Invité : Michaël Jeremiasz - Clique - CANAL+

  • il y a 4 mois
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Clique, c'est présenté par Mouloud Achour, tous les jours à 19h45 en clair sur CANAL+ ! 

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00:00Après mon accident, trois choses m'ont permis de retrouver une vie épanouie.
00:14Ma famille, mes amis et le sport.
00:17Même terrain, même hauteur de filet, même balle, même raquette,
00:29même score. La seule règle qui diffère, c'est qu'on a le droit à deux rebonds.
00:43L'équipe de France Paralympique poursuit sa moisson de médailles
00:46avec un nouveau titre remporté en tennis aujourd'hui.
00:48J'étais comme un dingue, j'étais comme un dingue, j'étais heureux comme rarement je l'ai été.
00:59Vous êtes officiellement tous les deux chefs de mission Olympique et Paralympique
01:08de la délégation française. Je peux vous appeler Capitaine ? Chef.
01:11Ca va être des jeux extraordinaires, mais qu'est-ce qui se passe après ?
01:16Ne serait-ce que sur la partie Paralympique, que ce soit un outil,
01:19un accélérateur d'intégration des personnes capables de la société.
01:21Bonsoir Miquel, Jérémia, vous êtes ancien champion Paralympique de tennis en fauteuil,
01:29vainqueur de 7 tournois du Grand Chelem en double-monsieur.
01:31Vous avez été porte-parole de la France, porte-drapeau de la France aux Jeux de Rio en 2016,
01:36quadruple médaillé Paralympique de tennis fauteuil.
01:39Et en ce moment, vous êtes aussi consultant pour France Télé pour commenter le tournoi de Roland-Garros.
01:44Alors, petit commentaire sur Roland-Garros, il se passe des trucs assez dingues en ce moment.
01:49C'est passé un grand moment d'émotion avec probablement le dernier match de Rafael Nadal
01:54contre un très très grand CVF parce qu'on a parlé de Nadal beaucoup.
01:57On a eu quand même peut-être un des plus beaux matchs de l'Allemand contre lui.
02:00Pour être honnête, on était tous en plateau et on avait versé notre petite larme.
02:04C'est une partie de notre époque, c'est 20 ans.
02:06Passer avec lui, c'est un des plus grands champions.
02:09Il n'y a rien qu'là de reparler de Nadal, vous êtes ému.
02:11En fait, moi je l'ai rencontré plein de fois dans les vestiaires quand je suis passé du côté fan
02:15au côté partagé vestiaire avec ces grands champions-là.
02:17Nadal, il y a une histoire un peu espagnole, commune, nos grands-mères qui se connaissent à Manacor,
02:22les origines de Mallorquine.
02:25En fait, c'est ça qu'on aime dans le sport, c'est les émotions que le sport procure.
02:28Ce n'est pas juste de bien taper dans une balle jaune, en soi c'est un peu con.
02:30Vos grands-mères, elles se connaissent ?
02:31Oui, elles se sont rencontrées quand j'ai rencontré Nadal pour une remise de trophée à l'Assemblée nationale.
02:35On a échangé quelques mots en espagnol et c'était assez drôle de se retrouver,
02:39d'échanger comme ça et c'est un mec d'une grande humilité
02:41qui a fait énormément pour le tennis et notamment pour Roland-Garros.
02:44Quand on est athlète paralympique et qu'on rencontre un athlète comme Nadal,
02:48on se parle d'athlète à athlète en fait, il n'y a pas de différence.
02:50Exactement et moi j'aimerais qu'il y ait des caméras dans ses vestiaires.
02:53La première fois que je rencontre Federer, moi je suis comme un dingue,
02:55il vient de gagner Wimbledon, il vient de battre le record de Pete Sampras
02:57et moi je gagne mon premier Wimbledon.
