Avec Aude Denizot, enseignante en droit privé à Le Mans Université, auteure de "Pourquoi nos étudiants ne savent-ils plus écrire ?" publié aux éditions Enrick.
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NewsTranscription
00:00Sud Radio Bercoff, dans tous ses états, le face-à-face.
00:0613h03 sur Sud Radio, on vous présente ce face-à-face aujourd'hui.
00:09André Bercoff reçoit Aude Denisot qui enseigne le droit privé à l'Université du Mans
00:13et qui vient nous voir pour ce nouveau livre
00:15« Pourquoi nos étudiants ne savent-ils plus écrire ? »
00:17C'est aux éditions Enric B. Bonjour Aude Denisot.
00:20Alors Aude Denisot, vous êtes agrégée, vous êtes professeure du droit à l'Université du Mans,
00:26vous êtes ancienne élève de l'ENS de Cachan, je dis ça parce que
00:29voilà, c'est quelqu'un qui sait ce dont elle parle, qui sait ce dont elle parle.
00:34Vous êtes agrégée d'économie et gestion et agrégée des facultés de droit,
00:38vous avez travaillé dans plusieurs lycées et universités,
00:41et vous écrivez ce livre, et je dois dire que ce livre m'a laissé un peu pantois.
00:44Alors on savait qu'il y avait des problèmes de niveau,
00:47on savait les ravages de l'écriture inclusive, c'est encore autre chose, côté wok et compagnie.
00:52On savait que, on écrivait de plus en plus mal,
00:55en tout cas on oubliait les règles fondamentales de l'orthographe.
00:58Mais vous, dans votre livre, on voit que même des étudiants à l'université de droit,
01:03en fac de droit, en première année, en deuxième année, en troisième année,
01:06et vous donnez des exemples dans votre livre, et franchement je le recommande,
01:10parce qu'il faut savoir, ce n'est pas en se cachant,
01:13ce n'est pas en fermant yeux et oreilles qu'on va affronter le réel,
01:18parce que le réel il est là.
01:20Et donc, qu'est-ce qui s'est passé ou qu'est-ce qui se passe ?
01:23D'abord, comment avez-vous constaté que dans votre enseignement à la fac de droit,
01:27vous disiez, je tombais sur des textes,
01:30et justement, pas seulement de gens qui avaient des retards scolaires, etc.,
01:34des gens qui ont des familles aisées,
01:37qui veulent dire qu'ils sont de bonne volonté,
01:39mais qui ne connaissent pas le quart de ce qu'on devrait connaître en orthographe.
01:43Comment l'avez-vous découvert, comment ça s'est passé ?
01:46Je l'ai découvert petit à petit, en corrigeant des copies,
01:50à l'université nous corrigions beaucoup de copies,
01:54et au fil des ans, je constatais qu'il y avait,
01:58il y a toujours eu des fautes,
02:00ce n'est pas quelque chose de nouveau,
02:02mais je constatais qu'il y en avait de plus en plus,
02:05et des fautes de plus en plus étranges,
02:08des fautes que je n'avais jamais vues auparavant.
02:11Depuis combien de temps vous avez constaté ça ?
02:15Dans votre carrière ?
02:17Vraiment, progressivement, depuis 2008-2009.
02:23D'accord, depuis 15 ans pratiquement.
02:26C'est-à-dire qu'auparavant, par exemple quand j'enseignais en BTS,
02:30je pouvais constater que certains étudiants avaient des problèmes,
02:34ils étaient vite résolus.
02:36Je leur donnais quelques exercices,
02:38et on va dire 2-3 mois après, les problèmes étaient résolus.
02:43C'était une autre époque.
02:45Aujourd'hui, les problèmes sont beaucoup plus graves,
02:48ils sont beaucoup plus nombreux,
02:50les problèmes de ponctuation, de vocabulaire,
02:53les étudiants confondent un mot avec un autre,
02:57ils vont dire la loi s'implique au lieu de la loi s'applique,
03:01voilà, par exemple.
03:03Oui, il y a beaucoup d'exemples que vous donnez,
03:05et c'est vrai, parce qu'on ne va pas donner des exemples d'orthographe,
03:07parce qu'à la radio c'est difficile,
03:09mais par exemple, vous donnez par exemple ceci,
03:13quels sont les préjudices auxquels Morissette pourra-t-elle prétendre ?
03:16Lequel ? Et lequel ? Et lequel ?
03:18C'est quand même assez énorme,
03:22et puis d'autres aussi formidables.
03:24Alors, il faut dire,
03:26à un moment donné, je disais,
03:28mais elle est en train de réécrire la fraude au cancre de Jean-Charles,
03:30au Deniso, là.
03:32Par exemple, magnifique,
03:34elle se fracture le col du fémur,
03:36ainsi que deux entorses.
03:38Mais ça, c'est au collège,
03:40ce n'est pas à l'université.
03:42Si, malheureusement, c'est à l'université,
03:44et puis...
03:46Ah oui, c'est en première ou en seconde année, de droit.
03:48Oui, voire même après,
03:50l'hôpital est-elle responsable ?
03:52Est-elle responsable, l'hôpital ?
03:54Voilà, on ne comprend pas
03:56pourquoi l'hôpital est féminin.
03:58Non, mais vous avez des choses formidables.
04:00Attendez, alors là, c'est magnifique,
04:02mais celle-là, c'est une perle de culture.
04:04Trois sangliers roulant à toute allure
04:06percutent la voiture de Fabien.
04:08Mais comment ?
04:10Attendez, ça c'est en fac de droit.
04:12Mais comment ?
04:14Ils ne relisent pas ?
04:16Trois sangliers !
04:18Et puis, vous avez...
04:20Attendez, ça c'est formidable aussi.
04:22La loi du 5 juillet 1985
04:24concerne les accidents de la circulation
04:26qui est un régime spécial de responsabilité civile.
04:30C'est quoi, ça ?
04:32Ils ne comprennent pas,
04:34c'est le sens, c'est quoi ?
04:36Je pense qu'il y a deux choses.
04:38D'abord, vous l'avez dit, ils ne se relisent pas.
04:40Il y a ce relire, puisque l'orthographe,
04:42la grammaire n'étant pas sanctionnée,
04:44ça ne sert à rien de se relire.
04:46Ah oui, il n'y a pas de sanction si il fait des fautes d'orthographe ou de grammaire.
04:48Aujourd'hui encore, j'ai des étudiants,
04:50ils savent que je suis très exigeante.
04:52Je leur dis, ils savent
04:54qu'ils seront sanctionnés.
04:56Ils partent 30 minutes avant la fin de l'épreuve
04:58sans être relus correctement.
05:00Ah, ils ne relisent même pas.
05:02D'accord.
