Peut-on modifier le projet de réforme de la Pac de 2014 en faveur de l'élevage ?

  • il y a 3 mois
Productions animales et prix élevés des céréales

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00:00...
00:08Bonjour. J'ai l'honneur de présenter
00:11une émission concentrée à la réforme de l'APAC
00:13pour 2014-2020
00:15et d'envisager quelles pourraient être les conséquences
00:19de la formation des céréales sur les réflexions
00:20qui sont actuellement conduites sur le projet
00:23qui sera défini dans un an, un an et demi
00:26pour la période 2014-2020.
00:28Pour cela, j'ai sur le plateau M. Jean-Paul Simier,
00:32directeur agricole et agroalimentaire
00:35de Bretagne Développement Innovation.
00:37Et j'ai M. le boulanger, M. Alain Boulanger,
00:41qui est directeur de la Serre-France de Normandie-Maine.
00:45M. Simier, nous allons commencer ce sujet par vous
00:49en abordant la question 2014-2020
00:52et après, on reviendra sur la période transitoire en attendant.
00:56Selon vous, la flambée
00:59à laquelle personne ne s'attendait de ces dernières semaines
01:02sur les céréales,
01:03quelle pourrait être l'incidence sur la réflexion
01:05qui sera conduite sur le projet final
01:08de la Commission européenne
01:10et de ce qui sera adopté par le chef du gouvernement,
01:12sachant que l'on part d'une proposition depuis octobre,
01:15déjà bien cadrée depuis octobre 2020 ?
01:18Oui, vous avez raison.
01:20L'augmentation du prix des grains,
01:22en particulier des céréales et du soja, depuis cet été.
01:2640 % sur le soja, 30 % sur le blé, 35 % sur le maïs.
01:30On a aujourd'hui 260 euros.
01:32Le prix du blé, c'est le double d'il y a 5 ans.
01:34560 euros la tonne sur le soja, c'est le double d'il y a 5 ans.
01:38Ce sont des niveaux quasiment historiques, jamais atteints.
01:41Et on peut dire qu'aucun économiste aussi compétent soit-il
01:44n'avait prévu cette hausse.
01:46Ca veut dire simplement une chose,
01:47c'est que nous sommes passés dans un monde agricole
01:50qui a totalement changé en une dizaine d'années,
01:52d'un monde d'excédent.
01:53Nous sommes passés dans un monde, finalement, de rareté.
01:56Et donc, cette réforme de la PAC,
01:58qui est en train de discuter aujourd'hui,
02:00est-ce qu'elle a été pensée en fonction du monde d'hier
02:03ou est-ce qu'elle doit être pensée en fonction du monde de demain ?
02:06Je pense qu'on est un peu à la charnière encore.
02:07Effectivement, le projet que nous connaissons aujourd'hui,
02:10qui pourrait s'appliquer à partir de 2014,
02:13est un projet qui a été pensé, j'allais dire,
02:15depuis la fin des années 90, la réforme de 92, de 99, de 2003,
02:20le découplage, le 2008,
02:22et puis, écrite l'année dernière, en 2011.
02:24Et donc, il est évident qu'il va falloir peut-être revoir
02:27certaines considérations de cette réforme,
02:30penser encore dans un monde d'hier
02:32où les grains étaient abondants
02:34et, finalement, les prix agricoles étaient beaucoup plus bas,
02:37en particulier pour l'élevage.
02:38Dans le cadre tel qu'il est défini aujourd'hui,
02:41la proposition, quels sont les tourceurs
02:42sur lesquels on peut agir et négocier
02:45pour que les Etats, lorsqu'ils appliqueront la PAC,
02:48qui sera négociée, pourra favoriser un peu plus les éleveurs ?
02:51Il y a plusieurs négociations à travers cette PAC.
02:55Il y a une 1re difficulté, c'est de préserver le budget
02:59qui ira à l'agriculture.
03:00Parce que ce facteur de la hausse des céréales
03:06peut aussi conduire à dire, finalement,
03:08une partie de l'agriculture n'a plus besoin d'aide.
03:11Elle est devenue compétitive.
03:12Ca, en soi, c'est une bonne nouvelle.
03:14Et donc, il faut déjà préserver ce budget.
03:16Et c'est ce qu'appellent à faire
03:18la plupart des ministres de l'Agriculture.
