Annonce surprise de la dissolution de l'Assemblée nationale, conférence de presse pour mener la bataille : le Président se lance dans un pari très risqué. Mais si le pari est perdant, que va-t-il devenir ? Et finalement, que se passe-t-il dans la tête d'Emmanuel Macron ? Écoutez le débat entre Valérie Trierweiler, journaliste à "L'Hémicycle", Xavier Couture, consultant, ex-patron de médias, et Carl Meeus, rédacteur en chef au "Figaro Magazine".
Regardez L'invité de RTL Soir avec Julien Sellier du 11 juin 2024
Regardez L'invité de RTL Soir avec Julien Sellier du 11 juin 2024
Category
🗞
NewsTranscription
00:00RTL ! Bonsoir ! Julien Cellier et Cyprien Cygne !
00:04Allez les grands débats jusqu'à 20h en studio toujours, Valérie Triaveller, Xavier Couture,
00:08Karl Mayus et sacré défi pour votre trio, maintenant vous allez devoir répondre à
00:12cette question, que se passe-t-il dans la tête d'Emmanuel Macron ?
00:15Annonce surprise de 10 solutions dimanche soir, conférence de presse demain pour mener
00:19la bataille, le président se lance donc dans un pari très très risqué.
00:23On va se reposer aussi cette question, est-ce que son pari est risqué et s'il est perdant
00:27dans un mois, que va-t-il devenir ?
00:29Karl, vous êtes le mieux placé pour nous éclairer sur l'état d'esprit du président
00:32parce que vous avez partagé un vol retour des cérémonies d'Oradour-sur-Glane avec
00:36lui, vous racontez cet entretien dans les colonnes de votre journal aujourd'hui, « j'y
00:40vais pour gagner » vous a-t-il dit ? Il est vraiment confiant ? Parce que dans ce studio
00:45il y a une heure, notre journaliste qui suit l'exécutif et la majorité nous expliquait
00:49que la majorité, elle, ne l'était pas du tout confiante, qu'il y avait des pleurs
00:54dans le bureau exécutif du MoDem, des ministres qui pensaient qu'ils allaient perdre leur
00:58circonscription, il est le seul à être confiant, il l'est vraiment ?
01:01Il ne peut pas dire le contraire, il fait venir un journaliste pour se confier à lui,
01:07Valéry Trierweiler reconnaît ça aussi bien que moi, il ne va pas vous dire « j'ai
01:12fait une énorme boulette, je regrette, ce n'est pas possible ».
01:14Mais il l'a annoncé la dissolution, donc c'est qu'il doit y croire quand même.
01:18L'objectif de cet entretien et de ce qu'il voulait dire, c'était afficher sa confiance,
01:24expliquer quand même aussi pourquoi il fait ça, on a évoqué à un moment effectivement
01:27l'idée de dissolution en septembre, les autres partis qui se préparent et tout ça.
01:32Et en fait, ce qu'il me dit, c'est que c'est toute la différence entre « choisir » et
01:36« subir ».
01:37Dissolution en septembre, ça voulait dire qu'en réalité…
01:39Il était persuadé que les oppositions, y compris la droite, allaient s'allier pour
01:43avoir la peau du gouvernement à la rentrée ?
01:45Oui, ça c'est très clair, il voyait dans le jeu des oppositions au Parlement que ça
01:51allait conduire à un moment ou à un autre à une dissolution, parce qu'il y avait une
01:56motion de censure qui aurait entraîné une dissolution.
01:58Il voyait bien que les LR avaient dit « on met des marqueurs sur le budget, on ne veut
02:04pas qu'il y ait de hausse d'impôts, on ne veut pas qu'il y ait un certain nombre
02:06de choses ».
02:07Il voyait bien que le petit groupe charnière qui s'appelle Liott était celui qui permettait
02:10à tout le monde de voter une motion de censure sans avoir les mains complètement sales.
02:15Et donc, il voyait qu'on allait là.
02:17Et si on allait là, il était obligé de faire une motion de censure, mais à ce moment-là
02:20sous la pression de l'opposition.
02:21Là, ce qui s'est dit, c'est que je prends tout le monde par surprise, ça c'est quelque
02:25chose qu'il adore faire, et je remets les compteurs à zéro.
02:28Je clarifie, c'est le mot qu'il a employé un certain nombre de fois, et au fond, ce
02:33qui se passe depuis deux jours dans la vie politique française montre que sur ce point-là,
02:37il a raison.
