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Transcription
00:00 Vous employez le mot "euthanasie", qui correspond en réalité à ça.
00:04 On est d'accord Olivier Falorni ?
00:05 Je parle d'euthanasie parce que c'est le mot qui a été choisi en Belgique.
00:08 Moi ce mot, il me heurte, je l'ai dit en séance.
00:12 Oui, mais vous l'utilisez ?
00:13 Oui, parce que c'est le mot qui a été utilisé en Belgique.
00:15 Donc moi j'assume les mots qui sont utilisés en Belgique.
00:18 Moi je parle d'aide à mourir en France.
00:20 Je vais vous dire pourquoi.
00:21 Je suis historien de formation.
00:23 Il y a des mots qui sont souillés par l'histoire.
00:26 Voilà, quel candidat aux européennes parlerait...
00:30 Il y a eu une visite d'État du président Macron en Allemagne.
00:32 Quel candidat aux européennes parlerait de collaboration franco-allemande aujourd'hui ?
00:36 On parle de coopération, on parle d'amitié.
00:38 On tourne autour.
00:39 Euthanasie a été utilisée.
00:41 "Euthanatos" grec.
00:42 Oui, euthanasie, belle mort.
00:43 La mort.
00:44 Mais euthanasie, ça veut dire belle mort.
00:46 C'est l'étymologie.
00:48 Simplement, le Troisième Reich, à un moment,
00:51 a décidé d'éliminer des dizaines et des centaines de milliers de personnes handicapées
00:57 sous le terme "euthanasie".
00:59 Et c'est, je me souviens, la rencontre avec Robert Badinter en 2021
01:03 qui m'a alerté là-dessus,
01:05 parce qu'il m'avait dit deux choses.
01:07 J'ai beaucoup réfléchi.
01:08 Je suis favorable à une évolution vers l'aide active à mourir,
01:11 mais surtout n'utilisez pas le mot euthanasie.
01:13 Il résonne en moi comme un souvenir ignoble d'une souillure.
01:17 J'entends.
01:18 Olivier Falorni, dans les modifications qui ont été apportées,
01:21 vraiment substantielles dans cette commission,
01:23 il y a le remplacement du critère du pronostic vital engagé à court ou moyen terme
01:28 par la notion de "emphase avancée au terminal"
01:31 qui ouvre le champ à de très nombreuses maladies
01:34 et qui ouvre le champ à un certain nombre de malades
01:37 qui n'étaient pas inclus dans le premier item.
01:40 Est-ce que vous vous rendez compte du fait que c'est peut-être, encore une fois,
01:44 un garde-fou qui a été levé ?
01:46 Alors, l'analyse que vous faites n'est pas partagée.
01:49 Vous savez, au moment où on a voté ça,
01:51 la présidente de la commission a dit que ça ouvrait,
01:53 la ministre a dit que ça restreignait.
01:55 - Thomas Le Baudot. - Que ça restreignait.
01:57 En fait, non, ça n'ouvre pas, ça ne restreint pas,
01:59 ça rend effectif le droit.
02:01 C'est-à-dire, est-ce que vous imaginez de voter une loi sur la fin de vie
02:05 qui mette de facto, en dehors de ce droit,
02:08 par exemple, les malades de Charcot ?
02:10 L'association des malades de Charcot,
02:13 qui se bat pour, évidemment, la recherche sur cette maladie,
02:17 pour la vie de ces malades, a fait un communiqué.
02:20 Ils nous ont dit "Tenez bon sur cette réécriture".
02:24 Pourquoi ? Parce que, d'abord,
02:27 la notion de pronostic vital n'a pas disparu.
02:30 Et je pense qu'il faudra clarifier les choses dans la réécriture.
02:33 - Oui, là, c'est très clair. - Oui, je suis d'accord avec vous.
02:36 On garde la notion de maladie grave et incurable.
02:39 Et c'est vrai que pour les téléspectateurs,
02:41 on a l'impression que le pronostic vital a disparu.
02:43 La maladie grave, sa définition,
02:45 c'est une maladie qui engage le pronostic vital de la personne.
02:48 C'est dans l'exposé des motifs du gouvernement, ça a été conservé.
02:51 Mais je pense qu'il faut repréciser "pronostic vital engagé".
02:54 C'est-à-dire, il faut qu'il y ait une maladie qui engage le pronostic vital.
02:57 Pourquoi nous avons... Le problème, il ne vient pas de là.
02:59 Il vient de la notion du moyen terme,
03:01 qui est utilisé nulle part en Europe. Nulle part.
03:03 - Ça veut dire quoi, "moyen terme" ? - Mais rien !
03:05 - 6 mois ? 7 ans ? - Mais rien !
03:07 Déjà, c'est indéfini.
03:09 Mais le problème, ce n'est pas forcément ça.
03:11 C'est que si ça devait être défini,
03:13 ça serait effectivement, on dirait, 6 mois.
03:16 Il n'y a que les Américains, et puis l'Australie qui...
03:19 En fait, le moyen terme, c'est vous transformer...
03:22 Vous demander à être un médecin, à un médecin d'être un devin.
03:25 - C'est ça. - Voilà.
03:27 - Ils ne le sont pas. - Mais ils ne le sont pas.
03:29 - Et vous savez... - On est là pour aider les patients
03:31 à vivre, et pas à mourir.
03:33 Absolument. Et à faire en sorte,
03:35 ou à faire en sorte aussi,
03:37 que leur fin de vie soit supportable.
