Une nouvelle vague de réalisatrices françaises s’affirment dans le cinéma de genre... et elle en fait partie ! Son premier long-métrage de fiction, « En attendant la nuit », sort demain ! Céline Rouzet est ce matin l'invitée de Mathilde Serrell. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/nouvelles-tetes/nouvelles-tetes-du-mardi-04-juin-2024-1425042
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00:00 Place aux nouvelles têtes, il est 9h50 ! Avec vous Mathilde Serrel, ce matin, une réalisatrice
00:06 fantastique ! Céline Rousset est dans notre studio Portrait Sonore.
00:11 Aujourd'hui, Saint-Germain-en-Laye connaît incontestablement une expansion et un dynamisme.
00:16 Elle est donc à la fois une ville intellectuelle, laborieuse et résidentielle.
00:21 Elle a grandi dans cette tranquillité bien flippante des banlieues pavillonnaires à
00:28 Saint-Germain-en-Laye, puis près des montagnes, à Annecy.
00:31 Les monstres pour elle, ce sont d'abord ceux qu'elle voit à l'écran, comme dans
00:35 Jurassic Park.
00:36 * Extrait *.
01:01 A Taboubile, les travailleurs papous de la mine vivent entre deux mondes, celui des
01:22 ancêtres et le monde occidental.
01:25 Taboubile, une vie entre deux, c'est un reportage de Céline Rousset.
01:34 Pour l'émission "Nous autres" de Zoé Varier, la voilà enfin au cœur de la jungle
01:42 avec les papous qu'elle retrouve pour son premier film documentaire, 140 km à l'ouest
01:47 du paradis, réalisé en sortant de l'atelier scénario de l'école de cinéma La Femmise.
01:51 Sa première rentrée dans la fiction, elle choisit là le vampire.
01:56 * Extrait *.
02:09 Sélectionnée à la Mostra de Venise, prise du jury au Festival international du film
02:18 fantastique de Gérard Meyer, en attendant la nuit, son premier long métrage de fiction
02:23 sort demain.
02:24 Il y est question de sang chaud et de violence des normes.
02:27 Céline Rousset, bonjour.
02:29 Bonjour.
02:30 Ce n'est pas que vous avez horreur des normes, c'est que les normes sont une horreur, non ?
02:35 On pourrait résumer les choses comme ça pour vous ?
02:37 Oui, j'avais très envie de perturber, de faire craquer ce monde si conventionnel et
02:43 excluant et de retourner les apparences en partant de cette histoire d'un jeune homme
02:52 qui cherche sa place dans un monde qui ne lui ressemble pas, qui a les symptômes du
02:54 vampire.
02:55 Mais le problème, ce n'est pas ça.
02:56 En fait, c'est ce qu'on fait de sa condition et comment il va être enfermé dans cette
03:02 condition.
03:03 En fait, en résumé, on peut dire que c'est l'histoire d'un jeune homme qui est atteint
03:06 de vampirisme, qui rêve de devenir un homme et que la société pousse à devenir un vampire.
03:10 A France Inter, puisque vous y êtes passés, il y a dix ans, ils étaient comment les gens
03:15 dans une échelle de 1 à 10 de la norme ?
03:17 Ils étaient flippants ?
03:20 Non, c'était plutôt familier, plutôt cool.
03:27 France Inter, voilà, flippant cool, on va dire.
03:29 Flippant cool, dans l'échelle de la norme.
03:31 Alors, vous avez longtemps travaillé et cherché à aller rejoindre des tribus isolées.
03:36 Pourquoi ? Et qu'est-ce que ça a comme lien avec votre personnage qui est aussi peut-être
03:40 coincé entre deux mondes ?
03:41 Peut-être que c'est la marge qui m'obsède.
03:45 En fait, l'histoire de mon documentaire, c'était aussi une famille en quête de vie
03:51 meilleure et qui fonce dans le mur et qui se retrouve à la marge du monde, ignorée,
03:55 incomprise par le monde extérieur.
03:56 Et le personnage de Philemon dans mon film de fiction, c'est ce jeune homme qui est
04:04 incompris, le vampire c'est cette figure du monstre fragile qui fait peur aux gens
04:11 qu'il aime, dont la condition est invisible au premier regard, figure très tourmentée,
04:18 et qui est obligée de rester à l'ombre parce que le monde ne veut pas de lui.
04:25 Donc dans la marge, ça sort demain en attendant la nuit avec Elodie Boucher, entre autres,
04:29 dans le rôle de la mère qui vole des poches de sang pour nourrir son ado de fils vampire.
04:34 Le vampirisme du héros qui est Mathias Legault-Hamon et qui est extraordinaire, vous le traitez
04:39 en fait comme une maladie, comme un handicap.
04:41 Aujourd'hui, c'est une figure de handicap, le vampire.