02:38Est-ce que ça sera gagnant ? Je ne suis pas persuadé, parce qu'au fond, la clarification
02:41à gauche est en train de montrer qu'il se passe quelque chose qui peut peut-être entrer
02:45dans le débat.
02:46Il misait sur une gauche désunie le Président de la République, et c'est raté.
02:49Et c'est raté.
02:50Sur la dissolution, vous lui posez la question clairement, certains pensent que vous êtes
02:53fou.
02:54Qu'est-ce qu'il vous répond ?
02:55Il n'a pas tellement aimé.
02:57Je pense que, oui, là, il y a eu un regard, un moment, bon, un peu tendu, mais il fallait
03:04poser la question.
03:05Pardon, mais tout le monde autour de nous, tous nos amis, tous les gens qu'on connaît
03:09qui ne sont pas dans la politique, nous ont tous dit « Attends, explique-moi, il est
03:13devenu fou, il y a quelque chose ».
03:14Et au sein de sa majorité, certains le disent.
03:16Et au sein de sa majorité.
03:17Donc, j'ai trouvé légitime de poser cette question, et il me dit « Non, pas du tout,
03:21je ne pense qu'à la France, je l'ai fait dans l'intérêt du pays ». Alors, c'est
03:24là où ça devient aussi intéressant, c'est qu'il prend une référence qui remonte
03:28à 2018, et même après, encore plus loin, à 2005 et 2008.
03:32C'est-à-dire qu'il me parle des Gilets jaunes, et qu'au fond, sa crainte, c'est
03:36de dire « Si je n'avais rien fait, si je n'avais rien fait dimanche soir, je l'avais
03:42dit, bon, ok, c'est des élections européennes, je laisse ça, avec des forces d'extrême-droite,
03:47RN, Reconquête, ça, à peu près 40%, qu'est-ce qui serait passé ? ». Et sa crainte, c'était
03:51qu'il y ait des gens qui descendent dans la rue, qu'il y ait des débordements, un
03:53peu à la manière des Gilets jaunes.
03:55Et lui, ce qu'il me dit, qu'il a retenu, notamment des Gilets jaunes, c'est ce que
04:00ces gens lui disaient sur le non-respect du référendum de 2005 sur l'Europe par la
04:06classe politique française.
04:07Et réclamait le RIC, d'ailleurs, le référendum d'initiative populaire, le RIC.
04:10Référendum de 2005, vous vous souvenez, sur le traité européen, le non l'emporte,
04:14mais qu'est-ce qui se passe ? Deux ans, trois ans plus tard, on fait un nouveau traité,
04:18Nicolas Sarkozy a rivalisé, traité de Lisbonne, et là, plutôt que de demander au peuple
04:23son avis, on le fait ratifier par le Parlement.
04:26Et ça, ça a beaucoup marqué.
04:27Vous dites qu'il n'a pas apprécié le terme « fou ». C'est vrai que folie, le terme
04:30est fort, mais on a entendu des éditorialistes, Étienne Gernel sur ce plateau dès dimanche
04:34soir, Jean-Michel Apathie hier sur un autre plateau, dire que ça relève de la psychanalyse.
04:38C'est la volonté de montrer qu'il a du panache pour Étienne, ça lui ressemble,
04:41il aime ça, montrer qu'il a du panache, le signe d'une grande dépression ou de
04:45quelqu'un qui perd les pédales pour Jean-Michel Apathie.
04:46Il y a un peu de ça, Xavier, ou pas ?
04:48Moi, je ne crois pas.
04:49Je pense qu'il est quand même très monarchique par essence.
04:54Il est habité par un certain respect de lui-même, on ne peut pas dire qu'il ne soit pas sujet
05:01au narcissisme.
05:02Ça paraît relativement évident.
05:04Ça, c'est le premier point.
05:05Le second point, c'est que c'est un homme qui aime l'immédiat.
05:09Il n'a jamais fait de politique.
05:11Il faut quand même se dire qu'il n'a jamais été élu, cet homme.
05:13Enfin, il a été élu Président de la République deux fois, ce qui n'est pas si mal, mais
05:16avant jamais.
05:17Il ne sait pas ce que c'est que la politique, il ne s'est jamais confronté au marché
05:20le dimanche pour aller distribuer des tracts.
05:22Il ne sait pas ça.
05:23Donc, c'est un garçon surdoué, hypermésique.
05:27Il a une intelligence qui doit être supérieure à la nôtre, tous les cinq réunis.