02:59Mais moi je suis comme un dingue, je suis déjà ivre mort, lui il est là posé avec sa famille,
03:03il est là, je veux qu'il vienne écouter moi juste pour faire une photo
03:04et puis il arrive, il me fait « Pousse-toi un peu », il tape la main sur la cuisse, il se fait « Bah alors, c'est ton premier Wimbledon, raconte ! »
03:10« Bah non, mais toi tu viens de battre le record de Sampras et toi... »
03:13Et en fait, on discute et effectivement, ça a été ça pendant 15 ans sur la toile du Grand Chelem notamment,
03:17à discuter de sport d'athlète à athlète sans aucune différence et ça c'est bien
03:21et c'est comme ça que ça devrait être dans l'absolu.
03:23Qui l'a fait la différence si les athlètes ne la font pas ?
03:26C'est la société qui l'a fait cette différence.
03:28En fait, on n'évolue pas ensemble.
03:30L'accès à l'éducation, l'accès au terrain de sport,
03:33moi je crois beaucoup à l'utilité du sport comme un outil politique et social,
03:37c'est un réducteur d'inégalités, c'est un formidable endroit pour créer du lien social,
03:41c'est un enjeu de santé publique, on le sait aussi.
03:44On a des vrais problèmes de sédentarité, pas que les personnes valides, notamment les personnes handicapées.
03:48Aujourd'hui, moi j'y crois vraiment et la réalité c'est que les médias,
03:52les médias ont un rôle vraiment très important, on a été tour à tour
03:56des pestiférés, une population dont on parle très peu et souvent mal,
03:59à des fois, il y a quelques années, concept de super-héros,
04:03alors qu'en fait, on est comme tout le monde.
04:04En fait, les deux sont aussi discriminants ?
04:06Complètement ! Mais sauf que la tentation de nous avoir mis sur un piédestal
04:09et de parler de nous comme des super-héros, notamment après les Jeux de Londres,
04:11pendant les Jeux de Londres, c'était pour nous mettre dans la lumière.
04:14Et ça a très bien fonctionné à Londres, quand ils ont créé le concept de Meet the Superhumans,
04:18et ça a été vraiment incroyable, des campagnes de pub qui ont fait le tour du monde,
04:21qui ont vraiment bien marché.
04:22Maintenant, la réalité c'est que, maintenant qu'on est entré progressivement dans les lumières,
04:25et notamment là, en France, avec les Jeux de Paris 2024,
04:27c'est que tout ça devienne en fait normal, qu'une personne handicapée puisse être
04:31votre voisin, votre ami, votre amant, votre copain, votre collègue, votre ennemi aussi,
04:35on n'est pas moins sympa que les autres, et qu'on soit aussi, pourquoi pas, des champions.
04:40C'est pour ça qu'on a tenu à vous mettre sur le même fauteuil que tous les autres invités,
04:44dans la même lumière, et vous traiter comme tous les invités de Clique.
04:47J'ai accepté, parce qu'il est vraiment confortable, parce que j'aime bien mon petit fauteuil,
04:50mais j'avoue Ouna, effectivement, à un moment, la question du traitement de l'autre
04:53passe d'abord par le fait que c'est un individu.
04:55Vous n'allez pas uniquement me qualifier d'abord de personne handicapée,
04:59je suis un individu qui a comme qualification d'être handicapé,
05:01mais d'être un homme, d'être un papa, d'être un barbu, d'être ce que vous voulez.
05:04Donc, oui, en tout cas, je suis ravi d'être là.
05:06Est-ce que la normalisation, ce n'est pas ça le vrai combat ?
05:09Si, la normalisation.
05:10Alors, Anna, qui n'aime pas trop le terme de banalisation, moi, c'est mon combat.
05:13La banalisation de la différence, qu'une personne handicapée soit un citoyen à part entière.
05:17Moi, ça va faire six ans que je vis à Londres,
05:19je quittais Paris pour aller m'installer là-bas avec ma femme et mes enfants,
05:21ma femme est londonienne, et je découvrais en fait une société qui a deux heures de train de chez nous,
05:25qui en fait, à qui ça ne pose pas de problème cette différence.
05:28Et ce n'est pas propre d'ailleurs qu'au handicap, c'est propre aux minorités et aux communautés.
05:32On évolue ensemble, ce n'est pas vraiment un sujet.
05:35C'est une ville bien plus cosmopolite que Paris.