05:04Et puis, le gros problème,
05:06c'est celui que j'évoque, c'est-à-dire que
05:08puis la grande session, le CP,
05:10on ne les fait pas suffisamment écrire.
05:12Donc, les pauvres,
05:14ils sont victimes
05:16d'une école qui ne leur a pas appris
05:18à écrire,
05:20qui ne leur a pas appris
05:22à utiliser un vocabulaire riche,
05:24qui ne leur a pas appris à ponctuer.
05:26Donc, ils sont vraiment victimes.
05:28Ponctuation, point, virgule, virgule, tout ça.
05:30Point, virgule, ils ne connaissent pas.
05:32Mais, par exemple,
05:34il y a de plus en plus d'étudiants
05:36qui mettent une virgule entre le sujet
05:38et le verbe dans une phrase très simple.
05:40Le chat, virgule,
05:42mange la souris.
05:44Ah, ils mettent une virgule.
05:46Le chat, virgule, mange la souris.
05:48Le chat, virgule, mange la souris.
05:50Ben oui.
05:52Il n'y a pas une réflexion primaire
05:54qui consiste à se dire, pourquoi je vais mettre le chat,
05:56j'arrête et mange la souris.
05:58Mais non précisément parce que,
06:00c'est ce que je critique dans mon ouvrage,
06:02comme ils font beaucoup d'exercices à trous,
06:04d'exercices à relier,
06:06à entourer, qu'ils copient
06:08très peu, que les leçons sont photocopiées,
06:10les énoncés
06:12sont photocopiés,
06:14et bien ils ont très peu
06:16d'occasion d'écrire.
06:18On parlait des phrases interrogatives
06:20directes.
06:22Autrefois, nous écrivions dans les cahiers
06:24les phrases dénoncées
06:26à un fermier.
06:28Donnez un exemple.
06:30Un fermier à 50 poules,
06:32chaque poule pond deux oeufs
06:34par jour, combien d'oeufs
06:36le fermier pourra-t-il récolter
06:38par jour ? On l'écrivait
06:40en entier avec un point d'interrogation.
06:42Aujourd'hui,
06:44même les concepteurs des sujets
06:46zéro, CRPE,
06:48le concours pour devenir professeur des écoles,
06:50ne savent pas ponctuer.
06:52Ils mettent un point d'interrogation
06:54dans le sujet zéro,
06:56alors qu'il fallait mettre un point.
06:58Ah oui, c'est ça.
07:00Donc, les professionnels,
07:02les interrogateurs...
07:04Les membres du jury ne savent pas ponctuer correctement.
07:06C'est sans doute
07:08une coquille, mais ça montre
07:10quelque chose qu'eux non plus ne se sont
07:12pas suffisamment relus.
07:14Alors, il faut que je vous dise quelque chose quand même,
07:16parce que, soyons clairs, il y a une coquille
07:18dans votre livre.
07:20C'est les fautes d'imprimerie, il y en a partout.
07:22Tout à fait.
07:24Je le dis pour les auditeurs,
07:26moi, je suis mauvaise en orthographe.
07:28Je n'ai jamais été douée pour ça.
07:30Je n'aime pas ça.
07:32Et c'est précisément parce que, moi-même,
07:34j'ai été choquée par les copies
07:36de mes étudiants, je me suis dit,
07:38si même moi, je trouve que ça ne va pas,
07:40ça veut dire que ça ne va pas du tout.
07:42Je ne m'exprime pas correctement non plus.
07:44Les auditeurs, souvent,
07:46me le font remarquer.
07:48Alors, Odéliso, est-ce que ce problème-là
07:50qu'on va évoquer longuement,
07:52est-ce que la base,
07:54c'est quoi ? C'est le collège ? C'est le lycée ?
07:56Ça commence très tôt, ça, quand même.
07:58Et ça commence où et pourquoi ?
08:00Alors, je vais vous dire,
08:02je pense que ça commence en petite section.
08:04Il y a un thème que je n'ai pas
08:06développé dans le livre que
08:08j'ai découvert après, en écoutant
08:10des graphothérapeutes.
08:12Les élèves ne savent plus
08:14tenir un stylo.
08:16Et j'ai pu le constater.
08:18En tant que posture.
08:20Et ça nuit
08:22énormément aux apprentissages,
08:24donc je ne m'étais pas doutée.
08:26Quand vous dites ça, c'est l'école primaire ?
08:28C'est-à-dire un crayon,
08:30on commence à le tenir en petite section.
08:32Quand on commence à colorier.
08:34A quel âge ?
08:36Trois ans, quatre ans.
08:38Et pourquoi ils ne savent plus tenir un...
08:40Parce qu'on ne leur apprend plus.
08:42Il n'y a plus de stylo, il n'y a plus de crayon.
08:44Alors, si, il y a des crayons,
08:46mais on les laisse tenir n'importe comment.
08:48On ne leur apprend pas la posture
08:50de comment tenir.
08:52Et vous remontez à ça, vous ?
08:54Oui, tout à fait,
08:56parce que je l'ignorais, j'ai entendu
08:58des graphothérapeutes qui ont expliqué
09:00qu'un élève, plus tard un étudiant,
09:02qui tient mal son stylo,
09:04va être focalisé sur
09:06le tracé des lettres,
09:08et donc ne va pas prêter attention
09:10à ce qu'il est en train d'écrire.
09:12C'est très important de bien
09:14tenir son stylo, mais il faut
09:16l'apprendre.
09:18Et de fait, on ne l'apprend plus
09:20ni en maternelle, ni après.
09:22Moi, j'ai compté, j'ai observé mes étudiants
09:24pendant les examens, c'est un sur deux
09:26qui ne tient pas correctement son stylo.
09:28Oui, avec un pouce
09:30qui va recouvrir complètement
09:32les doigts, ou être
09:34sous les autres doigts.
09:36Normalement, le pouce
09:38tient le stylo, et bien eux,
09:40le pouce, soit il est par-dessus,
09:42soit il est totalement
09:44en dessous des autres doigts.
09:46C'est très étonnant.
09:48Et ensuite, il y a quoi ? On n'enseigne plus
09:50l'orthographe ?
09:52Je pense qu'on l'enseigne,
09:54alors attention là aussi,
09:56je ne veux pas faire de généralité.
09:58Nous sommes tout à fait d'accord.
10:00Comme vous l'avez dit, il y a des enseignants qui sont très bien,
10:02qui font un travail formidable.
10:04Donc, ce que je reproche
10:06aux méthodes actuelles,
10:08c'est que l'élève
10:10n'écrit pas assez, il est
10:12généralement en face
10:14d'un support pré-rempli,
10:16une photocopie
10:18ou un fichier, où tout
10:20est déjà organisé pour lui.