05:33Donc, le type est exceptionnel à tout point de vue, mais il est habité par une envie
05:39de s'aimer qui est quand même assez remarquable.
05:42Je voudrais juste terminer sur ce point.
05:44On est face à un homme qui aime l'immédiat, qui se dit « je suis plus malin ».
05:48Et donc, au lieu de faire de la stratégie, il fait de la tactique tout le temps.
05:51Et il pense que la tactique, c'est de la stratégie.
05:53Donc, il fait une dissolution qui est purement tactique parce qu'il a quatre conseillers
05:57qui vont lui dire « c'est la bonne décision mon gars, et t'en fais pas de toute manière,
06:01ça va envoyer une majorité introuvable pour Bardella et comme cette majorité va être
06:06introuvable, tu vas pouvoir te balader et montrer qu'il est nul et revenir en 2025
06:10avec des gens de chez nous ». Ça ne marche pas comme ça.
06:13Moi, je crois que le peuple français, il est très légitimiste et l'affaire de Ciotti,
06:18ça va permettre d'avoir une majorité absolue.
06:20C'est ce que disent en coulisses, on l'évoquait un petit peu plus tôt sur cette antenne dans
06:23cette émission, certains ténors de la majorité qui disent que le Président ne sent plus
06:28le pays et que ses conseillers sont en train de l'enfermer dans une bulle parce que c'est
06:31vrai que pour tenter de renverser les sondages en 19 jours alors que le RN était en tête
06:38dans 93% des communes, il faut y croire très fort ou être très déconnecté, Valérie,
06:44non ? Oui, moi je suis convaincue qu'il est totalement
06:46déconnecté, on le voit, il n'a aucune empathie pour les gens qui lui parlent dans
06:51la rue, on l'a vu, quand il dit « traversez la rue » et ceci, « allez vous acheter
06:55un costard », etc., quand il parle mal aux gens, il est totalement déconnecté.
06:59Moi, je le disais déjà dimanche, je pense que vraiment ça relève de l'hubris, d'un
07:05démesuré.
07:06C'est vrai qu'il s'aime vraiment beaucoup et le fait qu'il ait eu un score, même
07:11si ce n'est pas directement attribué, très faible, 15% c'est quand même peu, il le
07:18prend, vous ne m'aimez pas, vous ne m'aimez pas assez, vous allez voir, il ne supporte
07:23pas de ne pas être suffisamment aimé.
07:25Il compte sur l'électrochoc maintenant ? Exactement, mais je pense qu'il se trompe
07:28totalement.
07:29Ce sera encore pire.
07:30Ce sera encore pire, il n'a pas de majorité, il en aura encore moins.
07:35Et vous ne voulez pas de moi, vous allez voir ce que vous allez voir.
07:37Quand on écoute ses proches, ils disent tous que ça va être pire que tout, il vaudrait
07:40mieux investir.
07:41Juste, Carl, puisque vous l'avez rencontré ces dernières heures, le président de la
07:44République, là, on le comprend, il veut intervenir jusqu'à trois fois par semaine,
07:48il va mener la campagne.
07:49Donc, s'il y a une nouvelle défaite, ce sera encore la sienne, puisqu'il avait déjà
07:52mené campagne, peut-être de manière moins intense, mais pour les européennes.
07:55Qu'est-ce qui se passe s'il repère ? Quand vous lui demandez s'il compte démissionner,
08:02s'il perd, il écarte l'hypothèse, il faut le croire.
08:04Hier, quand il me le dit, il faut le croire, on verra le 7 juillet, quand il aura la claque,
08:12on pourra le croire.
08:13C'est au fond ça tout le problème d'Emmanuel Macron, c'est qu'il a tellement dit tout
08:16et le contraire de tout, qu'on a du mal à le croire, que les Français ont du mal à
08:20le croire.
08:21Il a dit qu'il n'utiliserait pas la dissolution en cas de mauvais score.
08:23Exactement.
08:24Trois jours avant.
08:25Exactement.
08:26Il l'a dit à la Tribune du Monde, ça a été écrit, il le disait à tout le monde, ses
08:29conseillers le disaient.
08:30Finalement, il le fait.
08:32On est obligé de prendre pour argent comptant ce qu'il dit, puisque ça n'a pas l'air
08:35de être présent dans la public.
