27:22qui envoie chier la vendeuse en disant non.
27:24Donc, c'est que de l'expérience client finalement.
27:26Donc, c'est assez drôle parce qu'il y a une passerelle quand même vers le commerce.
27:33Oui, c'est ça.
27:34Et alors, ça prend.
27:36Et qu'est-ce qui se passe à ce moment-là ?
27:38Il se passe que j'écris la maquette en octobre 2008.
27:44Je la signe avec Sony en février 2009.
27:48Et qu'en mars 2009, je fais mon premier Energy Tour devant 8000 personnes.
27:56Déguisé en Helmut Fritz avec une queue de pille, des lunettes monstrueuses, un look improbable.
28:03Mais à ce moment-là, je m'en fous complètement de ne pas être dans ma peau de chanteur pop,
28:08lover qui est mon fantasme de base, l'étincelle pour entrer dans ce métier.
28:14Là, je suis une caricature.
28:15Mais je suis une caricature flamboyante, un peu super-héros quoi.
28:21C'est-à-dire que je vais brûler la scène.
28:24Littéralement, je vais entrer.
28:27Je suis attendu puisque le titre passe déjà en boucle sur Energy.
28:30Donc, les gens connaissent.
28:32À ce moment-là, très rapidement, ça atteint la première place des charts.
28:36Et donc, on m'attend.
28:37Et je sais qu'on m'attend.
28:38Et donc, je suis galvanisé quoi.
28:39Et donc, j'arrive, je prends la scène.
28:42Et enfin, je retrouve mes sensations organiques de la scène de mes premières années de théâtre
28:47avec des gens qui hurlent, qui lèvent les bras.
28:49Et je me dis, ça y est, me voilà à ma place.
28:52En fait, c'est ça.
28:53C'est-à-dire que depuis toujours, tu recherches ce moment que tu avais ressenti quand tu avais 8 ans.
28:59C'est ça.
28:59C'est ça ?
29:00C'est exactement ça.
29:01Oui.
29:02Est-ce que tu crois, parce qu'à l'époque, il n'y avait pas TikTok.
29:04Mais est-ce que tu crois que si en 2009, il y avait TikTok, Samy Nafs aurait donné ça ?
29:21Quand je dis, ça aurait donné ça, tu vois, au niveau de l'écho, la portée.
29:30La portée.
29:31J'en sais rien, j'en sais rien du tout.
29:33Je pense que Samy Nafs est arrivé à une époque où on n'attendait pas ce personnage improbable,
29:42ce format musical humoristico-électro.
29:47Enfin, on l'appelle comme on veut quoi.
29:48Cette nouvelle case.
29:50Cette nouvelle case.
29:50Aujourd'hui, il y a beaucoup plus d'offres.
29:52Il y a beaucoup plus de choses.
29:53Peut-être que ça n'aurait pas pris du tout.
29:55Ou peut-être qu'effectivement, avec cette ouverture de TikTok sur le monde et cette
30:00rapidité de propagation des musiques, des vidéos, de la création finalement, ça aurait
30:09pu donner ça.
30:10Mais d'ailleurs, c'est drôle que tu aies passé cet extrait parce que, je vais le dire
30:14sans orgueil mal placé, un peu quand même, je pense que Psy, avant de créer son personnage,
30:21a dû voir le clip de Samy Nafs parce qu'on en a beaucoup parlé.
30:25Il y a quand même beaucoup de similitudes dans le look, dans les attitudes, dans ce
30:28côté rageux.
30:31Je ne peux pas croire que ce soit un hasard en fait.
30:35Mais tant mieux, tant mieux.
30:36Parce que ça a quand même mis le quartier mondial, Samy Nafs.
30:38Oui, enfin, beaucoup moins que Gunnerside.
30:41Oui, mais on n'était pas à l'époque exponentielle des réseaux sociaux.
30:46Non, c'est vrai.
30:47Lui, je crois que c'était en 2014, t'étais en 2009, ce n'était pas tout à fait la
30:50même chose.
30:51Oui.
