• il y a 8 mois
Il y a quelques jours, le gouvernement a présenté son projet de loi sur la fin de vie en France. Un projet qui contient deux volets : l'un prévoit de développer les soins palliatifs, l'autre de donner un cadre à l'accompagnement du malade vers la mort... Une demande sociétale qui soulève questions et débats.
Quelle est cette « aide à mourir » strictement encadrée que souhaite instaurer le gouvernement ? Comment cela pourrait-il s'articuler avec les soins palliatifs ?
Rebecca Fitoussi et ses invités ouvrent le débat. Année de Production : 2023

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Transcription
00:00Ici et maintenant au cœur d'une unité de soins palliatifs, un film que j'ai donc réalisé avec Adrien Benoliel au sein de la Maison Jeanne Garnier,
00:07souvent prise en exemple comme étant ce que l'on peut faire de mieux en matière de fin de vie.
00:12Et si le pays se dotait de plein de maisons de soins palliatifs comme celle-ci,
00:16pourquoi y a-t-il autant d'inégalités sur le territoire ?
00:19Et quelle place dans de tels établissements pour ce que le gouvernement propose, c'est-à-dire l'aide à mourir ?
00:24On va en parler avec nos invités, Docteur Anne Delatour, bienvenue à vous.
00:27Chef de service à la Maison Médicale Jeanne Garnier, on vous voit d'ailleurs dans le documentaire.
00:32Vous êtes présidente de la Commission Médicale d'Établissement,
00:34ancienne présidente de la SFAP, Société Française d'Accompagnement et de Soins Palliatifs.
00:38La SFAP qui d'ailleurs se dit très inquiète du texte que propose l'exécutif, on en parlera.
00:43Denis Labelle, bienvenue à vous également.
00:45Vous êtes médecin, écrivain, vous militez pour que chaque Français choisisse sa fin de vie.
00:49Vous avez confié publiquement que vous aviez déjà, malgré la loi qui l'interdit, aidé des malades à mourir.
00:55Vous avez écrit de nombreux ouvrages sur la fin de vie, le dernier étant
00:59« Le médecin, la liberté et la mort » paru chez Plon.
01:02Stéphane Lerudulier, bienvenue à vous également.
01:04Vous êtes sénateur LR des Bouches-du-Rhône, membre de la Commission des lois.
01:07Il y a quelques semaines, le président du Sénat, Gérard Larcher,
01:09a parlé de l'euthanasie et du suicide assisté comme étant, je cite,
01:13« une rupture avec notre culture judéo-chrétienne ».
01:16Il souhaite surtout que l'on développe les soins palliatifs
01:18et je crois que vous êtes de son avis, vous nous expliquerez pourquoi.
01:21Jean-Louis Touraine, bienvenue à vous également.
01:23Vous êtes professeur de médecine, ancien député du Rhône,
01:25dans le groupe de la majorité présidentielle.
01:28Vous êtes membre du comité d'honneur de l'ADMD,
01:30l'association pour le droit de mourir dans la dignité.
01:33En 2019, vous avez publié ce livre « Donner la vie, choisir sa mort » aux éditions RS.
01:39Merci infiniment à tous les quatre d'être ici.
01:41Parlons peut-être d'abord de ce qui fera consensus, je pense.
01:44C'est le développement des soins palliatifs prévus dans le projet de loi du gouvernement.
01:48La ministre de la Santé, Catherine Vautrin, promet 1,1 milliard d'euros sur 10 ans.
01:54En 2034, les dépenses seront de 2,7 milliards d'euros dans les soins palliatifs.
01:59Est-ce que déjà, sur cette question-là, est-ce que ce plan vous semble à la hauteur ?
02:03Peut-être Anne Delatour, votre avis d'abord sur ce plan du gouvernement,
02:06concernant les soins palliatifs.
02:07Vous voulez dire du plan décennal ?
02:09Oui, c'est ça.
02:10Alors, je dirais que ce qui me gêne beaucoup dans ce plan décennal,
02:14je suis ravie qu'on s'intéresse aux soins palliatifs sur 10 ans,
02:17ça c'est une chose.
02:19En ce qui concerne le milliard donné sur 10 ans, c'est un temps qui est très long.
02:25Je laisserai les experts bien analyser entre l'inflation, les dépenses prévues,
02:32s'il y aura vraiment un gain pour les soins palliatifs.
02:35Par contre, ce que je déplore, c'est que ce terme modèle français,
02:40il faut que les Français arrêtent de faire cocorico quand on fait un projet.
02:45Parce qu'au niveau international, quand même, on a beaucoup de choses à apprendre.
02:49Et l'autre chose qui me semble beaucoup plus grave,
02:51c'est de donner un terme générique accompagnement,
02:55qui veut tout dire et rien dire, en y mettant les soins palliatifs.
03:00L'accompagnement est au cœur des soins palliatifs, ça c'est sûr,
03:03mais appelons un chat un chat, parce qu'au niveau international,
03:06nous sommes connus par la médecine palliative.
03:09Et si on enlève le mot palliatif, le mot suicide assisté et le mot euthanasie,
03:15on ne sait plus de quoi on parle.
03:17Alors, M. Macron a peur de ces mots-là, peut-être,
03:19mais il faut que nous, Français, nous sachions les assumer,
03:22puisque moi, j'ai travaillé en Angleterre,
03:24et c'est qu'à partir du moment où on sait prononcer le mot palliatif,
03:28qu'on peut offrir à un malade et ses proches des offres palliatives.
03:32Il faut appeler les choses par leur nom.
03:34C'est intéressant, Jean-Louis Touraine, peut-être,
03:36cette question de l'argent que j'ai évoquée,
03:39avec ce 1,1 milliard d'euros prévus sur 10 ans,
03:41et cette question sémantique, cette question des mots.
03:44Il semblerait qu'on ait gommé, effectivement,
03:46les mots soins palliatifs, suicides assistés, euthanasie.
03:48Parlons d'abord des soins palliatifs.
