• l’année dernière

Dans la riposte actuelle du gouvernement pour faire oublier la réforme des retraites, Gabriel Attal a manifestement été chargé de séduire les classes moyennes et cette France qui, selon l’expression “se lève tôt”.
Il reprend une rhétorique réactionnaire visant à stigmatiser les sans emplois comme des paresseux profiteurs, pour justifier tout à la fois le flicage et les radiations des chômeurs ou des allocataires du RSA.
Évidemment dans ce discours exploitant les préjugés sociaux pour à la fois faire faire des économies à l’Etat, et courtiser les classes moyennes, la réflexion sur la taxation des hauts revenus et patrimoines n’est pas du tout celle qui est la plus mise en avant.
Cette rhétorique est très utile dans un contexte où la réforme des retraites pilonne cette classe moyenne, et dans un contexte où le gouvernement refuse de poser la question de l’augmentation des salaires autrement que par des primes qui ne sont pas soumises à cotisations sociales.

Le ministre Gabriel Attal clame donc qu’il lutte contre la tentation des classes moyennes d’aller vers le vote RN en stabilisant leur situation économique. Mais ce qu’il fait concrètement, c’est flatter les affects qui les y conduisent.

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Transcription
00:00 Born, Darmanin, Schiappa, d'accord.
00:02 Mais Gabriel Attal, on en parle ?
00:04 Parce qu'il a toute sa place là, dans la riposte actuelle du gouvernement
00:08 pour faire oublier la réforme des retraites et faire croire que tout va bien.
00:10 Or, ces interventions récentes dessinent les contours de la société
00:14 dans laquelle ces gens veulent qu'on vive.
00:16 Non mais on n'a pas attendu d'entendre des casseroles
00:18 pour écouter les Français et pour entendre les Français.
00:20 Voilà. Et moi, ce qui m'intéresse, c'est les Français qui se lèvent le matin,
00:23 qui vont travailler ou qui télétravaillent,
00:24 mais en tout cas qui attendent de nous qu'on agisse pour eux.
00:27 On a compris le cadre général, c'est de l'action pendant 100 jours,
00:30 aller sur le terrain et bombarder de projets de loi et de mesures
00:34 pour qu'on parle de ça et que ça couvre le bruit des casseroles.
00:38 Je pense qu'il y a aujourd'hui une attente extrêmement forte
00:41 de la classe moyenne qui travaille, qui nous disent quoi ?
00:44 Qui nous disent qu'on travaille et on a le sentiment qu'on nous en demande toujours plus
00:47 pour financer un modèle qui permet parfois à des gens de ne pas travailler
00:50 et qui finance des services publics dont on a le sentiment qu'ils se dégradent.
00:54 Gabriel Attal, puisqu'il est le ministre délégué chargé des comptes publics,
00:58 il s'occupe du versant, fiscalité, impôts, dépenses publiques.
01:02 Et il a manifestement été chargé de séduire les classes moyennes
01:05 et cette France qui, selon l'expression, se lève tôt.
01:09 On va voir que cette démarche a une certaine odeur.
01:21 Retraite, assurance chômage, RSA, apprentissage,
01:25 il y a une offensive générale capitaliste contre le travail.
01:28 Attal incarne un certain volet,
01:30 celui d'aider les classes moyennes à mieux vivre de leur travail
01:33 par un supposé plan Marshall pour les classes moyennes.
01:37 Ces interventions prennent la forme archi classique
01:40 de l'opposition entre les Français qui travaillent et les assistés.
01:44 Je pense que notre action, elle doit être dirigée avant tout
01:47 vers ces Français, cette classe moyenne qui travaille,
01:49 qui a le sentiment qu'on lui en demande toujours plus,
01:52 soit pour d'autres qui, eux, peuvent ne pas travailler,
01:54 soit pour des services publics qui se dégradent
01:56 alors que c'est financé par leurs impôts.
01:57 Lors d'un déplacement dans l'Hérault,
01:59 on a pu le voir en pleine démonstration d'arrogance
02:01 lorsqu'il s'en est pris à des manifestants
02:03 qui pratiquaient la casserolade avec un argument inattendu.
02:07 Moi, je fais la part des choses.
02:08 D'ailleurs, ceux qui peuvent se permettre,
02:10 qui ont le temps en pleine semaine, en plein après-midi,
02:13 d'aller accueillir des ministres pendant 4 heures,
02:15 de 14 heures à 18 heures, a priori,
02:17 c'est quand même pas les Français qui travaillent,
02:18 qui ont des difficultés au quotidien pour boucler leur fin de mois.