30:51Donc là, on arrive au moment où t'es hyper successful et ça arrive comme ça.
30:56Enfin, c'est-à-dire, ça arrive comme ça.
30:58T'as bossé dedans avant et tu l'as tenté.
31:00Ça arrive vite.
31:01Mais ça arrive vite.
31:02Ça arrive vite.
31:02Comment est-ce que tu gères ça ? Parce qu'en fait, du jour au lendemain, t'as
31:06essayé du parfait de t'as connu à celui qui est invité partout, on n'est quand
31:10même pas câblé pour gérer ça.
31:12Non, on n'est pas câblé.
31:14On rentre dans une espèce de spirale où finalement, très rapidement, c'est drôle,
31:21mais on ne se pose plus de questions.
31:22C'est-à-dire que comme on a une équipe, des attachés de presse pour la radio, pour
31:27la presse écrite, pour la télé, on a un planning qui se remplit extrêmement vite.
31:31On est un peu comme une boule de flipper et on va là où ça tire.
31:36Il faut aller là, lundi c'est là, mardi c'est là, mercredi c'est Ruquier, jeudi
31:42c'est Le Grand Journal.
31:43Ce n'est pas que tu trouves ça normal, c'est que finalement, tu te dis c'est comme
31:45ça, tu y vas et tu n'as pas le temps de réfléchir.
31:48Et tu prends plus tard, beaucoup plus tard, la mesure de tout ça, de ces émissions énormes,
31:55des audiences qu'il y a pu y avoir, de pourquoi on t'a fait venir, etc.
31:59Mais sur le coup, juste t'enchaînes, t'enchaînes, t'enchaînes et tu te stabilises
32:06quand tu peux rentrer chez toi avec ta femme et quand tu peux aller boire un coup avec
32:10tes potes et dire ok, je débranche, mais putain, quel job quand même, c'est ouf.
32:16J'ai passé ma journée à discuter avec Michel Benizot plutôt qu'à vendre des
32:23bagnoles comme je le faisais avant, donc c'est assez fou, c'est assez fou.
32:26Mais t'arrives à ne pas péter les plombs, t'arrives à rester suffisamment ancré.
32:29Oui, parce que j'ai 34 ans en ce moment-là, donc j'ai...
32:32Mais tu pètes les plombs à 34 ans.
32:33Oui, mais je veux dire, j'ai quand même vécu certaines choses, j'ai fait mon école
32:38de commerce, j'ai taffé dans pas beaucoup de boîtes, mais j'ai bossé vraiment.
32:42Ensuite, il y a eu les années où c'était difficile et donc là, j'ai juste envie de
32:47savourer, mais de savourer avec un peu de raison.
32:52Oui, c'est un choix.
32:53C'est un choix, voilà.
32:54Donc, je ne m'enflamme pas, je ne fais pas le con, je préserve ma famille et je ne m'enflamme
33:03même pas sur l'oseille parce qu'aussi, très rapidement, tu rentres d'un seul coup
33:06beaucoup d'argent et tu peux faire de la merde, tu peux faire n'importe quoi.
33:13Là, c'était big up, encore une fois, à ma copine de l'époque qui est devenue ma
33:18femme après, qui m'a dit, fais attention, les impôts vont arriver, ça va faire mal,
33:23donc fais gaffe.
33:24Et je pense que j'ai fait gaffe et que j'ai géré ça plutôt bien.
33:27Oui.
33:28Alors, pendant quasiment deux ans, tu fais des concerts.
33:33À part l'alcool.
33:33Ah oui, on en reparlera.
33:35C'est vrai que ça, c'était un peu le démon.
33:37Mais parlons-en maintenant.
33:39Si tu veux.
33:41C'est vrai que c'est la seule chose que tu as eu du mal à utiliser.
33:44Mais Helmut est un démon, en fait.
33:46Helmut, c'est ce que je dis dans mon bouquin, en fait, c'est le doppelganger.
33:51D'ailleurs, c'est drôle parce qu'en plus, ça vient du folklore allemand.
33:56Le doppelganger, c'est le jumeau maléfique.