03:21Il y a un 2e niveau de négociation,
03:22c'est au niveau de la PAC, au niveau de l'Union européenne,
03:26où, là, il va falloir se mettre d'accord à 27 Etats membres.
03:29Pour la 1re fois, il va falloir se mettre d'accord
03:31avec le Parlement, c'est cette fameuse co-décision.
03:34Donc, ça alourdit beaucoup le processus de décision
03:37et donc de toute modification.
03:39Et donc, je suis assez d'accord avec M. Simier,
03:41c'est-à-dire que ça va être assez délicat
03:43de faire bouger les lignes de tout autour
03:45entre le projet de la Commission,
03:47qui le voit comme un équilibre pour les 27,
03:50un équilibre pour les filières.
03:52Par contre, il y a une caractéristique forte
03:54dans ce projet de PAC, c'est la subsidiarité.
03:58C'est-à-dire que les Etats membres
03:59vont avoir beaucoup de marge de manoeuvre
04:01à gérer au niveau des aides,
04:03au niveau de leur propre Etat membre.
04:04Donc, actuellement, est-ce qu'on peut imaginer
04:07que la convergence des aides telle qu'elle a été imaginée
04:11il y a encore un an est obsolète aujourd'hui ?
04:13Est-ce que ce sera une convergence, ça va être,
04:14des retouplages pour le secteur de l'élevage ?
04:18Non.
04:20Non, la convergence des aides, elle reste d'actualité.
04:23Je rappelle qu'initialement, dans la pensée...
04:25Paradoxalement, c'est les éleveurs laitiers
04:26qui pourraient être les plus fictifs.
04:28Au départ, on tendait vers une aide unique à l'hectare
04:31en toute l'Europe, totalement découplée.
04:33Ca, c'est la pensée de la Commission initiale
04:35et qui, à mon avis, s'est appliquée au fur et à mesure des réformes.
04:38En matière de convergence, il y a déjà 2 niveaux
04:39au moins de convergence qui peuvent s'appliquer.
04:43La convergence européenne, une certaine redistribution...
04:47Ce n'est pas celle qui est le plus redoutée, pour l'instant.
04:49Et puis, ensuite, une convergence nationale.
04:52Donc, c'est 2 niveaux de convergence
04:54qu'il va falloir éventuellement rediscuter.
04:56Alors, qu'est-ce qu'on peut envisager au niveau national
04:59pour que l'élevage ne soit pas le perdant ?
05:03C'est-à-dire qu'aujourd'hui, lorsqu'on applique la règle
05:06même à travers différents scénarios à l'échelle nationale,
05:09les plus touchés, ce sont les éleveurs,
05:12notamment les éleveurs laitiers, les plus intensifs.
05:14Ce qu'on retrouve dans le Sud-Manche, en Ille-et-Vilaine, etc.
05:18Et c'est eux qui ont le plus à perdre
05:19parce qu'ils vont avoir un montant de DPU moyen à l'hectare
05:23d'environ 550.
05:24Ca monte même jusqu'à 600 euros de l'hectare.
05:27Il va falloir ramener tout ce petit monde peut-être à 250.
05:31A l'inverse, les serraliers sont rarement au-dessus de 350.
05:35Donc, le jeu entre les filières, là,
05:37est clairement en faveur plutôt des serraliers
05:41par rapport à des éleveurs intensifs.
05:43Mais on ne peut pas imaginer des perdants perpétuels
05:46en bovins-viande et aux vins-viandes.
05:48Non.
05:49Les bovins-viandes, eux, sont aidés en deçà de ces montants-là
05:55et devraient quand même être les vainqueurs et les gagnants
05:57de cette réforme de la PAC.
05:58L'inquiétude, elle viendrait plutôt dans cette redistribution
06:01pour les éleveurs qu'on qualifie d'intensifs,
06:05c'est-à-dire pour peu de surface et beaucoup de lait.
06:08Mais gagnant, ça veut dire quoi pour un éleveur de bovins-viande ?
06:10Il y a plusieurs niveaux, quand même, dans cette affaire.
06:14Déjà, qu'est-ce qui va se passer sur les prix de marché relatifs
06:17entre le prix de marché des produits animaux,
06:20les viandes, le lait, les céréales, etc.
06:22Parce que je rappelle que demain, de toute façon,
06:24l'essentiel du revenu d'un agriculteur
06:26sera fait de plus en plus par l'économie,
06:29par les prix de marché.
06:30Il ne faut jamais perdre ça de vue.