02:20 C'est pour eux qu'on veut agir et c'est pour eux qu'on veut répondre.
02:23 Alors, il va peut-être découvrir que les gens ont tout un tas d'horaires bizarres,
02:26 ils travaillent de nuit, le week-end, ou bien ils démarrent très tôt.
02:29 Il va peut-être découvrir qu'il y a plein de retraités
02:32 qui participent à ces manifestations,
02:34 ou même que des gens sont prêts à poser des RTT pour continuer la lutte.
02:37 Mais passons.
02:38 Semez la discorde, la zizanie,
02:40 on a déjà parlé de cette manœuvre éculée.
02:42 Ici, le ministre ne discrédite pas seulement les manifestants
02:45 par ce qu'ils font, du bruit, mais aussi par ce qu'ils sont.
02:49 Il légitime parce que supposément pas au travail.
02:52 A priori, c'est quand même pas les Français qui travaillent,
02:54 qui ont des difficultés.
02:55 Quelle est la conception de la citoyenneté qui se cache sous ce mépris ?
02:58 Supposons même que l'ensemble de ces gens soient au chômage ou au RSA.
03:02 Ce que nous dit implicitement le ministre,
03:04 c'est que ce sont grosso modo des sous-citoyens
03:07 et que leur expression ne compte au fond pas vraiment.
03:10 Voilà le fond de la pensée de ce ministre millionnaire épistonné.
03:14 Bah oui, il se permet des attaques à dominem, nous aussi.
03:17 Mais ne croyez pas que c'est un dérapage isolé.
03:20 C'est une véritable ligne de communication,
03:22 qu'il répète sur tous les plateaux.
03:24 Il est 7h43.
03:25 Je pense qu'il y a des personnes qui nous écoutent,
03:27 qui sont en train d'aller travailler
03:28 ou qui s'occupent de leurs enfants avant de les amener à l'école.
03:30 Il y en a probablement qui sont inquiètes ou qui sont en colère.
03:33 Je ne suis pas sûr que ce sont des personnes
03:35 qui peuvent se permettre d'aller de 14h à 18h en pleine semaine
03:39 attendre un ministre.
03:40 Le message, c'est les vrais et honnêtes gens
03:42 ne se plaignent pas du recul de l'âge légal de départ à la retraite.
03:46 Ils sont simplement contents qu'on leur ait supprimé leur taxe d'habitation.
03:49 Le fond de l'affaire, c'est une rhétorique réactionnaire
03:52 visant à stigmatiser les sans-emploi
03:54 comme des paresseux profiteurs.
03:56 Pour justifier tout à la fois le flicage
03:59 et les radiations des chômeurs ou des allocataires du RSA.
04:02 Regardez par exemple, depuis plusieurs semaines,
04:05 Gabriel Attal porte un grand plan de lutte contre les fraudes.
04:08 Je dis bien les fraudes.
04:10 Parce que son entrade hémagogique,
04:12 c'est qu'il ne faut pas opposer les fraudes entre elles.
04:15 La deuxième manière de redonner confiance,
04:16 c'est bien de s'attaquer à toutes les fraudes.
04:18 Moi, je veux qu'on arrête de segmenter les fraudes.
04:20 Dans certains cas, on a l'impression
04:22 qu'il n'y aurait que de la fraude fiscale
04:23 et dans d'autres cas qu'il n'y aura que de la fraude sociale.
04:26 Nous devons nous attaquer à toutes les fraudes,
04:28 qu'elles soient fiscales, sociales et douanières.
04:30 Il n'est pas primordial de faire ce travail de hiérarchisation
04:33 qui permet de s'apercevoir que,
04:35 quelle que soit la quantification exacte,
04:37 les ordres de grandeur ne sont pas du tout les mêmes.
04:40 Entre fraude fiscale, fraude aux cotisations sociales
04:43 et fraude aux prestations sociales.
04:45 En mettant ces fraudes sur le même plan,
04:47 Gabriel Attal accrédite l'idée que
04:49 l'honnête travailleur de la classe moyenne
04:51 est écrasé sans distinction par des profiteurs d'en haut
04:55 tout autant que par des profiteurs d'en bas.
04:57 Cette classe moyenne qui a parfois le sentiment de payer trop
05:01 parce que certains choisissent de ne rien payer du tout.