05:36Et la réalité, c'est que, oui, ce n'est pas un sujet quand je vais à l'école
05:39et que j'emmène mon gamin avec mon petit scooter électrique et mon gamin derrière,
05:41mon grand et mon petit sur mes genoux.
05:43En fait, c'est un papa qui a sa différence, mais comme il y en a plein partout.
05:47On est à trois mois des Jeux paralympiques.
05:50Nous, on tenait à vous recevoir parce que les Jeux paralympiques,
05:52on a envie de mettre la lumière dessus.
05:54Ça va être des Jeux très, très importants.
05:55Et comme on est un peu chauvin, on sait que la France a des grosses chances d'avoir des médailles.
06:00Donc, on aime bien être du côté des vainqueurs.
06:02Ça, moi aussi.
06:03Ils se dérouleront du 28 août au 8 septembre dans la foulée des JO.
06:07Vous, vous êtes chef de mission et ambassadeur de la délégation française aux Jeux paralympiques.
06:12En quoi ça consiste ?
06:13En fait, c'est ça. C'est un peu ce qu'on fait aujourd'hui.
06:15Moi, mon boulot depuis un an, c'est de mobiliser tout l'écosystème qui fait que ces Jeux seront réussis.
06:19C'est mobiliser et de faire du lubing auprès de l'État, auprès du président,
06:22de le mobiliser, de l'embarquer le gouvernement, les différents ministères,
06:25auprès des médias.
06:26C'est un enjeu fondamental.
06:27Et tous les médias, pas que les diffuseurs officiels, que ce soit le service public, bien sûr.
06:30Vous, tous les médias, que ce soit la presse écrite, radio.
06:33En fait, que ça devienne un sujet à part entière,
06:35que ça devienne un des plus grands, parce que c'est le cas,
06:37un des plus grands événements de la planète.
06:39Et pas tant pour montrer des belles images de parasport avec des grands champions
06:42qui vont avoir des titres.
06:43On va le voir pendant les Jeux, on en espère le plus possible.
06:46Mais pour que ça serve, encore une fois, à que demain, ce ne soit plus un enjeu,
06:50qu'une personne handicapée soit citoyen à part entière.
06:54C'est ça, en fait, pour moi, le combat.
06:55Ces Jeux, depuis huit ans que je me suis engagé,
06:58donc en 2016, après la fin de ma carrière,
07:00c'est parce que je crois profondément à ça.
07:02C'est l'héritage et l'impact que des Jeux peuvent avoir.
07:04Si on prend juste l'exemple de Londres,
07:06un million d'emplois pourvus pour des personnes handicapées
07:08dans les six ans qu'on suivit les Jeux de Londres.
07:09Chez nous, ça voudrait dire le plein emploi.
07:11Ça, c'est un héritage tangible.
07:13La transformation de la cité grâce au sport.
07:15Moi, je suis le plus heureux des hommes.
07:16Si on est enfin dans notre pays, on se rend compte de la vraie utilité du sport.
07:20Vous avez 42 ans, vous êtes né à Paris.
07:23Le tennis chez vous, c'est une affaire de famille.
07:24Vous commencez à jouer à l'âge de cinq ans.
07:26Vos parents jouaient, vos frères aussi.
07:29Enfant et ado, vous étiez à toute patate.
07:317 février 2020, à 18 ans, votre vie bascule.
07:347 février 2000, un accident de ski.
07:37Je skie depuis que j'étais tout gamin.
07:39Un défi avec le meilleur pote de mon grand frère.
07:42Ça a pu m'arriver mille fois.
07:43Je suis celui qui, en gros,
07:46quand il ne faut pas y aller, c'est moi qui y vais.
07:47Quand il faut faire un salto arrière dans une rivière sans avoir vérifié le fond,
07:50j'étais un peu le genre de couillon à le faire.
07:52Je suis passé entre les gouttes et pas ce jour-là.
07:54J'ai fait un tremplin dans un parc de surf.
07:56Je suis monté à 8-10 mètres de haut.
07:57Au lieu d'atterrir dans la descente, j'ai atterri sur une plaque de verglas.
08:00Je me suis cassé les deux jambes et la cône vertébrale.
08:02Je suis devenu paraplégique à l'âge de 18 ans.