10:22On a copié l'énoncé,
10:24parfois on a même copié la phrase,
10:26où il doit simplement compléter quelques mots,
10:28quand il doit écrire une phrase
10:30de surcroît, il n'a pas la place
10:32de le faire, c'est très mal fait.
10:34Et au fond,
10:36le français, c'est comme le sport.
10:38Si vous vous entraînez très
10:40peu, les résultats sont médiocres.
10:42Un marathonien
10:44ne s'entraîne pas en courant
10:46seulement un kilomètre ou deux kilomètres.
10:48Un pianiste ne sort près de Pangeant
10:50une heure par jour.
10:52Et là, c'est ce qu'on est en train de faire
10:54avec les enfants. Pour le même exercice,
10:56un exercice classique
10:58dans un cahier,
11:00c'est quatre fois plus
11:02de mots qui sont écrits que le même
11:04exercice dans un fichier.
11:06Ou sur une photocopie.
11:08Quatre fois plus.
11:10On va parler
11:12de cette histoire de photocopie
11:14vraiment très intéressante, juste après cette petite pause
11:16avec Aude Denisot.
11:18A tout de suite.
11:42Un livre passionnant
11:44et instructif. Pourquoi nos
11:46étudiants ne savent-ils plus écrire ?
11:48Nos étudiants, pas seulement
11:50nos lycéens ou nos collégiens.
11:52Aude Denisot,
11:54chez Henrique Bédition.
11:56Alors, Aude Denisot, on a parlé déjà
11:58de la posture, effectivement,
12:00comment tenir son stylo ou son
12:02porte-plume, comme on disait avant,
12:04ou son crayon, ou autre.
12:06Mais il y a aussi d'autres choses qui sont
12:08là. C'est-à-dire, donc, avant son,
12:10puis au collège, lycée,
12:12et puis à l'université,
12:14où vous êtes. Mais est-ce qu'il y a
12:16aussi l'irruption
12:18de...
12:20Comment a joué, aussi bien au niveau des professeurs
12:22que des étudiants,
12:24que des élèves, l'irruption
12:26du numérique, du portable,
12:28de l'ordinateur,
12:30de l'écran, etc.
12:32Oui, tout à fait. Les écrans
12:34abrutissent les enfants
12:36et ils perdent énormément
12:38en concentration.
12:40Donc, ils ne sont pas aidés
12:42par cet univers numérique
12:44dans lequel ils baignent, ils ont du mal
12:46à se concentrer,
12:48et le numérique
12:50va polluer les apprentissages.
12:52Alors, quand un département
12:54ou une municipalité distribue
12:56des ordinateurs portables
12:58à tous les élèves, ou des portables, etc.,
13:00dans un souci,
13:02évidemment, l'enfer est pavé de bonnes
13:04intentions de pédagogie, vous dites
13:06Ah, mais c'est scandaleux !
13:08Pourtant, on peut apprendre
13:10avec l'écran, non ?
13:12Ah, je ne pense pas qu'on apprenne
13:14bien avec un écran. Alors, pourquoi ?
13:16Pourquoi on n'apprend pas bien ?
13:18Ça a été prouvé par des études
13:20et on l'a vu au moment de la
13:22Visio, on a tous senti que le
13:24contact humain était important.
13:26Je ne parle même pas
13:28des jeunes, pendant le Covid,
13:30qui regardaient Youtube, tout en
13:32ayant une petite fenêtre avec la maîtresse
13:34et qui basculaient astucieusement
13:36de l'un à l'autre.
13:38Je regarde mon Netflix et en même temps, j'écoute un peu le cours.
13:40Voilà, exactement.
13:42C'est vraiment ce qui s'est passé.
13:44Donc, ce contact
13:46humain est nécessaire et
13:48tout ce qu'on va appeler logiciel
13:50éducatif,
13:52ça ne marche pas.
13:54Au fond, on se rend compte progressivement que ça
13:56ne marche pas. Il y a tout un marché
13:58et finalement, les résultats
14:00sont tout à fait médiatres.
14:02Pourquoi ça ne marche pas ?
14:04Vous dites que l'écran
14:06empêche
14:08de se concentrer
14:10ou empêche de quoi ? De se perfectionner ?
14:12Il y a plusieurs choses.
14:14En effet, l'écran empêche
14:16de se concentrer. Par exemple, un étudiant
14:18qui a son ordinateur à l'université
14:20va recevoir des notifications
14:22et donc il va être distrait.
14:24Des études ont montré
14:26qu'un téléphone portable
14:28même éteint, mais posé
14:30sur la table, déconcentre
14:32l'élève. Moi, à mes étudiants,
14:34je leur dis que le téléphone est rangé
14:36dans le sac. Je ne veux pas les voir
14:38sur les bureaux parce que ça déconcentre
14:40parce que
14:42naturellement, c'est déjà difficile
14:44de se concentrer quand même.
14:46D'ailleurs, je vais le faire.
14:48Sinon, je serais déconcentré.
14:50C'est difficile
14:52de se concentrer. Donc, il faut mettre
14:54tous les atouts
14:56pour être bien concentré.
14:58Il y a
15:00le problème des notifications
15:02et de tout ce que ça peut évoquer.
15:04Les cookies, les pushs...
15:06Exactement. Et même
15:08simplement une pensée.
15:10Une professeure de mathématiques
15:12qui raconte qu'elle a une élève
15:14qui a fondu en larmes en plein
15:16cours de maths parce que justement
15:18elle avait son portable à côté d'elle
15:20et elle s'est rendue compte qu'elle avait
15:22perdu une bonne occasion
15:24d'acheter des bottes pas chères
15:26sur Vinted.
15:28Et elle était effondrée.
15:30Effondrée à cause de ça.
15:32En plein cours...
15:34En plein cours, tout à coup, elle s'est aperçue
15:36qu'elle avait manqué à ses belles bottes
15:38une occasion.
15:40Et vous vous dites, alors ça donne quoi ?
15:42C'est une espèce de...
15:44Je n'emprunte pas des grands mots schizophrénie
15:46mais il y a une espèce de dissociation
15:48et on n'est plus vraiment dans ce qu'on fait.
15:50Oui, on pense à autre chose,
15:52aux bottes, aux copains, aux parents...
15:54Il y a quand même des parents qui écrivent
15:56à leurs enfants pendant la journée.
15:58Tiens,
16:00est-ce que je ne pourrais pas dire à ma mère que...
16:02Donc ils sont en permanence
16:04bombardés, sans parler
16:06de leurs voisins
16:08de table.
16:10C'est très gênant.
16:12Ça a été montré dans PISA.
16:14Il y a beaucoup d'élèves qui se
16:16plaignent d'être distraits par les
16:18appareils des autres.
