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Voici le drame en trois actes (1991, 2000, 2014) qui a mené de l’éclatement de l’URSS à la guerre en Ukraine et la ruine de l'Europe. Nous voyons des acteurs mus par des ressorts irrépressibles et entraînés vers un conflit devenu inéluctable. En cette période d’incertitude où l’Europe redécouvre la guerre dans toute son horreur, il est prématuré d’en prédire l’issue : cessez-le-feu, paix honorable, guerre d’attrition, effondrement de l’un des belligérants ? Nous pouvons toutefois déjà entrevoir le monde qui résultera de cette crise : d'une part une Europe réduite à quémander la protection du Pentagone et en passe de sortir de l'Histoire ; d'autre part le reste du monde, soit sept milliards d'humains, divisé entre plusieurs impérialismes (Chine, Russie, Inde, Turquie, Iran...) mais uni dans une commune défiance à l'égard de l'Occident.

André Latané, fondateur du site herodote.net, présente son ouvrage "Les causes politiques de la guerre en Ukraine" : https://boutiquetvl.fr/tous-les-livres/andre-larane-les-causes-politiques-de-la-guerre-en-ukraine

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00:00Nous assistons au réveil des amoureux de la France.
00:03Nous vivons dans les urnes le sursaut des défenseurs de l'intérêt national.
00:07C'est bel et bien aussi le début d'une grande bataille culturelle et civilisationnelle
00:11dans laquelle TV Liberté revendique toute sa place.
00:15Dans les semaines et les mois à venir, TVL va avoir un rôle prépondérant indispensable.
00:21En fin de semaine passée, la mobilisation en faveur de TV Liberté a été importante,
00:26soyez-en remerciés.
00:27Cette aide n'est pas encore suffisante.
00:29Alors, nous comptons sur votre engagement.
00:32Libérons-nous des chaînes.
00:33Merci de votre soutien, maintenant.
01:00Bonjour à tous, bienvenue dans notre Zoom, aujourd'hui en compagnie d'André Larané.
01:07Bonjour monsieur.
01:08Bonjour monsieur.
01:09André Larané, vous êtes le fondateur du site Herodote.net, principal site d'histoire
01:15en langue française et vous publiez l'ouvrage « Que voici les causes politiques de la guerre
01:21en Ukraine » aux éditions justement Herodote.net et que vous pourrez retrouver sur la boutique
01:26officielle de TV Liberté.
01:28Alors, commençons avec vous André Larané, vous évoquez les travaux des politologues,
01:35dites-vous réalistes, qui parlent d'une guerre devenue existentielle pour le Kremlin
01:41et même pour le peuple russe.
01:43Qu'est-ce qu'ils entendent par là, ces historiens ?
01:45Alors, ces politologues, parmi lesquels Hubert Védrine, par exemple, et des Américains,
01:51entendent par là que, pour la Russie, la place de l'Ukraine dans le monde russe relève
01:59de sa survie, la survie de la Russie elle-même.
02:03La Russie est née en Ukraine, la Russe.
02:06La Russie est née en Ukraine, ces pays sont solidaires depuis un millénaire et la Russie
02:16n'imagine pas de continuer à exister sans ce pays frère.
02:22Qui plus est, une défaite de la Russie dans la guerre qui lui est livrée, depuis 2014,
02:32signifierait son éclatement et il ne faut pas oublier que la Russie n'est pas un empire homogène.
02:41Elle est constituée de 140 millions d'habitants, parmi lesquels 20% de musulmans,
02:48parmi lesquels les Tchétchènes, dont on connaît l'esprit aimable et sympathique,
02:55qui sont prêts à se rebeller, donc, des Singouches, des Dagestanais, etc.
03:03Toutes sortes de populations qui, sitôt que Moscou perdrait son autorité,
03:13se rebellerait et réduirait à néance cette fédération.
03:16– Enfin, on voit quand même les soldats tchétchènes mener la guerre aux côtés des russes
03:22et on voit aussi la complicité entre le chef de la Tchétchénie et le président Poutine.
03:31– Bien sûr, les Tchétchènes respectent la force.
03:34Aujourd'hui, Moscou a la force.
