• l’année dernière
Initiateur de l’Opération Milliard, Bastien Sibille veut réunir 1 milliard d’euros pour les acteurs de la transformation écologique juste. Objectif : faire évoluer les pratiques de financement de la transition. Et notamment mieux financer l’innovation dite sociale, complémentaire de l’innovation technologique. Il revient aussi sur la coopérative Mobicoop, une plateforme de covoiturage gratuit qu’il a cofondée.

Category

🗞
News
Transcription
00:00 (Générique)
00:06 Bonjour Bastien Simile, bienvenue.
00:07 Bonjour.
00:08 Vous êtes donc l'initiateur de cette opération, l'opération Milliard,
00:12 qui a été lancée officiellement le 26 mars dernier.
00:15 De quoi s'agit-il ?
00:16 Écoutez, c'est une opération qui, comme son nom l'indique,
00:19 vise à réunir un milliard d'euros pour les acteurs de la transformation écologique juste.
00:24 Alors, pourquoi est-ce qu'on déclenche cette opération ?
00:26 On voit bien que nos sociétés, nos économies sont en train de prendre un tournant,
00:30 qu'elles prennent du mieux qu'elles le peuvent, vers les questions écologiques et sociales.
00:36 Mais globalement, ce tournant, elles le prennent avec les façons de faire du XXe siècle.
00:42 Quelles sont-elles ?
00:43 Elles sont des façons de faire tourner vers la rémunération du capital
00:46 et des gouvernances orientées par lui, et puis vers beaucoup, vers l'innovation technologique.
00:51 Or, nous sommes des milliers d'acteurs qui, sur le terrain, conduisent des organisations
00:57 qui, sur ces deux plans, sont en rupture.
00:59 D'abord, elles ne sont pas liées au capital de par leur structuration juridique,
01:04 c'est-à-dire, leurs gouvernances ne sont pas reliées à la détention du capital.
01:09 Et puis, deuxièmement, elles travaillent plutôt des mécanismes d'innovation sociale,
01:13 c'est-à-dire de la transformation de comportement, de façon de faire,
01:16 de façon d'être ensemble, de consommer, de produire,
01:19 plutôt que de l'innovation technologique.
01:21 Donc, notre sujet n'est pas d'opposer deux mondes.
01:23 Notre sujet est de dire qu'il faut que les deux mondes existent
01:26 et que ces milliers d'acteurs qui agissent partout sur les territoires portent une solution,
01:30 et que cette solution doit aujourd'hui être accompagnée massivement.
01:33 Et c'est pour ça qu'on a ce chiffre qui est un chiffre étendard d'un milliard,
01:37 mais nous irons au-delà.
01:38 Oui, et puis derrière ça, il y a évidemment une question majeure qui est la question du financement.
01:42 On va l'expliquer et en parler en détail.
01:45 Je crois qu'il y a déjà, peut-être que c'est encore plus,
01:47 mais plus de 1500 dirigeants et dirigeantes de la transition écologique
01:51 qui sont associés à cette opération Milia.
01:53 Alors, 1500, il y a forcément des profils très différents,
01:57 mais d'où viennent-ils, qui sont-ils ?
01:59 C'est forcément l'économie sociale et solidaire, pas que, c'est des fondations.
02:03 Ils viennent d'où, ces dirigeants et ces dirigeantes ?
02:05 Écoutez, d'abord, je pense qu'il y a plusieurs traits qui les caractérisent.
02:09 Ce sont beaucoup des dirigeants et des dirigeantes.
02:11 C'est-à-dire, ce sont des personnes qui n'ont pas renoncé.
02:13 Ce sont des personnes qui voient les problèmes que nos sociétés ont à affronter
02:17 et qui se disent, qu'est-ce que moi, je peux faire sur mon territoire
02:21 avec les gens qui m'entourent ?
02:23 Donc, effectivement, ce sont plutôt des profils de dirigeants d'organisation.
02:26 Ces organisations peuvent être des associations loi 1901.
02:30 Ces organisations peuvent être des coopératives.
02:33 Ça peut aussi être des entreprises sociales.
02:35 Donc, je pense que le sujet n'est pas tellement un sujet statutaire.
02:39 Le sujet, c'est qu'est-ce qui drive l'action ?
02:43 Donc là, c'est clairement des acteurs qui veulent faire
02:45 une différence sur le plan écologique et social.
02:47 Et c'est la méthode qu'ils emploient.
02:49 Et encore une fois, je reviens à ces deux fondamentaux
02:51 des méthodes que nous soutenons.
02:53 Ce sont des gouvernances démocratiques pour ces organisations.
02:56 Et ce sont des organisations qui sont soit complètement non lucratives,
03:00 soit lucrativité limitée, c'est-à-dire qu'ils n'ont pas une injonction
03:04 à la croissance, aux bénéfices, etc.
03:07 - Et à la rémunération des actionnaires.
03:08 C'est un élément important aussi.
03:10 - Voilà, c'est ça.
03:10 Et donc, en fait, on y vient parce que, finalement,
03:13 quand on réfléchit à la question financière,
03:16 on réfléchit au modèle économique.