03:50Oui, je suis d'accord sur le fait qu'il faut bien désigner les soins palliatifs,
03:54et il faut se louer de ce que, déjà,
03:57on sut développer les soins palliatifs en France.
03:59Moi, j'avais, dans les années 80, c'est vieux,
04:01participé à l'élaboration du centre de la ville de Lyon,
04:05et j'ai pu constater le niveau de dévouement exceptionnel
04:09de l'ensemble des soignants qui y travaillent,
04:11des bénévoles, même, qui viennent.
04:13C'est quelque chose de remarquable.
04:15Mais c'est vrai qu'ils travaillent dans des conditions difficiles
04:17parce qu'ils manquent de moyens, et surtout plus encore de personnel.
04:21On va dire que les moyens qui vont être augmentés, c'est très bien,
04:26et on s'en félicite, et on espère que ça sera,
04:28effectivement, le plus rapidement possible.
04:31Ça, c'est ce qui fait consensus.
04:32Ça, tout le monde semble d'accord.
04:34Tout le monde en est d'accord, mais tout ceci ne fonctionne
04:36et ne dépend dans sa qualité que des femmes et des hommes
04:40qui le font vivre, et actuellement,
04:42dans la pénurie qu'il y a de médecins et d'infirmières.
04:46Comment allez-vous recruter ?
04:48Vous savez très bien qu'un médecin qui sort de la faculté,
04:51il a le droit de choisir ce qu'il veut comme spécialité.
04:54Toutes les spécialités ont des déficits.
04:56Croyez-vous que la plupart des jeunes médecins d'aujourd'hui
04:58vont dire, moi, je veux accompagner les mourants ?
05:01Ou est-ce qu'ils ne vont pas plutôt aller vers des endroits
05:03où ils peuvent sauver des vies en faisant de la réanimation,
05:06de la chirurgie, des opérations fantastiques,
05:10des innovations thérapeutiques ?
05:11Vous comprenez qu'on aura, en plus de l'argent qui est mis en place,
05:16et c'est très bien ainsi, la nécessité de trouver
05:19comment rendre attractif et comment recruter médecins et infirmières
05:23et aides-soignantes dans ces activités,
05:26pas seulement dans les centres, aussi dans les équipes mobiles.
05:29Denis Labelle, vous avez aussi des doutes sur un texte,
05:32en tout cas concernant les soins palliatifs,
05:33et ce plan décennal d'1,1 milliard d'euros.
05:36Vous y êtes, j'imagine, assez favorable,
05:38mais vous émettez aussi des doutes, des réserves ?
05:40C'est-à-dire que les soins palliatifs posent deux problèmes.
05:44Un problème quantitatif, et là, je suis tout à fait d'accord
05:46avec ce qui vient d'être dit.
05:48Il me semble important, en effet, que sur le territoire,
05:50il y ait des unités de soins palliatifs,
05:52mais ce n'est pas la seule solution.
05:53Il faut en effet développer l'aide à domicile,
05:56parce que l'objectif de beaucoup de patients,
05:59c'est de bourrir à son domicile.
06:01Et puis, il y a un problème, c'est que les soins palliatifs
06:03ne résolvent pas tout.
06:05Ne résolvent pas tout.
06:06À la fois, à un stade terminal,
06:08on sait très bien qu'il y a des situations critiques,
06:11de douleurs difficiles à contrôler.
06:14La morphine, c'est très bien,
06:15mais dans un certain nombre de cas,
06:16ça entraîne des complications.
06:18Également, ce qui est proposé
06:20comme sédation profonde et continue pour la fin
06:22est extrêmement contestable dans son texte
06:24de la Haute Autorité de Santé,
06:25où tout de même on aboutit à une déshydratation du corps
06:28et à une sédation qui est fluctuante.
06:30C'est exactement le texte de la Haute Autorité.
06:33Et donc, il y a tous les malades
06:35qui ne sont pas en situation terminale
06:37et qui souhaiteraient aussi être pris en charge.
06:39Je prends un exemple.
06:40J'ai demain un cancer du pancréas.
06:42Je n'ai pas envie d'attendre le dernier moment,
06:44d'attendre les douleurs intraitables, réfractaires, etc.,
06:48pour dire je dois partir.
06:49Non, peut-être que j'aurais envie de partir, je n'en sais rien,
06:51mais j'aurais peut-être envie de partir avant.
06:53Vous nous orientez déjà sur la suite du débat.
06:55Non, c'est pour dire que les soins palliatifs ne résolvent pas tout.
06:57Bien sûr, mais sur cette question des soins palliatifs,
06:59sur ce plan décennal qui est proposé,
07:01j'ai envie de dire que le gouvernement a décidé de mettre le paquet,
07:04pardon pour l'expression, sur les soins palliatifs.
07:05Est-ce que, au moins, cette approche vous semble...
07:07Oui, mais je voudrais développer également,
07:09je dirais presque en priorité, la formation des médecins.
07:11D'accord.
07:12Parce que ça, ça ne coûte pas très cher,
07:13et c'est extrêmement rentable.
07:15Vous avez en Belgique un module,
07:17plutôt six modules,
07:19dans une fondation qui s'appelle la Fondation Éole,
07:21et ils forment des médecins assez rapidement aux soins palliatifs.
07:23Je ne dis pas que c'est aussi bien que dans les centres spécialisés,
07:26mais suffisamment pour accompagner les malades jusqu'à la fin.
07:31Et ça, c'est facilement réalisable.
07:33C'est une volonté politique,
07:35de la même façon que les directives anticipées,
07:37une volonté politique, et ainsi de suite.
07:39Donc, oui, pour les unités,
07:41mais d'abord, les malades qui partent en Belgique et en Suisse
07:44sont dans des secteurs où il y a déjà des soins palliatifs,
07:46donc qu'on ne nous dise pas que ça va tout résoudre.
07:49D'accord.
07:50Donc, d'accord pour les soins palliatifs,
07:51mais aussi toutes ces formes,
07:53et de façon qualitative un peu différente.
07:55Sur cette partie-là du texte, Stéphane Lerudulier,
07:57sur ce plan décennal.
