• il y a 7 mois
Quelques mois après que ses parents et son fils aient accepté de témoigner sur sa schizophrénie, Pierre rencontrait Betty, une femme au comportement bipolaire.
Puis, ensemble, ils décidèrent de se marier sous la bénédiction du Père Christian.
Mais début 2024, après onze années de vie commune, Pierre décédait brutalement d'un cancer généralisé.
Tous les intervenants des deux premiers documentaires ont acceptés de revenir sur les sentiments qu'ils ont éprouvés lors de ce douloureux évènement.
Personnellement, j’ai été d’autant plus peiné par cette disparition que Pierre et moi allions aboutir 50 ans d'amitié débutée l’été 1974 sur l’Île de Noirmoutier.
Lionel Baillemont, avril 2024.
© 2024 / contact@opheliafilm.com
Partie 1 :
https://youtu.be/cSpTMufjNWc
Partie 2 :
https://youtu.be/s07YbylkQl8
Transcription
00:00 [Musique]
00:28 Il y a combien de temps que je vous ai mariées ?
00:30 11 ans.
00:32 11 ans ? Je ne suis pas trop changée, j'espère, non ?
00:35 Je te remercie.
00:37 Et ? Je te remercie.
00:40 Je me bats avec cette affaire, mais ça résiste, hein, ce système.
00:45 Voilà, Pierre, ta femme a composé un poème, je vais lui lire un peu, je te le dis.
00:54 Je peux passer le micro, ce sera peut-être mieux, non ?
00:58 Pierrot, mon grand amour, tu m'as laissé sur le chemin pour me guider de loin en loin, la moitié de ton âme,
01:10 cette petite flamme qui clignote de temps en temps, petit Pierrot qui dort,
01:16 quand je repense le joli temps où tu vivais encore.
01:20 Où es-tu, mon joli lutin ? Tu m'attends au cœur d'un chemin du monde magique et merveilleux qu'ont rêvé tous les deux.
01:30 Quoi d'un front pour toutes années, on t'est promis l'éternité,
01:35 aujourd'hui, quitte à me rêver, t'es toujours ce que j'aurais, fidèle je te serai,
01:42 ta femme je resterai éternellement, je t'aime tant, mon Pierrot, infiniment.
01:48 Tu m'as redonné la joie de vivre, je te retrouverai avec le sourire,
01:53 parce que tu viendras me chercher pour ne plus m'inciter.
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02:42 On était en train de parler tous les deux, il regardait la télé et voilà.
02:58 D'accord, comme figé quoi, comme paralysé.
03:01 Et après, j'ai réussi, je l'ai fait s'allonger quand même, pour essayer de le mettre en PLS,
03:09 et il a essayé de parler, il n'a pas vraiment bien réussi à articuler,
03:23 il a dit quelques syllabes, je ne sais pas, je ne sais pas du tout, je n'ai rien compris.
03:29 Et j'ai vu qu'il avait le rythme.
03:35 Comme l'AVC quoi.
03:37 Alors de suite, moi bien sûr, je l'ai eu au téléphone, le SAMU, même pas les pompiers, ça a été le SAMU.
03:46 Et de leur côté, quelle a été leur conclusion ?
03:48 Pareil.
03:49 D'accord.
03:50 Quand je leur ai demandé, ils m'ont dit, il y a eu une suspicion d'AVC.
03:57 Ça c'est la vidéo que tu m'as envoyée.
04:00 Oui, oui.
04:02 Comment ça va ? Moi j'ai passé une nuit attachée à un lit, sans le nez, fait comme un rat allumé,
04:10 mais enfin ça va, là ils m'ont détachée, je peux marcher et tout, ça va mieux.
04:15 Je vous remercie de vous inquiéter, au revoir, je vous embrasse, je vous aime.
04:20 Il était tout content parce qu'il allait sortir, on attendait les infirmiers parce que comme il était parti,
04:29 il n'avait pas d'affaires, ils l'ont ramené, il était couché.
