Que sait-on de la trajectoire des classes moyennes inférieures depuis la crise sanitaire ? La crise des gilets jaunes avait placé le projecteur fin 2018, sur un malaise larvé, mal identifié parce que multidimensionnel, d’une partie du corps social. Un ensemble hétérogène de Français, pénalisés géographiquement par leur distance aux centres urbains, à leur lieu de travail, aux services publics, dans l'angle mort des systèmes de protection sociale et de redistribution, et aux intérêts mal représentés. Cette crise faisait écho au malaise des classes moyennes déjà largement perçu par les sociologues, notamment Louis Chauvel, qui a notamment instruit la question du déclassement intergénérationnel dès la fin des années 90. Ou encore avec la thématique de la polarisation post-industrielle de l’emploi, qui nourrissant le bataillon des peu qualifiés en bas de l’échelle, ou celui des hyper qualifiés en haut, a brisé l’optimisme d’ascension sociale des classes intermédiaires et exacerbé la peur du déclassement économique, pour eux comme pour leurs enfants. [...]
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00:09 Que sait-on de la trajectoire des classes moyennes inférieures depuis la crise sanitaire ?
00:14 La crise des gilets jaunes avait placé le projecteur fin 2018 sur un malaise larvé mal identifié
00:20 par ce que multidimensionnel d'une partie du corps social.
00:23 Un ensemble hétérogène de Français, pénalisés géographiquement par leur distance aux centres urbains,
00:29 à leur lieu de travail, aux services publics,
00:32 dans l'angle mort des systèmes de protection sociale et de redistribution, et aux intérêts mal représentés.
00:39 Cette crise faisait écho au malaise des classes moyennes déjà largement perçus par les sociologues,
00:44 notamment Louis Chauvel, qui a instruit la question du déclassement intergénérationnel dès la fin des années 90.
00:52 Ou encore avec la thématique de la polarisation post-industrielle de l'emploi,
00:57 qui nourrissant le bataillon des peu qualifiés en bas de l'échelle, ou celui des hyper qualifiés en haut,
01:04 a brisé l'optimisme d'ascension sociale des classes intermédiaires
01:08 et exacerbé la peur du déclassement économique pour eux, comme pour leurs enfants.
01:14 C'est ce terrain fissuré et explosif que la crise sanitaire, puis l'inflation a percuté.
01:21 Une crise qui, elle aussi, a soudain placé sur le devant de la scène les travailleurs invisibles,
01:27 mais indispensables à la vie économique et dont les salaires sous-pondèrent l'utilité sociale.
01:33 Et c'est bien conscient de ce risque de déflagration que le gouvernement a affronté la succession des crises depuis 2020,
01:41 multipliant les dispositifs chômage partiel, bouclier, chèques ciblés, baisse des prélèvements, primes de partage, etc.
01:48 Y est-il parvenu, du point de vue des revenus du moins ?
01:52 A priori non, lorsque l'on se focalise sur les seuls salaires.
01:57 La smicardisation nous met en alerte sur le risque d'exacerbation du sentiment de déclassement.
02:03 Le salaire n'est certes qu'une composante du niveau de vue des ménages,
02:07 mais c'est en termes de perception un élément décisif parce que stable et perçu comme la reconnaissance du travail.
02:15 Et sur ce terrain, les faits sont nets.
02:17 Si le pouvoir d'achat du SMIC a bien été protégé de l'érosion inflationniste entre fin 2019 et fin 2023,
02:24 les salaires immédiatement au-dessus n'ont pas suivi la cadence, s'ajustant avec retard et de façon incomplète.
02:30 Que ce soit pour les ouvriers, employés ou pour les professions intermédiaires.
02:35 Avec deux conséquences.
02:37 Une perte du pouvoir d'achat des salaires dans le bas de la distribution
02:41 et un gonflement de la part des salariés rattrapés par le SMIC.
02:45 Un phénomène dont la cause est bien connue.
02:48 La forte pente d'augmentation des cotisations sociales au-delà du SMIC
02:52 fait que 100 euros d'augmentation coûtent 483 euros à l'entreprise.
02:58 Il y a donc une très forte désincitation pour les employeurs à sortir un salarié de la trappe à bas salaire.
03:05 Il s'agit là d'une vision extrêmement étroite du niveau de vie bien entendu.
03:09 À côté de la masse salariale, il y a les prestations sociales et revenus de substitution, chômage ou retraite,
03:16 les revenus du patrimoine et des prélèvements progressifs.
03:20 Or, la structure des revenus se modifie très rapidement en bas de l'échelle,
03:25 entre les 10 ou 20% les plus pauvres et ceux qui se situent sous le niveau de vie médian.
03:31 Avec beaucoup plus de transferts tout en bas de l'échelle
03:34 et une part croissante de revenus d'activité dès que l'on s'élève dans la hiérarchie.
03:39 De surcroît, comme le SMIC, les prestations sociales et minima
03:43 ont été mieux protégées de l'inflation que les revenus d'activité.
03:48 Alors certes, les primes Macron défiscalisées et sans charge,
03:51 le bouclier tarifaire et la superposition des dispositifs plus ciblés
03:56 auraient pu conjurer les effets anti-redistributifs de l'inflation.
04:01 Mais ce n'est pas le cas.
04:02 D'abord parce que ces dispositifs sont pour la plupart temporaires.
04:06 Ensuite parce que de par leur conception même,
04:09 ils n'ont opéré qu'une correction de second ordre.
04:13 C'est le cas de la prime Macron, dont le montant augmente avec la taille des entreprises.
04:19 Ce que montre une étude récente de l'OFCE portant sur 2021-2023.
04:24 L'évolution du revenu disponible des ménages a suivi une courbe ennue.
04:29 Le premier décile a bénéficié plus fortement
04:32 que les déciles supérieurs de l'indexation du SMIC et des minima.
04:36 Et les ménages les plus riches ont profité à plein de la très forte augmentation des revenus du patrimoine.
04:43 Et en dépit de l'activisme du gouvernement,
04:46 les classes moyennes se sont enfoncées encore un peu plus dans leur sentiment de déclassement,
04:52 confirmant la difficulté grandissante de nos outils redistributifs
04:56 à corriger des distorsions primaires toujours plus puissantes.
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