04:44 Oui, voilà, ce que je viens de raconter, c'est vraiment quelqu'un qui…
04:49 D'ailleurs, Philemon, c'est un vampire qui va se brûler au soleil.
04:53 Il y a vraiment cette image du chronomètre, à un moment, il va se mettre à la lumière
04:58 pour avoir une chance d'intégrer le reste du groupe.
04:59 C'est finalement un humain très doux et très touchant, mais qui a un besoin anormalement
05:07 élevé en sang humain, qui a du mal avec la lumière, etc.
05:11 Dès le départ, d'ailleurs, dans le film, on assiste à sa naissance et on est avec ses
05:17 parents qui se retrouvent face à l'étrangeté de leur enfant, ce qui arrive dans beaucoup
05:21 de familles où tout à coup, il y a une naissance qui tourne un peu différemment.
05:25 Et comment on fait ensuite pour essayer de s'intégrer dans une société où on n'a
05:30 pas vraiment sa place, dans un monde qui ne nous ressemble pas ? C'était ça qui m'intéressait.
05:34 Après, ça parle de ça parce que c'est mon histoire personnelle, mais la figure
05:38 du vampire permet vraiment de parler de toutes les différences.
05:41 On est obligé de cacher sa différence, de mentir sur qui on est, de se conformer pour
05:47 essayer de rentrer dans le moule.
05:48 Et ça peut être une source d'une grande souffrance.
05:51 - Et ça se situe dans les années 90, le film, mais on voit que ça n'a pas tant évolué
05:57 dans le regard sur le handicap.
05:58 C'est aussi ça que vous montrez par l'effet de profondeur.
06:01 Vous dites que vous avez fait une fiction pour vous venger du réel.
06:04 C'était quoi cette vengeance ?
06:05 - Je trouve que comme les vampires de mon histoire, les personnes handicapées ou qui
06:12 auraient des troubles ou une dépression, on ne les voit pas dans notre quotidien.
06:15 Aujourd'hui, je ne les vois pas autour de moi.
06:16 Ce sont des gens qui sont obligés de se retrancher dans leur maison, dans leur famille ou dans
06:21 des centres spécialisés.
06:22 Ce sont des gens qui sont invisibilisés, rejetés, repoussés.
06:26 Ça vient d'une histoire personnelle.
06:30 Mon frère est né avec une différence.
06:31 Il a beaucoup subi le rejet des autres et ça a fini très mal.
06:34 Ce drame m'a rempli d'un grand sentiment d'injustice et d'impuissance.
06:41 J'ai eu besoin d'en faire quelque chose, de raconter cette histoire.
06:44 C'est le vampire.
06:46 Un matin au réveil, le vampire est devenu ma clé.
06:50 Quand mon frère était petit, il voyait des vampires qui venaient dans sa chambre
06:53 pour lui parler.
06:54 Il était terrifié par ces figures-là, par ces monstres.
06:56 Au fil de sa vie, il s'est mis à se sentir proche de ces monstres fragiles dont la différence
07:04 est invisible au départ, au premier regard.
07:06 Ils sont incompris du parleau commun des mortels.
07:09 Comme peut l'être le handicap, le mal-être adolescent, la dépression.
07:13 Vous avez perdu votre frère, ce qui a déclenché l'écriture de ce film dans ce territoire
07:19 qui est quand même particulier en ce moment puisque beaucoup de réalisatrices femmes
07:22 en France sont dans le film de genre.
07:25 Qu'est-ce que ça dit pour vous des films qu'on a pu voir à Cannes avec Demi Moore,
07:30 Body Horror de Coralie Fargeat ? Qu'est-ce que ça raconte ?
07:33 L'impact du film de genre aujourd'hui et le fait que beaucoup de gens s'y mettent.
07:39 Le film de genre, notamment les films de monstres, c'est des films d'exclusion.
07:42 J'aimais bien cette idée aussi, Juliet Ducourneau disait "faites rentrer les monstres,
07:46 merci de laisser rentrer les monstres".
07:48 Et il a Palme d'or avec Titane.
07:51 Oui, oui.
07:52 Je trouve ça génial que les femmes se réapproprient cette figure, qu'elles aillent sur des
08:00 terrains traditionnellement masculins.
08:02 Le film de genre, ça permet d'être très politique, ça permet de faire appel à la
08:07 romance, au lyrisme, d'exacerber le drame des situations et paradoxalement d'édulcorer
08:12 quand même un réel, de faire appel à de l'imaginaire.
08:14 J'adore ce mélange entre on peut être assez grand public et à la fois très profond.
08:20 Et c'est aussi drôle parfois ce film, il faut le dire.
08:23 En attendant la nuit de Céline Rosé avec la musique de Jean-Benoît Dunkel du groupe
08:27 R, c'est magnifique et c'est en salle demain.