08:05Votre monde s'effondre, et notamment celui de votre entourage.
08:08J'ai quatre jours de blackout pendant les jours où j'étais en soins intensifs.
08:12Je n'ai pas eu aussi peur qu'eux, mais pas autant souffert qu'eux au début.
08:16C'est terrible. On parle souvent des personnes accidentées,
08:18mais on ne parle pas des aimants.
08:19C'est avant tout des aimants.
08:21Ma mère et mon petit frère sont devenus aussi un peu aidants au début,
08:23mais c'était surtout des aimants époureux.
08:26Mes frères m'ont vu mort quand j'étais en l'air tel un pantin désarticulé.
08:29Mes parents ont vécu cette souffrance.
08:34C'est un arrache-cœur de voir vivre ça quand on est parent.
08:37J'ai finalement été un peu protégé.
08:39Ça a été très dur.
08:39Ça a été l'année la plus compliquée de ma vie et en même temps la plus riche
08:42parce que j'ai vécu au contact de déglingués,
08:45comme j'aime bien les appeler, comme j'aime bien nous appeler,
08:47qui n'avaient aucun filtre.
08:48On a une année de votre vie, vous avez un joker.
08:51Il n'y a personne qui peut vous dire que ça, il ne faut pas le faire,
08:53ça, ce n'est pas bien.
08:54Qui peut me dire à moi, alors que j'ai 18 ans,
08:56que ce n'est pas bien que le soir, je suis me déjouer avec mon voisin de chambre
08:58parce qu'on a besoin de s'évader, que j'essaie de draguer l'infirmière
09:00parce que à 18 ans, je n'ai pas mis une croix sur le fait
09:02que je pouvais encore prendre et donner du plaisir ?
09:05En fait, personne à ce moment-là m'emmerde.
09:07Et simplement, c'est un long travail de rééducation.
09:10Et le plus dur, ce n'est pas la rééducation.
09:11C'est la première sortie et le regard que la société pose sur nous.
09:14Et c'est ça qui a été le plus dur pour moi
09:15et c'est encore aujourd'hui le cas pour plein de personnes récemment.
09:17À quel moment vous vous êtes rendu compte que ça avait basculé, le regard des gens ?
09:21Ma première sortie.
09:23Ma première sortie, je ne voulais pas.
09:24Je restais tous les week-ends chez mes parents quand j'avais mes permes.
09:26Et mon grand frère me fait « vas-y gros, viens, on va se balader dans le quartier,
09:28on va se déplacer ».
09:30Je lui fais « je n'ai pas envie, force un peu ».
09:32Je n'étais pas complètement autonome, donc il me pousse.
09:33Et il y a le regard de cette dame,
09:35qu'il y avait à l'époque une quarantaine d'années, qui me croise.
09:37Et elle me regarde avec un regard rempli de toute la tristesse
09:40que le monde peut porter.
09:41Prends-pitié, je me dis « putain, mais ce n'est pas ça l'image que je veux renvoyer.
09:45Je n'ai pas la gueule de travers, tu n'as pas à me regarder comme ça ».
09:47Et puis même si j'ai la gueule de travers, tu ne me regardes pas comme ça.
09:49Et en fait, elle passe et elle contient à me regarder comme ça du coin de l'épaule.
09:53Et là, en fait, je pousse mon fauteuil, je lui attrape le bras en hurlant.
09:55Elle fait « pourquoi vous me regardez comme ça ? ».
09:57Elle qui hurle « mais lâchez-moi ! ».
09:59Mon frère qui fait « mais lâche-la ! ».
10:00Et moi qui hurle, parce qu'en fait, je ne supporte pas à ce moment-là
10:03le regard qu'on pose sur moi.
10:04Je me dis « ça ne peut pas être ça, ma vie ».
10:05Donc, ça a été compliqué, ça, pendant les premières années.
10:08Et c'est encore aujourd'hui, pas pour moi,
10:09mais compliqué pour des personnes récemment accidentées.
10:12Et ça a été 4 ans, 4 ans, du 7 février 2000 à fin juillet 2004,
10:16où j'ai dit à mon psy que j'allais voler de mes propres ailes.