05:04 Alors que le manque à gagner pour financer
05:06 et améliorer les services publics, par exemple,
05:09 est à chercher du côté de la manière dont les plus aisés
05:12 et les grandes entreprises se soustraient à l'impôt.
05:14 Mais évidemment, dans ce discours qui exploite les préjugés sociaux
05:18 pour à la fois faire faire des économies à l'État
05:21 et courtiser les classes moyennes,
05:23 la réflexion sur la taxation des hauts revenus et patrimoines
05:27 n'est pas du tout celle qui est la plus mise en avant.
05:29 On le voit par exemple dans sa grande opération transparence
05:33 sur l'usage des impôts,
05:34 qui s'appuie sur le site gouvernemental au nom évocateur
05:37 "En avoir pour mes impôts"
05:39 accompagné d'une consultation citoyenne.
05:42 C'est une grande opération transparente,
05:43 ce site "En avoir pour mes impôts.gouv.fr"
05:46 qui ouvrira, vous l'avez dit, en fin d'après-midi,
05:48 qui permettra au niveau national de dire de manière très concrète
05:51 à quoi sert l'argent public.
05:53 Tout le monde ne sait pas que un enfant,
05:55 une année dans une école primaire, c'est 8000 euros d'argent public.
05:58 La question politique de ce qu'est une juste répartition
06:01 de l'effort collectif n'est pas posée.
06:04 Le citoyen est seulement amené à se penser
06:07 comme un contribuable qui calcule en permanence
06:10 combien la société lui rend
06:12 par rapport à ce qu'il paye en impôts.
06:14 Et à réclamer évidemment que l'État dépense moins
06:17 pour avoir moins d'impôts à payer.
06:19 "Ces Français qui travaillent,
06:20 sans pour autant bénéficier des aides,
06:22 et sans pour autant bénéficier de services publics
06:25 qui répondent à leurs attentes."
06:26 Bon, en fait, ce que fait là Attal,
06:28 c'est implicitement s'adresser à ce que le sociologue Olivier Schwartz
06:32 a nommé la conscience sociale triangulaire.
06:35 Ce sociologue a montré qu'un sentiment est très présent
06:38 dans les fractions hautes des catégories populaires.
06:41 Un sentiment de menace, de méfiance,
06:44 non pas seulement à l'égard du haut de la hiérarchie sociale,
06:48 mais aussi à l'égard des moins bien lotis,
06:50 qui sont vus comme des profiteurs.
06:52 C'est tout le thème des assistés et des cassos.
06:54 "On doit aider les gens qui sont démunis."
06:58 "Non mais y'a des limites, hein."
07:00 "Il faut mieux les accompagner et mieux contrôler.
07:03 C'est ce qu'on va faire avec la réforme.
07:05 On fait les deux."
07:06 C'est cette vision triangulaire de la société
07:08 qui est exploitée et encouragée par l'extrême droite,
07:11 en y ajoutant une lecture xénophobe et raciste.
07:14 Parce que la figure par excellence du profiteur d'en bas,
07:18 ça va être celle de l'étranger ou de l'immigré.
07:21 Bruno Le Maire a tout récemment tiré sur cette corde.
07:24 "C'est l'argent du contribuable.
07:25 Il a aucune envie de voir que des personnes peuvent en bénéficier,
07:28 leur envoyer au Maghreb ou ailleurs alors qu'ils n'y ont pas droit."
07:32 Il devient très utile de mobiliser cette rhétorique
07:35 précisément dans un contexte où la réforme des retraites
07:38 pilonne cette classe moyenne.
07:39 Et dans un contexte où le gouvernement refuse de poser
07:42 la question de l'augmentation des salaires,
07:45 autrement que par des primes qui ne sont pas soumises à cotisation sociale.
07:49 "C'est Français, cette classe moyenne, qui travaille,
07:51 qui a le sentiment qu'on lui en demande toujours plus,
07:53 soit pour d'autres qui, eux, peuvent ne pas travailler,
07:56 soit pour des services publics qui se dégradent."
07:57 Le ministre Gabriel Attal clame donc qu'il lutte
08:00 contre la tentation des classes moyennes d'aller vers le vote RN,
08:04 en stabilisant leur situation économique.
08:06 Mais là, ce qu'il fait concrètement, c'est de flatter les affects qui les y conduisent.
08:11 À la semaine prochaine.
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