34:00Le jumeau maléfique.
34:01Le jumeau maléfique qui est de très mauvais conseils.
34:05Et qui t'induit en erreur.
34:07C'est très perturbant quand j'ai découvert cette histoire de doppelganger.
34:12Parce que c'est le sosie mais qui n'a pas d'ombre.
34:15Qui n'a pas de reflet dans le miroir.
34:17Mais qui est là et qui t'incite, tu vois.
34:20Et donc, moi, ce jumeau maléfique, pendant toute la période de Successful sur scène en club.
34:28Déjà, c'est très particulier le club parce que tu passes très tard.
34:31Les showcases, c'est à deux heures et demie du matin.
34:34Donc, il faut tenir jusque là.
34:36Et comme je suis dans une spirale de succès.
34:39Où à ce moment-là, je me dis...
34:42Il y a une petite voix qui me dit, ça ne s'arrêtera jamais.
34:46C'est la voix du doppelganger, tu vois.
34:49Donc, je fais la fête.
34:50Et avec ceux qui veulent bien m'accueillir.
34:53Je ne prends pas de drogue.
34:54J'aurais pu.
34:55Mais je pense que mon instinct de survie m'a empêché d'aller sur les drogues.
35:00Mais par contre, je m'alcoolise pas mal.
35:02Parce que...
35:04C'est le contexte, en fait.
35:06J'arrive à l'heure des balances à 20 heures.
35:08Apéro, on picole, on va au resto, on repicole.
35:10Entre deux, il faut attendre.
35:12C'est ultra festif.
35:14Et puis, ça m'aide à me désinhiber aussi, tu vois.
35:16Ça m'aide à rentrer dans le personnage.
35:18À être fou.
35:20Et comme j'ai des scènes qui sont très...
35:22Un public qui est très électrique.
35:26Des très jeunes gens en boîte qui, eux aussi, ont fait la fête.
35:30Ils sont bien chauds.
35:32Ça hurle.
35:34Ça m'énerve. Ils la connaissent par cœur.
35:36Ils la chantent.
35:38Il faut que j'arrive avec une folie un peu rockstar.
35:40Je ne peux pas arriver tranquillement et juste dérouler mon morceau.
35:42Donc, je me mets en condition.
35:44Et je me mets en condition.
35:46Et en me mettant en condition, je bois un peu trop.
35:48Et je m'abime un petit peu.
35:50Je ne sais pas la gueule qu'a mon foie aujourd'hui.
35:52Je me suis bien calmé depuis.
35:54Mais je ne me fais pas que du bien.
35:56Pour être clair.
35:58Et c'est finalement la seule pente sur laquelle tu as un peu...
36:02Ouais.
36:04C'est ça.
36:06Et tout seul aussi, tu as réussi à...
36:08Je me suis raisonné.
36:10Parce que c'est toujours très compliqué de se dire
36:12est-ce qu'on est alcoolo ou pas.
36:14Je n'ai jamais senti le besoin absolu
36:16de boire à un moment donné de la journée.
36:18Mais par contre,
36:20quand tu es tous les week-ends
36:22à faire apéro, dîner,
36:24aller boire un verre après,
36:26dans la loge.
36:28Au moment donné,
36:30tu es alcoolo par rapport à la quantité que tu bois.
36:32Tout simplement.
36:34Même pas par rapport au fait d'avoir envie d'eux.
36:36Mais par rapport à la quantité que tu ingurgites.
36:38C'est colossal.
36:40Mais c'est limité.
36:42De toute façon, on t'en donne toujours plus.
36:44C'est ça.
36:46Pendant deux ans,
36:48tu fais des concerts.
36:50Tu fais des radios.
36:52C'est la folie.
36:54Tu l'as dit tout à l'heure,
36:56depuis le début,
36:58Helmut, c'est un hack.
37:00Pour accéder au succès,
37:02à la notoriété.
37:04Un hack qui dure.
37:06Et pour avoir
37:08le bon network pour derrière
37:10pouvoir te lancer.