03:37Si demain, Moscou devait être vaincu par l'OTAN et ses ennemis,
03:43les Tchétchènes se soulèveraient, bien sûr.
03:47– Alors, vous citez le diplomate américain Kissinger qui avait déploré,
03:51il y a une dizaine d'années, que les États-Unis n'avaient rien fait
03:54depuis la chute de l'URSS pour intégrer la Russie à un ensemble de sécurité en Europe.
04:01Vous citez aussi Brzezinski, le conseiller du président américain Carter
04:05qui avait dénoncé l'annonce de l'entrée de l'Ukraine dans l'OTAN en 2008
04:10comme une véritable provocation contre la Russie.
04:13C'est quoi, au fond, la stratégie des États-Unis à l'égard de la Russie ?
04:18– Alors, il faudrait voir deux périodes.
04:22La période Helsine, 91-2000, et la période suivante.
04:28En 91-2000, les États-Unis éprouvent des difficultés économiques
04:34et le besoin de s'approvisionner en hydrocarbures.
04:38Ils visent donc les ressources en hydrocarbures de la Russie.
04:44Et donc, ils vont mettre la main sur toutes ces ressources-là.
04:48– Avec la complicité des oligarques russes.
04:50– Bien sûr, en pillant la Russie, à qui mieux mieux.
04:53C'est donc une période noire pour la Russie.
04:56– Avec un président Helsine complètement alcoolisé en public.
04:58– Bien sûr. – Avec Clinton qui se marre à côté de lui.
05:01– C'est un cauchemar, cette période est un souvenir cauchemardesque pour les Russes.
05:07Elles se sortent aussi par un effondrement de la natalité, de la fréquentité.
05:10– L'insécurité, etc.
05:12– La Russie est au bord d'une implosion quand Helsine quitte le pouvoir
05:18et remet les clés du Kremlin à Poutine, lequel va redresser la Russie très vite.
05:25Et il va la redresser en coopération avec les Européens.
05:30Son discours en 2001 devant le Bundestag
05:32lui vaut d'être ovationné par les députés allemands.
05:35– Oui, à cette occasion, il propose, allez-y.
05:38– Oui, il propose une coopération entre l'Europe et la Russie
05:42en faisant valoir la complémentarité de leurs ressources
05:46sans pour autant nuire au bon rapport avec les États-Unis.
05:51Tout va se dégrader ensuite.
05:53– Alors, on entend beaucoup d'observateurs dans les médias de masse
05:58expliquer que le Président Poutine pourrait, après l'Ukraine,
06:02lancer ses troupes sur les États-Baltes, en Pologne
06:06et pourquoi pas dans d'autres pays de l'Union Européenne.
06:10Alors, qu'est-ce que vous auriez à leur répondre à ces observateurs dits experts ?
06:15– Alors, il faut voir d'abord, on pourrait faire brièvement,
06:22c'est ce que je fais d'ailleurs dans mon livre,
06:23brièvement, un rappel des histoires russes.
06:26Et curieusement, si on met à part l'Empire ottoman qui a été son ennemi constant,
06:30la Russie n'a jamais agressé d'elle-même un quelconque autre pays en Europe.
06:38Elle a été agressée et elle a répondu comme il convenait.
06:42C'est la différence avec la France, par exemple,
06:44qui est un pays qui a fréquemment agressé ses voisins
06:48– Soudaoui XIV.
06:50– Depuis les guerres d'Italie, n'insistons pas là-dessus.
06:54Mais pour en venir au présent, la Russie, c'est 140 millions d'habitants,
06:59comme je l'ai dit, sur le territoire le plus vaste qu'il y a,
07:0417 millions de kilomètres carrés.
07:06C'est un État multiracial, multiethnique, multiconfessionnel.
07:12Donc, Poutine n'a pas besoin de conquérir l'Estonie ou la Lettonie
07:19pour devenir plus puissant.
07:21Son souci, c'est de maintenir la cohésion de la Russie.
07:25Et comme je vous l'ai dit, s'il devait demain déchoir,
07:31si le pouvoir russe devait déchoir face à l'OTAN, face à l'Occident,
07:36il serait laminé, détruit et on aurait un éclatement de la fédération.