04:34 Et comme c'était pas du tout prévu qu'il sorte, moi j'étais venue juste lui rendre une visite,
04:42 je n'avais pas amené d'affaires, donc il attendait qu'on vienne le chercher dans sa chambre pour le ramener à la maison.
04:51 Quand il est passé au scanner, pour sa tête, ils sont un petit peu descendus,
05:02 et ils ont trouvé des signes bizarres au niveau de la horte.
05:09 Et là, ils ont envoyé ces radios à un cardiologue d'Avignon, l'insomme Catherine,
05:30 et il a dit que c'était un cancer. Rien qu'avec les radios, elle a vu qu'il y avait un cancer.
05:42 C'est quelque chose auquel vous ne vous attendiez pas du tout ?
05:45 Alors pas du tout, pas du tout.
05:49 Non, non, et puis même quand on nous l'a dit après, on pensait que ça allait durer,
05:58 qu'il avait quand même une espérance de vie d'un an ou deux ans, à l'âge qu'il a.
06:05 Ce principiaire s'est bien rendu compte sur le coup, mais quand même.
06:13 Après il disait à Betty, heureusement que j'étais, tu me fais oublier que j'ai le cancer.
06:18 Donc il s'en rendait bien compte.
06:22 Je ne comprends pas qu'on lui ait dit.
06:25 Enfin bon, c'est vrai qu'ils sont obligés de le dire.
06:30 Alors tu me filmes, et après toutes mes bêtises, elles passent dans ma chambre,
06:37 comme les préservatifs.
06:43 Et vous, qu'est-ce que ça vous a fait d'apprendre ça ?
06:49 Ça m'a fait plaisir.
06:52 Je ne pensais pas que ça irait si vite.
06:55 Non, on pensait qu'il y en avait quand même pour deux, trois ans.
07:03 Il est bien mieux qu'il n'ait pas traîné que de souffrir pendant des années encore.
07:12 Est-ce que tu pressentais qu'il pouvait être malade avec la vie qu'il avait ?
07:17 Je ne pensais pas qu'il mourrait vieux, franchement.
07:20 Je ne pensais pas qu'il allait mourir vieux.
07:26 Par rapport à son passé, sa santé, les médicaments qu'il prenait,
07:33 je me doutais que ça allait être compliqué.
07:37 Après, je n'espérais pas, mais ça ne me surprend pas tant que ça.
07:42 Par contre, la maladie, à la vitesse où ça arrivait, c'est toujours foudroyant.
07:48 Ça arrivait à une vitesse foudroyante.
07:51 On ne s'y attend jamais.
07:53 Ça fait partie de la vie, c'est comme ça.
07:56 Le chef de service gastro-entérologique de l'hôpital d'Avignon lui avait dit
08:06 « Arrête pas de fumer parce que le jour où la bête sera là, il n'y aura plus rien à faire. »
08:14 Donc, comme il fumait beaucoup, il fumait chacun un paquet par jour,
08:24 non seulement ça ruinait leur budget,
08:29 mais ensuite leur santé était vraiment mal engagée.
08:35 Il savait qu'il avait un cancer, mais on ne lui a pas dit
08:39 qu'il y avait des chances que d'ici un mois, il soit mort.
08:45 Parce qu'on savait qu'il ne sortirait pas de l'hôpital.
08:51 Le médecin nous a fait venir dans une pièce à part avec Nadette,
08:56 quand on était toutes les deux, et nous a dit
09:00 « On va le mettre en soins palliatifs. »
09:07 Alors de passer de réanimation à soins intensifs, à soins palliatifs,
09:15 en très peu de temps, c'est…
09:22 On sait très bien qu'un soin palliatif, c'est qu'on va mourir.
09:27 Qu'est-ce que tu veux ?
09:31 Tu cherches papa ?
09:36 Elle l'a cherché.
09:40 Et là, ils m'ont dit « Maintenant qu'il est en soins palliatifs,
09:46 vous pouvez passer la nuit à côté de lui. »
09:49 Alors je suis rentrée et j'ai nourri mon chat pour quelques jours.
