Xerfi Canal a reçu Marie-Anne Frison-Roche, professeure agrégée des Facultés de droit, Fondatrice de l'Ecole européenne de Droit de la Régulation et de la Compliance, pour parler des entreprises et de la compliance.
Une interview menée par Jean-Philippe Denis.
Une interview menée par Jean-Philippe Denis.
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00:00Bonjour Marianne Frison-Roche, vous êtes professeure des universités, vous êtes agrégée
00:15des facultés de droit, vous êtes majeure d'agrégation de droit privé et sciences
00:20criminelles, voilà, 1991, si ma mémoire est exacte, vous êtes professeure de droit
00:28de la régulation et de la compliance, vous avez été professeure à Sciences Po, aujourd'hui
00:34vous avez fondé l'école européenne de droit de la régulation et de la compliance
00:38et là j'ai 4 ouvrages, je pourrais en avoir même plus publiés chez Dallas consacrés
00:45à la question de la compliance pour une Europe de la compliance, c'est le dernier publié
00:49en 2023 et en 2019 nous avions les buts, non c'était les outils, c'était les outils
00:56Il y en a tellement que vous vous êtes un peu trompé, mais c'est pas grave, le dernier c'est sur la
01:02juridictionalisation de la compliance parce que le juge est désormais au cœur de la compliance,
01:07on le voit à travers son exemple qui est la vigilance, avant c'était les buts monumentaux
01:12de la compliance parce que la compliance se définit par ces buts monumentaux dans
01:17lesquels s'ancre la normativité juridique de tout l'ensemble. Bon alors on va rentrer
01:22dans le vif du sujet, beaucoup pensent que la compliance c'est la conformité,
01:26finalement c'est quoi la compliance ? La conformité, parce qu'on croit qu'il faut
01:33le nommer, c'est simplement obéir, j'obéis à la réglementation qui m'est applicable,
01:39peu importe le contenu de la réglementation, j'obéis. Alors le droit de la compliance c'est
01:44quasiment l'inverse, c'est le fait qu'il y ait des buts, des buts monumentaux, par exemple lutter
01:50contre le changement climatique, faire en sorte que les droits humains soient respectés,
01:54que l'on se respecte entre les hommes et les femmes, que l'on lutte contre la désinformation,
01:58ce sont des buts monumentaux et pour cela on demande aux entreprises d'utiliser leur puissance
02:03pour faire en sorte que ces buts soient atteints indépendamment des frontières.
02:08C'est ça la grande nouveauté, l'entreprise ?
02:11Oui, c'est en cela, c'est une branche de droit nouvelle que l'on peut dire véritablement
02:15révolutionnaire. Et alors si on intègre la question de la vigilance,
02:20la vigilance c'est la pointe avancée de tout cela, puisque la vigilance est exactement cela,
02:26la vigilance c'est un devoir, les grandes entreprises doivent détecter et prévenir
02:33les atteintes à l'environnement et aux droits humains, les droits humains c'est tout,
02:38il faut faire en sorte que dans toutes les chaînes de valeur, dans l'entreprise et au-delà de
02:44l'entreprise, les êtres humains par exemple soient respectés. Vous imaginez l'ambition,
02:49est-ce que ça ce n'est pas un but monumental ? Donc la vigilance c'est exactement le droit
02:55de la compléance en plus gros caractère, en plus grande puissance avec au centre le juge.
03:01Loi sur le devoir de vigilance, on voit tout de suite que c'est le point de rencontre entre le
03:05management et le droit. Voilà, la loi de 2017, puisque c'est une loi de 2017, a repris tous
03:12les outils de la loi précédente, la loi Sapin 2 qui date de 2016, en demandant aux entreprises
03:18de changer complètement leur management, de changer complètement leur gouvernance et en
03:22demandant ensuite au juge de regarder si cela est vrai. Parce que ce que l'on dit, ce que l'on
03:28soupçonne, c'est que les entreprises peu habituées à ce rôle-là se diraient bon ben on va confier ça
03:35au seul juriste, on ne veut pas le faire en vrai et là le juge va être sollicité pour regarder si
03:42cela est vrai. Ça change aussi considérablement l'office du juge. Bien sûr, alors évidemment le
03:47monde du droit, c'est le monde du contentieux, c'est le monde du conflit. Ce n'est pas que ça le
03:51monde des droits. Ce n'est pas que ça et ça peut même être autre chose, mais ça on va en parler.
03:55Mais finalement, comment vous voyez évoluer la situation aujourd'hui où de plus en plus on voit
04:00des situations de contentieux médiatiques avec les ONG, etc. pour les entreprises ? C'est le
04:05grand sujet, c'est comment est-ce que demain toutes ces différentes cultures qui sont en
04:10train d'évoluer vont arriver à s'accorder devant le juge ? Comment est-ce que le juge va comprendre
04:16ce qu'on peut appeler des causes systémiques, puisque c'est l'ensemble des systèmes qui
04:21arrivent devant les juges, qui sont des juges civils, des juges de premier degré. Par exemple,
04:27pour la loi Vigilance de 2017, on a donné une compétence exclusive au tribunal judiciaire de
04:33Paris devant le juge civil. Est-ce que le juge, et il faut qu'il s'ajuste pour cela,
04:39va apprendre à manier les systèmes ? Je crois que le juge judiciaire va révolutionner sa
04:47propre façon d'apprendre, sa propre façon de juger son organisation procédurale et qu'à l'avenir,
04:55nous allons avoir un juge judiciaire beaucoup plus offensif, un juge judiciaire qui va décider
05:01pour l'avenir. Merci Marianne Frison-Roche. C'est moi.
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