• il y a 6 mois
Elle est nommée pour le Molière du meilleur seul.e en scène, et appartient à cette lignée de femmes qui ont fait des planches un lieu d’autofiction nécessaire, entre réparation, rire et engagement ! Eva Rami est ce matin l'invitée de Mathilde Serrell. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/nouvelles-tetes/nouvelles-tetes-du-jeudi-02-mai-2024-8702862

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Transcription
00:00 Mathilde Serrell ce matin, une comédienne d'utilité publique.
00:05 Eva Rami est dans notre studio Portrait sonore.
00:09 Enfant, elle a habité à l'école.
00:15 Dans un village de l'arrière-pays niçois, son père est directeur et elle, cette très bonne élève
00:21 qui se rêve secrètement comédienne.
00:24 Entre deux imitations prometteuses, délicat coup.
00:27 -Fortuné, tu vas en boîte ? Qui c'est qui vient te chercher ?
00:31 -Un type ? Ah bon, ça me regarde pas.
00:34 -Mais écoute-moi bien, Fortuné. Le type, il va vouloir te toucher la poitrine.
00:39 -Oui, ma fille, oui, il va vouloir te toucher la poitrine.
00:43 -Eh ben, tu dis oui.
00:45 Et dit Mme Sarfati, ce sera son premier choc théâtral, sa première flamme pour le métier.
00:51 Elle passe à bord par la fac de droit pour ne fâcher personne.
00:54 Puis entre au conservatoire de Nice, intègre à Paris l'école supérieure d'art dramatique
00:58 et le conservatoire national, elle veut maintenant écrire son spectacle
01:01 ou plus précisément son autofiction sur scène
01:04 qu'elle imagine poétique et tragique comme une chanson brésilienne.
01:08 * Extrait de "La Trinité" de M. Le Pen *
01:31 Avec son avatar, Elsa ravit. Ce double qui lui permet de rire de ses blessures,
01:36 elle va même construire une trilogie.
01:38 Elle est successivement tous les personnages qui ont jalonné sa vie dans des caricatures hilarantes
01:42 jusqu'au troisième volet qui met dix ans à sortir et se rapproche de son plus grand silence.
01:47 * Extrait de "La Trinité" de M. Le Pen *
02:04 "Va aimer", c'est l'histoire d'une jeune femme qui veut et va comprendre
02:08 ce qui la paralyse dans son envol.
02:10 C'est aussi un cœur de mère, de grand-mère, d'ami et ça a l'insolence d'être drôle.
02:15 Eva Rami, bonjour et bravo.
02:18 - Bonjour et merci pour ce magnifique portrait.
02:22 - Vous écoutiez attentivement Isile Lebesco à l'instant
02:25 qui était l'invité de Léa Salamé, son livre "Dire vrai",
02:29 la nécessité qu'elle a eu de l'écrire.
02:32 Comment est-ce que ça résonne en vous la question notamment de la justice
02:36 qu'elle évoquait à la fin de cette interview, puisque vous, vous mettez en scène
02:39 le faux procès de votre viol, le faux procès de votre inceste,
02:45 sachant qu'il ne sera peut-être pas jamais élucidé, jamais mené.
02:50 - Eh bien, je buvais ses paroles, j'en suis encore toute imprégnée
02:55 et même encore un peu tremblante, je l'ai croisée là dans les couloirs.
02:58 Je suis à la fois tellement...
03:02 C'est un choc de toutes ces femmes qu'on entend,
03:07 en même temps il y a quelque chose aussi de joyeux
03:10 parce qu'on laisse cette place-là.
03:12 Et évidemment que je me reconnais dans tout ce qu'elle a dit.
03:15 De toute façon, je pense que c'est ce qui est en train de se passer,
03:18 c'est qu'il y a quelque chose qui fait à la fois du bien,
03:22 à la fois c'est attirant et en même temps,
03:25 je me reconnais tellement dans ses mots, que dire de plus.
03:29 Ils font écho en moi terriblement.
03:31 Et de mon côté c'est pareil, je sais que je n'ai pas porté plainte à ce jour encore,
03:38 parce que déjà je me rends justice par moi-même,
03:41 sans attendre que la justice elle-même le fasse, par peur
03:46 de me prendre une seconde claquasse dans la tronche.
03:51 Et en fait, pour l'instant, c'est ce spectacle-là, Vahemme,
03:56 avec lequel je me rends justice.
03:59 - 18 personnes sur scène, vous incarnez 18 personnes
04:03 pour porter cette écriture à plusieurs voix et plusieurs corps.
04:07 C'était nécessaire pour aborder ce que vous appelez dans le spectacle, cette tâche ?
04:13 - Ah ouais, c'est vrai que c'est un exercice que j'adore.
04:16 Moi je viens du clown et du masque, donc vraiment changer de corps,
04:19 changer de voix, changer de genre, c'est quelque chose que j'adore
04:24 et qui permet justement d'incarner des mots,
04:28 d'incarner des thématiques plus profondes.
