• il y a 6 mois
L'invité du jour de Télématin est le comédien Jacques Weber. 

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Transcription
00:00Et nous sommes extrêmement heureux, à 9h13, passée de 47 secondes, de recevoir un monument de l'ampleur.
00:07– Ne vous détouffez pas !
00:09– Ils s'en détouffent. Bonjour Jacques Mébert.
00:11Merci beaucoup d'avoir accepté notre invitation.
00:13Je vous annonce que quand on a annoncé que vous étiez invité,
00:16tout le monde ici s'est battu pour s'asseoir à côté de vous.
00:18Est-ce que vous étiez conscient de ce statut d'icône, au moins, au sein de l'équipe de Télématin ?
00:23– Je ne sais pas si je suis d'icône, mais heureusement non, parce que sinon ce serait épouvantable.
00:28Non, non, non, pas du tout.
00:30– Vous êtes là aujourd'hui pour nous parler d'une pièce remarquable,
00:34par son succès, par son écriture aussi.
00:36Ça s'appelle « Ranger », c'est jusqu'au 29 juin au Théâtre des Bouffes parisiens.
00:40On va regarder un extrait.
00:42– C'est fou d'avoir tant vécu dans l'autre,
00:50et découvrir quand il s'en va qu'on n'est rien.
00:56Je n'ai pas pleuré depuis que tu es mort.
00:58J'y rêve pas, j'aimerais bien y arriver ce soir,
01:02que je sois délivré de ma peine, que mon chagrin sorte.
01:06Pourquoi je n'arrive pas à pleurer ?
01:10Dans le café, il y avait cette chanson sur laquelle nous avons tellement dansé,
01:15dans les années 80, souvent ivre, défoncé et nu.
01:22Et je t'aimerai toute ma vie.
01:26– On va pouvoir danser, c'est beau.
01:28– Mais si vous souhaitez danser, vous pouvez.
01:30– Arrêtez là qu'on veut danser, parce que là vous avez fait des extraits
01:32qui sont très bien, mais qui ont l'air chargés et dramatiques.
01:38– Oui, c'est la question que j'allais vous poser.
01:40– Ce qui est très beau, je crois, c'est qu'il n'y a pas de pathos dans cette pièce.
01:42– Aucun pathos, c'est une déclaration d'amour sublime,
01:46le texte est signé Pascal Rembert, et là où c'est magique,
01:50c'est que, pour planter le décor, vous êtes seul dans une chambre à Hong Kong,
01:54et vous parlez à votre femme disparue, à son portrait qui est devant vous,
01:58mais vous lui parlez du quotidien.
02:00Et le quotidien, par l'écriture de Rembert, est rendu extrêmement poétique,
02:04et aussi par votre interprétation.
02:06– Oui, mais je crois que c'est ça la grande force de la pièce,
02:08c'est qu'on entre, parce que la première phrase peut faire très peur au public,
02:13puisque tu es morte il y a un an, je n'ai plus envie de vivre.
02:16Comme dit l'autre, ça commence costaud.
02:19Et donc on peut avoir peur, et en fait non,
02:21parce qu'il y a tellement d'amour entre eux que quelque chose se met à revivre,
02:25mais le quotidien même le plus proche, sa journée,
02:28il lui raconte sa journée d'un seul coup.
02:30Et ça c'est vraiment une notation extrêmement précise,
02:33et il y a beaucoup de moments drôles.
02:37C'est un homme qui a cette fameuse politesse du désespoir qu'on appelle l'humour.
02:43Moi franchement, je ne dis pas, parce que comme disait Simone Signoret,
02:48je ne fais pas du service après-vente, d'abord là c'est avant-vente,
02:50ou c'est pendant-vente.
02:52Mais très honnêtement, c'est à mes yeux une des plus belles choses que j'ai faites.
02:56Bref, enchaquant, enchaquant.
03:00Donc vraiment, c'était un moment pour moi magnifique,
03:04et c'est un cadeau puisque Pascal Rambert a écrit la pièce pour moi.
03:07– Oui, c'est une de ses spécificités.
03:09Il écrit en pensant au comédien à qui il va jouer.
03:13– C'est merveilleux, c'est le seul acteur, pardon, auteur
03:16en qui les acteurs ont confiance à tel point qu'ils acceptent avant qu'il ait écrit.
03:20Et il le fait pour tous les acteurs.
03:22– Et c'est votre cas, vous avez accepté avant même de dire…
03:24– Oui, je ne sais pas, et un jour elle m'a dit, tiens, voilà.
03:28Et je suis tombé des nues, enfin voilà, et c'est toujours comme ça avec lui.
03:31– Et ça facilite le jeu ou pas d'acteur ?
03:33Ça facilite l'entraînement personnel ?
03:35– Je ne sais pas, parce que bon, c'est un métier, et puis voilà.
03:39Mais ce qui est vrai, c'est que c'est vraiment un rapport extrêmement différent.
03:44C'est un rapport d'abord totalement, je vais presque dire amoureux avec l'auteur.