07:59Moi, je pense que, clairement,
08:01et on sera tous d'accord autour de la table,
08:04si on ne traine pas la question,
08:07effectivement, de la disparité, de l'iniquité territoriale
08:10par rapport aux soins palliatifs en priorité,
08:13on va biaiser le débat sur la fin de vie.
08:17Moi, j'ai été très étonné en préparant cette émission.
08:20C'est d'ailleurs dans votre documentaire,
08:2221 départements totalement...
08:25Dépourvus.
08:26Dépourvus de soins palliatifs.
08:28J'ajoute qu'il y a 27 départements
08:30où vous n'avez que 6,5 lits pour 100 000 habitants.
08:34Ça fait que seulement un tiers de la population française
08:37peut accéder aux soins palliatifs.
08:39On ne peut pas admettre cela.
08:41Et c'est une question, avant tout, de moyens,
08:43mais ça a été dit également, de formation.
08:46Et quand on voit la pénurie, aujourd'hui,
08:49du corps médical, des soignants,
08:51il va falloir attendre 10, 15 ans,
08:53disons-le clairement,
08:55avant d'atteindre, peut-être,
08:57un niveau d'encadrement suffisant.
08:59À la hauteur, en tout cas.
09:00À la hauteur, comme on a pu voir dans ce documentaire.
09:03Moi, j'étais très ému de ce documentaire,
09:08notamment de cet encadrement qu'il y a
09:11autour du patient.
09:13Et ce qui m'a choqué,
09:15et ce qui m'a surtout plus que choqué,
09:18c'est qu'on parle de fin de vie,
09:20on n'a pas prononcé une seule fois le mot mort.
09:23On parle toujours de vie.
09:24Oui, on parle de vie, beaucoup.
09:26Je l'ai constaté.
09:27Et ça, c'est extraordinaire,
09:28et ça transparaît dans la gestuelle.
09:31Donc, je pense que c'est vraiment
09:33une parenthèse d'humanité
09:35qu'il faut, à mon avis, déferler,
09:38si j'ose dire, sur l'ensemble des territoires français,
09:41avant toute chose, avant de parler,
09:43après, de la fin de vie,
09:45qui pose d'autres sujets,
09:47sujets éthiques, sujets philosophiques,
09:49dont on aura sans doute l'occasion de l'évoquer.
09:51Anne Delatteau ?
09:52Oui, on accompagne les vivants.
09:53C'est vraiment une médecine de la vie.
09:56Et la formation, comme dit mon collègue en face,
10:00la formation est d'autant plus importante
10:02qu'on voit bien que les recommandations
10:04de la Haute Autorité de Santé sont mal connues.
10:06Parce qu'en réalité,
10:08la sédation profonde continue de maintenir jusqu'au décès
10:11n'a pas comme objectif de réveiller un malade.
10:14Pas du tout.
10:15Le malade ne meurt pas de déshydratation.
10:17Et c'est normal qu'en toute agonie,
10:20en court terme, on ne mette pas des litres de perfusion.
10:23Pourquoi ? Parce que ça remplit les poumons
10:25et ça entraîne d'autres effets secondaires.
10:27Heureusement qu'il y a ces recommandations
10:29de la Haute Autorité de Santé.
10:30Là, je voudrais intervenir.
10:31Allez-y.
10:32Parce que vraiment, je suis en désaccord total.
10:34Et je ne suis pas le seul.
10:35Nombre de médecins sont en désaccord
10:36avec ce qui a été écrit par la Haute Autorité de Santé
10:38sous l'influence de la Société française de soins palliatifs.
10:41Il n'y a aucune raison de déshydrater un malade.
10:43Il n'est pas question de le surcharger en eau.
10:45Mais il est évident qu'il y a une hydratation de confort
10:47qu'on apprenait aux étudiants, qui est une évidence.
10:50Et d'autre part, la sédation, elle n'est pas continue,
10:52contrairement à ce qui est dit.
10:54Parce que dès que le produit est éliminé,
10:57il faut le réinjecter.
10:58C'est valable lorsqu'il y a un médecin à côté.
11:00Mais il est marqué en ville, dans le texte
11:02de la Haute Autorité de Santé,
11:03que le médecin doit passer deux fois auprès du malade admissible
11:07et trois fois, on n'est pas dans le texte de la Haute Autorité de Santé.
11:09Oui, mais c'est une surveillance.
11:10C'est une seringue électrique.
11:11Donc c'est sur 24 heures.
11:12Il faut la recharger.
11:13Non, je m'excuse.
11:15Ça peut être fait par une infirmière.
11:16Ça dépend de l'état de conscience qui est marqué dans le Haute Autorité de Santé.
11:20Il y a un problème de formation.
11:21Ce qu'on comprend, en tout cas, dans l'approche du gouvernement,
11:24c'est qu'il veut d'abord et avant tout développer les soins palliatifs,
11:26puis ensuite proposer une aide à mourir.
11:29Voilà ce que nous dit Catherine Beautrin.
11:31Je vous le dis tout de suite,
11:32quand quelqu'un pensera remplir les critères
11:34pour demander potentiellement une aide à mourir,
11:36la première chose qu'on va lui proposer,
11:38ce sont des soins palliatifs.
11:40Ce qu'on comprend dans l'approche du gouvernement.
11:43Lui proposer, mais pas lui imposer.
11:45Bien sûr.
11:47Souvenez-vous de la loi belge qui a fait en même temps
11:50le droit des malades, l'euthanasie et les soins palliatifs.
11:55C'est pas l'un avant l'autre.
11:57Tout doit être offert aux malades.
11:58Et c'est le malade qui choisit.
12:00Le malade choisit sa fin de vie.
12:02Qui d'autre que lui peut savoir comment doit être sa fin de vie ?
12:05Mais vous entendez quand Catherine Beautrin,
12:06elle met non pas une hiérarchie, mais une chronologie.
12:08Elle dit d'abord on propose des soins palliatifs,
12:10puis on propose l'aide à mourir.
12:11C'est quelque chose que vous ne validez pas.
12:13Mais si, bien sûr.
