Michel Maffesoli : "La fin de l'idéal démocratique est en train de se manifester"

  • il y a 2 mois
Avec Michel Maffesoli, sociologue et auteur de "L'ère des soulèvements" publié aux éditions du Cerf.

Retrouvez Bercoff dans tous ses états avec André Bercoff du lundi au vendredi de 12h à 14h sur #SudRadio.

---
Abonnez-vous pour plus de contenus : http://ow.ly/7FZy50G1rry

———————————————————————

▶️ Suivez le direct : https://www.dailymotion.com/video/x75...
Retrouvez nos podcasts et articles : https://www.sudradio.fr/

———————————————————————

Nous suivre sur les réseaux sociaux

▪️ Facebook : https://www.facebook.com/profile.php?id=100063607629498
▪️ Instagram : https://www.instagram.com/sudradioofficiel/
▪️ Twitter : https://twitter.com/SudRadio
▪️ TikTok : https://www.tiktok.com/@sudradio?lang=fr
———————————————————————

☀️ Et pour plus de vidéos de Bercoff dans tous ses états : https://www.youtube.com/playlist?list=PLaXVMKmPLMDQe5oKZlhHutOQlGCq7EVU4

##LE_FAIT_DU_JOUR-2024-07-12##

Category

🗞
News
Transcript
00:00Edith Piaf qui chante un chant révolutionnaire de 1789.
00:10Avant-hier, Adrien Quatennens twittait « Alerte, Macron veut nous voler la victoire et manœuvrer pour faire barrage à l'application du programme du nouveau Front populaire.
00:18Le seul souverain que la République connaisse, le peuple doit le faire céder. Pourquoi pas une grande marche populaire en direction de Matignon ? »
00:25Toujours sur Twitter, Philippe Poutou du NNPA et qui était candidat aux législatives pour le nouveau Front populaire dans l'Aude, je cite « Il est quand même très probable que pour obtenir un gouvernement de gauche menant une politique de gauche,
00:37il faille pousser très fort par en bas par une mobilisation unitaire des manifs, des grèves. C'est notre seule façon de contrer les manœuvres et l'hostilité des dominants.
00:45La CGT cheminot appelle à des rassemblements devant les préfectures et l'Assemblée nationale le 18 juillet pour exiger un gouvernement du nouveau Front populaire,
00:53tandis que pour Sophie Binet, la secrétaire générale de la centrale syndicale, le pays va plonger dans le chaos si le choix des urnes n'est pas respecté.
01:01Est-ce que maintenant la politique va se faire dans la rue ? On va en parler avec Michel Maffesoli, professeur émérite de sociologie à la Sorbonne
01:07et auteur du livre « L'ère des soulèvements » publié aux éditions du CERF. Michel Maffesoli, bonjour.
01:13Bonjour, bonjour cher ami, bonjour.
01:15Bienvenue sur Sud Radio. Est-ce que ces appels à la rue sont surprenants pour vous ?
01:21Non, pas du tout. Enfin, en même temps, je pense qu'il faut un tout petit peu relativiser, c'est-à-dire que le port Câthénens n'a pas pu se présenter aux élections.
01:31Concernant Poutou, je dirais que c'est son fond de commerce. Un ancien trotskiste va jouer un peu sur ces processus de violence.
01:40Et puis, pour les syndicats en perte de vitesse tels que ceux que vous avez cités, eh bien, là encore, c'est une manière d'exister.
01:48Voilà, donc je relativiserai les prises de position que vous venez de souligner.
01:52Sur le fond, par contre, pour moi, nous assistons à la fin d'une époque.
01:58La modernité s'achève et les crises que l'on voit politiquement et à bien des niveaux rendent attentif à cette fin d'époque.
02:07Et chaque fois qu'il y a une fin d'époque, soyons clairs, bien évidemment, il y a de la violence.
02:12J'ai écrit ce livre qui s'appelle « L'ère des soulèvements » pour rendre attentif au fait que depuis les Gilets jaunes,
02:19en passant par le convoi des libertés ou les diverses manifestations ici ou là, on est dans un moment où,
02:25oui, n'ayons pas peur du mot, le désordre ou la violence va régner.
02:29En même temps, puisque le mot a été employé tout à l'heure par vous, soyons attentifs au fait qu'à certains moments, il y a du chaos.
02:37Mais si je puis le dire au travers d'une formule un peu ésotérique de la pensée profonde, ordo ap cao,
02:45c'est-à-dire que régulièrement, chaque 3-4 siècles, il y a toujours du chaos pour arriver à un nouvel ordre.
02:51C'est mon hypothèse.
02:53D'une certaine manière, il y a un ordre en gestation et entre le moment intermédiaire pour arriver à cet ordre,
