J.-M. Séronie: « Le collaboratif, une révolution pour l’avenir de l’agriculture»

  • il y a 3 mois
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00:00Bonjour et bienvenue à tous pour cette nouvelle émission. On va parler ensemble de numérique et d'agriculture collaborative. Jean-Marie Saronni, bonjour.
00:15Bonjour. Vous êtes agroéconomiste indépendant. Vous avez écrit déjà un livre sur le numérique. Ma question va être assez simple.
00:26On parle beaucoup d'agriculture collaborative, de numérique. J'essaie de me mettre à la place d'un agriculteur qui va glaner des informations un petit peu sur Internet,
00:37mais pas plus que ça. Est-ce qu'aujourd'hui, demain, on pourra s'installer, développer son activité agricole tout en se passant du numérique et de cette fameuse agriculture collaborative
00:50dont on entend parler aujourd'hui ? Est-ce que ça va être possible de s'en passer ? Je crois sincèrement qu'un agriculteur qui s'installe ou qui est en activité
01:01peut très bien se passer du numérique. Ne pas avoir d'adresse Internet, c'est un peu comme ne pas avoir de boîte aux lettres aujourd'hui. C'est un peu difficile.
01:10toutes les technologies numériques. À mon avis, il peut très bien s'en affranchir et de manière relativement durable dans le temps. Par contre, l'agriculture collaborative,
01:24un jeune agriculteur qui s'installe, ça me paraît être pour lui, dans le temps, dans la durée, quelque chose d'assez incontournable. Je crois qu'on ne pourra plus être agriculteur de manière isolée.
01:35Qu'est-ce qu'on entend exactement par agriculture collaborative ? Je suis convaincu que le numérique et l'agriculture collaborative, ce sont deux choses totalement disjointes.
01:49Le numérique peut apporter des dimensions nouvelles, plus rapides, plus larges à l'agriculture collaborative, mais l'agriculture collaborative n'a pas attendu le numérique.
02:01Ça fait des décennies qu'il y a des collaborations entre agriculteurs. Vous parlez des coopératives, par exemple. C'est déjà une forme d'agriculture collaborative.
02:09Voilà l'écume. C'est une agriculture collaborative parce que je partage du matériel. Une coopérative au risque de choquer. Pour moi, c'est du mutualisme.
02:20C'est une façon particulière de gouvernance d'entreprise et de détention du capital de l'entreprise. Par rapport à l'exploitation, ça ne change rien que je livre à une coop ou à un négoce en termes de collaboration.
02:37C'est purement le prolongement de l'exploitation agricole en termes de gouvernance et de capitaux.
02:43C'est quoi l'agriculture collaborative au sens nouveau dont on parle aujourd'hui ?
02:48Ce qui me semble important dans l'agriculture collaborative, c'est de poursuivre et d'aller plus loin dans le mouvement qui est engagé depuis très longtemps, qui est de partager des moyens pour diminuer les coûts.
03:01L'exemple type, c'est des cumas où c'est la copropriété entre agriculteurs. C'est un élément qui est ancré dans notre histoire ou l'entraide, mais sur lequel je pense qu'il faut aller plus loin.
03:16On verra en quoi le numérique peut y aider. Mais je crois que, de plus en plus, dans ce monde de plus en plus complexe, avec une variabilité des prix qui va durer et qui est quelque part normale,
03:27avec la montée des risques à la fois techniques et économiques, le collaboratif est un élément important pour l'avenir.
03:35Je collabore avec d'autres agriculteurs, non pas uniquement pour diminuer mes coûts, mais pour créer de la valeur. Je monte des ateliers en commun pour créer de la valeur et produire davantage de valeur.
03:51Je crée de la collaboration pour partager des compétences, parce que le niveau d'exigence en compétences est de plus en plus élevé et de plus en plus large, des compétences de plus en plus variées,
04:04ce qui rend le métier d'agriculteur de plus en plus complexe. Il y a une façon de résoudre cette difficulté sans augmenter à des très grandes tailles d'entreprises.
04:15Comme on ne peut pas avoir chacun toutes les compétences et qu'en général, on fait bien ce qu'on aime bien, il faut que je m'associe. On est voisins tous les deux. On est très différents.
04:23Il y a des projets qu'on porte ensemble pour associer des compétences. Vous êtes très bon en culture. Moi, très bon en élevage. On a un élevage en commun. C'est moi qui le pilote.
04:31Vous travaillez et vous faites ce que je vous dis. Et vous êtes très bon sur les cultures. C'est vous qui pilotez les cultures pour nous deux. Et je fais ce que vous me dites.
04:39Donc, collaborer pour associer des compétences et enfin, collaborer pour partager des risques. On veut créer un atelier. On ne prend pas seul le risque.
04:50Comme une entreprise qui prend des filiales avec d'autres. Je monte des ateliers de développement de culture ou des ateliers de vente ou un atelier d'élevage.
05:02On se met à plusieurs pour le monter, pour partager les risques. Ça me paraît une des voies majeures pour, quelque part, résoudre cette particularité que nous avons et que nous sommes très attachés.
05:14L'agriculture performante en France au niveau mondial est comparée à nos principaux concurrents avec des fermes de taille petite ou moyenne.
05:25Nous sommes très attachés, même si les exploitations pourraient un petit peu grandir. 2, 3, 4 salariés, ça reste une exploitation familiale, mais pas à l'échelle de nos concurrents.
05:35Par contre, s'allier entre agriculteurs voisins pour mener ensemble des projets permet de garder ce maillon d'exploitation familiale, mais en ayant des tailles économiques plus importantes.
05:48C'est intéressant ce que vous dites parce qu'en tout cas et particulièrement en France, la société reste attachée à ce modèle qu'on appelle faussement familial, mais une agriculture à taille humaine.
06:01Si je comprends votre propos, vous êtes en train de dire que cette agriculture collaborative d'aujourd'hui, c'est une solution pour développer ses exploitations sans toutefois entrer dans un schéma d'agrandissement.
06:16Ça me paraît être une des voies. Alors c'est très compliqué, non pas. Il y a des questions de gestion des ressources humaines. Il y a des questions. Il faut savoir se parler.
06:29Comme dans toute entreprise, il y a des questions juridiques. Notre droit et notre fiscalité n'est pas très adapté. Mais ça, c'est que transitoire.
06:37Il faut le vouloir, mais ça ne me paraît pas insurmontable loin de là. Par contre, psychologiquement, c'est une révolution quelque part. Encore plus que le numérique de dire on va partager, on va investir ensemble.
06:48Par exemple, c'est une révolution dans le monde agricole où on est très attaché à cette vision très patrimoniale de l'entreprise. Là, je suis sur la création de valeur. Je ne suis plus sur la création de patrimoine.
06:58Néanmoins, est-ce qu'il n'y a pas des barrières sociologiques, psychologiques dans le monde agricole à faire sauter?
07:06C'est ce que je suis en train de dire. La barrière, elle est psychologique. C'est pas. On a encore une vision très et trop patrimoniale de l'agriculture.
07:14Donc il faut arriver à franchir ça. Et à mon avis, c'est beaucoup plus difficile à franchir que de modifier la fiscalité ou le droit qui va se faire.
07:23Ça prend du temps. C'est trop long. On n'est pas assez rapide, mais ça va se faire.
07:27Jean-Marie Saronni, merci beaucoup pour cet éclairage. Et retrouvez d'autres informations sur le cofarming et le numérique sur Ternet.fr.

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