10:19Je suis parti au jeu d'antenne.
10:21Et je peux dire que depuis ce jour-là,
10:22je n'ai plus jamais été malheureux parce qu'handicapé.
10:24Quand est-ce que vous avez décidé d'aller voir un psy ?
10:26Deux ans après.
10:27Au tout début, en fait, c'est trop tôt parce que
10:30c'est la période un peu aiguë, on est en colère,
10:31on est dans le déni, on a peur.
10:32Moi, je ne sais pas ce que c'est en 2000, la vie d'un mec en fauteuil roulant.
10:35Ça n'existe pas.
10:35Déjà, en fauteuil roulant, vous n'en voyez pas dans la rue,
10:37vous n'en voyez pas à la télé, vous n'en voyez pas dans les entreprises,
10:39vous n'en voyez pas à la fac.
10:40Moi, j'étais à la fac.
10:41Donc, je n'ai aucune idée.
10:42Est-ce que ça vit aussi longtemps ?
10:43Est-ce qu'on peut avoir une vie professionnelle,
10:44une vie amicale, une vie intime ?
10:46Je n'ai aucun référent.
10:47Donc, c'est ça, moi, qui m'angoisse.
10:48Et donc, au bout de deux ans, alors que pourtant je découvre le tennis-fauteuil,
10:51je fais la fête, je retourne en soirée avec mes frères,
10:53soirée avec des filles, tout va bien, tout revient normalement.
10:56Le problème, c'est qu'il y a un truc qui ne passe pas.
10:58Et naïvement, je pensais que c'était juste le fait d'avoir le cul dans un fauteuil roulant.
11:01En fait, non.
11:02Quand tu mets le pied là-dedans, tu te rends compte que depuis ta naissance,
11:05un certain nombre de névroses, et on en a tous,
11:08qui conditionnent ce qu'on est et nos parcours.
11:10Et voilà, pendant deux ans, chaque semaine, j'y allais,
11:13accompagné par mon petit frère souvent,
11:14parce que ce n'était pas parfaitement accessible, le cabinet de mon psy.
11:17Et j'y allais, je m'allongeais pendant trois quarts d'heure,
11:19et ça m'a fait énormément de bien, ça m'a changé la vie.
11:22Et puis, jusqu'au jour où j'ai décidé que c'était le bon moment.
11:25Et depuis, je n'ai jamais retourné, mais si un jour j'ai besoin, j'y retournerai.
11:28En tout cas, pour l'instant, tout va bien.
11:30Vous conseillez aux personnes qui sont victimes d'accidents d'aller consulter un psy ?
11:34Moi, je conseille à toute personne qui souffre,
11:37qui souffre psychologiquement, de ne pas s'inventer des super-pouvoirs.
11:40Il n'y a pas de sur-homme, il n'y a pas de sur-femme.
11:42Aujourd'hui, vous avez mal à la jambe, vous allez voir un rhumatologue,
11:48vous avez mal aux dents, vous allez voir un dentiste.
11:50En fait, quand vous avez mal, quand vous souffrez dans votre ventre,
11:52dans votre cœur, dans votre tête, en fait, on va voir.
11:55Psychologue, un psychariste, un psychiatre, à voir, peu importe.
11:58Mais en fait, il ne faut pas lutter.
11:59Aujourd'hui, la question de l'accompagnement sur la santé mentale,
12:02la question de l'état psychologique, c'est le plus compliqué.
12:04Le reste, c'est très mécanique, ça marche, ça marche pas, on le répare.
12:07Mais la tête, à quoi ça sert de vivre si on est malheureux ?
12:09C'est extrêmement compliqué.
12:10Et la souffrance psychologique, c'est une des pires souffrances.
12:13Donc oui, bien sûr, j'encourage vraiment.
12:15Et malgré tous les freins que vous pouvez avoir et tous les a priori qu'on a dessus,
12:18oui, il y a des bons et des mauvais médecins, mais comme partout.
12:21Mais il y a surtout des gens qui existent, qui sont là pour nous aider.
12:24Donc, il ne faut pas hésiter une seule seconde.
12:26J'avais eu la chance de vous rencontrer il y a une dizaine d'années.