03:01bien évidemment, c'est quelque chose, n'ayons pas peur des mots, cela peut un peu choquer ce que je vais dire,
03:07mais qui est de l'ordre de la violence.
03:09Au-delà des personnes que vous avez citées, le phénomène beaucoup plus profond, c'est qu'il va y avoir pas mal d'insurrections.
03:15Certains parlent d'appel à la sédition. Êtes-vous d'accord avec cette analyse ? Et avec le mot sédition, évidemment.
03:23Oui, sécession, sédition.
03:26Écoutez, permettez-moi, puisque vous savez que je suis un vieux prof à Sorbonne, d'être un peu pédant.
03:32Je rappelle ce que disait Machiavel.
03:36Il montrait qu'à certains moments, il y avait une différence entre la pensée du palais et la pensée de la place publique.
03:43Et qu'à ce moment-là, il y avait une sécession, une sédition.
03:47C'est-à-dire que, de fait, le peuple ne se reconnaît plus dans ce qui sont censés être ses représentants.
03:53Et, de fait, il y a quelque chose qui est la sécession.
03:56Alors, à même temps que cela soit récupéré, vous m'avez compris, par les politiques, c'est leur métier.
04:02Mais il n'en reste pas moins qu'il faut avoir le courage de reconnaître qu'actuellement, le peuple ne se sent plus représenté.
04:09On l'a vu par rapport aux dernières élections, mais on le voit d'une manière récurrente, en quelque sorte.
04:14Les élites au pouvoir, ceux qui ont le pouvoir de dire et de faire, journalistes, politiques surtout, experts de tous ans, sont totalement défasés.
04:23Et donc, du coup, à ce moment-là, il y en a assez.
04:26Et, de fait, le processus de sédition, il est d'abord, avant tout, dans la classe populaire.
04:31Moi, je crois qu'au lieu d'être attentif au peuple, on a peur d'en parler.
04:35On parle de populisme.
04:36Pour moi, je considère qu'il va y avoir des manifestations de plus en plus fortes.
04:41– Mais reconnaissons quand même qu'on a un peu une Assemblée nationale de proportionnelle élue au scrutin majoritaire.
04:47Un scrutin majoritaire qui a interdit, notamment à un parti qui avait pourtant déjà beaucoup de voix le Rassemblement National,
04:53d'être présenté au Palais Bourbon.
04:55Aujourd'hui, on peut dire que, peu ou prou, cette Assemblée nationale,
04:59elle représente, grosso modo, la politique française, le paysage politique français avec trois blocs,
05:05qu'on soit content ou pas.
05:08– Oui, sinon, soyons clairs.
05:11Moi, je suis universitaire, donc je n'appartiens à aucun parti.
05:17Mais il n'en reste pas moins que les 10 millions de voix du Rassemblement National,
05:22finalement, ne lui donnent pas grand-chose à l'Assemblée.
05:25Et que le fameux Front républicain a joué un rôle qui n'est pas un rôle qui est à l'avantage du peuple.
05:32Voilà, donc du coup, peu à peu, cela va se savoir.
05:36Et du coup, cela va susciter toute une série de sécessions, je pense, d'insurrections de divers ordres,
05:44au-delà, encore une fois, de la tripartition de l'Assemblée.
05:48– Mais Michel Maffezoli, vous dites que le Rassemblement National n'a pas eu le nombre d'élus qu'il aurait eu
05:53s'il n'y avait pas eu le fameux Front républicain entre la majorité et le nouveau Front populaire.
05:58Mais ce n'est pas le Rassemblement National qui appelle à manifester devant les préfectures,
06:02ce n'est pas lui qui appelle à demander à marcher sur Matignon,
06:05et ce n'est pas lui qui demande des grèves, on est bien d'accord là-dessus ?
06:09– Tout à fait, et il a bien raison, disons, de jouer son rôle de modérateur en la matière.
06:13Moi, je dis que certains partis, je l'ai dit depuis le début, depuis tout à l'heure,
06:18certains partis ou certaines personnalités, telles que celles que vous avez citées tout à l'heure,
06:25je dirais, vont profiter, c'est leur métier, pour en quelque sorte se mettre en avant.
06:30Je maintiens qu'Athénens, non élu, n'ayant pas pu se présenter,
06:36Poutou, ayant subi le sort que l'on sait,
06:39les syndicats qui ne représentent, soyons clairs, plus grand chose,
06:43profitent en quelque sorte de ce sentiment de sécession,
06:47du fait que le peuple ne se sent pas fondamentalement représenté,
06:51et du coup vont se servir de ça pour appeler à l'insurrection.
06:54Mais pour moi, prenons ce mot dans le sens simple du terme,
06:58ce sont des récupérations politiques.