08:36Est-ce qu'on a du mal à imaginer, scénario fictif, les sondages de Jean-Daniel Lévy
08:41et d'Aristolouna donnés sur RTL hier sont les bons, l'ERN obtient une majorité relative
08:46ou absolue à l'Assemblée Nationale, ça veut dire quoi qu'Emmanuel Macron devienne
08:51un président fantoche ? Il a tellement mis les mains dans le bambou pendant des années
08:56qu'on a du mal à l'imaginer dans ce rôle-là.
08:58Il y a peut-être un pari qui est de voir que ça conduit à une impasse et qu'ensuite
09:07il voit ce qu'il se passe.
09:08Comme le disait Xavier Couture, c'est quelqu'un de très pragmatique qui est beaucoup dans
09:11la tactique de l'instant, le moment.
09:14Il m'a peut-être aussi fait basculer la France dans la 4ème République avec une crise
09:17de régime, d'émotions de censure insouciantes.
09:19Oui, mais avec les institutions de la 5ème, avec un président de la République, et il
09:22le répète, qui est là et rien ne peut l'obliger à partir.
09:26Moi, je ne crois pas qu'il soit déconnecté en fait, parce que ce qui m'a frappé, c'est
09:31qu'il retient tout ce que lui disent les gens, et il voit beaucoup de gens.
09:34Il était en Normandie, là il était en Corrèze dans la Haute-Vienne, et il a parlé avec
09:39le maire d'Auradour.
09:40Auradour, le RN est à plus de 30%.
09:41Il a demandé au maire, en disant, mais qu'est-ce qu'il y a comme problème ? Il y a zéro problème
09:46d'insécurité chez moi.
09:47Donc, pourquoi les gens ont voté RN à Auradour ? Et c'est ça la question qu'ils posent
09:52aux Français.
09:53C'est la question qu'ils posent dans des tas de zones rurales et périurbaines qui
09:57ne sont pas les zones du Nord et de l'Est sinistrées qui votaient RN il y a encore quelques
10:02années.
10:03Il y a un sentiment anti-élite qui s'est développé, même chez des gens qui n'ont
10:05pas forcément de problème.
10:06Il y a une inquiétude, il y a une insécurité, mais donc il dit aux Français, vous avez
10:11exprimé ça aux Européennes, en vous disant qu'il n'y avait peut-être pas un enjeu
10:16pour le pays, qu'au fond je pouvais faire éclater ma mauvaise humeur.
10:20Est-ce que vous êtes prêt à le refaire cette fois-ci aux législatives ou là il
10:23y a un enjeu ? Parce que là derrière c'est la conduite de la législation.
10:26Donc ils testent les Français.
10:27Mais oui, mais là je pense qu'il y a quand même un point qu'ils n'arrivent pas à
10:30prendre en compte et qui est cette espèce de sentiment ou effectivement de détestation
10:34on m'aime, on ne m'aime pas, etc.
10:36Moi je vote dans le Béry et j'ai parlé avec les électeurs et dans mon village du
10:41Béry, Bardella fait 35%.
10:43Franchement, l'immigration et l'insécurité ce n'est quand même pas le problème.
10:48Il n'y a pas de commerce.
10:49Donc qu'est-ce qui se passe ? Ce qui se passe, c'est que pour l'essentiel, ce que
10:54me disent ces électeurs-là, c'est le fameux « on a tout essayé, rien ne marche »
10:58et c'est l'inefficacité de l'État.
11:01Vous ne vous rendez pas compte du ras-le-bol, du ras-le-bol des Français de ces zones qui
11:08n'ont pas d'hôpital, pas de médecin, l'école est en ruine.
11:12Ils en ont marre et ils se disent, bah dans le fond, allez on y va, on va essayer.
11:17Je veux juste terminer sur le fait que quand même Macron dans son hubris, pour revenir
11:20à ce que disait Valéry, voilà, le risque était qu'on ne vote pas le budget.
11:27La belle affaire, il n'était pas obligé de dissoudre, il pouvait appeler un nouveau
11:31gouvernement, un nouveau premier ministre, une motion de ceinture, j'appelle un nouveau
11:34premier ministre et là je fais vraiment ma coalition avec les Républicains.
11:37C'était quand même plus simple que d'arriver à cet extrême.
11:39Et puis les Français auraient peut-être été de meilleure humeur après les JO, alors
11:43que là, juste avant, les gens sont de très mauvaise humeur, il y a tout ce que vous
11:46disiez, plus les problèmes de pouvoir d'achat, j'y reviens à chaque fois.