09:55 J'ai préparé un peu d'affaires pour lui et pour moi.
09:59 Et d'un seul coup, il y a mon fils qui m'appelle.
10:03 Il allait bien. Il me dit « Prépare-toi, Pierre va mal. »
10:11 Alors, de suite, il m'a emmenée.
10:15 Il m'a emmenée, c'était l'horreur.
10:20 Et quand je suis arrivée, il m'a reconnue déjà, il m'a vue.
10:27 Et comme d'habitude, il avait fait « Ah, bêtise ! »
10:31 Et après, à un moment, je le regarde et je lui dis « Je t'aime, tu sais, toi. »
10:36 Il m'a fait « Évidemment ! »
10:40 J'avais peur d'aller le voir, d'être choquée.
10:47 Et puis après d'avoir une vilaine image jusqu'à la fin du jour.
10:51 Et non, il était magnifique.
10:54 On aurait dit qu'il dormait, mais qu'il dormait tranquille,
10:58 qu'il dormait tranquille. En plus, il était beau.
11:03 Il était beau à l'extérieur comme à l'intérieur.
11:10 J'aurais préféré qu'on parte ensemble.
11:14 On avait prévu, d'ailleurs,
11:18 de se faire une overdose de morphine
11:25 pour qu'il ne s'endormirait plus et se réveillait.
11:30 Et pourquoi vous ne l'avez pas fait ?
11:33 Parce qu'on s'estimait encore assez heureux.
11:40 On était encore assez heureux de vivre ensemble.
11:48 Et même quand vous étiez dans la certitude que ça allait mal se terminer,
11:54 même là, pour autant, vous n'avez pas été tenté de le faire ?
11:58 C'est-à-dire que ça s'est tellement précipité.
12:02 On n'a pas eu le temps. Ça s'est fait en une semaine.
12:06 C'est terrible.
12:09 Si on t'annonçait demain que tu as un mois à vivre, comment tu réagirais ?
12:12 Je serais contente.
12:15 Je ne serais pas embêtée pour mes enfants,
12:19 parce que je n'ai pas du tout envie qu'ils ressentent ce que moi j'ai ressenti.
12:24 Je suis leur mère, donc c'est plus dans la nature
12:31 de mourir avant ses enfants.
12:37 Comment tu juges ce monde ?
12:39 Horrible.
12:43 Cruel.
12:47 Hypocrite.
12:53 Ce n'est pas gentil, je sais.
12:57 Oui, le monde actuel, de l'à peu près, du pas fini, de la merde.
13:07 C'est toujours une épreuve de perdre un enfant.
13:10 C'est certain que ça va faire un vide,
13:16 surtout compte tenu de la place qu'il avait occupée avec sa femme.
13:21 Le couple, je ne m'en occupe plus,
13:24 parce que je ne peux pas prendre en charge tous les problèmes qu'ils rencontrent.
13:31 Elle n'a jamais voulu, quand je lui ai demandé, par exemple,
13:35 de s'occuper de sa retraite, elle ne l'a pas fait.
13:40 Quand on lui demandait de s'adresser à un psychiatre
13:45 pour éventuellement des soins, parce qu'elle ne veut pas reconnaître,
13:52 pour nous, elle est bipolaire.
13:56 Vu qu'on vivait chez ses parents,
14:02 ses parents ont une manière de vivre qui, pour moi, est choquante.
14:16 Parce que moi, un couple qui ne se tient pas la main,
14:20 qui ne s'embrasse pas, ne serait-ce que sur la joue,
14:25 et jamais un mot tendre, jamais une gentillesse, pour moi c'est choquant.
14:32 Il avait ses idées à lui, nous on avait nos idées à nous,
14:35 peut-être qu'on n'a pas su le prendre, on n'a pas su y faire, je ne sais pas.
14:41 Est-ce que vous avez un regret ?
14:43 Oui, beaucoup.