03:39 Et vous avez des médecins
03:41 qui, aujourd'hui, disent
03:43 "Nous sommes prêts à accompagner jusqu'au bout le malade."
03:46 - Ils le font tous les jours. - Il ne faut pas dire "les soignants".
03:49 Il y a des soignants qui sont opposés,
03:51 il y en a qui sont favorables. Et je reviens sur la notion
03:53 de "moyen terme". Donc, c'est vouloir faire
03:55 du médecin un devin, en lui disant
03:57 "Vous devez déterminer le temps
03:59 qui reste à vivre au malade",
04:01 alors que la phase avancée au terminal sollicite
04:03 le médecin comme expert.
04:05 C'est-à-dire, est-ce que ce malade,
04:07 par exemple, a un cancer
04:09 généralisé de stade 4,
04:11 ou cancer métastatique ?
04:13 Est-ce que ce malade de Charcot commence
04:15 à avoir les symptômes de perte de la déglutition,
04:17 de la respiration ?
04:19 Et donc, les malades de Charcot,
04:21 ils disent "Il n'y aura pas un médecin,
04:23 compte tenu de la difficulté
04:25 à évaluer le temps qu'il reste
04:27 à vivre pour un malade, il n'y aura pas un médecin
04:29 pour accepter de faire ce pronostic
04:31 vital." - Qu'est-ce qui s'est passé
04:33 dans cette commission, monsieur Falorni ?
04:35 Est-ce qu'il y a eu
04:37 un renversement ? Est-ce qu'un certain
04:39 nombre de députés, qui étaient des militants,
04:41 étaient là pour bousculer
04:43 ce texte ? Qu'est-ce qui s'est passé dans les
04:45 coulisses, je dirais, de cette commission ?
04:47 - Non, mais je crois qu'en fait,
04:49 il faut revenir un petit peu à la réalité.
04:51 Vous savez, ce texte,
04:53 il a été construit à la demande
04:55 du Conseil d'État, cette partie sur l'aide à mourir,
04:57 en deux phases. Il y a une partie
04:59 théorique, de définition, et puis
05:01 il y a une partie sur la procédure.
05:03 Et la procédure, elle n'a pas
05:05 changé. Elle n'a pas changé par rapport
05:07 au texte initial. Là où il y a eu
05:09 confusion, c'est que
05:11 des collègues ont fait voter deux amendements
05:13 d'intention. Un, qui donne
05:15 la liberté de choix aux malades,
05:17 entre le fait de s'auto-administrer
05:19 soi-même, si la personne
05:21 obtient ce droit, soit... - Et s'il en a la possibilité.
05:23 - ...soit de demander l'intervention
05:25 d'un tiers, un médecin,
05:27 un infirmier ou une personne proche.
05:29 Et l'autre, c'est
05:31 effectivement de pouvoir inscrire dans
05:33 ces directives anticipées, une
05:35 demande d'aide à mourir. Simplement, dans la
05:37 procédure, rien n'a été changé.
05:39 Ni le principe de l'auto-administration
05:41 comme priorité,
05:43 ni la possibilité de bénéficier
05:45 d'une aide à mourir, si on n'est plus en
05:47 conscience. - Olivier Falorni,
05:49 les médecins sont réticents
05:51 à l'administration de ce geste, qui
05:53 rentre en pleine contradiction avec le serment
05:55 d'Hippocrate. "Je ferai tout pour soulager
05:57 les souffrances, je ne prolongerai pas abusivement
05:59 les agonies, je ne provoquerai jamais
06:01 la mort délibérément." Vous comprenez ?
06:03 - Et ne pas nuire. - Et vous comprenez
06:05 leur réticence à administrer
06:07 ce geste ? - Il y a aussi
06:09 la notion de ne pas nuire.
06:11 Et je crois que... - "Je ne
06:13 provoquerai jamais la mort délibérément." - Oui, vous savez...
06:15 - Oui, mais c'est écrit
06:17 dans le serment d'Hippocrate. - Le serment d'Hippocrate,
06:19 vous savez, il vient de loin et il a beaucoup changé.
06:21 Parce que le serment d'Hippocrate,
06:23 il ne permettait pas l'IVG,
06:25 il ne permettait pas
06:27 à un professeur de médecine de se faire rémunérer.
06:29 Vous voyez, les choses ont évolué
06:31 avec le temps. C'est aussi
06:33 vieux que la définition de l'euthanasie. - Pourquoi la vocation du médecin,
06:35 c'est d'aider à vivre ? - Mais vous...
06:37 Mais, vous savez,
06:39 je vais vous dire, et je vais peut-être vous choquer,
06:41 l'aide à mourir,
06:43 pour l'immense majorité
06:45 des gens, ça sera une aide à vivre.
06:47 C'est-à-dire que
06:49 cela permettra à des gens
06:51 qui sont en fin de vie, qui sont malades,
06:53 qui souffrent,
06:55 de se dire "j'aurai
06:57 cet ultime recours", dont l'immense
06:59 majorité ne se servira pas.
07:01 Et ça les aidera peut-être
07:03 à continuer un peu le bout du chemin,
07:05 s'ils le souhaitent. Pour ça que je dis
07:07 que l'aide à mourir peut être une aide
07:09 à vivre parce que c'est un
07:11 moyen d'apaiser un peu
07:13 ces derniers moments de la vie.

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