12:14Proposer.
12:15Bien entendu qu'il faut proposer la solution qui n'est pas irréversible.
12:19Évidemment qu'on propose.
12:20De même qu'on lui propose en anthalgie qu'aux malades.
12:22On lui propose beaucoup de choses.
12:24Mais on ne lui propose jamais d'ailleurs l'aide à mourir.
12:27C'est le malade qui la demande.
12:31On est dans une démarche totalement différente.
12:33Le malade peut à un moment ou à un autre,
12:35dès son arrivée dans les soins palliatifs,
12:37ou à tout autre moment,
12:39il peut demander l'aide à qui va mourir.
12:41Et d'ailleurs, comme ça a été étudié scientifiquement, rigoureusement,
12:44par l'équipe d'un grand professionnel, le professeur Aubry,
12:49qui au début du XXIe siècle,
12:53écrivait une tribune dans Le Monde contre l'euthanasie,
12:55mais qui s'est rendu compte que son idée préalable était inexacte.
13:00Il croyait qu'en développant des bons soins palliatifs,
13:03les gens ne réclameraient plus d'aide à qui va mourir.
13:05Il s'est rendu compte que ce n'était pas vrai.
13:07Donc il a fait une étude.
13:08Et cette étude est très rigoureuse.
13:10Il interroge tous les malades qui, en entrant dans les soins palliatifs,
13:14ont dit je veux une aide à qui va mourir.
13:16Il les interroge une semaine après.
13:18Une semaine après, plus de la moitié disent encore je veux une aide à qui va mourir.
13:24Donc malgré le soulagement des douleurs.
13:26Malgré la grande qualité de l'accompagnement.
13:28À la Maison Jeanne-Garnier, ça arrive, des gens qui arrivent,
13:30qui demandent et qui continuent d'avoir cette demande-là.
13:32Non mais il faut savoir les gestes.
13:35Les gestes.
13:36M. Touraine sort souvent cette enquête et ça m'intéresse beaucoup.
13:40Les unités de soins palliatifs sont justement là, par le cadre légal actuel,
13:46un lieu de sécurité pour que les malades puissent exprimer leur souhait de mourir.
13:51C'est justement un lieu sécurisant.
13:53Puisque justement, nous ne la ferons pas.
13:55Et donc ils peuvent se lancer.
13:56Ils n'ont pas peur qu'on puisse derrière injecter quoi que ce soit.
14:00Et donc nous avons fait une étude à Jeanne-Garnier.
14:02C'est cité dans l'avis du CCNE.
14:04Malheureusement, elle est incomplète.
14:06C'est-à-dire que sur 2157 dossiers de patients,
14:11c'est une étude rétrospective,
14:13nous avons étudié les malades qui exprimaient un souhait de mourir.
14:18Donc sur ces souhaits de mourir, il y avait des demandes d'euthanasie,
14:21d'autres non, parce qu'un souhait de mourir, ça ne veut pas dire une demande d'euthanasie forcément.
14:25Et 3% des malades avaient une demande d'euthanasie.
14:28La phrase s'arrête là.
14:29Et moi je la complète parce que l'étude montre
14:32que 3% de demandes d'euthanasie étaient flûtuantes
14:36et qu'il n'y avait que 0,3% des malades
14:40qui faisaient une euthanasie,
14:42qui réclamaient une euthanasie donc persistante.
14:45Ça veut dire 6 malades sur 2157 patients.
14:49Est-ce qu'on fait une loi, Monsieur le Sénateur,
14:52pour 6 malades sur 2157 patients ?
14:55Je vais vous laisser répondre.
14:57Aujourd'hui, pendant qu'on se parle,
15:00il y a ce scandale en France.
15:02500 patients devraient bénéficier de soins palliatifs
15:06et n'en bénéficieront pas.
15:08500 par jour en France.
15:10Donc ça, c'est vraiment l'urgence.
15:12Stéphane Rudulier peut-être sur ce point ?
15:14Je suis assez d'accord avec ce chiffre de 500 personnes en France.
15:17Mais au-delà de ça, je ne suis pas de votre communauté scientifique.
15:21Donc j'écoute de manière assez attentive.
15:24Et je pense qu'on a un problème de définition.
15:27Vous l'avez dit en introduction de votre propos.
15:29Je m'entends par aide à mourir, par euthanasie.
15:33Est-ce que ce sont des concepts similaires ?
15:37Donc comment on définit dans le cadre de la loi
15:41cette notion d'aide à mourir ?
15:43Aujourd'hui, on a un projet de loi qui arrive,
15:46en tout cas celui qui a été présenté au Conseil des ministres,
15:50où effectivement des bornes ont été mises,
15:54et fort heureusement, en disant qu'il faut véritablement
15:57que le pronostic vital soit engagé à plus ou moins court terme.
16:01Qu'est-ce qu'on met derrière court-moyen terme ?
16:04Tout doit être défini.
16:06Les bornes, en tout état de cause, doivent être bien délimitées.
16:09Et ce sont des lignes rouges à ne pas franchir dès lors.
16:13Sinon, on est dans l'euthanasie de confort.
16:16Quelqu'un qui, psychologiquement, veut se donner la mort,
16:20pourquoi pas éventuellement, derrière, proposer d'autres textes
16:25qui viendront enrichir le texte initial ?
16:28C'est ça dont j'ai peur.
16:30Et encore une fois, l'urgence pour moi,
16:33c'est véritablement le déploiement des soins palliatifs
16:36à l'échelle du territoire national.
16:38Je pense que c'est un enjeu essentiel,
16:40et le débat sur la fin de vie ne doit pas masquer
16:43cette insuffisance et cette inégalité.
16:45Avant de vous donner la parole,
16:46pour que les téléspectateurs comprennent bien
16:48les verrous dont on parle, puisqu'ils sont dans le texte,
16:50le patient devrait être atteint d'une pathologie incurable
16:53pendant ses jours à court ou moyen terme.
16:55Il devra être parfaitement en mesure d'exprimer sa volonté.
16:57Les souffrances devront être réfractaires et insupportables.