16:20Même un élève très concentré
16:22qui est en train d'écouter
16:24le prof ou de faire le programme
16:26du logiciel éducatif, si son voisin
16:28fait n'importe quoi, il est distrait.
16:30Mais alors, Haute Denisot,
16:32l'ordinateur, quand même, ça apporte aussi
16:34des renseignements, ça apporte des choses.
16:36On regarde telle ou telle chronique,
16:38on clique sur quelque chose qui peut être intéressant.
16:40Vous vous dites non, l'ordinateur,
16:42en tout cas, pas en classe,
16:44pas pendant l'enseignement.
16:46Oui, ils le feront après. Je pense que
16:48pour savoir bien utiliser l'informatique,
16:50il faut d'abord
16:52être passé par les livres.
16:54Sinon, et on le voit avec nos jeunes,
16:56ils sont perdus,
16:58ils ne savent pas chercher correctement
17:00des informations, ils ne
17:02comprennent pas comment les chercher,
17:04ils ne visualisent pas.
17:06Nous, en droit, nous avons maintenant
17:08beaucoup de revues en ligne, et je
17:10constate que les jeunes qui n'ont pas pu
17:12manipuler auparavant la revue papier,
17:14comprendre comment elle était
17:16construite, selon quel plan,
17:18eh bien, ils ont beaucoup de mal
17:20à se repérer sur la version du mai.
17:22Ceux qui n'ont pas, à un moment donné, rencontré
17:24le papier, enfin, utilisé le papier.
17:26Et je constate la même
17:28chose pour le traitement de texte,
17:30c'est-à-dire ce, c'est le
17:32cas d'à peu près aujourd'hui, tous les étudiants,
17:34on voit bien
17:36qu'ils n'ont pas eu cette étape
17:38préalable de d'abord penser
17:40un discours construit sur un papier,
17:42le traitement de texte,
17:44ça doit venir après.
17:46Et vous le constatez,
17:48donc, à la fac de droit où vous enseignez,
17:50vous le constatiez avant,
17:52et donc, vous vous dites
17:54attention à ces...
17:56Vous n'êtes pas évidemment contre l'informatique,
17:58vous n'êtes pas contre le numérique,
18:00mais pas en période d'apprentissage
18:02vraie, c'est ça un peu, oui.
18:04Tout à fait.
18:06Je prends un exemple, parce que je sais
18:08que c'est arrivé à des
18:10personnes qui sont allées à Boulogne,
18:12justement, qui devaient aller à Boulogne
18:14Biancourt, GPS,
18:16ils se sont retrouvés à Boulogne-sur-Mer.
18:18Ça montre bien
18:20qu'avant d'utiliser un GPS,
18:22il faut savoir un tout petit peu
18:24là où on va. Commençons
18:26déjà par étudier. C'est quand même spécial, parce qu'entre
18:28Boulogne-Biancourt et Boulogne-sur-Mer...
18:30C'est arrivé, c'est arrivé.
18:32Il y a des gens qui se trompent
18:34à cause du GPS.
18:36Et alors justement, de ce point de vue là,
18:38à votre avis, sans faire,
18:40il ne s'agit pas de
18:42ni dénoncer,
18:44ni de porter
18:46le saut de la famille,
18:48ou de la responsabilité de qui que ce soit,
18:50mais quand même, il y a une responsabilité partagée
18:52dans cette histoire. Alors, est-ce que c'est
18:54partagé dans l'institution pédagogique,
18:56dans l'institution
18:58éducation nationale, les parents,
19:00les professeurs ?
19:02Il y a eu une conjonction,
19:04si vous voulez, qui a fait que
19:06on en est là ?
19:08Je vais vous dire, c'est catastrophique.
19:10Les résultats, PISA le montre,
19:12nous ne cessons
19:14de décliner. Pour moi,
19:16il y a un grand responsable,
19:18c'est le ministère
19:20de l'éducation nationale.
19:22Et ce sont tous les
19:24ministres que nous avons depuis
19:26des années, parce qu'attention,
19:28la sonnette d'alarme, elle a été
19:30tirée déjà en
19:321985.
19:34Premier livre, voulez-vous vraiment
19:36des enfants idiots ? Et vos enfants
19:38ne m'intéressent plus. Premier livre.
19:40C'était de qui ? C'était Mochino.
19:42Mochino, oui.
19:44Brigheli, 85.
19:46Brigheli, 2005.
19:48Ça fait des années qu'on
19:50dit qu'il y a un problème. Et alors,
19:52toujours, mais non, il n'y a pas de problème,
19:54tout va bien, on progresse. Non.
19:56Le niveau monte, on disait à un moment
19:58donné, oui. Exactement. Or,
20:00il ne fait que des... Alors, oui,
20:02il y a de plus en plus de bacheliers.
20:04Le taux de réussite au bac monte,
20:06le taux à PISA baisse.
20:08Et je pense
20:10qu'il faut dire
20:12que ces ministres sont
20:14responsables. Il faut dire aussi
20:16qu'ils sont coupables, sinon on va les retrouver
20:18au Conseil constitutionnel dans quelques
20:20années. Et
20:22ça s'est fait au Danemark. Il y a un
20:24ministre de l'Éducation qui a demandé
20:26pardon aux élèves, justement
20:28à propos du numérique. Il s'est
20:30excusé et il a dit aux jeunes
20:32élèves danois, je m'excuse,
20:34vous avez été des cobayes
20:36du numérique. Voilà.
20:38Donc, nos monstres... On aimerait entendre
20:40ça en France. On aimerait entendre ça en France.
20:42Je ne crois pas que ça soit un tito, mais... Non, non,
20:44mais voilà, il faut nommer les responsables
20:46et puis, au-delà des
20:48ministres qui sont coupables,
20:50il y a tout cet appareil du
20:52ministère qui est extrêmement lourd,
20:54très sûr de lui,
20:56qui n'accepte pas les remises en
20:58cause et les évidences.
21:00Or, on voit bien que ce ministère...
21:02Voilà, il est
21:04sans queue ni tête. On va voir si,
21:06comme le demandait l'ancien ministre
21:08national,
21:10il voulait dégraisser le mammouth,
21:12mais la mammouth tient bien.
21:14On en reparle tout de suite après cette pause.
21:16Toujours avec Aude Denis-Zoé,
21:18c'est passionnant.
21:20Sud Radio Bercov,
21:22dans tous ses états. Appelez maintenant
21:24pour réagir 0 826
21:26300 300.
21:28Ici
21:30Sud Radio.
21:32Les Français
21:34parlent au français.
21:36Les carottes sont cuites.
21:38Les carottes sont cuites.
21:40Sud Radio
21:42Bercov, dans tous ses états.
21:44Aude Denis-Zoé,
21:46comment un étudiant en fac de droit
21:48chez vous écrirait les carottes sont cuites ?
