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00:00 7h-9h, les Matins de France Culture, Guillaume Erner.
00:06 La question du jour, quels enseignements tirer de cette élection présidentielle turque ?
00:11 Bonjour, Denise Ünyal, vous êtes économiste au Centre d'études prospectives et d'information internationales.
00:18 Finalement, les résultats sont meilleurs que prévus pour Erdogan.
00:21 En effet, nous avons été surpris des résultats. Il est vrai qu'il y a un recul pour lui aussi.
00:31 Il ne passe pas pour la première fois au premier tour.
00:34 Mais on s'attendait tellement que même Kılıçdaroğlu passe au premier tour.
00:39 C'était sans doute peut-être trop d'espérance aussi.
00:43 Les résultats nous ont étonnés, beaucoup de spécialistes sont étonnés.
00:49 On se dit pourquoi ? C'est sans doute la progression de l'extrême droite encore plus dans le pays.
00:58 L'extrême droite parce qu'on a un troisième candidat qui a fait un très beau score.
01:04 Et ce candidat, Sinan Oğan, qui a obtenu plus de 5% des votes à la présidentielle,
01:13 son principal thème de campagne est de mettre les Syriens dehors.
01:22 C'est un homme qui est issu du parti MHP qui fait alliance avec Erdogan au pouvoir.
01:33 Mais il s'était justement écarté, comme d'autres personnalités ou par partie de son alliance, sur la question syrienne.
01:43 Donc les Syriens dehors, mais dehors où ? En Syrie ?
01:47 En Syrie, oui. Parce que la plupart des Syriens, donc vous savez que la Turquie accueille plus de 3 millions de Syriens,
01:55 et plus de la moitié de ces Syriens se trouve à la frontière syrienne et se trouve aussi dans les zones sinistrées.
02:02 Par le grand séisme du mois de février.
02:05 Ce qui est étonnant, Denise Unial, vous êtes économiste et on a la sensation que le grand échec d'Erdogan, il est économique.
02:13 Or, il ne semble pas sanctionné pour cela.
02:16 Exactement, ce n'est pas du tout sanctionné pour cela.
02:20 Il faut croire qu'il n'y avait pas suffisamment de monde en Turquie pour finalement continuer à croire
02:29 à une économie libérale, institutionnalisée et modérée.
02:36 Ils sont allés plus vers les promesses électorales finalement qui ont été annoncées,
02:43 en dépit des inégalités qui ont augmenté, en dépit du fait que maintenant seulement à peine 25% du PIB va vers les travailleurs,
02:58 vers les salariés, alors qu'il y a 10 ans c'était 10 points de plus.
03:04 Donc, essayer de comprendre peut-être dans les événements actuellement qui sont mondiaux.
03:13 Vous voyez, en Inde aussi, les extrêmes gagnent. Dans d'autres pays autocratiques, les extrêmes finalement renforcent
03:22 par rapport à un fonctionnement libéralisé de l'économie.
03:27 Les extrêmes, ça veut dire quoi en Turquie ? Ça veut dire quelles politiques ?
03:31 Sur quel point Erdogan peut faire la différence avec Kiliç Daranglu ?
03:36 Pourquoi donc près de la moitié des Turcs continuent à lui faire confiance de Nisunyal ?
03:43 Alors, quand on prend par exemple le cas des salaires, Erdogan, depuis maintenant une année,
03:51 il a augmenté trois fois le SMIC et il a promis qu'il allait augmenter encore plus.
03:55 Dans la fonction publique, il a augmenté les salaires, beaucoup plus en moyenne que le SMIC,
04:02 et il promet d'autres augmentations.
04:05 Mais alors ça, ça n'est peut-être pas une mauvaise décision,
04:09 dès lors que l'inflation est très haute en Turquie, les salaires ne peuvent pas demeurer stables ?
04:14 Oui, ça paraît justement, c'est peut-être comme ça que les Turcs ont raisonné,
04:19 et ça peut paraître un bon raisonnement, sauf que, par ailleurs,
04:24 les politiques non cohérentes que l'exécutif mène font que l'inflation va continuer à augmenter,
04:32 et la livre turque va probablement s'ouvrir maintenant, ouvrir la semaine avec des chutes énormes,
04:40 et le gouvernement turc n'a plus dans ses caisses aucun copec pour pouvoir parer à une attaque de la livre turque.
04:50 On est en négatif en réserve officielle, on a un déficit courant conséquent,
04:54 et notre dette peut s'alourdir du jour au lendemain avec le dévissage de la livre turque.
05:02 L'économie turque est en péril.
05:05 En dehors de slogans qui seraient hostiles aux Syriens, est-ce qu'il y a d'autres points,
05:10 je ne parle pas de l'économie, où Erdogan pourrait faire la différence avec Kılıçdaroğlu ?
05:16 Erdogan pourrait faire la différence avec Kılıçdaroğlu dans le second tour,
05:23 parce qu'à l'Assemblée nationale, ils ont obtenu un beau score.
05:28 Ce résultat présidentiel...
05:31 Il y avait aussi des législatives.
05:32 Oui, il y avait une double élection, et les législatives sont à un tour en Turquie.
05:38 Et on ne s'attendait pas que l'alliance Erdogan-Bahçeli,
05:44 qui est à la tête du parti d'extrême droite, remporte plus de la moitié des sièges.
05:51 Or, selon les premiers résultats, si on y croit, c'est plus de 301 sièges,
05:58 parce que l'Assemblée nationale est constituée de 600 députés en Turquie.
06:03 Peut-être que Kılıçdaroğlu n'est pas un si bon candidat que cela pour l'opposition.
06:09 Peut-être que cette coalition, qui est une coalition très hétéroclite,
06:12 qui est principalement unie sur le fait de ne plus vouloir d'Erdoğan,
06:17 peut-être que cette coalition ne convainc pas autant de Turcs que nécessaire.
06:23 C'est difficile à dire. Vous voyez, ils ont mené une très belle campagne,
06:31 dans des conditions vraiment très difficiles.
06:33 Est-ce qu'un homme fort comme ça, en face, parce que Kılıçdaroğlu ne mettait pas en avant
06:40 une image d'homme fort, une image unificateur.
06:44 Mais est-ce que ça aurait changé ? Je ne sais pas.
06:47 On est dans des conditions où la propagande est énorme dans le pays,
06:51 et même hier, on a passé la nuit à essayer de voir le décomptage.
06:58 Les décomptes des principales parties qui voteraient pour l'opposition ne venaient pas.
07:02 Est-ce que l'opposition a vraiment perdu ou non ?
07:06 C'est difficile de savoir tout cela.
07:08 Merci beaucoup, Denise Hunal.
07:10 Je rappelle que vous êtes économiste au Centre d'études prospectives et d'information internationale.
07:15 7h23 sur France Culture.