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00:00 - Marguerite Caton, bonjour ! - Bonjour Guillaume et bonjour à tous !
00:03 - Retour à l'Assemblée ! - Cela devait arriver, ça aura lieu cet après-midi à 13h30 à l'Assemblée nationale.
00:09 Le débat a suivi du vote de deux motions de censure déposées vendredi par la France Insoumise et par le Rassemblement National.
00:15 Objectif, renverser le gouvernement de Gabriel Attal au nom des finances publiques,
00:19 au nom des 20 milliards d'économies prévues sans consulter le Parlement.
00:24 - Bonjour Isabelle Tis, Saint-Jean. - Bonjour.
00:26 - Vous êtes économiste, professeure à Sorbonne-Paris Nord. Le contrôle du budget, dites-nous, c'est une prérogative essentielle du Parlement ?
00:33 - Oui, absolument. C'est même inscrit dans la Déclaration des droits de l'homme, dans les articles 13, 14 et 15,
00:43 qui affirme le fait que la nation, par sa représentation parlementaire, a le droit de consentir les impôts,
00:50 d'en constater la nécessité et d'en suivre l'emploi ainsi que de demander des comptes à son administration.
00:55 Donc c'est quelque chose d'absolument fondamental dans le fonctionnement de la démocratie.
00:59 Et donc il y a toute une série de procédures qui font que le Parlement doit jouer un rôle absolument essentiel.
01:09 Alors évidemment on est dans la cinquième, donc on va y revenir.
01:12 Il y a évidemment des moyens pour un gouvernement de contournement, mais là on est dans quelque chose quand même d'assez inédit.
01:19 Je vais dire ça comme ça.
01:20 - Et vous l'avez dit, il y a des procédures très clairement fixées pour le contrôle de ce budget.
01:25 Le calendrier est très précisément fixé.
01:27 Chaque mois d'octobre, on vote à l'Assemblée nationale, puis au Sénat le projet de loi de finances initiales,
01:32 qui fixe le budget de l'année à venir.
01:34 En fin d'année, en miroir, il y a normalement une loi de règlement qui arrête les comptes.
01:37 Déjà à la fin de l'année 2023, l'adoption de la loi de finances initiales s'est faite dans la douleur.
01:42 Isabelle Tissin-Jean ?
01:44 - Oui, alors elle s'est faite avec, tout le monde en a entendu parler, les fameux 49-3.
01:48 C'est-à-dire que c'est le gouvernement faute de trouver une majorité.
01:52 Donc avant que le texte passe dans l'hémicycle, il y a des discussions en commission,
02:00 notamment dans la commission des finances.
02:01 Et la commission des finances avait voté contre, en fait.
02:04 Donc il y avait déjà eu quand même une grosse alerte.
02:06 Bon, et de toute façon, le gouvernement n'a pas la majorité pour faire passer ce texte.
02:10 Donc il l'use et il l'abuse des 49-3.
02:14 Donc le texte était passé par des 49-3.
02:17 Et puis, il y a eu un épisode, je ne veux pas être trop longue et rentrer trop dans les détails,
02:23 mais il y a eu un épisode de rectification budgétaire des hypothèses de croissance,
02:30 du poids du déficit.
02:31 Et donc le gouvernement, en cours d'année, a décidé de changer profondément la trajectoire budgétaire.
02:38 - Et c'est intéressant cette correction, parce que c'est en effet au mois de février que Bruno Le Maire annonce
02:42 qu'il avait fait un budget avec une prévision d'1,4 points de croissance
02:47 et que finalement il la corrige à 1, ce qui reste assez optimiste.
02:50 C'est courant que des gouvernements surestiment un peu la croissance et qu'ils la rectifient encore ?
02:56 - A ce point-là, non.
02:57 C'est souvent...
02:58 La prévision en économie est difficile et quasiment impossible même.
03:04 Donc on ne peut pas reprocher à un gouvernement de faire un peu des erreurs.
03:07 Là, il s'est quand même beaucoup, beaucoup trompé.
03:10 Alors c'est vrai qu'on est dans une période d'incertitude très forte.
03:13 Mais il y a tout un débat sur le fait qu'il aurait retenu une information,
03:17 parce qu'il y a eu une note des services de Bercy qu'il a eues sur son bureau.
03:24 Et en fait, il a déposé le texte de la discussion au Parlement à la fin de l'année.
03:28 Là, c'est fait.
03:29 Alors qu'il avait déjà cette information que la croissance ne serait pas celle sur laquelle il a construit son budget.
03:34 Donc il y a en ce moment une commission d'enquête au Sénat et à l'Assemblée nationale
03:39 sur l'insincérité du gouvernement.
03:42 Mais pour revenir sur ce qui s'est passé, il y a cet épisode-là,
03:47 mais il y a surtout ensuite deux choses.
03:50 Donc il passe un décret d'annulation de crédit.
03:53 Il décide de 10 milliards d'économies.
03:55 C'est absolument dans la loi, dans la Constitution.
04:01 Et il respecte absolument la loi dite loi organique et la LOLF,
04:06 qui régit toutes ces règles de vote du budget.