12:29Et je me suis dit, ce mec-là, ça va être une star.
12:32Aujourd'hui, vous en êtes là où vous en êtes, et je suis très, très fier de vous.
12:35Merci.
12:36Et vous m'aviez sorti une expression qui m'avait fumé de rire, que vous utilisez encore.
12:40Vous m'aviez parlé de votre tour Eiffel.
12:44Ouais.
12:46C'était il y a dix ans.
12:47Maintenant, à 42 ans, la tour Eiffel, c'est un peu la tour de Pise.
12:49Mais non, en fait, c'est ce que je raconte souvent quand je fais mes conférences.
12:53J'ai 18 ans.
12:54Il faut que vous imaginez que quand j'ai mon accident à l'âge de 18 ans,
12:57quand je me réveille, je suis paralysé du nombril jusqu'aux orteils.
13:00Parce que je me suis fracturé la 11e et 12e dorselle, qui se situe à peu près à ce niveau-là, derrière.
13:04Et donc, à ce moment-là, je sens rien et je bouge rien.
13:06Et très rapidement, je ne dis pas, est-ce que je vais remarcher ?
13:09Parce que de toute façon, rien ne bouge.
13:11Mais vous savez, à 18 ans, alors pas plus qu'à 30, 40, ça, je l'ai appris 24 ans plus tard,
13:16sans être plus obsédé que la moyenne des gens,
13:18la question de la sexualité, la question de l'érection, de la première érection,
13:22c'est un truc qui, moi, à ce moment-là, m'obsède.
13:23Et pendant trois semaines, je commence à avoir des picotements dans les cuisques.
13:26Je commence à récupérer un petit peu de fonctions motrices et sensitives.
13:29Et un matin, je me réveille, comme tous les matins,
13:32allongé sur le dos, avec mes pieds qui sont comme ça, et là, je ne vois pas mes pieds.
13:36Moi, je suis un mec curieux, je me dis, qu'est-ce qui se passe ?
13:37Ils m'ont coupé les pieds dans la nuit, j'ai fait une flébite.
13:39Donc, je suis un mec curieux, il y a un truc gigantesque qui obstrue ma vue.
13:41Donc, qu'est-ce que je fais ?
13:42Évidemment, mon loup, je lève le drap, et là, la fameuse tour Eiffel.
13:46Et voilà, c'était ça dont je vous avais parlé.
13:48Comme c'est mon histoire, il n'y a que moi qui peux le raconter.
13:50Alors, on peut toujours, pour celles qui l'ont vu, tweeter et dire la vérité.
13:53Mais en tout cas, oui, j'aime bien raconter ça.
13:55Mais parce qu'en fait, c'est un des plus grands tabous.
13:57C'est un des derniers tabous.
13:58La vie intime des personnes handicapées.
14:00Aujourd'hui, elle est encore niée.
14:02Aujourd'hui, nous, on n'a pas le droit au plaisir.
14:04On n'a pas le droit d'être des amants, des amoureux, des papas.
14:08On n'y a pas le droit.
14:09En tout cas, quand on parle, par exemple, de PMA,
14:10qui a été, par exemple, pour moi, un vrai parcours du combattant,
14:12pour avoir mes deux enfants.
14:13La PMA, ce n'est pas que pour les couples homosexuels.
14:15C'est aussi pour des personnes qui, simplement, ont des problèmes d'infertilité.
14:19En tout cas, aujourd'hui, moi, c'est un des sujets que je porte,
14:24parmi tous mes sujets sur lesquels je me suis engagé.
14:26Et ça fait trois ans que j'anime une émission de radio
14:28qui s'appelle « Dis-moi oui, Andy » avec un H sur So Good Radio,
14:31où on raconte et on parle de toutes les sexualités,
14:33avec des thèmes différents.
14:34– Qu'est-ce que vous voulez dire que la société ne veut pas entendre
14:36sur la sexualité des handicapés ?
14:38– En fait, la société ne veut pas savoir, elle ne veut pas voir,
14:40elle ne veut pas imaginer que nous, on puisse prendre du plaisir,
14:43donner du plaisir.