17:00Le patient devra être majeur et français.
17:02Est-ce que ces verrous sont suffisants, selon vous,
17:05et est-ce qu'ils sautent avec le temps à l'étranger ?
17:07Écoutez, ces verrous sont déjà extrêmement stricts.
17:11L'histoire du terme, c'est un mot qui, en médecine,
17:15est tout à fait invraisemblable.
17:17Vous n'arrivez jamais à dire exactement
17:20la durée de vie d'un patient qui arrive à cancer.
17:22Donc ça, c'est un premier point.
17:24Deuxième point, les douleurs.
17:26Moi, je suis toujours frappé sur le plan de ces phrases
17:28qu'on relance systématiquement,
17:30douleurs réfractaires et insupportables.
17:32Insupportables depuis combien de temps ?
17:34Depuis huit jours ? Depuis un jour ? Depuis un mois ?
17:36Et puis qu'est-ce que c'est insupportable ?
17:38Seul le malade est capable.
17:40Donc ça, ça doit être précisé dans la loi,
17:42que seul le malade est capable de préciser.
17:44Ainsi donc, il y a un certain nombre d'éléments comme cela
17:46qui me semblent essentiels à préciser
17:48et que les parlementaires, j'espère, modifieront.
17:50Je voudrais juste vous dire une petite remarque.
17:52Ce que vous dites, c'est exact.
17:54Il y a des secteurs où il n'y a pas de soins palliatifs
17:56et nous nous sommes d'accord pour dire qu'il faut
17:58qu'il y ait des unités de soins palliatifs
18:00et des unités mobiles partout.
18:02Il y en a presque partout pour les mobiles.
18:04Mais le problème, c'est qu'il y a des malades
18:06qui sont dans des secteurs où il y a des soins palliatifs
18:08et qui partent à l'étranger.
18:10Donc ça doit poser question tout de même.
18:12Et il n'y a pas en Belgique et dans Luxembourg
18:14de différence de frontière qu'on met en France
18:16entre les soins palliatifs et l'aide active à mourir.
18:18Quand vous allez à des consultations en Belgique,
18:20vous avez les deux qui sont présents.
18:22Et donc, le malade est au courant des deux possibilités.
18:24Et ça, c'est fondamental.
18:26En France, nous vivons sur une séparation
18:28absurde, ridicule,
18:30entre les soins palliatifs
18:32et l'aide active à mourir.
18:34Non, les malades ont le droit de choisir.
18:36C'est leur liberté.
18:38Si certains, pour des raisons idéologiques et religieuses,
18:40estiment que les soins palliatifs, comme ça,
18:42ils le reçoivent très bien, je suis pour.
18:44Mais si d'autres, pour d'autres raisons,
18:46qui ne sont pas religieuses mais philosophiques,
18:48estiment que leur lutte contre leur douleur
18:50l'emporte sur la vie, il faut les entendre aussi.
18:52Il n'y a pas de problème.
18:54Ces deux philosophies ne sont pas compatibles.
18:56Nous sommes dans une république laïque
18:58où l'on doit respecter la vie
19:00des uns et des autres.
19:02Oui, je pense que ce qui vient d'être dit est tout à fait important.
19:04Il n'y a qu'en France
19:06où parfois s'oppose
19:08la notion de soins palliatifs
19:10et d'aide active à mourir.
19:12En fait, ce sont les deux doigts de la même main.
19:14Il ne faut pas développer l'un puis l'autre.
19:16Les deux doivent être offerts
19:18aux patients.
19:20Beaucoup de patients passent par les soins palliatifs
19:22et parmi ceux-là, certains réclament
19:24une aide active à mourir.
19:26C'est un relativement petit pourcentage.
19:28Est-ce qu'on peut être concret,
19:30sur ces menaces
19:32de jour à court et moyen terme ?
19:34Quel médecin est aujourd'hui capable ?
19:36Personne.
19:38Donc ça, c'est un critère qui n'est pas le bon.
19:40Quand on est dans le moyen ou long terme,
19:42on se trompe régulièrement
19:44en termes de pronostics.
19:46Il ne faut surtout pas s'aventurer.
19:48Je pense que ceux de nos confrères
19:50qui osent donner des dates,
19:52limites de survie,
19:54sont coupables.
19:56Je peux vous citer l'exemple
19:58d'une patiente vue récemment
20:00à qui le médecin avait dit
20:02qu'elle en avait pour 3 mois de survie
20:04avec son cancer du sein évolué.
20:06Elle a vécu un an et demi.
20:08Imaginez cette femme
20:10qui, jour après jour, se disait
20:12« C'est demain que je vais mourir.
20:14Je suis au-delà du temps qui m'a étonné. »
20:16Imaginons dans ce cas-là que cette femme
20:18dise « puisque c'est demain que je meurs,
20:20alors je demande l'aide active à mourir. »
20:22Puisque c'est autorisé en France,
20:24alors on l'aide à mourir.
20:26C'est son choix.
20:28Moi, je me battrais
20:30de toutes mes forces
20:32pour faire respecter la volonté
20:34de ceux qui ne veulent pas.
20:36Ça implique des soignants
20:38Vous comprenez qu'en France,
20:40les dérives existent en France.
20:42Pas en Belgique.
20:44Parce qu'on n'a pas de loi.
20:46Donc il y a des dérives.
20:48Aujourd'hui, il y a des euthanasies
20:50clandestines en France.
20:52Moi, je me battrais pour que ceux
20:54qui veulent attendre la fin naturelle
20:56soient respectés.
20:58Mais je me battrais avec autant de vigueur
21:00pour que ceux qui veulent une fin
21:02avant l'agonie, une fin plus tôt
21:04pour ne pas souffrir les affres
21:06puissent être respectés dans leur volonté.
21:08Mais je le répète, ça implique d'autres personnes,
21:10notamment les soignants.
21:12Anne Delatour, sont-ils prêts ?
21:14Quel est l'avis général des soignants ?
21:16Ils ont une clause de conscience.
21:18La clause de conscience ne fait pas tout.