04:11 Donc il est tout à fait dans les cordes, mais sauf qu'on n'a quand même jamais vu.
04:14 Il faut remonter à 2000 pour voir un décret d'annulation de ce niveau, de 10 milliards.
04:20 Et puis là, il y a des annonces de ce qu'on appelle un surgel.
04:23 Alors c'est compliqué.
04:24 Si vous me laissez le temps, je le développerai tout à l'heure.
04:27 Mais un surgel de 10 milliards, donc ça fait 20 milliards.
04:30 Normalement, la pratique veut qu'on passe des lois de finances dites rectificatives.
04:38 Il y a plusieurs types de lois de finances.
04:42 Et il y en a qu'on appelle les lois de finances rectificatives, qui sont tout à fait d'usage,
04:47 qui sont liées en particulier à des périodes de forte crise ou de fort bouleversement
04:54 pour permettre, quand il y a une modification de la trajectoire, au Parlement de jouer pleinement son rôle.
05:00 Et la LOLF ne dit pas si on a le droit à un décret d'annulation
05:04 ou à quel moment il faut passer avec un projet de loi de finances rectificatives.
05:07 Ça, ce n'est pas tranché dans l'organisation des finances publiques ?
05:10 Non.
05:13 Le gouvernement ne se mettra pas en dehors de la Constitution en faisant ça.
05:16 Il n'ira pas à l'encontre.
05:19 C'est une pratique, sauf qu'il utilise quand même la pratique jusqu'au bout.
05:25 Dans une cinquième qui est quand même déjà assez autoritaire, qui minore le rôle du Parlement.
05:30 Et surtout dans un moment où on est dans une situation très, très compliquée.
05:36 Et donc on a absolument besoin de débats sur ces questions-là.
05:40 Il y a des enjeux très forts de choix de politique économique.
05:45 Et le gouvernement doit accepter de mener le débat face à la représentation parlementaire.
05:53 Parce que sinon, d'une certaine manière, il passe en force.
05:56 Alors, il ne passe pas en force de manière anticonstitutionnelle, mais il passe en force politiquement.
06:03 Et ça, moi, je pense que c'est une vraie erreur.
06:05 Parce qu'on a besoin, dans un moment comme ça, vraiment de discuter sur le fond, d'échanger les arguments.
06:11 Sur la trajectoire budgétaire, sur la dette, sur le déficit, sur les dépenses publiques, lesquelles, les impôts.
06:19 Il faut qu'on discute de tout ça.
06:20 On ne peut pas avoir, pardon, juste un ministre de l'économie qui dit "j'ai sauvé la France, les entreprises".
06:29 Là, ce n'est pas possible.
06:31 Et je comprends, du coup, le dépôt de motion des parlementaires.
06:34 - Moi, ma question, c'est pourquoi la dépose-t-il, enfin, les dépose-t-il, ces deux motions de censure ?
06:39 Celle de la France insoumise et celle du Rassemblement national, maintenant ?
06:42 Puisque les événements, les décrets d'annulation, les 10 milliards d'économie, la révision de la croissance, tout ça,
06:46 ça a eu lieu en février, puis avril pour les 10 milliards de surgel sur les réserves des ministères et sur les collectivités.
06:53 Pourquoi c'est maintenant qu'arrivent ces motions de censure ?
06:54 - Alors, il y a eu un débat fin avril sur un autre texte qui, en fait, donne les trajectoires de manière pluriannuelle.
07:03 Ce n'est pas une loi de finances, c'est un autre type de texte, passons.
07:07 Et à l'occasion de ce débat, le bruit du surgel arrivait, de ces 10 milliards en plus.
07:16 Les 10 milliards d'annulation par décret étaient déjà passés, mais là, il y avait le bruit de 10 milliards en plus.
07:22 Et à ce moment-là, les parlementaires et l'ensemble de l'opposition a réclamé de manière extrêmement forte, donc, une loi de finances rectificative.
07:33 Et effectivement, il y a des groupes qui ont posé un ultimatum.
07:38 Donc la France insoumise, le Rassemblement national ont posé un ultimatum en disant, écoutez,
07:44 si dans un mois, il n'y a pas un débat qui est organisé, enfin, pardon, si vous ne déposez pas une loi de finances rectificative,
07:53 nous, on déposera une motion de censure.
07:56 Alors, une motion de censure qui est ce qu'on appelle les motions spontanées ou offensives,
08:02 et qui vise à provoquer le débat parlementaire.
08:07 Donc c'est ce qui était annoncé, c'est ce qu'ils font, l'ensemble sur la motion de la LFI, l'ensemble de la gauche va la voter.
08:15 Mais la chance qu'elle passe est très faible.
08:20 Il y en a eu une qui a été votée dans l'histoire.
08:23 Très bien. Et d'ailleurs, les Républicains se réservent pour l'examen du prochain budget à l'automne.
08:27 Merci beaucoup, Isabelle Tisse-St-Jean. Merci de cette explication.
08:30 Je rappelle que vous êtes professeure d'économie à l'Université Sorbonne, Paris Nord. Merci.