21:50Bon, on ne va pas faire l'exercice,
21:52là, on est à la radio,
21:54mais vous parlez
21:56de l'éducation nationale, de ce fameux
21:58mammouth, etc.
22:00Qu'est-ce qui fait, effectivement, que
22:02tout ce pan, là, ce pan
22:04quand même essentiel ?
22:06Alors, je sais, ils vont vous dire,
22:08en critique, oui, mais attendez,
22:10vous êtes trop perfectionniste,
22:12ça, c'est des détails.
22:14Aujourd'hui, dans ce qu'ils ont à faire, c'est pas très important
22:16l'orthographe, mais quand même,
22:18si on fait des plaidoiries,
22:20si on fait des textes,
22:22c'est quand même pas mal que ce soit écrit.
22:24Et qu'est-ce qu'il a fait ? C'est-à-dire, on a négligé,
22:26on a dit, c'est pas important,
22:28c'est à passer par pertes et profits,
22:30magasin des accessoires, c'est quoi ?
22:32Oui, je pense qu'il y a
22:34cette idéologie qui est
22:36que, d'abord, tout ce qui est ancien
22:38est à mettre à la poubelle, au plus ou moins,
22:40et cette idée
22:42que toutes ces choses-là,
22:44l'orthographe, le français,
22:46la grammaire, mais aussi le
22:48calcul mental, les opérations,
22:50les problèmes, tout ce qui
22:52va demander un effort,
22:54c'est vieux jeu.
22:56C'est ringard.
22:58Je ne dis pas,
23:00attention, que l'école du passé était
23:02formidable, elle avait ses défauts,
23:04mais sur ses fondamentaux,
23:06je pense qu'on se trompe,
23:08parce que l'école,
23:10elle est là pour apprendre,
23:12et pour que les élèves apprennent,
23:14et pas autre chose.
23:16Aude Denisot, vous seriez vous,
23:18sans encore une fois dire, ah oui, elle est passée,
23:20apprendre par cœur, c'était
23:22bien, c'était intéressant.
23:24Ça a apporté des choses.
23:26Mais oui, typiquement, les tables de multiplication,
23:28il faut les apprendre par cœur.
23:30Il n'y a pas d'autre solution
23:32pour bien calculer. Aujourd'hui,
23:34on en arrive à des élèves de terminal
23:36qui sont obligés d'utiliser
23:38leur calculatrice pour dire si
23:409 septième est supérieur
23:42à 1 ou inférieur à 1.
23:44La calculatrice.
23:46Donc oui, le par cœur
23:48est très important, parce que
23:50les enfants, puis les jeunes
23:52vont s'accoutumer
23:54à des tournures de phrases,
23:56et ils vont avoir des repères.
23:58Toutes sortes de repères.
24:00Alors justement,
24:02on peut dire que ça a été négligé
24:04ou bien l'écart, on avait commencé
24:06à parler de cela, par rapport à l'institution
24:08pédagogique. Est-ce que c'est, encore une fois,
24:10on a beaucoup parlé du pédagogisme,
24:12l'enfant roi et compagnie,
24:14tout ce qu'il y a eu depuis 40 ans, vous connaissez ça beaucoup mieux que moi,
24:16mais
24:18cette espèce de volonté d'excellence
24:20là-dedans, en fait,
24:22ça a été considéré comme une perte de temps
24:24par rapport à l'apprentissage d'autres disciplines,
24:26c'est ça ? Est-ce qu'il y a eu un choix,
24:28si vous voulez, en disant, oui, on ne peut pas tout faire,
24:30donc il faut choisir, donc on va choisir
24:32plutôt tel ou tel
24:34enseignement ?
24:36Alors, est-ce que ça a été un choix ?
24:38Est-ce que c'est une politique délibérée
24:40d'abrutissement
24:42de la population ? Je ne sais pas,
24:44il faudrait
24:46pouvoir rentrer dans la tête
24:48des gens qui nous gouvernent pour le savoir.
24:50Non, mais le résultat de ça ?
24:52Le résultat de cela,
24:54de cette politique,
24:56effectivement, c'est qu'on a
24:58une école extrêmement inégalitaire,
25:00une des plus
25:02inégalitaires de l'OCDE,
25:04avec une élite
25:06qui, soit dans des
25:08écoles particulières, soit
25:10à la maison, voilà,
25:12fait ce qu'il faut faire,
25:14et puis pour le reste, eh bien,
25:16on considère que ce n'est pas nécessaire.
25:18Les enfants des élites,
25:20je peux vous le dire, eux,
25:22ils apprennent par cœur, eux,
25:24ils savent leur table de multiplication
25:26par cœur. A Stanislas,
25:28pour ne prendre que cet exemple,
25:30on apprend par cœur.
25:32Et au lieu de se dire
25:34il faut absolument que
25:36dans toutes les autres écoles de France,
25:38on transmette la même
25:40chose que ce qui est transmis aux élites,
25:42eh bien,
25:44pardonnez-moi, mais on crache dessus,
25:46on dit non, le par cœur, c'est nul.
25:48On voit bien ce que ça donne.
25:50Oui, c'est-à-dire que l'élite continue
25:52en courtonnant la carte solaire
25:54ou autre spitterfuge
25:56à effectivement faire un parcours d'excellence
25:58et les autres, bien qu'ils se débrouillent.
26:00Exactement, tout à fait, on renforce
26:02les inégalités. L'école,
26:04en principe, elle est là pour gommer
26:06des inégalités de classe,
26:08permettre de faire
26:10en classe ce que d'autres
26:12enfants ont à la maison,
26:14la lecture,
26:16utiliser un vocabulaire soutenu,
26:18les langues...
26:20Des parents qui savent parler...
26:22Voilà, exactement, et on fait
26:24exactement le contraire, c'est-à-dire
26:26qu'on va à l'inverse de tout cela,
26:28on est en opposition
26:30idéologique par rapport
26:32à ce qui est fait chez les élites.
26:34Et pourtant, ce sont ces gens-là qui font ça,
26:36qui prônent le progressisme
26:38le plus exacerbé,
26:40mais non, nous sommes, nous, des progressistes.
26:42Oui, oui, oui, tout à fait,
26:44c'est la soi-disant idée
26:46de l'école du futur,
26:48une école moderne...
26:50Il y a quelque chose de très intéressant,
26:52j'ai pris au hasard un programme,
26:54le programme du cycle 2
26:56CP, CE1, CE2.
26:58Qu'est-ce qui a marqué au début ?
27:00CP, CE1, CE2.
27:027ème,
27:046ème, 5ème...
27:06Autrefois.
27:08Donc, il y a marqué
27:10apprendre à l'école, c'est interroger
27:12le monde.