07:42Donc, le souci de Poutine n'est pas d'aller conquérir
07:47quoi que ce soit la Moldavie ou les petits pays frontaliers,
07:53elle ne gagnerait rien, sinon des ennuis.
07:57– Il veut juste préserver sa zone d'influence.
07:59– Il veut préserver sa zone d'influence.
08:00– On n'est pas avec Hitler, comme certains l'affirment,
08:03qui voulait faire du pan germanique et s'étendre et même créer un nouvel empire.
08:07– On est dans l'antithèse de Hitler.
08:09Hitler disait, l'Allemagne, c'est 80 millions d'habitants
08:12sur un territoire restreint, on a besoin d'espaces vitals.
08:16Notre espace vital, on va le chercher à l'Est
08:19et on extermine les populations de l'Est.
08:22Poutine est dans une configuration tout à fait opposée.
08:26L'espace vital, il en a plus qu'il en faut.
08:30Son problème, c'est de ne pas avoir un adversaire potentiel à ses frontières.
08:35Imaginons, on ne peut pas imaginer, lui ne peut pas imaginer,
08:39aucun gouvernant russe normal ne pourrait imaginer
08:44d'avoir la flotte américaine à Sébastopol, en Crimée.
08:50C'est comme si demain, le Mexique nouait une alliance avec la Chine.
08:56Laissez-moi deviner ce que serait la réaction de Washington
09:01si demain le Mexique proposait une base militaire à la Chine.
09:07– Alors, au début de l'invasion des troupes russes en Ukraine,
09:10vous dites que Biden était alors déjà plombé par son échec en Afghanistan
09:16et qu'il était bien décidé à se battre jusqu'au dernier Ukrainien.
09:20Est-ce qu'il est toujours dans cet état d'esprit,
09:22aujourd'hui le président américain ?
09:23– Nuançons les choses.
09:26L'humiliation afghane, c'est le 15 août 2021.
09:34Ensuite, c'est le conflit avec la Chine,
09:37la rivalité qui s'installe avec la Chine.
09:41Du côté européen, les Américains, je ne parle pas de Biden,
09:44je parle de l'intérêt national tel que le perçoivent les gens de Washington.
09:50Leur intérêt du côté de l'Europe, c'est de la neutraliser, la vassaliser
09:55pour être tranquille de ce côté-là
09:58et pouvoir se mobiliser tout entier contre la Chine.
10:02Éventuellement même, s'il pouvait engager l'Europe contre la Chine,
10:07ça, ils arrangeraient.
10:08C'est ce qu'on a vu, je crois que c'était hier,
10:10une déclaration du secrétaire général de l'OTAN qui a déclaré,
10:15vous voyez comme les choses sont maintenant dangereuses du côté de l'Asie,
10:20avec l'alliance entre la Corée du Nord et la Russie.
10:25Vous voyez, les Européens, on a une bonne raison,
10:28avec l'OTAN, de tourner leurs yeux vers la Chine.
10:31Merci, si on doit encore s'engager comme supplétifs
10:36dans les rangs de l'armée américaine en Chine,
10:39je ne sais pas où nous irons.
10:41Mais je vous disais donc que la priorité des gouvernants américains,
10:47c'était la lutte contre la Chine.
10:50L'Europe, il voulait simplement la vassaliser.
10:53Il voulait séparer donc la Russie de l'Allemagne.
10:59On a vu l'alliance tactique entre Moscou et Berlin avec Schröder
11:05pour les approvisionnements en gaz.
11:08Tout cela menaçait de causer des difficultés aux entreprises américaines
11:14dans la compétition qu'elle se livre avec l'industrie allemande.
11:18Donc pour affaiblir l'Europe, les États-Unis se sont mis en tête
11:22de la couper de son arrière-cours russe.
11:26Et donc l'idée d'une confrontation entre la Russie et l'Europe sur l'Ukraine
11:33lui convenait, mais sans aller forcément jusqu'à la guerre.
11:37Et voyez comme se passent les choses.
11:39Le 24 février 2021-2022,
11:44Poutine, l'armée russe, entre en Ukraine.