37:12En deux millions, si tu te dis
37:14la blague a suffisamment duré,
37:16c'était sympa,
37:18mais c'est le moment de passer à la suite de ton plan.
37:20C'est ça.
37:22Et ton plan c'était ça.
37:50J'ai pas réécouté cette chanson
37:52depuis des années.
37:54C'est bizarre.
37:56Cette chanson,
37:58tu l'avais, je crois,
38:00d'abord sortie sous Elliot.
38:02Et puis,
38:04tu t'es dit, elle est belle cette chanson.
38:06Je me laisse convaincre,
38:08bêtement par mon chef de projet,
38:10d'utiliser mon vrai nom,
38:12ce que je voulais jamais faire.
38:14Donc tu avais quand même ton chef de projet avec toi.
38:16Nouveau chef de projet.
38:18Nouveau label.
38:20En fait, à ce moment-là, tu te dis,
38:22transition, Elliot, Eric Gray.
38:24Je change de label chez Sony.
38:26Je passe de Smart, qui est le label marketing
38:28à Columbia, qui est un label
38:30plus noble et plus artiste.
38:32Je suis super content.
38:34Et donc, je propose
38:36cette première chanson sous mon vrai nom.
38:38Mais donc, ça veut dire que
38:40chez Sony, ils étaient OK
38:42pour travailler avec toi
38:46sur cette EP.
38:48Plus ou moins.
38:50Ils me sortent cette chanson
38:52un peu comme service rendu
38:54pour le succès d'Elmoot.
38:56Ils ne sont pas ultra enthousiastes.
38:58Ils ne sont pas au taquet.
39:00Sauf que moi,
39:02j'insiste énormément.
39:04Et à un moment donné,
39:06on me dit, OK, on va sortir un single.
39:08Et je leur dis, mais vous allez voir,
39:10ça va cartonner.
39:12Après, derrière, c'est vous qui allez me supplier
39:14de vous ramener l'album.
39:16Et puis,
39:18c'est un four
39:20monumental.
39:22Ça ne marche pas.
39:24Et en fait,
39:26à ce moment-là,
39:28tu es dégoûté.
39:30Je suis dégoûté.
39:32Pourquoi les gens ne te suivent pas ? Pourquoi le public
39:34n'est pas là ?
39:36Je suis à ce moment-là extrêmement naïf.
39:38Et je me dis, ça y est,
39:40les gens ont découvert Elmoot Freeds.
39:42Ils vont vouloir savoir qui est Rick Graef
39:44et quelle est la suite
39:46de l'aventure.
39:48Qu'est-ce qu'il va vouloir proposer ?
39:50Sauf que pas du tout, en fait.
39:52À ce moment-là, je pense qu'il y a un manque
39:54de discernement.
39:56Parce que comme j'ai tout vécu dans cette spirale,
39:58je n'ai même pas le temps de réfléchir.
40:00J'ai juste envie très vite de passer à la suite.
40:02Mais je ne comprends pas une chose,
40:04c'est que
40:06Elmoot Freeds,
40:08ça m'énerve.
40:10C'est une chanson.
40:12C'est un jouet pour les gens.
40:14C'est un moment de divertissement absolu.
40:16À aucun moment, ils se disent,
40:18est-ce qu'il y a un artiste derrière ?
40:20C'est qui le mec ? Qu'est-ce qu'il a à proposer ?
40:22D'ailleurs, est-ce que c'est un vrai artiste ?
40:24Est-ce que c'est un truc complètement orchestré par une maison de disques ?
40:26Est-ce que le type n'est pas même juste un visuel ?
40:28Ils ne savent pas qu'à ce moment-là,
40:30je sors de trois ans de galère,
40:32que je fais ce hack, que je l'écris,
40:34que je l'invente, etc. Ils n'en savent rien.
40:36Et à la limite, ils s'en foutent.
40:39Consommer, ça m'énerve.
40:41Se marrer, exulter
40:43dans une séance photo
40:45ou dans un camping.
40:47Donc là, je me dis,
40:49ils vont vouloir savoir qui je suis.
40:51Et en fait, non.