27:14Apprendre, c'est interroger le monde.
27:16Je ne sais pas, il faudrait offrir
27:18un dictionnaire à ces gens-là. Apprendre,
27:20ce n'est pas interroger.
27:22Si on ne fait qu'interroger,
27:24on n'apprend pas. Apprendre,
27:26mais oui, apprendre, c'est mémoriser
27:28des connaissances. Et ça,
27:30aujourd'hui, l'éducation nationale,
27:32elle n'en veut pas. D'abord, elle ne veut pas
27:34que les profs apprennent aux élèves.
27:36Il y a cette interdiction.
27:38Il ne veut pas que les profs enseignent.
27:40Je crois qu'il y a le mot enseignant
27:42qu'on employait, non ?
27:44Non, ça ne veut rien dire.
27:46L'élève doit trouver tout seul
27:48dans une démarche inductive,
27:50etc. Et puis, on ne veut pas
27:52non plus que les élèves apprennent.
27:54Non, ils doivent interroger.
27:56Donc, la mémorisation
27:58qui pourtant est nécessaire.
28:00C'est écrit noir sur blanc, ça.
28:02Apprendre, à l'école,
28:04c'est interroger le monde. C'est écrit noir sur
28:06blanc. Et questionner le monde
28:08revient sans arrêt, tout au long
28:10du programme. Même le sport, c'est
28:12questionner le monde. La musique, c'est
28:14questionner le monde.
28:16C'est intéressant.
28:18Esteban, je crois que nous avons une auditrice.
28:20Exactement, qui nous appelle depuis Lyon.
28:22C'est Lila qu'on retrouve. Bonjour, Lila.
28:24Bonjour, monsieur Bercoff.
28:26Je voulais
28:28simplement dire, avant de
28:30poser ma question à votre
28:32invité, que ce
28:34qu'elle a observé, la façon dont les
28:36enfants tiennent le stylo, c'est quelque chose
28:38qui m'a déjà interpellée depuis pas mal
28:40d'années, en regardant les
28:42séries américaines. Et on regarde comment les
28:44Américains, justement, tiennent leurs stylos.
28:46Et comment, eux, ils les font
28:48comme des proies, mais de l'autre côté, déjà.
28:50Elle ferait attention,
28:52si elle a l'occasion, qu'elle regarde et elle
28:54verra qu'ils mettent bien le pouce sur les doigts.
28:56Enfin, tout ce qu'elle a dit.
28:58Ma première... Alors,
29:00une question. Elle a déjà répondu concernant
29:02les élites. Ça m'a aussi interpellée.
29:04Je voulais savoir si les élites, elles,
29:06elles maîtrisaient mieux.
29:08Ma première question, c'est est-ce que
29:10les étudiants étrangers
29:12ont été plus disciplinés,
29:14se débrouillent mieux avec
29:16la langue française, étant donné que souvent
29:18c'est par le dictionnaire et par la lecture
29:20qu'ils apprennent la langue.
29:22Ça, c'est une première
29:24chose. Une
29:26seconde chose.
29:28Ils ont voulu, au niveau
29:30éducation, développer l'art oratoire,
29:32le théâtre, plutôt que l'écrit.
29:34Donc, déjà, on développe plus
29:36la façon dont les enfants vont s'exprimer.
29:38Et je
29:40voulais savoir si son livre,
29:42où elle l'avait envoyé,
29:44au garde des Sceaux,
29:46aux différents candidats
29:48qui se présentent et au président
29:50de la République.
29:52Alors, d'abord, on va commencer par ça. Est-ce que vous avez
29:54envoyé votre livre à Henri Dupond-Moretti,
29:56à Emmanuel Macron et aux autres
29:58ministres intègres ?
30:00Je l'avais envoyé à Brigitte
30:02Macron, puisque comme elle est professeure de
30:04français, je pensais que ça l'intéresserait.
30:06Je l'avais envoyé,
30:08me semble-t-il, à
30:10Gabriel Attal et à
30:12Papendiaïe aussi. Vous avez eu des réponses ?
30:14Non, je n'ai pas
30:16eu que parfois des remerciements. Je crois que
30:18Brigitte Macron remercie, mais
30:20je n'ai pas eu d'écho.
30:22Et puis, pour la première question...
30:24Non, la première question,
30:26vous avez répondu sur les étudiants
30:28étrangers. Ah oui, les étudiants étrangers.
30:30Avec le dictionnaire. Alors,
30:32moi, j'enseigne dans une petite
30:34faculté où je n'ai pas suffisamment
30:36d'étudiants étrangers pour
30:38tirer des conclusions statistiques
30:40pour le moment. Ce que j'observe
30:42quand même, et surtout en discutant
30:44beaucoup avec d'autres enseignants,
30:46il y a quelque chose qui se
30:48dit de plus en plus, c'est que certains
30:50étudiants africains
30:52ont un niveau de français bien
30:54supérieur à nos étudiants,
30:56à nous. Et j'ai pu
30:58le constater
31:00effectivement sur quelques étudiants,
31:02pas tous, mais certains,
31:04écrivent sur des gros
31:06WhatsApp sans
31:08aucune faute de français, avec
31:10un vocabulaire très soutenu.
31:12Et je l'ai entendu dans des milieux
31:14très variés, écoles d'ingénieurs,
31:16etc. Donc, c'est tout à fait
31:18possible que oui, les étudiants
31:20étrangers bientôt parleront
31:22nettement mieux que les nôtres,
31:24si on continue comme ça.
31:26Parce qu'il y a peut-être une implication
31:28qu'on va rendre plus forte.
31:30Il y a peu de photocopieuses en Afrique.
31:32Et pour l'instant,
31:34pas trop d'écrans.
31:36Ça commence, parce que les multinationales...
31:38On revient à votre cheval de bataille.
31:40Je crois que nous avons...
31:42Oui, avant de retrouver Yves, on va remarquer
31:44une dernière petite pause dans Bercom, dans Tous les Etats.
31:46On parle du niveau des étudiants
31:48en langue française. A tout de suite sur Sud Radio.
31:50...
31:52...
31:54...
31:56...
31:58...
32:00...
32:02...
32:04...
32:06...
32:08...
32:10...
32:12...
32:1413h45 sur Sud Radio. Nous sommes ensemble
32:16jusqu'à 14h avec André Bercoff,
32:18qui reçoit aujourd'hui Aude Denisot,
32:20qui vient nous voir pour son livre, je le rappelle,
32:22Pourquoi nos étudiants ne savent-ils plus
32:24écrire ? Aux éditions Henrik B.
32:26On accueille Yves, qui nous appelle depuis Arcachon.
32:28Bonjour Yves.
