La hausse du SMIC : attention aux effets boomerang ! [Alexandre Mirlicourtois]

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La hausse de 2% du SMIC au 1er novembre n’est pas à proprement parler un coup de pouce, mais une anticipation de la revalorisation automatique prévue le 1er janvier. Pour beaucoup, cela reste insuffisant. Il faut revenir sur le postulat de départ des effets en chaîne espérés d’une augmentation du salaire minimum. Cela passe évidemment par un coup de fouet au pouvoir d’achat des salariés les moins payés, ceux qui consomment la quasi-totalité de leurs revenus. Petit bémol cependant : l’expérience montre que la réduction des inégalités salariales ne s’explique pas uniquement par la progression des rémunérations des employés proches du salaire minimum, mais aussi par la pression mise par les employeurs sur les rémunérations des salariés les mieux payés, pour éviter une trop grande dérive de la masse salariale. Bref, l’écrasement de la hiérarchie des salaires fait aussi des perdants. [...]

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00:00La hausse de 2% du SMIC au 1er novembre n'est pas, à proprement parler, un coup de pouce,
00:15mais une anticipation de la revalorisation automatique prévue le 1er janvier.
00:19Pour beaucoup, cela reste très insuffisant.
00:23Il faut revenir sur le postulat de départ des effets en chaîne espérés d'une augmentation du salaire minimum.
00:29Cela passe évidemment par un coup de fouet au pouvoir d'achat des salariés les moins payés,
00:33ceux qui consomment la quasi-totalité de leur revenu.
00:37Petit bémol cependant, l'expérience montre que la réduction des inégalités salariales
00:42ne s'explique pas uniquement par la progression des rémunérations des employés proches du salaire minimum,
00:47mais aussi par la pression mise par les employeurs sur les rémunérations des salariés les mieux payés,
00:52pour éviter une trop grande dérive de la masse salariale.
00:56Bref, l'écrasement de la hiérarchie des salaires fait aussi des perdants.
00:59Malgré tout, le choc de demande est positif, la consommation accélère avec des effets bénéfiques sur les entrées de TVA,
01:06l'ensemble des activités B2C, commerçants, services au ménage, etc. et de leurs fournisseurs.
01:13De quoi donner un nouvel élan à la croissance, donc à l'emploi.
01:16Plus d'emplois, c'est plus de croissance.
01:17La boucle vertueuse se referme avec, de surcroît, plus de cotisations sociales, d'IS et d'impôts sur le revenu,
01:25ce qui améliore au passage les finances publiques.
01:28Le premier grain de sable se situe au niveau de l'origine des fournisseurs.
01:31Si les services consommés sont produits à 90% localement,
01:36même s'ils intègrent parfois des composants étrangers, comme un restaurant utilisant de l'agneau néo-zélandais,
01:41la situation est tout autre pour les biens manufacturés.
01:45Plus de 85% des produits consommés sont importés
01:48et le contenu en importation de la consommation est plus intense pour les bas revenus.
01:53Il faut donc s'attendre à une nouvelle détérioration du sol extérieur manufacturier, déjà dans le rouge.
01:59Or, ce déficit, il faut bien le financer.
02:01D'une manière ou d'une autre, il pèse sur les finances publiques.
02:05Deuxième écueil, le schéma présenté n'intègre pas les conséquences du choc d'offres défavorables aux entreprises.
02:12C'est l'aspect gonflement du coût du travail.
02:15Il pourrait être absorbé par un bond spectaculaire de la productivité.
02:19Mais toutes les dernières enquêtes montrent au contraire une tendance à sa stagnation, voire sa dégradation en France.
02:25Les entreprises ont alors deux options.
02:27Soit augmenter leur prix, possible pour les sociétés de service,
02:30dont les activités ne sont pas en concurrence frontale avec l'extérieur,
02:34mais cela freine la progression du pouvoir d'achat et réduit l'effet relance attendu de la consommation.
02:39Soit comprimer les marges.
02:41Mais c'est entrer dans une spirale dangereuse.
02:44Pas pour les grands groupes, ils disposent le plus souvent de la latitude pour le faire.
02:48Mais ils ont aussi le choix de la délocalisation, en particulier ceux opérant dans les secteurs à forte intensité de main d'œuvre.
02:55Pour les autres, deux cas de figure se présentent.
02:57Soit elles disposent de quelques degrés de liberté,
03:00mais il ne faut pas perdre de vue que les marges, cela sert à embaucher, à investir, c'est donc l'avenir qui est en partie sacrifié.
03:06Soit il s'agit d'entreprises intervenant dans des secteurs à faible marge et soumises à la concurrence étrangère.
03:12Dans ce cas, le risque est bien celui d'une avalanche de défaillances,
03:15dans un contexte où elles sont déjà en forte progression et s'approchent de leur record historique.
03:19Une chose est certaine, quoi qu'il en soit, l'emploi en fait les frais.
03:23De quoi peser sur la croissance et les rentrées fiscales et sociales.
03:27C'est même la double peine pour les finances publiques.
03:29L'augmentation du salaire minimum fait ipso facto tomber les rémunérations situées dans sa périphérie supérieure,
03:35dans la catégorie ouvrant droit aux plus fortes exonérations de cotisations sociales, compte tenu du profil dégressif de ces dernières.
03:43Il faut aussi mentionner un autre effet pervers.
03:45Le maintien dans les bas salaires est renforcé par ce système d'exonération de charges
03:49qui incite les employeurs à y maintenir leur personnel tant le surcoût à payer pour les en sortir est élevé.
03:57Les salariés au SMIC sont aujourd'hui plus de 17% contre 12% il y a tout juste 3 ans.
04:02La smicardisation est en train de devenir le véritable piège économique et social de la France.
04:08En prétendant protéger les plus modestes, on finit par étouffer toute perspective d'ascension salariale.

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