40:53Ils ne sont pas réceptifs.
40:55Mais ils ne le sont pas aussi
40:57parce que je n'arrive pas
40:59à passer la barrière des médias,
41:01radio notamment.
41:03Pourquoi ?
41:05Parce qu'on ne suit pas.
41:07C'est là où il y a une vraie fracture
41:09par rapport au monde du cinéma
41:11dont vous parliez tout à l'heure.
41:13C'est que dans la musique,
41:15en tout cas en France,
41:17on ne te laisse pas aller
41:19sur plusieurs terrains
41:21et on ne veut pas...
41:23Je fais une analyse plus globale
41:25parce que je viens de dire
41:27qu'ils s'en foutaient.
41:29C'était normal parce qu'ils me connaissaient.
41:31Ils me connaissaient.
41:33Ils me connaissaient.
41:35Ils s'en foutaient.
41:37C'était normal parce qu'ils me connaissaient
41:39que sur El Mout.
41:41Mais j'ai aussi compris avec le temps
41:43que quand tu vas sur plusieurs terrains,
41:45dans la musique, les médias,
41:47on a du mal à te laisser faire
41:49parce qu'ils sont rassurés
41:51quand ils connaissent quelque chose de toi.
41:53Ils n'ont pas forcément envie
41:55que tu leur vendes autre chose.
41:57Donc pour eux, reste dans ta case
41:59et puis tout ira bien.
42:01Ils sauront quoi vendre à leurs auditeurs
42:03parce que si tu as une chanson électro-humoristique
42:05et que tu arrives en Eric Greff
42:07avec une chanson pop, rock, guitare
42:09avec un texte sensible,
42:11tu es à contre-courant
42:13donc ils ne comprennent pas.
42:15Donc là, on n'est pas dans le cinéma.
42:17On ne dit pas, tiens, j'ai joué
42:19et j'ai été Coluche,
42:21maintenant je veux faire mon Ciao Pantin.
42:23Ce n'est pas possible en fait.
42:25Et alors, à ce moment-là,
42:27tu as une conversation avec le boss de Sony
42:29qui va te faire changer
42:31et tu lui as tout remercié.
42:33Oui, il veut me faire revenir à Elwood
42:35et il me dit, mais tu n'as pas tout donné,
42:37ton switch est beaucoup trop tôt.
42:41Il est de bons conseils
42:43mais c'est aussi un conseil qui va dans le sens de Sony.
42:45C'est-à-dire que
42:47lui se dit, la marionnette, on ne l'a pas encore assez pressée,
42:49on peut encore en faire quelque chose
42:51mais quand même, il voit bien
42:53que je suis
42:55abattu par l'insuccès
42:57de Il est temps
42:59et donc il me dit,
43:01tu veux faire quoi ? Ton personnage, il a encore une vie.
43:03Et là, je suis donc
43:05dans cette fameuse naïveté
43:07de ne pas comprendre, à ce moment-là,
43:09qu'Elwood, c'est le personnage d'une chanson
43:11et je me dis, bon, il a peut-être raison,
43:13il faut que je le fasse encore
43:15perdurer
43:17mais il faut que je le fasse à ma façon
43:19et il faut que je fasse une sorte de transition
43:21plus douce d'Elwood à Eric
43:23pour que les gens comprennent
43:25que je suis un artiste à texte,
43:27sensible, etc.
43:29Et donc, je vais proposer un double album
43:31première galette
43:33je dis galette parce que c'était encore la CD physique
43:35de compo
43:37original électro
43:39donc Brandé-Elwood
43:41et un deuxième disque de duo
43:43avec des artistes
43:45chanteurs, acteurs
43:47un peu plus
43:49on va dire
43:51avec une volonté de crédibilité
43:53artistique supérieure pour dire
43:55là je chante un peu
43:57là c'est ma vraie voix sur les refrains
43:59et je m'embrouille
44:01dans un truc que
44:03finalement, j'intellectualise beaucoup trop la démarche
44:05et c'est absolument pas compris
44:07absolument pas reçu
44:09et là encore, mur total.