11:48Aussitôt après, alors qu'elle menace de conquérir Kiev,
11:52aussitôt après, Biden propose à Zelensky de l'exfiltrer.
11:58Et c'est là que Zelensky a une réponse superbe.
12:02Il se comporte comme il doit se comporter en tant que président ukrainien.
12:06J'ai besoin de munitions, pas d'un taxi.
12:10Et ces hommes, ces troupes sont revigorées
12:14et elles vont résister comme l'on sait, contre toute attente.
12:21À ce moment-là, Biden se serait bien accommodé d'un effondrement de l'Ukraine
12:26parce qu'il aurait comblé ses intérêts, les intérêts de l'Amérique, s'entend.
12:31C'est-à-dire que l'effondrement de l'Ukraine
12:34aurait définitivement brisé le lien entre la Russie et l'Europe
12:40et il n'aurait plus à se soucier d'une alliance entre Berlin et Moscou.
12:47– Alors sont vous…
12:49– Oui, et avec la résistance ukrainienne, ils sont pris de court.
12:53Et dès lors, ils voient bien que là,
12:56ils doivent s'engager à fond en soutenant l'Ukraine.
13:00Qu'une défaite de l'Ukraine face aux Russes
13:04achèverait d'un lien de tir le prestige des États-Unis.
13:09Et donc c'est là qu'il va dire,
13:10on est prêt à se battre jusqu'au dernier Ukrainien,
13:13vous le laissez entendre.
13:14– Alors rappelons que ce conflit entre Kiev et le Donbass
13:17avait démarré quand le Parlement ukrainien
13:19avait enlevé à la langue russe son statut de deuxième langue officielle.
13:24S'en était suivie une rébellion du Donbass
13:27et une sécession de ces villes, Lugansk et Donetsk.
13:33Pour justement essayer de calmer les choses,
13:36ils avaient été signés en septembre 2014 et février 2015 les accords de Minsk,
13:43pour justement calmer les hostilités entre Kiev et le Donbass.
13:46À quoi ont-ils servi ces deux accords de Minsk ?
13:51– Alors, le Euromaïdan, cette révolution soutenue par l'Ouest
14:01pour renverser le président élu pro-russe
14:04et pour ramener l'Ukraine vers l'Europe,
14:08c'était en 2014 donc, au printemps 2014,
14:12a conduit immédiatement à ressusciter les clivages
14:16entre les deux parties de l'Ukraine,
14:19la partie occidentale qui a été toujours dans l'histoire
14:24plus ou moins inféodée à l'Autriche-Hongrie ou à la Pologne,
14:28longtemps les Ukrainiens orthodoxes étaient les vassaux
14:31ou les serfs des barons polonais catholiques.
14:35Et puis la partie orientale qui est cette partie du Donbass,
14:39sans parler de la Crimée bien sûr,
14:41qui est tout à fait russophone et tournée vers la Russie.
14:45On peut regretter que cette rupture de 2014
14:55n'ait pas abouti effectivement à une scission de l'Ukraine
15:01qui aurait fait que la partie occidentale
15:02se serait incluse dans l'Occident de façon normale,
15:06l'autre aurait retrouvé le monde russe comme il convient,
15:12il n'en a pas été ainsi,
15:13mais on a vu que le nouveau gouvernement de Kiev,
15:16sans attendre quoi que ce soit,
15:19a pris pour première mesure une mesure coercitive
15:24à l'égard de la minorité russophone, 20% de la population,
15:27en interdisant le statut officiel de la langue russe,
15:30en abolissant le statut officiel de la langue russe,
15:33et il s'en est suivi, donc cette rébellion des russophones,
15:38l'intervention de la Russie et toute la suite.
15:41– Alors dans les semaines qui suivent l'invasion russe de l'Ukraine
15:45du 24 février 2024, des négociations ont bien eu lieu
15:49entre Moscou et Kiev, en Biélorussie et à Istanbul,
15:53pourquoi ces négociations n'ont-elles pas abouti ?
15:56– Vous voyez, les Russes et les Ukrainiens,
15:59les dirigeants russes et les dirigeants ukrainiens
16:02sont des réalistes, comme le montrent ces négociations.