06:32Donc, quelle va être la dynamique des prix ?
06:35En plus, je rappelle que pour le lait,
06:36on sort des quotas normalement en 2015,
06:39qu'on a une ouverture croissante sur la plupart des marchés,
06:41que sur les viandes, on a une demande internationale
06:43relativement forte, quasiment plus dynamique
06:45que sur le marché intérieur européen.
06:47Donc, il y a cette dynamique, déjà,
06:48qui peut beaucoup modifier les choses.
06:50On a vu sur la viande bovine
06:52une montée assez forte des prix de la viande bovine
06:54depuis 2 ans en France.
06:56Et puis, après, il y a la redistribution des aides.
06:59Donc, ça, c'est une autre chose.
07:01Alors, effectivement, les plus impactés,
07:03si on fait une convergence assez rapide et assez directe,
07:06globalement dans l'Ouest,
07:07c'est beaucoup les éleveurs laitiers,
07:08d'autant plus qu'ils étaient intensifs.
07:10Mais c'est normal, puisque le lait a été
07:12une des principales productions qui a alimenté les DPU.
07:15Donc, finalement, il n'y a pas de surprise.
07:17Donc, après, on peut garder couplé
07:20certaines productions animales,
07:22comme ça sera sans doute le cas en France
07:25pour les vaches à laitantes.
07:27On peut garder une aide couplée aussi, éventuellement,
07:29sur l'engraissement J-B,
07:30ce qui a été refait après avoir découplé
07:33lors de l'application de l'article 68.
07:36On peut imaginer...
07:37Les productions animales de montagne, etc.,
07:40on peut avoir des ajustements,
07:42mais c'est dans la limite des 10 % d'aides
07:44qui sont autorisées aujourd'hui par le texte européen.
07:46Pour vous, on n'imagine pas dépasser les 10 % ?
07:49Le problème, en fait, de la PAC, c'est sa lourdeur à bouger.
07:52Et si on fait un parallèle par rapport à ce qui se passe
07:54outre-Atlantique avec le Farm Bill américain,
07:57ils viennent de supprimer,
07:58en tout cas, c'est une des grandes orientations,
07:59supprimer les aides totalement découplées,
08:02parce que c'est très consommateur au niveau du budget,
08:04puisque vous arrivez à subventionner tous les hectares,
08:06quelle que soit la conjoncture,
08:08et ils veulent concentrer, eux aussi,
08:09ils ont des soucis budgétaires,
08:11concentrer les moyens sur des aides
08:13de type assurance, chiffre d'affaires,
08:15donc des aides contracycliques
08:17qui viennent aider en cas de besoin.
08:20Ca, les Américains sont capables de le faire
08:22parce qu'ils savent que le jour où il y a un accord à l'OMC,
08:24ils vont être en mesure de se remettre en ligne
08:26par rapport aux règles OMC.
08:28Comme le disait M. Simier tout à l'heure,
08:29on a toujours conduit les réformes de la PAC
08:31avec cette idée derrière la tête
08:33qu'il fallait être OMC compatible,
08:36et on voit mal s'il y a un accord OMC 2016-2017
08:40à ce que la politique agricole commune
08:42soit dans les clous en 2018.
08:44Et du coup, on anticipe cet éventuel accord OMC
08:48et on ne veut pas remettre du couplage
08:50là où on l'a supprimé.
08:51Donc c'est assez lourd à faire bouger.
08:52Mais est-ce qu'on ne serait pas,
08:54pour clore ce passage 2014-2020,
08:58ne serait-ce pas trop peut-être attaché à la logique d'aide
09:02et que plus que jamais, dans les agréments,
09:05ce sera le prix qui va dominer ?
09:06Vous avez raison. C'est-à-dire qu'il faut...
09:08Je répète, pour l'agriculteur,
09:11pour les filières agricoles, les filières alimentaires,
09:13ce qui va à terme primer, c'est quand même...
09:15Les prix.
09:17L'équilibre du marché.
09:18Et donc il faut effectivement arriver à trouver un système
09:21où, par exemple, pour les éleveurs,
09:22si leur coût de production augmente
09:24parce que les matières premières augmentent,
09:25le blé, le soja, etc.,
09:26qu'ils puissent à terme retrouver dans leur prix de vente
09:29de viande, d'animaux,
09:31l'augmentation de ce coût de production.
09:33Parce que ça, l'augmentation des matières premières,
09:35c'est ni l'Europe ni la France qui le déterminent.