32:30Bonjour Madame Denisot, bonjour
32:32Monsieur Bercoff. Oui, je voulais
32:34vous livrer une anecdote. C'est que
32:36au début des années 70,
32:38j'étais élève ingénieur à Lille,
32:40à Central Lille, et mon épouse
32:42était en stage d'agrégation
32:44à Rouen. Donc, à l'époque,
32:46il n'y avait pas de SMS,
32:48de MMS, donc je lui ai écrivé des lettres d'amour.
32:50Et donc,
32:52elle a reçu une de mes lettres d'amour.
32:54Elle était en train de corriger un pacté
32:56de dictée de cinquième avec son stylo rouge.
32:58Et donc, elle a lu
33:00ma lettre d'amour et 5 fautes, 0.
33:02Bon.
33:04Elle vous a envoyé
33:060.
33:08J'ai été reçu avec l'indépendance du jury
33:10puisqu'aujourd'hui j'ai 51 ans de
33:12mariage. Donc 51, c'est mieux que 0.
33:14C'est mieux que 0.
33:16Je voulais dire que cette agrégée de lettres
33:18qui quand même était...
33:20Vous parliez tout à l'heure
33:22avec Mme Denisot du nombre
33:24de candidats reçus au bac.
33:26En 64, quand nous avons eu
33:28notre bac, tous les deux,
33:30il y avait 46%
33:32de reçus au bac.
33:34Ce qui est la moitié exactement
33:36de ce qu'il y a aujourd'hui.
33:3895% aujourd'hui, oui.
33:40Et mon épouse a été reçue à 16 ans
33:42avec mention bien.
33:44Cette enseignante,
33:46je rends hommage
33:48à Mme Denisot, cette enseignante,
33:50elle était en lycée,
33:52elle était au lycée
33:54Hoche à Versailles,
33:56et elle détectait en général
33:58sur la connaissance
34:00de la lampe et la compréhension
34:02des textes, donc
34:04des sujets, aussi dans ce
34:06lycée qui est un lycée scientifique,
34:082 ans,
34:10les capacités des élèves,
34:122 ans avant
34:14les profs de maths,
34:16puisque la connaissance de la langue
34:18fonde véritablement
34:20tout ce qui est la compréhension
34:22de l'intellect,
34:24on pense en français.
34:26On est bien d'accord.
34:28En tout cas, merci de votre témoignage,
34:30et je suis content de savoir
34:32que même en mettant un zéro,
34:34on peut tomber amoureux.
34:36Ça, c'est une très très très bonne chose.
34:38On était déjà amoureux.
34:42Merci Yves.
34:44C'est Marc qui nous appelle depuis Béziers.
34:46Bonjour Marc.
34:48Bonjour André,
34:50bonjour madame.
34:52J'écoutais l'émission et j'avais envie
34:54de rebondir lorsque madame a dit
34:56que le principe maintenant
34:58c'était de s'interroger sur le monde.
35:00Et effectivement,
35:02je trouve ça d'une stupidité
35:04monstre parce que
35:06dans ma conception
35:08de l'éducation, c'était de transmettre
35:10de la culture. Et après,
35:12à partir de la culture, on peut réfléchir.
35:14Mais comment peut-on s'interroger sur le monde
35:16ou réfléchir quand on n'a pas de base ?
35:18Et c'est ce qui fait que
35:20maintenant, les gens ont l'impression,
35:22les nouvelles générations ont l'impression
35:24de réfléchir, mais à partir de
35:26préjugés ou à partir de
35:30des sentiments, des passions,
35:32et non plus de la culture.
35:34C'est l'émotionnel qui l'emporte
35:36complètement sur le rationnel, ce qui est
35:38un peu embêtant, effectivement.
35:40Heureusement qu'il y a beaucoup de jeunes quand même qui réfléchissent,
35:42qui prennent le temps de réfléchir
35:44et qui prennent le temps de la culture.
35:46Moi je crois qu'il faut rester quand même
35:48pessimiste,
35:50optimiste avec modération,
35:52mais quand même c'est important, vous savez.
35:54Justement, mais je voulais parler de quelque chose
35:56par rapport à
35:58ce qu'on disait avec Aude Denisot.
36:00Vous avez,
36:02en quarantaine, cité un chiffre
36:04qui parlait des émoulements,
36:06parlait de combien sont payés
36:08les professeurs,
36:10ou les instituteurs,
36:12et vous disiez un chiffre
36:14qui était assez frappant entre les années 80
36:16et 2024,
36:18une quarantaine d'années.
36:20Qu'est-ce qui a changé par rapport
36:22au traitement ?
36:24Dans les années 80,
36:26un enseignant
36:28certifié 1er échelon
36:30gagnait
36:322,17 fois le SMIC.
36:34Aujourd'hui,
36:362023,
36:38c'est 1,17.
36:40Donc il y a eu une chute
36:42de la rémunération des enseignants,
36:44en général,
36:46bien sûr, une chute importante,
36:48parce qu'aujourd'hui,
36:50grosso modo, un certifié 1er échelon
36:52il gagne à peu près 200 euros
36:54bruts de plus que le SMIC.
36:56C'est pas beaucoup 200 euros
36:58bruts de plus.
37:00Alors que dans les années 80,
37:022,17,
37:04là on est sur le double du SMIC.
37:06Donc à un niveau égal ?
37:08À un niveau égal,
37:10ce sont des études
37:12d'un statisticien, Lucas Chioncel,
37:14qui publie tout ça sur Internet,
37:16et ça met en évidence
37:18ce décrochage total
37:20du niveau de rémunération.
37:22Mais pourtant, on dit partout que le budget de l'éducation nationale
37:24n'a pas du tout été raboté.
37:26Je ne sais pas,
37:28on n'a pas les chiffres.
37:30Peut-être, mais en tout cas, la rémunération
37:32Oui, énormément,
37:34et c'est ce qui explique cette crise des vocations
37:36et cette crise de l'autorité.
37:38Comment voulez-vous avoir de l'autorité
37:40quand vous êtes payé le SMIC ?
37:44Alors, c'est pas votre sujet
37:46au deviso, mais est-ce que
37:48dans ce que vous décrivez,
37:50le fait que, vous savez,
37:52dans certains,
37:54alors c'est plutôt lycées et écoles que les universités,
37:56bien sûr,
37:58qu'il y a de la violence, qu'il y a du désordre,
38:00qu'il y a des profs qui ne peuvent plus
38:02aller faire leurs cours parce qu'ils ont la boule au ventre
38:04et on les menace, quelquefois,
38:06on les menace de mort, etc.
38:08Est-ce que vous pensez que, quelque part,
38:10et même pas inconsciemment,
38:12qu'on se dit, bon, ce qu'on veut maintenant
38:14c'est d'avoir le moins de difficultés possibles,
38:16le moins de problèmes possibles, on va essayer
38:18de survivre en...
