Certains dispositifs économiques, parmi les plus décisifs sur courte et moyenne période, génèrent des effets indésirables sur longue période, sans que l’on sache en sortir. C’est le cas du Quantitative Easing par exemple. C’est le cas aussi des aides au logement. Et c’est le cas encore de la politique de baisses de charges sur les bas salaires, amorcée à partir de 1993. Voici que l’exécutif s’intéresse enfin aux effets secondaires de ce dispositif pivot de la politique de l’emploi mais sans savoir comment en sortir. [...]
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00:09 Certains dispositifs économiques, parmi les plus décisifs sur courte et moyenne période,
00:14 génèrent des effets indésirables sur longue période sans que l'on sache en sortir.
00:20 C'est le cas du quantitative easing par exemple, c'est le cas aussi des aides au logement,
00:24 et c'est le cas encore de la politique de baisse de charge sur les bas salaires amorcée à partir de 1993.
00:31 Voici que l'exécutif s'intéresse enfin aux effets secondaires de ce dispositif pivot de la politique de l'emploi,
00:39 mais sans savoir comment en sortir.
00:42 Dès 1998, Edmond Malinvaux s'en préoccupait.
00:45 Ne niant pas le fait qu'une telle déformation du coût relatif du travail favorisait l'embauche des moins qualifiés,
00:52 il soulignait aussi les incitations secondaires moins désirables sur long terme,
00:57 notamment lorsque la progressivité des charges se concentre sur une base étroite.
01:03 C'est l'enjeu de la mission que Matignon a confiée fin novembre à Antoine Bozio et Étienne Wassmer,
01:09 qui doit remettre ses conclusions fin juin.
01:12 Avec trois interrogations majeures.
01:14 1. Le couplage entre seuil d'exonération des charges patronales et salariales d'une part,
01:20 et aide publique d'autre part, empêche-t-il les bas salaires de progresser ?
01:25 C'est la question de la trappe à bas salaire.
01:28 2. Décourage-t-il la formation et la promotion des salariés, formant une deuxième trappe ?
01:36 3. S'appelle-t-il par infusion lente la productivité en décourageant la formation ou par une mauvaise allocation sectorielle ?
01:45 Ce que l'on sait, c'est que le système d'allègement de charges n'a cessé de s'approfondir et de s'étendre depuis 1993 jusqu'à 3,5 SMIC,
01:56 et que la progressivité des charges n'a cessé de s'accentuer entre 1 et 1,6 SMIC.
02:02 Avec un coût croissant pour les finances publiques, qui atteint aujourd'hui 2,6% du PIB,
02:08 et une réduction moyenne de cotisation pour les entreprises du secteur privé qui voisine 11%,
02:15 maximale dans les entreprises de moins de 10 salariés et dans les secteurs de services à forte proportion en emploi non qualifiés.
02:24 L'impact en emploi de cette politique a fait l'objet d'une vaste littérature, souvent discordante.
02:29 De fait, la comparaison de la distribution des salaires depuis 1994 indique qu'une part croissante de salariés se concentre entre 1 et 1,6 SMIC depuis 1994.
02:43 Ce qui est compatible avec l'idée que la politique de baisse de charges a eu un effet de structure sur l'emploi.
02:50 Ce qui est cohérent aussi avec l'idée d'une trappe à bas salaire ou d'un déclassement salarial des qualifications.
02:58 Autrefait inquiétant, la productivité française est à la peine par rapport à la moyenne européenne depuis deux décennies.
03:05 Une conjonction qui accrédite l'idée d'effets non désirables de la baisse des charges sur longue période.
03:12 Sachant malheureusement que les économistes sont très mal équipés pour évaluer de tels impacts,
03:19 étant confrontés sur un tel horizon à une imbrication de causalité très difficile à démêler.
03:25 Surtout si la présomption d'effets indésirables l'emporte, comment sortir du piège ?
03:31 Certes, revenir sur le dispositif permettrait à l'État de récupérer plus de 70 milliards,
03:36 en dégradant progressivement le point d'entrée du dispositif par exemple.
03:41 Mais avec des effets délétères sur l'emploi peu qualifié et un choc sur la rentabilité des services.
03:47 Les études plus récentes indiquent d'ailleurs que les entreprises très concernées par la baisse des charges
03:52 ont étoffé leurs effectifs à tous les niveaux de rémunération, ce qui suggère que l'effet financier a été décisif.
04:00 Une telle politique ne serait concevable que conçue de façon très graduelle,
04:05 avec un ciblage différencié selon l'activité, la taille des entreprises, leur géographie aussi.
04:11 Au prix donc d'une complexité croissante et sur un horizon trop long pour en assurer la pérennité.
04:18 Elle devrait de surcroît être couplée avec une politique de modération du SMIC
04:23 et avoir pour arrière-plan le plein emploi.
04:26 Les conditions de son acceptabilité ne sont donc pas assurées.
04:31 L'autre piste consisterait à atténuer la progressivité des allègements de cotisations.
04:36 Mais repousser le seuil de 1,6 MIC coûterait très cher aux finances publiques,
04:42 avec un effet emploi extrêmement limité et beaucoup d'effets d'aubaine.
04:47 Une telle politique est proscrite en l'état des finances publiques.
04:51 Reste enfin une troisième issue.
04:54 Ressortir des cartons le projet de TVA social qui consiste à fiscaliser le financement de la protection sociale, à l'instar du Danemark.
05:02 Continuer à raboter les charges au-dessus du SMIC en compensant le manque à gagner par des hausses de TVA.
05:09 Une telle politique n'a plus l'emploi pour première motivation, mais la compétitivité.
05:14 Puisqu'elle permet de taxer tous les produits, notamment ceux importés,
05:19 et de diminuer le coût unitaire de production des seules entreprises implantées sur le territoire.
05:25 C'est un serpent de mer, mais c'est bien la réforme qui doit être au cœur du débat,
05:30 si l'on veut vraiment remettre de la neutralité dans la fiscalité de l'emploi.
05:35 [Musique]