03:49Ça c'est quelque chose de formidable, il y a une osmose merveilleuse.
03:52Mais ce qui est très difficile chez Pascal, c'est que pour aller encore plus dans notre sens,
03:57il ne met aucune ponctuation.
04:00Donc c'est à l'acteur de lui-même…
04:02– De s'emparer en fait.
04:04– Voilà, de distribuer le texte, et c'est formidable.
04:07– Je voulais vous poser une question à vous, Jacques Weber, par rapport à la pièce.
04:12Qu'est-ce que vous redoutez le plus dans votre vie, la mort ou la solitude ?
04:16– Ah, très bonne question.
04:18Comme dirait l'autre, la mort, je n'y connais rien, je ne sais pas ce qui se passe après.
04:23En tout cas, je ne suis adepte d'aucune espèce de religion.
04:26Dieu peut me poser des questions, mais les religions me font tellement peur,
04:29elles ont tellement fait de dégâts, entre autres par rapport à vous,
04:32mesdames, on oublie de le dire trop souvent.
04:34Ce sont les premiers responsables du patriarcat, entre autres.
04:37Mais en fait, ça c'est un autre problème.
04:39Non, moi, ce qui me fait horriblement peur, c'est la solitude.
04:41J'ai la chance géniale d'avoir la même femme depuis 44 ans à peu près,
04:46et c'est une merveille pour moi, c'est une chance inouïe,
04:49parce que la solitude, je deviens Bukowski le lendemain,
04:52sans son génie en plus, qui sera très remis en avant.
04:55– Comment vous aimez, Jacques Weber, comment vous aimez l'eau ?
04:59– Mais vous voulez trop en savoir !
05:01– Mais bien sûr que je veux en savoir sur vous !
05:03– Mais vous êtes là pour parler de vous aussi !
05:05– On vous a sous la main, on en profite !
05:07– Je crois que je suis un grand ado, parait-il, d'après ce qu'on me dit,
05:09j'ai un peu les culottes courtes.
05:11– Ha ha !
05:13– Voilà, j'ai des moments de grande bouffée de passion.
05:18Après, je suis très emmerdant, parce que comme beaucoup d'acteurs,
05:22je suis plutôt inquiet comme garçon, c'est-à-dire avant de jouer,
05:25je ne suis pas très très rigolo.
05:27Mais voilà, tout ça reste d'une modestie absolue.
05:30– Mais on disait tout à l'heure, la pièce est très réaliste,
05:33ça parle du quotidien, de souvenirs communs.
05:35Est-ce que l'amour, c'est la simplicité selon vous, justement ?
05:39– Non, je crois que ça va.
05:41Comme dirait l'autre, vous savez, c'est Orson Welles,
05:43dans un film qui s'appelait « Vérité et mensonge »,
05:45qui disait que tout ce qui est simple est extrêmement compliqué.
05:48Je crois d'ailleurs que la simplicité, c'est ce qui unifie le génie.
05:51Vous avez remarqué que beaucoup de crétins,
05:54je ne citerai pas les noms,
05:56je crois que j'ai envie de les citer à la veille des élections,
05:58mais sont extrêmement… on ne comprend rien à ce qu'ils disent, c'est abscons.
06:02Je n'ai jamais vu un grand esprit s'exprimer de façon compliquée.
06:07Donc je crois que la simplicité, c'est la finalité des choses,
06:12c'est ce qu'il y a de plus beau, c'est ce qu'il y a de plus dur, je crois.
06:15Mais pour mon métier aussi, je me souviens d'un professeur qui disait
06:19« Tu seras bien quand tu joueras les mains en bas ».
06:21Ça voulait dire quand tu n'auras plus rien,
06:23quand tout sera dénudé, à nu, simple, voilà.
06:27– Je voulais dire, ce qui est fascinant,
06:29c'est que vous êtes seul en scène pendant un peu plus d'une heure vingt.
06:32– Alors, pardonnez-moi de vous interrompre.
06:34Justement, j'ai dit à Pascal que je n'aimerais pas faire un monologue,
06:37et ce n'est pas un monologue, c'est un dialogue avec une photo.
06:41Mais moi qui n'ai rien au rapport avec l'occultisme,
06:44le spiritisme ou autres blagues du même genre,
06:47je constate que oui, cette photo, qui plus est,
06:52c'est quelqu'un que j'ai très bien connu à une époque,
06:55a quelque chose de plus en plus vivant lorsque je m'adresse à elle.
07:00– Cette photo est votre partenaire ?
07:02– Un monologue de point, c'est lorsque je m'adresse au public.
07:05Là, c'est un dialogue, et donc ça reste vraiment une pièce de théâtre.
07:08– On continue à parler de cette pièce qui s'appelle « Ranger »,
07:10Jacques Hébert qui est remarquable.
07:12Vous restez avec nous, bien évidemment,
07:14Mathilde Therrier, dans un instant, va vous plonger dans vos archives,
07:16elles vous concernent, on se retrouve juste après.

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