38:20Est-ce que ça peut être...
38:22une dimension liée à cette espèce de
38:24baisse de niveau ou pas,
38:26à votre avis ?
38:28Oui, mais ce n'est pas le problème
38:30principal.
38:32Les étudiants que je reçois dans mon université,
38:34nous sommes,
38:36voilà, à la campagne,
38:38pour tout dire, surtout j'enseigne principalement
38:40en Mayenne,
38:42et donc il n'y a pas de problème
38:44grave de violence, de menace,
38:46il y en a, mais voilà.
38:48Je pense que ces questions d'autorité
38:50sont importantes,
38:52mais pour moi, ce n'est
38:54pas le seul problème
38:56que nous avons.
38:58Il y a des lycées dans lesquels il n'y a aucun
39:00problème d'autorité, et pourtant
39:02les élèves en sortent très moyens.
39:04Très moyens.
39:06Et il faut faire.
39:08C'est étonnant, parce que vous parliez des émoluments, d'accord,
39:10mais est-ce qu'il n'y a pas qu'à une négligence
39:12de la part d'un certain nombre d'enseignants ?
39:14S'agissons
39:16de l'apprentissage.
39:18On ne parle pas d'autorité.
39:20Vous dites qu'il y a des lycées
39:22ou des écoles où ça se passe très bien, et heureusement,
39:24où il n'y a pas de violence spéciale,
39:26etc., et pourtant le niveau n'est pas...
39:28Oui, mais à cause
39:30du ministère.
39:32C'est le ministère qui donne
39:34des consignes stupides,
39:36des méthodes pédagogiques
39:38complètement révolues,
39:40qui continuent avec des maraudes
39:42dont tout le monde a montré
39:44qu'elles ne servaient à rien.
39:46Par exemple, la méthode
39:48inductive que j'évoquais tout à l'heure,
39:50ou le test de
39:52fluence pour mesurer le niveau de lecture
39:54des enfants.
39:56Le test de fluence
39:58a été
40:00inventé par
40:02un hurluberlu dans les années
40:0460, quelqu'un qui s'est intéressé à la
40:06pédagogie. Il a dit que pour
40:08mesurer le niveau de lecture des enfants,
40:10il fallait les faire lire le plus vite
40:12possible, sans mettre le ton,
40:14sans mettre la ponctuation.
40:16Or, aujourd'hui...
40:18C'est comme ça que vous pouvez mesurer
40:20le niveau de lecture. Aujourd'hui, c'est ce
40:22test qui est utilisé dans
40:24les écoles pour mesurer le niveau
40:26de lecture des enfants. Moi, j'ai fait
40:28ce test sans savoir ce que c'était.
40:30J'avais
40:32complètement raté, j'avais en dessous de la
40:34moyenne des élèves de sixième.
40:36Je me suis dit, il y a quelque chose qui cloche.
40:38C'est-à-dire que si je gagne au test de fluence,
40:40par exemple, récemment j'ai repensé
40:42à ce moment-là, en 1958, Asma a été l'une
40:44des élèves les plus faibles de ma classe de terminale
40:46cet été au lycée François Millon.
40:48Exactement. Un petit peu plus vite, peut-être.
40:50Ah ben oui, je suis là.
40:52Je suis recalé. Non mais c'est fou
40:54ça. Et c'est utilisé encore.
40:56C'est utilisé encore.
40:58C'est utilisé. Pourtant, il y a des études
41:00qui ont dit, c'est absurde, d'autant
41:02plus qu'on sait qu'aujourd'hui, un des
41:04problèmes des jeunes, c'est précisément
41:06qu'ils parlent trop vite.
41:08À quoi ça sert ?
41:10Et le ministère continue
41:12avec ce test de fluence
41:14et t'as d'autres outils complètement
41:16saugrenus. C'est fou.
41:18C'est ubuesque.
41:20C'est ubuesque et je pense que les enseignants
41:22ne sont pas coupables.
41:24Ils font ce qu'on leur dit de faire.
41:26Ils ont peur de l'inspecteur.
41:30Alors bien sûr, il y a quelques
41:32enseignants qui ne font pas leur travail, mais
41:34dans la majorité,
41:36ils sont investis, ils sont courageux.
41:38On leur demande de faire ce programme
41:40et ils le font.
41:42Et ces méthodes.
41:44Eh bien dis donc, on n'est pas sortis de l'auberge,
41:46chère Denise O.
41:48En tout cas, vraiment, lisez
41:50Pourquoi nos étudiants ne savent-ils
41:52plus écrire ? Parce que c'est fondamental.
41:54C'est fondamental pour tout, pour nos enfants,
41:56pour l'avenir,
41:58mais même pour le présent.
42:00C'est vrai. Comment peut-on
42:02parler
42:04si on ne sait pas de quoi
42:06on parle et comment on parle ?
42:08C'est bien ça ? C'est bien ça, oui.
42:10Ce manque de vocabulaire
42:12qui est crucial.
42:14Et attention à ces
42:16discours qui nous disent que tout va
42:18bien, la langue française évolue, c'est
42:20normal. Oui, la langue française
42:22évolue, mais elle évolue sur le long terme.
42:24C'est certain, dans 50 ans,
42:26nous ne parlerons pas comme aujourd'hui.
42:28Mais nous, nous formons des jeunes
42:30qui seront dans la vie professionnelle
42:32demain. Et les professionnels
42:34professionnels nous demandent.
42:36Et je vous dis d'ailleurs de commencer
42:38le premier cours, tout va très bien, madame
42:40la marquise. Et savez-vous comment c'est écrit ?
42:42M-A-R-K-I-Z
42:44madame la marquise.
42:46Et en tout cas, on vous conseille de lire ce livre
42:48Pourquoi nos étudiants ne savent-ils plus lire ?
42:50C'est aux éditions... plus écrire, pardon.
42:52Vous me faites ma langue accrochée.
42:54C'est pareil.
42:56Aux éditions Henrik Bessey, Aude Deniso, qui est enseignante
42:58et qui publie ce livre. Merci beaucoup Aude Deniso
43:00d'avoir été avec nous. André Bercoff, on vous retrouve
43:02demain, entre 13h et 14h de La Culture.
43:04Vous recevrez ? Absolument.
43:06Nous recevons François Lancel
43:08qui parle d'un éloge
43:10des moches. Très intéressant.
43:12Des moches à travers l'histoire.
43:14De Louis XI à Jeanne de France.
43:16Non mais ce sera de 13h à 14h et puis
43:18pour le début de l'émission, ce sera Alexis Poulin
43:20qui sera là demain de midi à 13h. A demain tout de suite
43:22Brigitte Lehi.