09:37C'est le marché international
09:39dans lequel nous sommes largement intégrés.
09:41Et donc ça veut dire que ça pose aussi
09:43la question de l'efficacité
09:45du fonctionnement des filières alimentaires,
09:47de la répartition de la marge entre le producteur,
09:49le transformateur et le distributeur.
09:52C'est la question, par exemple, en France,
09:53de la modernisation, de la loi de modernisation économique.
09:56C'est la question de l'observatoire des prix
09:58et éventuellement d'une indexation sur les prix alimentaires.
10:01Et c'est aussi à Bruxelles,
10:03puisque le commissaire Cholos a pointé aussi ce problème.
10:06C'est une meilleure régulation,
10:07notamment via la possibilité de créer des interprofessions,
10:10des associations de producteurs
10:12pour rétablir l'équilibre
10:13entre des milliers d'agriculteurs producteurs
10:17et quelques distributeurs à l'autre bout de la chaîne.
10:21On est là dans un contexte de prix agricole assez élevé,
10:24quels que soient les filières.
10:25On a un problème de coût plus que de prix de marché.
10:29Le prix du lait n'est pas catastrophique.
10:31Le prix de la viande est considérablement augmenté.
10:34Le prix du porc est essuyé élevé.
10:36Malgré tout, il y a des difficultés de compétitivité.
10:40Par rapport à cette question de la valeur ajoutée,
10:43je pense qu'elle ne se décrète pas dans une filière.
10:45Elle se prend, elle se capte.
10:47On ne va pas discuter avec Michel-Édouard Leclerc.
10:49On ne peut pas imposer le prix de la baguette fixe.
10:52C'est un peu terminé, malheureusement, pour certains,
10:54mais ça ne se décrète pas.
10:56Et donc, c'est comment les filières agricoles s'organisent,
10:59se constituent pour peser dans un vrai rapport de force.
11:02Mais ça ne se décrète pas au niveau du syndicalisme
11:05ou du pouvoir politique.
11:06Et donc, ce que vous venez de nous expliquer
11:09peut s'appliquer immédiatement avant d'attendre 2014 ?
11:12Il y a des solutions de court, de moyen et de long terme.
11:14Donc, à court terme, effectivement,
11:16on peut agir sur l'équilibre de la filière alimentaire.
11:19Mais comme l'expliquait M. le boulanger,
11:21c'est d'abord peut-être du fait de l'organisation
11:23des entrepreneurs agricoles, des entrepreneurs agroalimentaires.
11:26Moi, je dirais peut-être un peu aidé par la puissance publique,
11:28qui est quand même un peu le régulateur du système.
11:31Le ministère de l'Economie et des Finances en France
11:33peut éventuellement intervenir dans la régulation,
11:36pas forcément dans la fixation du prix,
11:37mais dans l'équilibre des forces
11:38ou dans les règles qui doivent être respectées.
11:42Autre mesure de court terme, c'est effectivement leur équilibrage.
11:45Les fameux 100 millions d'euros de solidarité
11:47entre les producteurs de céréales et les éleveurs,
11:50c'est effectivement peu par rapport à la hausse qui a été subie,
11:54mais néanmoins, c'est un amendement
11:56qui peut permettre de monter des projets d'investissement,
11:59de méthanisation, d'énergie, etc.,
12:01avec un effet de levier non négligeable pour les éleveurs.
12:04Et puis, à plus moyen long terme, c'est effectivement
12:07l'adaptation de la PAC actuelle et surtout de la future PAC,
12:11qui doit être peut-être plus réactive, effectivement,
12:13moins lourde, plus contracyclique,
12:16comme d'ailleurs l'ont souvent été les Américains,
12:18c'est-à-dire qui réagit beaucoup plus rapidement à la conjoncture
12:21et effectivement se repose la question,
12:22c'est ce que je disais au départ,
12:23est-ce que le papier qui a été écrit l'année dernière
12:26sur la réforme 2014 est vraiment adapté
12:29à aujourd'hui un monde qui a complètement changé,
12:31puisqu'il y a vu le prix des productions végétales
12:35doubler en moins de 3 ans ?
12:38Bon, écoutez, je vous propose à l'arrivée
12:39qu'on se voit au CIMA et qu'on reprend la discussion,
12:42parce qu'on aura là les grands actes définis par Bruxelles
12:45en février prochain, je pense.
12:48Au revoir.
12:49Merci.

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