16:07Ils pensent en nombre d'États et en Européens
16:11forts de mille ans de civilisation derrière eux
16:14et de traditions diplomatiques.
16:15Donc ils savent, eux, ceux qui ne savent pas, les Américains,
16:19qu'une guerre ne doit pas déboucher sur l'extermination de l'ennemi,
16:23mais sur un compromis.
16:26Et donc, si tôt après qu'intervient l'invasion russe,
16:33si tôt après que Poutine a pu constater
16:36que sa guerre éclaire a échoué, Zelensky lui-même est réaliste,
16:41il comprend qu'il a un pays avec une démographie déclinante,
16:46vieillissante, fragile, qui ne peut pas supporter
16:51un conflit de longue durée,
16:53et il comprend qu'il faut aboutir à un compromis,
16:57Poutine le comprend tout autant,
16:58et leurs délégations se rencontrent à Istanbul.
17:01Elles mettent au point un compromis
17:03qui reprend des accords de Minsk de 2014,
17:06qui avaient été conclus sous l'égide de la France et d'Allemagne à l'époque,
17:10mais qui avaient été trahis par les signataires.
17:13Ils reprennent dans les grandes lignes ces accords de Minsk,
17:16qui prévoient pour la partie russophone
17:19un statut de très large autonomie,
17:21qui prévoit pour la Crimée un retour à la Russie
17:24par référendum au bout de 15 ans,
17:27et puis un statut de neutralité pour l'Ukraine,
17:31pour l'Ukraine en général,
17:33sous la garantie de l'OTAN.
17:36Des choses tout à fait raisonnables.
17:38Le 10 avril de cette année-là,
17:41Boris Johnson déboule à Kiev,
17:45et on croit savoir que ce qu'il dit à Zelensky en confidence,
17:51c'est on va vous soutenir à fond,
17:54nous les Anglais et les Américains,
17:57on va vous approvisionner un arme,
17:59tant et plus, si vous continuez la guerre.
18:03Allez-y, parce qu'il y va de notre réputation.
18:07Ne signez pas cet accord,
18:09sinon vous allez être décanillés par vos acolytes,
18:14les gens du gouvernement nationaliste
18:16qui veulent qu'eux continuent la guerre.
18:18Et donc du coup, la guerre reprend,
18:21et on enterre les accords.
18:22– Alors, on voit que l'Ukraine est aujourd'hui
18:26dans un état catastrophique,
18:29que l'Union européenne qui a imposé
18:32des sanctions économiques à la Russie,
18:35finalement, ces sanctions se sont retournées contre elle.
18:38Comment les deux grands blocs qui s'opposent,
18:41en fait, en réalité, les États-Unis et la Russie,
18:44tirent-ils profit de cette guerre ?
18:48– Alors, nous sommes ici dans un conflit perdant-perdant,
18:53peut-être gagnant côté États-Unis,
18:55mais au moins pour un certain délai.
19:02On a vu qu'effectivement, les sanctions
19:05dont Bruno Le Maire nous disait
19:07qu'elles allaient mettre à genoux l'économie russe en deux temps,
19:14ont beaucoup affaibli l'Europe, l'Union européenne.
19:18Elles ont permis à la Russie de consolider ses liens
19:22avec le reste du monde,
19:24c'est-à-dire avec ce qu'on appelle le sud global.
19:29Elles lui ont permis de relancer aussi son activité économique
19:34et bien sûr son activité militaire.
19:37On voit que du côté de l'Ukraine,
19:41on a un pays qui ne tient plus que grâce
19:46aux apports financiers et militaires de l'Occident.
19:51Alors, on a maintenant une situation de scission complète,
19:58on a abouti à une scission complète
20:02entre l'Ouest et l'Est de l'Europe,
20:05à notre détriment d'abord.
20:09Et voilà, on voit que la Russie va continuer à survivre
20:16puisqu'elle a un potentiel industriel
20:18qui est toujours très solide.
20:21On ignore peut-être qu'elle reste
20:26le premier exportateur de centrales nucléaires au monde,
20:30un gros producteur de centrales nucléaires.