21:20Ça fait qu'on abandonne notre malade
21:22alors que nous, dans nos soins,
21:24on a un contrat de non-abandon avec le malade.
21:26Il y a toujours des soignants
21:28qui sont d'accord pour accompagner
21:30jusqu'à leur dernier souffle des malades,
21:32y compris les malades qui demandent
21:34à être dispensés d'une agonie.
21:36Les médecins belges le sont.
21:38Le malade qui ne veut pas d'agonie,
21:40il a le droit de le demander
21:42et le médecin qui est d'accord
21:44pour le dispenser de cette agonie,
21:46il le fait.
21:48Les médecins, c'est simple.
21:50Ils ont été interrogés, sondés
21:52par un organisme qui dit
21:54exactement 71% des médecins français
21:56sont d'accord
21:58avec le choix du malade.
22:0071%.
22:02Les chiffres s'opposent.
22:04C'est difficile pour les téléspectateurs
22:06qui nous écoutent de comprendre.
22:08Les médecins sont majoritaires
22:10mais, évidemment,
22:12il y a presque 30% des médecins
22:14qui ne sont pas favorables.
22:16Ils ont tout à fait le droit.
22:18La Société française de soins passifs
22:20a fait un questionnaire récemment
22:22qui montre bien que la majorité,
22:24jusqu'à 85% des médecins
22:26sont complètement opposés
22:28à ça.
22:30A quoi ? A l'aide active à mourir ?
22:32A l'euthanasie.
22:34Le suicide assisté,
22:36c'est autre chose.
22:38L'euthanasie,
22:40là où vraiment le médecin
22:42et l'infirmière ont l'air d'être impliqués
22:44et l'infirmière, ce qui est scandaleux
22:46quand on sait toute la difficulté qu'on a
22:48à ce qu'une infirmière puisse donner un médicament.
22:50Aujourd'hui, on l'autoriserait à donner la mort.
22:52C'est quelque chose
22:54qui n'est vraiment pas logique.
22:56La loi, il faut se dire
22:58que c'est une spirale.
23:00On commence une loi
23:02et la loi incite les autres malades
23:04qui n'y pensaient pas à y penser.
23:06C'est ça que vous craignez ?
23:08C'est ça que je crains.
23:10Quand je vois tous les jours l'ambivalence des malades
23:12dans leurs souhaits,
23:14leurs désirs, leurs mouvements...
23:16Et on le voit dans le documentaire d'ailleurs.
23:18Notamment une femme qui dit je veux mourir
23:20puis finalement elle ne veut plus.
23:22C'est un moment de grande vulnérabilité
23:24et donc d'incertitude.
23:26C'est vrai qu'au bout de deux jours,
23:28le malade réitère sa demande,
23:30que le médecin a 15 jours
23:32pour essayer de regrouper
23:34les différents avis
23:36des uns des autres,
23:38de trouver un médecin spécialiste de la maladie,
23:40un paramédical.
23:42On sait très bien qu'actuellement,
23:44on n'arrive pas à avoir un médecin.
23:46On met des mois à avoir un médecin.
23:48On est dans une pénurie médicale.
23:50Comme ça, en 15 jours, par magie.
23:52Stéphane Ruduli, comment vous les appréhendez,
23:54au Sénat ? On sent que c'est compliqué.
23:56Ça fait appel à des convictions profondes
23:58et intimes.
24:00Un législateur qui n'est pas encore une fois
24:02soignant,
24:04dont le vocabulaire scientifique
24:06n'est pas
24:08maîtrisé pour l'heure.
24:10J'espère que ce débat
24:12pourra être serein posé.
24:14Il y a une...
24:16un grief quand même.
24:18Il faudra faire
24:20très attention à ce qu'on parlait de
24:22suppression sociale par rapport aux plus vulnérables.
24:24Il ne faudrait pas non plus
24:26que sous pression de la famille,
24:28sous pression du système de santé
24:30en lui-même,
24:32le malade décide
24:34d'enclencher l'aide à mourir.
24:36Je comprends la liberté
24:38de choisir.
24:40D'être aux souffrances.
24:42Cet argument-là,
24:44pour moi, il est...
24:46Imparable.
24:48Je pense que si un patient,
24:50qui a une bonne vie avec des souffrances
24:52abominables, veut en finir
24:54avec des gardes-fous, bien évidemment,
24:56c'est sa liberté, c'est son choix.
24:58On est dans un système
25:00de liberté avant toute chose.
25:02Mais dans le même temps, il faudra s'assurer
25:04que les gardes-fous soient vraiment
25:06des lignes rouges, infranchissables.
25:08Et malheureusement, je le dis,
25:10mais je sais que les lois, au fur et à mesure,
25:12évoluent, évoluent aussi en fonction
25:14des mœurs de la société.
25:16Et on inscrit noir sur blanc des détails
25:18qui ne semblent pas coller à la réalité.
25:20C'est ça que j'entends.
25:22Quand j'entends la communauté scientifique,
25:24incapable aujourd'hui de définir
25:26ce qu'est le court terme et le moyen terme.
25:28Ou les souffrances réfractaires et insupportables.
25:30Ou être parfaitement en mesure d'exprimer sa volonté.
25:32C'est là...
25:34On se repose sans doute sur la...
25:36Vous pouvez être rassuré.
25:38Les médecins savent distinguer
25:40des gens qui sont sous influence, sous pression ou pas.
25:42Je vous donne un exemple ailleurs.
25:44Quand on fait un prélèvement de reins
25:46pour faire une greffe d'un frère à sa sœur,
25:48par exemple.
25:50Le donneur,
25:52on s'assure qu'il est soumis
25:54à aucune influence.
25:56Et s'il le faut, même naturellement,
25:58c'est écrit dans la loi, il doit passer devant
26:00un responsable de la justice.
26:02Où on s'assure rigoureusement
26:04que sa décision
26:06n'est soumise à aucune influence.
26:08Parce que nous avons l'habitude d'avoir vu
26:10des familles dans lesquelles,
26:12pour des raisons diverses,
26:14désigner un des enfants pour donner le rein
26:16à son frère ou à sa sœur.