14:44Et là, je vous parle du handicap moteur.
14:45Si on commence à s'intéresser un petit peu,
14:47qu'il y a encore un plus grand tabou sur le handicap mental,
14:50on parle de castration chimique, on parle de censure,
14:53on parle de familles qui sont obligées de se retrouver
14:55dans une situation extrêmement glauque,
14:57de parents d'enfants trisomiques obligés de masturber leurs enfants
14:59parce qu'ils deviennent fous et qu'ils n'ont pas le droit,
15:01on leur interdit l'accès à la vie intime et à la sexualité.
15:04Donc, c'est un tabou.
15:05Et puis, nous, en fait, on est des objets de soins.
15:07C'est-à-dire qu'on parle de nous comme des gens
15:09dont vous devriez nous inclure dans la société.
15:11On parle beaucoup d'inclusion.
15:12Moi, je ne vous demande pas de m'inclure.
15:13Moi, je fais partie du même pacte que vous.
15:15C'est-à-dire qu'en 48, on signe la déclaration des droits de l'homme.
15:17Je crois qu'on a les mêmes droits.
15:18Le 8 février 2000, j'ai eu mon accident, qu'à la veille,
15:20et je ne deviens plus un citoyen de plein droit.
15:21Donc, arrêtez de m'inclure.
15:23Intéressez-vous aux origines de l'exclusion.
15:25Et là, on va avancer ensemble.
15:26Et donc, oui, de la même manière, je n'ai pas envie de survivre
15:28en m'aidant, en me donnant un job
15:30parce qu'on a deux fois plus de chances d'être au chômage.
15:32Non.
15:33Moi, j'ai envie de brûler la vie.
15:35J'ai envie de kiffer ma vie.
15:36J'ai envie de...
15:37Voilà, j'ai envie de jouir de ce que la vie a apporté.
15:39Après, des droits, des devoirs, très bien.
15:41Mais pour l'instant, c'est surtout des devoirs.
15:42J'aimerais bien qu'on ait les mêmes droits.
15:44On voulait revenir avec vous sur une image
15:45qui a marqué l'actualité la semaine dernière.
15:47On regarde et on en parle juste après.
15:49La semaine dernière, on a adoré voir l'équipe du film
15:51Un Petit Truc en Plus fouler le tapis rouge du Festival de Cannes.
15:54Et si on est heureux de la visibilité
15:55que ça a donné aux personnes en situation de handicap,
15:58on n'a en revanche pas pu s'empêcher de remarquer ça.
16:03Artus, le réalisateur du film,
16:05obligé de porter Sofiane Ribes,
16:07l'un des acteurs handicapés, pour monter les marches.
16:09De quoi rappeler qu'à Cannes, comme ailleurs,
16:11se déplacer reste un casse-tête
16:12pour beaucoup de personnes en situation de handicap.
16:14Il y a une société qui est faite par des personnes valides
16:17pour des personnes valides.
16:18Et nous, on en est exclus.
16:20Les personnes handicapées sont dans un contexte
16:22où elles n'ont pas d'autre choix.
16:23Si elles veulent exister,
16:25elles doivent constamment se battre.
16:27Moi, ce que je veux, c'est que les gens retiennent
16:29que ce n'est pas normal.
16:30Pas normal, effectivement, qu'elles soient discriminées
16:32dans l'accès à l'emploi, la santé, la culture, le logement,
16:35mais aussi le sport.
16:36Et à trois mois des Jeux paralympiques,
16:37on espère un réveil des consciences,
16:39car encore trop souvent...
16:50Donc pour changer le regard de la société sur le handicap,
16:53il faut aussi changer la manière dont on en parle
16:55et cesser la rhétorique condescendante.
16:57Des fois, il y a du monde qui s'adresse à moi
16:59comme si j'avais 7 ans.
17:00Comment ça va aujourd'hui, madame? J'ai 27 ans.
17:04En France, 12 millions de personnes seraient concernées
17:06par un handicap, soit 18 % de la population.
17:28Une réaction?
17:30Sur le festival de Cannes, ça s'appelle la montée des marches.
17:35Effectivement, on pourrait se dire,
17:36est-ce qu'on ne met pas un élévateur au niveau des marches?