03:17 Ou inversement, quand on veut réfléchir au modèle économique,
03:20 il faut réfléchir au modèle financier.
03:23 Et quand on est dans des organisations qui ont à rémunérer leurs actionnaires,
03:26 alors oui, il y a une forme d'incitation, j'allais dire de course,
03:30 c'est peut-être un peu fort, mais d'incitation à la croissance.
03:33 Or, on voit bien que sur un ensemble de secteurs,
03:36 la transformation écologique n'est pas compatible avec cette croissance.
03:40 Donc, il nous faut, pour conduire l'économie du 21e siècle,
03:45 une finance qui soit celle du 21e siècle
03:46 et qui ne peut donc pas être celle du 20e siècle.
03:49 Quand on dit qu'on veut transformer l'économie
03:51 pour faire la transition écologique,
03:53 il faut aussi transformer les modalités d'accès au capital.
03:55 - On peut prendre un exemple qui est la coopérative MobiCop,
04:00 que vous avez cofondée, je crois,
04:01 qui oeuvre pour un covoiturage libre et gratuit
04:04 et qui fait partie de ce groupe des licornes avec deux os.
04:07 On en avait parlé déjà dans cette émission.
04:10 C'est une douzaine de coopératives qui ont besoin de financement.
04:14 C'est ça le constat. Pourquoi ?
04:15 Parce que vous ne rentrez pas dans les cases, en quelque sorte ?
04:17 - Alors oui. D'abord, c'est un très bon exemple que vous citiez, MobiCop.
04:21 MobiCop, qu'est-ce qu'on fait ?
04:23 On réduit l'impact écologique de la voiture en partageant les trajets.
04:27 Quand vous faites entrer une personne dans une voiture,
04:29 vous divisez par deux son impact écologique.
04:32 Si vous voulez diviser ou même réduire de 0,1%
04:36 la consommation de carburant d'un moteur,
04:39 ça vous prend des milliards de dollars d'investissement.
04:41 Et c'est ce qui se passe à l'heure actuelle.
04:42 Et c'est très bien que ces milliards soient dépensés.
04:45 - Vous êtes dans la comparaison innovation technologique et innovation sociale.
04:47 - Absolument. C'est ce que je veux dire.
04:49 Parce que MobiCop fait une innovation sociale
04:51 et on voit que cette innovation sociale a un impact écologique qui est majeur
04:55 puisqu'on divise par deux directement l'impact.
04:59 Mais pour faire rentrer les gens dans la voiture,
05:01 il faut déclencher des mécanismes de confiance.
05:03 Ces mécanismes de confiance entre les gens, ça demande des méthodes,
05:07 ça demande des savoir-faire, ça demande des accompagnements, etc.
05:10 Tout cet ensemble de méthodes, c'est ce qu'on appelle l'innovation sociale.
05:13 Alors oui, ce n'est pas une innovation technologique, on se croit.
05:17 Et l'innovation sociale doit pouvoir se financer.
05:19 Nous avons des équipes qui, sur les terrains, déploient ces méthodes et les inventent.
05:23 C'est de l'investissement.
05:24 Et cet investissement a un cycle économique,
05:26 c'est-à-dire qu'il est comptabilisable, il est amortissable et il génère de la valeur.
05:31 Simplement, comme vous le rappeliez,
05:33 on a du mal à financer ce type d'innovation.
05:36 Aujourd'hui, les investisseurs savent bien investir dans des innovations technologiques,
05:40 moins dans des innovations sociales.
05:41 - Mais ça veut dire qu'il faut changer quoi ?
05:43 Il faut aller jusqu'à changer les normes comptables ?
05:44 C'est-à-dire qu'il faut intégrer l'immatériel, la valeur sociale
05:49 à un bilan comptable d'une entreprise ?
05:50 - Oui, absolument.
05:51 - Ou d'un investissement, d'ailleurs.
05:52 - Une partie de l'action de l'opération Millard,
05:55 une partie des fonds que nous aurons, serviront ce genre d'ingénierie.
05:58 C'est-à-dire qu'il faut déployer des comptabilités triple capital,
06:01 qui ne comptabilisent pas que la valeur financière,
06:05 mais aussi la valeur sociale et la valeur écologique.
06:08 Donc, il faut que nous réussissions à déployer ça dans nos entreprises.
06:11 Pour ça, on a besoin d'être un petit peu aidé.
06:14 Mais donc, bien sûr, si on change la conception de la valeur,
06:18 il faut aussi changer sa mesure.
06:21 - D'une certaine façon, il faut prouver...
06:23 Alors, je simplifie, mais je dis les associations,
06:27 les entreprises de l'économie sociale et solidaire,
06:29 il faut prouver que c'est un modèle d'avenir.
06:31 Est-ce que c'est ça aussi le défi ?
06:32 - Alors, attendez, je crois que la question n'est plus de le prouver.
06:36 Ceci est prouvé.
06:37 - Oui, moi, je suis convaincu.
06:39 - Et pour une raison assez simple...
06:40 - Est-ce que les financiers en sont convaincus ?