26:18Non. On sait très bien
26:20faire en sorte que la personne
26:22qui fait don
26:24d'une partie de son corps
26:26le fasse
26:28sous aucune pression.
26:30De la même façon, là, je vous assure
26:32que les médecins savent très bien
26:34quand la famille essaye de convaincre
26:36un patient fragile,
26:38vulnérable, comme vous le dites, en fin de vie,
26:40de quelque chose
26:42pour telle ou telle raison plus ou moins noble.
26:44Et donc, on sait très bien
26:46ne pas tenir compte de cela.
26:48Et on écoute le malade seul
26:50et on le met en confiance
26:52et le malade nous dit exactement ce que lui veut
26:54et non pas ce que les influences
26:56se sont...
26:58Je voudrais juste dire, les pressions,
27:00ça peut être dans les deux sens.
27:02Non, tu ne peux pas accepter l'aide active
27:04à mourir, ce n'est pas possible.
27:06La pression peut être dans les deux sens.
27:08Moi, je voudrais revenir sur la Belgique.
27:10Je sais bien qu'en France, on est à l'avant-garde de tout,
27:12mais les Belges nous ont précédé depuis 23 ans.
27:14Il n'y a pas eu de massacre,
27:16il n'y a pas eu de catastrophe,
27:18on a beaucoup menti sur la Belgique,
27:20beaucoup.
27:22Mais moi, je peux vous dire qu'au route des consultations en Belgique,
27:24il y a à la fois des représentants de soins palliatifs
27:26et des représentants de l'aide active.
27:28Est-ce qu'on a les chiffres ? Il y a combien d'euthanasie par an en Belgique ?
27:303,1 % d'essais.
27:32Mais ce qui est très important,
27:34c'est très faible, mais ce qui est très important,
27:36c'est que 80 % des Belges ne veulent pas qu'on revienne sur la loi.
27:38Pourquoi ? Parce que cette loi désangoisse.
27:40Beaucoup de gens ne l'utiliseront pas.
27:42Mais l'idée même de savoir qu'on peut l'utiliser,
27:44qu'en cas de besoin,
27:46même si je ne l'utilise pas,
27:48ça supprime l'angoisse, ça régouille l'angoisse.
27:50Et ça, c'est fondamental, mais je l'ai vu
27:52des dizaines et des dizaines de fois.
27:54Vous avez tout à fait raison,
27:56d'autant plus que j'utilise complètement
27:58cet argument pour la loi de 2016.
28:00C'est-à-dire qu'en fait,
28:02quand j'ai reçu dernièrement
28:04un grand haut fonctionnaire de l'Etat,
28:06qui avait hésité à aller en Suisse
28:08et en Belgique, etc.,
28:10il a rencontré une équipe mobile
28:12de soins palliatifs qui lui expliquaient
28:14la loi de 2016, et ça l'a rassuré
28:16de savoir qu'il pouvait être endormi
28:18en fin de vie. Et il a été endormi
28:20chez lui par une sédation
28:22faite par l'équipe Palidome,
28:24qui est l'équipe de soins palliatifs
28:26de l'HAD, à PHP,
28:28à domicile. Et donc, en fait,
28:30il a arrêté d'être angoissé.
28:32En fait, ce qu'il faut développer,
28:34c'est une médecine préventive
28:36de l'angoisse de la mort.
28:38Parce que mourir avant de mourir,
28:40c'est pas ça qui est intéressant.
28:42Il faut vivre avant de mourir.
28:44Mais en revanche, prévenir
28:46cette angoisse de mort, parce qu'il faut bien voir
28:48que les Français, finalement, c'est la peur
28:50des douleurs, la peur de la souffrance
28:52et la peur d'être une charge pour sa famille
28:54et la peur de la solitude.
28:56Ces quatre peurs, à mon avis,
28:58c'est pas par une loi qu'on y répond.
29:00C'est par une approche sociétale,
29:02collective, préventive,
29:04par d'autres moyens qu'une loi.
29:06Regardez, la loi ne règle pas les problèmes.
29:08Regardez, 1990-19,
29:10droit d'accès aux soins palliatifs,
29:12c'est pas appliqué.
29:14On a le tableau, on va le mettre au moment où vous le dites.
29:162005, la loi léonétique
29:18sur contre l'obstination des raisonnables.
29:20Magnifique loi, ça a pas été suivi
29:22des recommandations de la Haute Autorité de Santé,
29:24c'est pas appliqué. La médecine a fait des progrès,
29:26on a surtout des malades
29:28qui arrivent dans des situations terribles
29:30qui ont forgé toutes ces demandes
29:32en disant, faites-moi mourir plus vite.
29:34La loi Claes Leonetti,
29:36la loi 2002 qui est tout à fait...
29:38Cédation profonde et continue jusqu'au décès.
29:40Voilà, et qui est pas assez connue et qui est pas appliquée.
29:42Par là, les lois ne sont pas appliquées.
29:44Ce qu'il faut, c'est des recommandations.
29:46Et moi, monsieur, vous avez tout à fait raison,
29:48il faut des approches
29:50thérapeutiques du soulagement
29:52de la douleur, du soulagement de la souffrance.
29:54Le mot souffrance, c'est quand même
29:56très, très dangereux, mais la douleur,
29:58on peut la calmer en France.
30:00Il faut bien développer, il faut développer
30:02les moyens pour que la douleur
30:04soit prise en charge, et pas que la douleur.
30:06Parce qu'un malade en fin de vie, attendez, on est là à dire
30:08il est douloureux, c'est atroce de mourir.
30:10Mais la plupart des gens meurent sans forcément
30:12une douleur. Donc on est là
30:14à créer un élan de panique
30:16par peur d'une génération
30:18qui a peur de mal mourir.
30:20On arrive à la fin de ce débat, peut-être, alors, votre mot de conclusion
30:22notamment sur ce que vient de proposer Anne Delatour.
30:24Une loi, quand elle est claire, elle est appliquée.