20:33Et en matière d'armement,
20:34elle peut compter aussi sur l'alliance
20:41avec les dictatures voisines, comme on l'a vu,
20:44que ce soit l'Iran ou la Corée du Nord,
20:46sans compter la Chine.
20:48Donc voilà où nous en sommes.
20:50Nous en sommes à une scission en deux blocs de l'Europe
20:56et qui nous coûtera à nous très cher,
20:58enfin qui nous coûte déjà très cher.
21:01Qu'en pensent les pays de la dite communauté internationale ?
21:05Vous dites qu'il n'y a d'ailleurs plus que les naïfs
21:06pour en croire à l'idée d'une communauté internationale.
21:09Qu'en pensent les autres pays du monde de ce conflit ?
21:12Alors, il faut voir quels sont les rapports démographiques
21:21d'abord entre les blocs.
21:23La guerre en Ukraine a vu l'émergence au grand jour
21:29de ce qu'on appelle aujourd'hui l'Occident collectif,
21:33c'est-à-dire que c'est l'Amérique du Nord,
21:36le monde anglo-saxon, l'anglosphère,
21:39plus l'Europe occidentale, l'Union européenne
21:42et les quelques pays autour.
21:44C'est au total un gros milliard d'habitants.
21:48Ajoutons-y le Japon qui compte toujours sur les États-Unis
21:51pour sa protection, la Corée du Sud, Taïwan.
21:55Voilà, c'est en gros un milliard d'habitants,
21:58un peu plus, un peu moins, sur 8 milliards.
22:02Et le reste du monde, ce qu'on appelle le Sud global,
22:06les Américains, les politologues américaines
22:09parlent de West against the rest, l'Ouest contre le reste.
22:15Le reste du monde, c'est donc 7 milliards d'habitants.
22:20On a vu dès mars 2022 comment, à l'ONU,
22:27tout ce reste du monde s'est abstenu de sanctionner la Russie,
22:32ou s'est tenu plus ou moins à l'écart.
22:34– Certains ont condamné, certains n'ont pas condamné,
22:36en tout cas personne n'a sanctionné.
22:38– Personne n'a plus ou moins sanctionné, sauf exception.
22:43Et on a vu donc cette opposition entre notre Occident
22:48qui ne représente plus guère que 10% de la population mondiale,
22:5310-15%, et puis le reste du monde.
22:56Et aujourd'hui, alors, on peut dire que dans un premier temps,
23:01ce reste du monde a plutôt trouvé bénéfice à ce conflit
23:08entre Européens, entre Blancs, entre Occidentaux,
23:11juste revanche par rapport au siècle passé.
23:15Aujourd'hui, on peut imaginer qu'il commence à les embêter
23:19parce qu'il complique le commerce international,
23:23il complique les approvisionnements en blé, en hydrocarbures
23:27et tout ce qui s'ensuit.
23:29Je pense qu'il commence à y avoir une forme de lassitude,
23:32mais ça ne les conduit pas pour autant à soutenir le conflit,
23:37à soutenir l'Occident contre la Russie.
23:39– Rapidement, André Larané, quels sont les espoirs de paix
23:42aujourd'hui pour voir se terminer ce conflit ?
23:47– Les espoirs de paix, ils sont toujours clairs.
23:51On en revient à une solution logique, à un compromis logique,
23:56évident, qui tient à la géographie, qui tient à l'histoire,
24:00qui tient à la démographie.
24:01C'est ce qu'on a vu dans les accords de Minsk,
24:04c'est ce qu'on a vu dans le projet de paix,
24:07de cesser le feu d'Istanbul.
24:08– Rattachement de la Crimée et du Donbass à la Russie.
24:11– C'est-à-dire au moins une large autonomie du Donbass, garantie,
24:17du Donbass russophone, bien sûr à terme le rattachement
24:21de la Crimée à la Russie, parce que la Crimée est russe,
24:24et puis, ma foi, peut-être, pourquoi pas,
24:29un rapprochement de l'Ukraine avec l'Union européenne,
24:34mais une neutralité de l'Ukraine d'un point de vue militaire,
24:38voilà quel serait un projet de cesser le feu
24:42et un projet de paix à long terme,
24:45mais on n'en prend pas le chemin.