07:01Il me paraît beaucoup plus intéressant, et c'est là-dessus qu'il faut réfléchir,
07:04c'est là-dessus dont on a peur, et à bien des égards, à juste titre,
07:09c'est que nous sommes dans une période qui va être une période insurrectionnelle.
07:14Qu'après, un certain nombre de gens le récupèrent, ça c'est leur problème,
07:17je dirais, pour exister, si je puis dire, pour le dire un peu brutalement.
07:21Mais il n'en reste pas moins, et que certains, tel le RN,
07:25avec justesse et modération, ne rentrent pas dans ce jeu de récupération,
07:30c'est légitime, et cela correspond, un peu de mon point de vue, à ce qu'ils représentent.
07:34Mais il n'en reste pas moins que la violence va être là.
07:37– Michel Maffesoli, est-ce que le fait qu'un syndicat se joigne aux appels des politiques,
07:41notamment à manifester devant les préfectures et à la grève générale,
07:45ça ne met pas une pression supplémentaire sur Emmanuel Macron
07:49pour nommer un Premier ministre du Nouveau Front Populaire,
07:52sachant qu'on est à une dizaine de jours, une grosse dizaine de jours,
07:55du début des Jeux Olympiques, et que si jamais on bloquait les trains,
07:58les métros, les RER, les aéroports et tout y quanti,
08:01ça pourrait complètement pourrir, il n'y a pas d'autre mot, l'organisation des Jeux ?
08:06– Ça c'est clair, je pense que là-dessus, si vous voulez,
08:09qu'encore une fois, les syndicats, même s'ils ne représentent pas grand-chose,
08:13puissent appeler à la révolte avant les Jeux Olympiques,
08:17je dirais que c'est dans l'ordre des choses.
08:19Le vrai problème tout de même, et ce n'est pas l'objet de notre débat actuellement,
08:24c'est la dimension totalement scandaleuse d'un Président de la République
08:29qui ne représente plus grand-chose, qui fait de la théatrocratie,
08:33qui joue de la théâtralité, et donc bien évidemment,
08:37le vrai problème de fond, il est là, c'est-à-dire,
08:41puis-je encore citer une phrase de l'Ancien Testament qui a été connue,
08:47c'est l'ecclésiaste, « malheur à toi pays dont le roi est un enfant ».
08:52Et d'une certaine manière, on est en train de payer le fait
08:56qu'on a un Président qui est un adolescent versatile,
09:01permettez-moi d'être un peu brutal,
09:03qui a suscité ce qui est en train de se passer maintenant,
09:07alors voilà, je ne sais pas ce qui va en sortir,
09:10mais il n'en reste pas moins qu'au-delà des syndicats,
09:12au-delà des personnes que vous avez citées,
09:14le vrai problème, c'est cette théatrocratie,
09:17ce jeu qu'a joué un Président qui n'est pas responsable.
09:20Alors, a-t-on déjà vu, dans l'histoire de France, une telle situation ?
09:28Oh oui, écoutez, moi je pense que chaque fois qu'il y a un changement d'époque,
09:33eh bien, il y a un processus de cet ordre.
09:36Prenons celui qui nous est le plus proche, le plus simple,
09:40juste avant la Révolution française, soyons clairs.
09:43Eh bien, il y a eu le même type de fourmillement,
09:47le même type de grouillement, le même type, en quelque sorte,
09:50d'insatisfaction et de désaccord entre ce qui était le pouvoir du moment,
09:55la royauté, et puis le peuple, voilà.
09:58Et donc cela a mené à cette Révolution française, soyons clairs,
10:02avec la terreur, avec des éléments de violence
10:06qui n'étaient pas négligeables, loin de là, voilà.
10:08Donc, ce n'est pas quelque chose de nouveau.
10:11Excusez-moi, permettez-moi de rappeler tout simplement
10:13que chaque 3-4 siècles, de mon point de vue,
10:16il y a la fin d'une époque et donc la fin d'une élite.
10:20Et nous assistons à ce moment-là, à cette fin d'élite,
10:23et du coup, c'est le peuple qui est en train de manifester
10:27et qui se manifestera de plus en plus.
10:30Moi, je maintiens, je sais que ce que je dis n'est pas très paisible,
10:35mais il n'en reste pas moins que, jeux olympiques ou non,
10:39il y aura, à mon avis, pas mal d'insurrections qui vont se manifester.
10:43Alors c'est embêtant que ça arrive en plein géo, absolument.
10:47Comme Emmanuel Macron ne peut pas dissoudre avant un an,
10:50est-ce qu'on est au début d'une grave crise politique ?
10:53J'irais même plus loin d'une crise de régime.
10:57Moi, je le pense.
10:59Je pense que, véritablement, nous sommes dans un moment très grave