14:46 Qu'est-ce que vous avez comme regret ?
14:51 D'abord le fait de l'avoir déraciné d'Evreux pour venir dans le Midi,
14:56 qu'il a été mal accueilli.
15:02 Après le fait d'avoir été trop gamine pour un jeune comme ça.
15:10 Parce que moi à 30 ans j'avais 20 ans, ce n'était pas mûr.
15:18 Autrement comme regret, j'espère que c'était une bonne mère, mais enfin, je n'en sais rien.
15:25 Parce qu'il n'était pas heureux sur la terre, Pierre.
15:28 C'était un, comment on dit ?
15:33 Je l'ai dit tout à l'heure, je ne m'en rappelle plus.
15:37 Un écorché vif.
15:40 Est-ce que c'est quelqu'un avec qui tu penses que tu as toujours pu communiquer,
15:44 ou est-ce qu'il y avait toujours quelque chose d'étrange entre vous ?
15:47 Oui, ça a toujours été un peu étrange.
15:51 Il était parfois enfermé, c'était toujours difficile de discuter avec lui.
15:57 Il était dans son monde à lui, il n'était pas très ouvert au monde des autres.
16:03 C'était que son petit monde à lui, c'était pas toujours évident.
16:06 Il fallait se concentrer que sur son monde pour discuter avec lui.
16:09 Il fallait être amené à être que sur son monde.
16:11 Il fallait rentrer dans sa bulle pour avoir un sujet de conversation.
16:14 Sinon, sur d'autres sujets, ce n'était pas possible.
16:17 Après, oui, on s'entendait bien.
16:20 Je sais qu'il était malade et que ce n'était pas sa faute.
16:23 Je n'en ai jamais voulu par rapport à ça.
16:26 C'est comme ça.
16:27 Et si tu devais résumer ton père en quelques mots, qu'est-ce que tu dirais ?
16:32 Créatif.
16:35 Joueur.
16:38 Quelqu'un qui avait toujours le sourire.
16:40 Après, stressé de la vie.
16:45 Mais voilà, quelqu'un qui avait beaucoup de cœur.
16:52 Qui a énormément de cœur.
16:53 Qui pourrait donner tout, énormément à n'importe qui.
16:58 Sans attendre quoi que ce soit en retour.
17:00 Quelqu'un qui a énormément d'amour à donner.
17:03 Qui a besoin d'en recevoir énormément aussi.
17:05 En contrepartie.
17:06 Inconsciemment, il ne le pensait pas.
17:08 Mais inconsciemment, je pense qu'il avait ce besoin.
17:10 Il avait dessein de ressentir cet amour vis-à-vis des autres.
17:15 Pierre, il donne, il donne, il donne.
17:17 Il a toujours tout donné ce qu'il avait.
17:20 Moi, je ne donne pas tout. Je m'en réserve un peu.
17:24 Je suis un peu plus raisonnable.
17:27 Enfant, on se ressemble beaucoup comme caractère.
17:32 Mais quand même, je ne me laissais pas envahir par les copains comme lui.
17:37 Est-ce que vous avez hâte de le retrouver ?
17:40 Oui, bien sûr. Si on peut se retrouver tous à haut, ce serait bien.
17:47 Je ne sais pas si c'est dans l'évangile, ça.
17:52 Je ne sais pas.
17:53 Ça doit y être.
17:56 Puisqu'il y a la résurrection des morts.
17:59 Pour ma part, le sentiment qu'il me voit de là-haut me donne cet esprit de vouloir réussir
18:05 et toujours grandir, de voir le positif dans tout.
18:11 Si tu devais définir Pierre en quelques mots ?
18:17 Profondément gentil, courageux.
18:21 Pierre, c'était un gentleman.
18:27 Dans tout le monde.
18:34 C'était quelqu'un de respectueux.
18:42 Il était fantastique.
18:44 Je ne trouverais pas un autre pareil.
18:46 C'est pas possible.
18:49 [Chant]
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19:46 [SILENCE]

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