04:31 - Il y a aussi une sorte de génération de connivence
04:34 avec ces seuls en scène auto-fictifs.
04:37 Andréa Bescon, Julie Duval qu'on a reçues ici,
04:40 il y a une sorte de révélation des traumas,
04:42 mais qui se fait entourer par cette forme, cette écriture,
04:46 ce rire aussi, il joue quel rôle ces personnages,
04:50 ces mises en place pour accoucher d'une parole ?
04:54 - Ces personnages, ils accompagnent notamment,
04:56 en fait, Vol, il y avait vraiment, c'est toujours de toute façon des histoires de transmission.
05:00 - Vol, c'est le premier spectacle ?
05:02 - C'est le premier seul en scène, en effet, que j'ai écrit il y a 10 ans.
05:05 Et ce qui est fou, c'est qu'en fait, même Vahemé,
05:08 en fait, c'est finalement, c'est pas vraiment une continuité,
05:11 c'est comme si c'était une autre facette du personnage principal,
05:15 comme si c'était une autre histoire,
05:17 qu'on avait accès à un autre intime de ce qui se passait,
05:21 en parallèle de ces deux premiers volets.
05:23 - Et vous, ça vous est venu en écrivant ?
05:26 - Ah, c'est venu, c'est venu par rapport à la révélation de ce qui a pu vous arriver.
05:31 - Ah, ben c'est venu à la...
05:32 - Dans l'enfance, il y a une révélation dans le spectacle,
05:34 mais on pense aussi à une révélation peut-être dans l'écriture.
05:36 - Bien sûr, mais je pense que l'écriture le savait même avant moi,
05:39 c'est-à-dire que c'est ça la puissance des mots,
05:42 et en effet, de l'inconscient,
05:44 c'est-à-dire que même dans les deux premiers,
05:46 je n'avais pas encore fait un chemin thérapeutique,
05:48 je n'avais pas encore, je pense, conscientisé.
05:50 Mais malgré tout, il y a des clés, il y a des petites clés.
05:54 - Il y a toujours des indices, des casus qui sont semés.
05:56 - Oui, et j'ai repris le spectacle, j'ai repris les trois d'affilée,
05:59 il n'y a pas longtemps, au Théâtre National de Nice,
06:01 j'ai enchaîné les trois, "Vole, tais-toi et va aimer",
06:03 et je me suis dit "Waouh, c'est taré comment l'inconscient,
06:06 déjà, il envoyait des petites clés, déjà dans les deux premiers volets".
06:11 - Il faut dire que c'est aussi extrêmement drôle, je le disais,
06:14 ça a l'insolence d'être drôle.
06:16 Il y a Luna, la copine brésilienne, et son accent guay à couper au couteau.
06:19 Il y a Miette, notre "culpin" qui parle un peu comme ça.
06:22 Il y a la mère groc à l'intérieur, mais qui s'est laissée enfermée.
06:25 Il y a les potes d'adolescence qui se la jouent virile
06:27 en regardant du porno avec des voix quand même pas muées.
06:30 Il y a le thérapeute perché qui prononce tous les "s", tous les "z".
06:34 Et puis votre grand-mère à la canne, qui a un rôle comique,
06:37 qui pourtant cherche aussi cette petite fille qui se cache partout.
06:40 Pour échapper à son grand-père.
06:43 C'est extrêmement émouvant aussi pour ces personnages.
06:47 Vous êtes nommée aux Molières pour ce salon scène,
06:50 notamment aux côtés de Ludivine Sagné qui incarne le consentement
06:53 de Vanessa Pringora sur scène.
06:56 Comment vous vous sentez ces lundis ?
06:58 - Franchement, je me sens bien, je suis tellement heureuse.
07:01 C'est une reconnaissance, c'est la petite tape dans le dos
07:04 qui fait du bien, qui dit "t'es sur le bon chemin".
07:07 En fait, je me sens reconnaissante, je me sens à ma place,
07:11 je me sens au bon endroit.
07:13 Donc ça fait du bien, bordel !
07:15 - Il vous manque plus qu'un truc avec...
07:17 - Un petit truc ?
07:19 - Non, il vous manque peut-être la suite, on verra.
07:22 - Oui, ce serait la petite cerise sur le gâteau.
07:24 Mais pour moi c'est bon, c'est déjà beau.
07:27 - C'est déjà beau, va aimer.
07:28 Ce sera également en Avignon cet été.
07:30 Et puis reprise au théâtre de la Pépinière à Paris.
07:33 On vous retrouve aux côtés de Sabine Azéma et André Dussolier
07:36 au cinéma d'On n'avoue jamais.
07:38 Un grand merci à toute l'équipe de Nouvelle Tête,
07:40 Lucie Lemarchand, la réalisation, Marion Philippe, à la préparation.
07:44 Bonne route à vous, Eva Rami et bravo.

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