11:02où, dans le fond, comment dire, pour le dire un peu simplement,
11:06le peuple ne se sent pas représenté.
11:09Le processus de représentation.
11:11Et on l'a vu, en particulier, dans ce qui vient de se passer
11:15avec ce fameux front républicain,
11:18ce sur quoi s'appuie le président de la République
11:21pour justifier, encore une fois, son maintien
11:24pour justifier le fait qu'il va retarder au maximum
11:27la constitution d'un nouveau gouvernement.
11:29Au-delà de ces deux éléments,
11:31dans les quelques mois qui vont se passer,
11:34dans ce qui est en train d'arriver actuellement,
11:36nous sommes dans un moment grave
11:38qui est un changement, vous avez employé le mot, je suis assez d'accord,
11:41un changement de régime.
11:43C'est la fin de l'idéal démocratique
11:45qui est en train de se manifester,
11:47au bout de qui ça s'est mis en place au XIXe siècle.
11:51Et là, nous assistons à une crise très grave
11:54qui n'est pas simplement une crise politique, de mon point de vue,
11:57qui est plus une crise civilisationnelle.
12:00Alors gardons l'expression que vous avez employée,
12:03elle me convient, vraiment la fin d'un régime.
12:06C'est-à-dire d'une manière de se représenter le peuple.
12:12Et ce n'est plus le cas actuellement.
12:14Alors voilà, espérons que ce ne soit pas trop violent.
12:16Excusez-moi, j'aime bien l'histoire,
12:19je vais revenir à des crises de régime.
12:21Récemment, mai 58, c'est la crise de régime de la IVe République.
12:25On pourrait remonter auparavant.
12:271848, pardon, c'est la crise de régime de la monarchie de Juillet.
12:321830, c'est la crise de régime de la Restauration.
12:35Est-ce qu'on est en train de vivre quelque chose de comparable, Michel Maffesoli ?
12:38Et je ne remonte pas à 1789, mais on pourrait presque.
12:42– Vous avez raison, les deux dates que vous avez données sont très importantes.
12:481840, pardon, 1830, 1848.
12:53– Et Louis-Philippe.
12:55– Voilà, en gros.
12:56Et ce sont, historiquement, des moments très importants
12:59qui rendent attentif au fait, gardons l'expression que vous avez employée,
13:02ce changement de régime.
13:04De mon point de vue, c'est tout à fait quelque chose de cet ordre qui va se passer,
13:07qui est en jeu actuellement.
13:09Alors, qu'est-ce qui va ressortir de cela ?
13:11Moi, je ne suis pas prophète, je ne suis pas à même de le dire avec précision,
13:17mais il n'en reste pas moins que la représentation politique
13:19n'est plus en phase avec le peuple.
13:21Et à ce moment-là, il y a une insurrection.
13:24Vous voyez, des auteurs classiques qu'on ne cite plus,
13:27c'est saint Thomas d'Aquin, au XIIIe siècle, dans sa forme théologique,
13:31quand il dit, à certains moments, quand il n'y a plus représentation,
13:34il y a insurrection.
13:36C'est lui qui emploie le mot insurrection.
13:38Eh bien, je pense que la position de saint Thomas d'Aquin,
13:41que l'on ne connaît plus assez, qu'on ne connaît pas assez,
13:44est fort juste pour décrire ce qui va se passer.
13:46Michel Maffesoli, dernière question.
13:48Pensez-vous qu'on est en train de vivre le chant du signe de la Vème République ?
13:54Moi, je pense, de toute façon, un changement de régime, c'est cela exactement.
13:57Et on a eu, en fin de course, un représentant suprême,
14:01c'est-à-dire un président qui joue du théâtre.
14:05J'ai dit, moi, théatrocratie.
14:07Et donc, vous voyez, quand un théâtre, ça marche, on est content.
14:10Quand, à un moment donné, ce théâtre n'est pas bon, on le siffle.
14:14Et on est en train de siffler la pièce de théâtre
14:17qui ne correspond plus à ce que le peuple attend, en quelque sorte.
14:20Merci beaucoup, Michel Maffesoli.
14:23Toujours un grand plaisir de vous avoir.
14:25Je rappelle que vous êtes professeur émérite de sociologie à la Sorbonne
14:29et auteur du livre « L'ère des soulèvements » publié aux éditions du CERN.
14:33Dans quelques instants, le s'abalance.
14:35On va parler d'une enquête terrifiante sur l'explosion de l'antisémitisme,
14:39en France, bien évidemment, mais dans toute l'Europe.
14:42C'est une enquête qui a été publiée hier à Vienne, en Autriche.
14:45On va en parler avec Elie Korchia, président du consistoire central de France et avocat.
14:50Restez bien avec nous sur Sud Radio.

Recommandée