06:42 - C'est que les autres modèles, eux, ont prouvé qu'ils n'allaient pas au bon endroit.
06:47 - Moi, je suis d'accord avec vous.
06:49 Et on en parle tous les jours dans cette émission.
06:51 Mais c'est ceux qui prêtent, ceux qui investissent, qui font convaincre.
06:54 - Alors, voilà. Donc, là, on est sur le sujet.
06:56 Le fait que nos modèles soient les bons modèles, aujourd'hui, c'est acquis.
07:01 Il faut bien sûr travailler. Il faut pas se reposer sur ses lauriers, tout ce que vous voulez.
07:04 Mais on a inventé des façons de faire économie qui sont plus en phase avec l'avenir.
07:09 Donc, maintenant, ce qu'il convient de faire, c'est de le dire, de le dire avec fierté,
07:13 mais de le dire aussi avec fermeté, parce qu'on ne peut pas, d'un côté, tous ensemble, société, se dire
07:19 « Il faut qu'on invente une nouvelle économie », et dans le même temps,
07:22 ne pas regarder d'autres modèles économiques qui ont fait leur frère.
07:26 Donc l'opération milliard est une opération financière.
07:28 C'est surtout une opération de fierté et d'espoir,
07:32 parce que, oui, nous sommes capables d'avoir d'autres modèles économiques pour le 21e siècle.
07:36 - Comment ça va se passer, tiens, cette opération ? Qui peut y participer, d'une certaine façon ?
07:40 - Alors, tout le monde peut y participer. Nous sommes une opération citoyenne.
07:44 Nous sommes une force civile qui propose à l'ensemble des citoyens qui sont concernés
07:50 par ces questions de transformation écologique juste de nous rejoindre ensemble.
07:55 Nous allons constituer des thèses d'investissement.
07:58 Donc, c'est aujourd'hui le travail du mouvement, c'est d'avoir l'expertise pour constituer ces thèses d'investissement
08:05 qu'ensuite, nous allons négocier avec des opérateurs financiers.
08:08 Donc, vous voyez, on est en train d'inverser la chaîne financière,
08:11 dans laquelle, habituellement, quand vous êtes porteur de projet,
08:14 vous allez voir une banque qui vous dit « Voici les conditions ».
08:16 Là, nous nous sommes en train de dire « Nous allons nous-mêmes définir ce que doivent être
08:21 les bonnes conditions d'accès au capitaux pour conduire nos opérations de transformation écologique juste ».
08:26 Et je vais vous dire quelque chose, ce travail intéresse les financiers au plus haut point.
08:30 Les organisations financières nous suivent.
08:32 Ils ont besoin qu'on fasse ce travail et on travaille aussi pour qu'eux-mêmes avantent.
08:36 – Mais quelles organisations financières ?
08:37 Parce que, par exemple, moi je pense à des banques mutualistes,
08:40 ça semble assez évident et peut-être plus facile pour elles justement
08:43 parce qu'elles n'ont pas des actionnaires à rémunérer.
08:45 Est-ce que les autres suivent aussi ?
08:46 – Oui, alors écoutez, bien sûr, on va commencer par les gens plus proches de nous.
08:50 Vous avez cité les banques mutualistes, il y a des banques coopératives aussi.
08:54 Et donc là, la réception est bonne, mais peut-être qu'effectivement,
08:59 cela inspirera d'autres banques.
09:01 Je voudrais rappeler que quand vous dites les banques mutualistes ou les banques coopératives,
09:05 on parle de parmi les plus grosses banques…
09:07 – Bien sûr, Crédit Mutuel, disons-le, c'est un emploi énorme.
09:11 – C'est 70 000 salariés et presque 4 milliards d'euros de bénéfices l'année dernière.
09:17 Donc on parle d'acteurs bancaires majeurs et qui peuvent faire une différence
09:22 et qui aujourd'hui, je crois, disent clairement qu'ils souhaitent réinterroger leur pratique
09:28 et leur capacité à faire cette transformation écologique juste.
09:32 – Oui, effectivement, parce que d'ailleurs, on a reçu ici même
09:34 les représentants du Crédit Mutuel qui ont créé un dividende sociétal.
09:38 – Le dividende sociétal, 15% de leurs bénéfices il y a un an.
09:41 Et Laurent Berger était sur France Intérieure et expliquait bien le fonctionnement
09:45 à la fois de ce dividende et puis surtout de l'institut que créait le Crédit Mutuel.
09:48 – Voilà, c'est ça, Laurent Berger, l'ancien secrétariat de la CFDT
09:51 qui est devenu président de la fondation de cet institut.
09:54 – C'est l'institut du Crédit Mutuel de la CFDT.
09:57 – Merci beaucoup d'être venu nous présenter cette opération milliardaire.
10:00 Il y a un site, il y a une…
10:01 – Oui, opération-milliard.org
10:04 – Et bien voilà, opération-milliard.org pour participer au modèle d'aujourd'hui
10:10 qui est celui de demain.
10:11 – Merci beaucoup.
10:12 – Merci beaucoup, Bastien Sibylle et à bientôt.

Recommandations