17:38Mais on pourrait aussi imaginer quelque chose...
17:40Moi, je l'ai montré un jour, les marches.
17:42Est-ce que c'est parce que, en tant que producteur,
17:44peut-être un jour, en tant qu'acteur,
17:45en tout cas, je l'ai montré un jour,
17:47et moi, j'en ferais un événement,
17:48comme quand je vais en boîte de nuit avec mes frangins
17:50et que la boîte n'est pas accessible.
17:51Moi, je sais soigner mes entrées.
17:52C'est comme ça.
17:53C'est comme ça.
17:54Quand je vais en boîte de nuit avec mes frangins
17:55et que la boîte n'est pas accessible,
17:56moi, je sais soigner mes entrées.
17:57Quand on arrive à Lima,
17:58avec Teddy Riner et David Douillet,
17:59ils me portent.
18:00C'est moi la star, c'est moi le prince.
18:01Là, il l'a pris dans les bras,
18:02parce qu'il n'était pas question
18:03qu'Arthus monte sans Sophia en haut des marches.
18:05Mais au-delà de ça,
18:06c'est la réalité du monde dans lequel on vit.
18:0812 millions de personnes,
18:09un milliard de personnes handicapées.
18:11On parle beaucoup de pourcentage, parlons chiffres.
18:13Un milliard de personnes handicapées dans le monde.
18:14Elles n'ont pas toutes la chance
18:15d'être en fauteuil roulant comme moi.
18:17C'est une réalité.
18:18Un milliard de personnes.
18:19Aujourd'hui, quand j'échange avec le président Macron
18:21et avec François Hollande auparavant,
18:23Sarkozy, même Chirac,
18:24parce que j'avais la chance aussi de le rencontrer,
18:26en fait, je crois que c'est la population
18:28vraiment avec laquelle on n'a jamais su composer,
18:31avec laquelle on n'a jamais su
18:32comment en faire des citoyens de plein droit.
18:34Et donc oui, aujourd'hui,
18:35les jeux, c'est un des outils.
18:36Mais il n'y a rien de plus insupportable
18:37de ne pas pouvoir être considéré
18:38juste parce qu'on a une différence.
18:40– Il utilise quel rhétorique le président Macron
18:42quand il s'adresse à vous ?
18:44– En fait, je pense qu'il y a un vrai sentiment d'impuissance.
18:46La question de la volonté, de l'envie,
18:48l'engagement, les moyens,
18:50il n'y a jamais eu autant de moyens
18:51autour de la question du handicap,
18:53de la mise en accessibilité des restaurants,
18:56des cafés, des commerces.
18:57Il y a eu 300 millions qui ont été investis.
18:58Il n'y a jamais eu autant de stations accessibles.
19:00Je ne parle pas du métro,
19:01je parle des stations de train et de RER,
19:03notamment autour des jeux.
19:04Tout ça va dans le bon sens.
19:06Mais en fait, on parle d'une goutte d'eau.
19:07La mise en accessibilité d'une société comme un autre,
19:09c'est des dizaines, voire des centaines de milliards.
19:10Donc, comme ils savent qu'ils n'ont pas les moyens de le faire
19:12pour tout refaire,
19:13ils essaient d'aller un peu à droite, à gauche.
19:15Mais pour moi, c'est un problème d'éducation fondamental.
19:17Ce n'est pas une question d'argent essentiellement,
19:19c'est comment, depuis la tendre enfance,
19:21on apprend à vivre ensemble.
19:22Le jour où on le fait,
19:23le jour où 100% des enfants handicapés
19:24peuvent évoluer en école ordinaire de la République,
19:26là, on change le monde.
19:27Le reste, ce n'est pas un problème.
19:28Ce ne sera pas un sujet pour vous
19:29de me retrouver à la cafétéria,
19:31boire un coup et dire
19:32en fait, ce n'est même pas un sujet.
19:33Moi, je veux que ça ne devienne plus jamais un sujet.
19:37Alors, vous l'avez compris,
19:39Mickaël Jérémias, c'est une star.
19:41Il va monter un jour les marges du fait.

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