30:26La loi Claes-Léonetti
30:28et la loi Léonetti-Arrain
30:30ont évoqué l'unanimité des parlementaires.
30:32Parce qu'elle était floue, parce qu'elle n'était
30:34pas claire. Et en plus,
30:36le texte de la Haute Autorité de Santé est
30:38inacceptable éthiquement pour
30:40nombre de médecins, soyons clairs là-dessus.
30:42Nous sommes en désaccord total
30:44avec la société française de ne pas être agressif.
30:46Mais il n'y avait pas que la société française de ne pas être agressif.
30:48On a compris que vous n'étiez pas d'accord
30:50sur ce point.
30:52Oui, je dirais qu'il faut développer dans notre pays
30:54simultanément
30:56les soins palliatifs en quantité suffisante
30:58et l'accès à l'aide active à mourir.
31:00D'ailleurs, puisqu'on parlait des médecins
31:02belges, le docteur
31:04François Damas, qui
31:06est un médecin très réputé,
31:08indique que pour lui,
31:10une euthanasie bien conduite
31:12est un soin palliatif réussi.
31:14Pour lui, ça fait partie.
31:16Donc il ne faut pas les opposer
31:18l'un et l'autre. Le malade, lui,
31:20quand il est bien éclairé,
31:22quand il a bien formé tout ça,
31:24il sait très bien ce qu'il veut choisir.
31:26S'il veut une aide active à mourir,
31:28il la demandera de façon répétitive
31:30et il pourra ainsi obtenir
31:32le soulagement qu'il espère.
31:34Si, par contre, il veut attendre la fin naturelle
31:36tout en étant accueilli
31:38par des soins palliatifs,
31:40il fera cela. Et il faut que l'un et l'autre
31:42puissent être respectés. Ils choisissent
31:44en fonction de leur philosophie
31:46ou en fonction de la maladie qu'ils ont.
31:48Et nous n'avons pas à décider
31:50si nous avons des douleurs supportables ou pas
31:52parce que nous ne sommes pas à leur place.
31:54Personne ne peut définir sur une échelle
31:56l'intensité d'une douleur.
31:58La preuve, c'est que les médecins demandent aux malades
32:00« Mettez-vous vous-même sur l'échelle de douleur
32:02parce qu'on ne sait pas si votre douleur
32:04est intense ou beaucoup plus modérée. »
32:06On ne sait pas le faire.
32:08Et quand on parle de la souffrance psychique,
32:10on sait encore moins ce que c'est.
32:12Enfin, je terminerai comme l'a dit Emmanuel Macron.
32:14Tout à fait. Il faut développer
32:16une connaissance de la mort.
32:18Qu'est-ce qui fait peur dans la mort ?
32:20C'est l'ignorance, comme toujours.
32:22Notre société manque
32:24d'avoir développé
32:26dès l'enfance
32:28une vision plus sereine de la mort
32:30parce que la mort fait partie de la vie.
32:32Nous allons tous mourir.
32:34Ça fait partie de la vie.
32:36Toutes les espèces vivantes meurent.
32:38Il faut l'accepter et c'est bien ainsi
32:40que serait notre monde si nous ne mourions pas.
32:42Levons le tabou de la mort.
32:44Stéphane Ruzunier ?
32:46Je pense que tout le monde est d'accord
32:48sur le déploiement des soins palliatifs
32:50partout en France.
32:52C'est la priorité du moment
32:54et même des dix prochaines années.
32:56Maintenant,
32:58l'application des lois.
33:00Voter une loi pour qu'elle ne soit pas appliquée.
33:022005-2016,
33:04ce sont des lois qui sont partiellement appliquées
33:06parce que faute de moyens.
33:08Troisième et dernier élément,
33:10c'est l'information.
33:12La méconnaissance du cadre législatif
33:14actuel et la méconnaissance
33:16du rapport que nous avons
33:18à la mort.
33:20Je vous rejoins parfaitement.
33:22On part sur deux ans de débat entre l'Assemblée et le Sénat
33:24parce que le gouvernement a refusé
33:26la procédure accélérée.
33:28Je pense qu'il faut un débat
33:30de long terme,
33:32qui soit apaisé et qu'on puisse
33:34avoir des gardes fous
33:36qui nous permettent
33:38l'acceptabilité
33:40de l'aide à mourir.
33:42On rend la liberté aux patients
33:44de choisir, mais dans un cadre
33:46très contraint pour ne pas faire n'importe quoi.
33:48Anne Delatteau pour conclure ?
33:50Je parle aux sénateurs,
33:52je parle aux députés,
33:54tant qu'à faire, c'est vous qui allez voter cette loi.
33:56Je vous demande vraiment d'être responsable.
33:58Responsable
34:00de ces malades,
34:02de ces familles
34:04que nous soignons tous les jours
34:06et responsable de nous tous soignants
34:08ainsi que de ceux
34:10qui gravitent autour.
34:12Si nous n'avons pas envie de cette loi,
34:14c'est que nous souffrons déjà beaucoup sur le terrain.
34:16Nous n'avons pas envie
34:18d'avoir une souffrance supplémentaire.
34:20Comme disait M. Touraine,
34:22la souffrance, il n'y a pas d'échelle à côté.
34:24La souffrance est un mot
34:26qui veut tout dire et rien dire.
34:28En tout cas, ce que je peux vous dire sur le terrain,
34:30c'est que nous souffrons, nous venons
34:32de subir le Covid,
34:34nous avons soigné les malades,
34:36nous les avons accompagnés dans la mort,
34:38nous avons envie de les achever,
34:40nous avons envie qu'ils vivent,
34:42car ça, ce sont les soins palliatifs,
34:44c'est la vie jusqu'au bout.
34:46Et ce sera le mot de la fin.
34:48Merci à tous les quatre d'avoir participé à cet échange.
34:50Merci à vous de nous avoir suivis comme chaque semaine,
34:52évidemment, émissions et documentaires,
34:54à retrouver en replay sur notre plateforme publicsena.fr.
34:56A très bientôt sur Public Sénat. Merci.
35:08Sous-titrage Société Radio-Canada

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