24:48On n'en prend pas le chemin, et vers quoi prend-on-nous ?
24:53Très clairement vers une situation que nous connaissons bien ailleurs,
24:56voyez Chypre, Chypre en 1974, il y a 50 ans,
25:01a été envahie par la Turquie en violation du droit international,
25:04et aujourd'hui, l'île continue d'être coupée en deux,
25:08sans que personne y trouve à redire,
25:11la Corée, voyez la Corée, on est habitué à ce genre de situation,
25:16d'une coupure en deux sur la base d'un conflit latent,
25:22d'un conflit qui perdure doucement en Corée,
25:24on continue de se tirer dessus, par-dessus la ligne de démarcation,
25:29tout ça peut durer, malheureusement, pour notre plus grand malheur.
25:34En ce qui concerne les États-Unis,
25:36vous dites en substance qu'ils ont peu à craindre de la Russie et de la Chine,
25:42en tout cas aujourd'hui,
25:44qu'ils digéreront à terme assez facilement l'échec éventuel sur le front russe,
25:49quant aux Européens, vous dites qu'ils doivent se préparer à un changement de paradigme,
25:54s'ils ne veulent pas disparaître totalement,
25:57vous citez à ce titre Jean-Marc Ferry,
26:00le philosophe qui appelle à réformer l'Europe indépendamment des Américains,
26:05à quelles conditions cette réforme est-elle possible
26:08avec une Ursula von der Leyen à la tête de la Commission européenne ?
26:13Alors, à mesure que le temps passe,
26:18je vois se réduire la probabilité d'une sortie par le haut de ce conflit,
26:23elle est aujourd'hui quasi nulle,
26:25il faudrait un miracle,
26:27il faudrait un retour au bon sens de nos gouvernants,
26:30on n'est pas porté à y croire.
26:32Les États-Unis eux-mêmes,
26:35depuis ma foi le Vietnam et même avant,
26:39échouent dans toutes leurs entreprises extérieures,
26:41et ils se renforcent d'une fois à l'autre.
26:44Pourquoi ? Regardez la géographie,
26:47d'un côté l'océan Pacifique, de l'autre l'océan Atlantique,
26:50ils n'ont donc rien à craindre,
26:51sauf peut-être d'un terroriste qui va détourner un Boeing
26:54sur les tours du World Trade Center.
26:56Mais ils n'ont rien à craindre globalement de l'étranger,
27:00donc quoi qu'ils fassent,
27:02ils ne seront jamais affectés sur leur sol.
27:05Nous les Européens, c'est un peu différent,
27:08le sud méditerranéen, l'ouest, l'est maintenant en pleine guerre,
27:13alors que pourrions-nous espérer aujourd'hui ?
27:19Pouvons-nous espérer de nous détacher de l'alliance avec les États-Unis ?
27:25Malheureusement, on ne voit pas trop bien comment cela se pourrait.
27:30On est plus que jamais entrés dans la dépendance du Pentagone
27:36et de l'Amérique,
27:39et on le voit quand l'Union Européenne
27:43investit pour renforcer les moyens militaires de l'Europe,
27:49elle donne de l'argent avec la facilité européenne pour la défense,
27:54elle donne des milliards à la Pologne
27:56pour que la Pologne puisse livrer ses tanks russes à l'Ukraine,
28:01et en retour avec cet argent,
28:04la Pologne va acheter des F-35 aux États-Unis.
28:07Donc, on devient les tirailleurs européens du Pentagone.
28:15Je vois mal aujourd'hui comment on pourrait en sortir,
28:19il faudrait des chefs, des gouvernants visionnaires qu'on n'a pas.
28:26– C'est peut-être dos au mur que les Européens auront le dernier sursaut.
28:32– Oui, l'histoire n'est jamais écrite par avance.
28:34– Le mur de Berlin est tombé en une nuit, rappelons-nous.
28:37André Larané, les causes politiques de la guerre en Ukraine
28:40à retrouver sur La Boutique de TVL.
28:42Merci à vous, Monsieur.
28:43– Merci, monsieur.

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