• il y a 8 mois
On peut vouloir illustrer pour les enfants des livres de biologie, d’astronomie ou de  mathématiques. Parfois on cherche à traduire en images des informations géopolitiques, éthologiques ou historiques. On peut aussi avoir besoin d’expliquer visuellement la violence, la misère ou la mort. Montrer le réel aux plus jeunes peut être un défi. Une photographie ou une illustration racontent-elles les mêmes choses aux enfants ? Comment interprètent-ils ces différents médias ? Quel rôle joue l’imaginaire dans l’appréhension de la réalité ?Avec :Myriam Dahman,autrice en littérature jeunesse et chargée de mission sensibilisation et éducation au développement à Agence Française de Développement
Myriam Dahman est une autrice belgo-marocaine avec une double casquette : elle travaille dans la sensibilisation au développement et à l'écologie et écrit également pour la jeunesse. Elle collabore régulièrement à la revue de philosophie pour enfants Philéas et Autobule. Laurence Le Guen, docteure en littérature française, chercheuse associée au laboratoire du Cellam à l’Université de Rennes 2 et à l’université de Leuven et professeure de lettres en Loire-Atlantique
Autrice d’une thèse sur les ouvrages photographiques pour enfants, Laurence Le Guen poursuit ses recherches sur la Photolittérature jeunesse et les expositions de la littérature. Elle a signé l’ouvrage 150 ans de photolittérature pour les enfants (MeMo) en 2022, ainsi que plusieurs ouvrages pour enfants. Elle anime le site dédié à la photolitterature jeunesse Miniphlit https://miniphlit.hypotheses.org/Galia Tapiero, directrice éditoriale et artistique, éditrice des éditions Kilowatt
Auteure jeunesse, Galia Tapiero a toujours eu une passion pour les dictionnaires, les encyclopédies, les documentaires, les objets qui racontent des histoires et les voyages qui font rêver. En 2007, elle se lance dans l'aventure et crée Kilowatt éditions, une maison d’édition qui utilise une complémentarité textes-illustration pour accompagner les enfants à mesure qu’ils grandissent et les encourager à se questionner pour mieux comprendre le monde qu’ils habitent. 

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Transcription
00:00:00 Bonjour. Rebonjour tout le monde.
00:00:03 On va pouvoir poursuivre.
00:00:05 Pourquoi on ne sait pas trop ce que c'est, la vie ?
00:00:08 Alors, pour la deuxième table ronde de la journée,
00:00:25 je vais appeler sur scène à me rejoindre Myriam Daman,
00:00:29 Galia Tapiero et Laurence Le Gouen.
00:00:31 (...)
00:00:50 -C'est les casques. -Il n'y a pas besoin de ça.
00:00:53 -Hop !
00:00:54 (...)
00:01:02 Normalement, c'est allumé.
00:01:03 (...)
00:01:13 C'est bon, tout le monde est revenu. Vous avez bien mangé ?
00:01:16 Voilà.
00:01:17 Bonjour, mesdames.
00:01:21 Encore une table ronde de femmes.
00:01:24 Je vais vous présenter rapidement,
00:01:26 et après, on va commencer à parler de ce sujet passionnant.
00:01:30 Quelles images pour raconter le monde aux enfants ?
00:01:32 Alors, Myriam Daman, bonjour.
00:01:35 -Bonjour.
00:01:36 -Vous êtes autrice en littérature jeunesse
00:01:38 et chargée de mission sensibilisation et éducation
00:01:41 au développement et à l'écologie à l'Agence française de développement.
00:01:45 Laurence Le Gouen, bonjour.
00:01:48 Vous êtes la grande spécialiste de la photolittérature jeunesse.
00:01:53 Vous êtes docteur en littérature française
00:01:55 et chercheuse associée au laboratoire du CELAM
00:01:57 à l'université de Rennes-2 et à l'université de Leuven
00:02:00 et professeur de lettres en Loire-Atlantique.
00:02:02 Vous êtes commissaire d'une exposition
00:02:04 à la Maison de la photographie Robert Doisneau à Gentilly
00:02:07 qui s'intitule "Regarde, 150 ans de livres de photographie pour les enfants",
00:02:11 qui va bientôt s'ouvrir.
00:02:13 Donc, ce sera du 1er mars au 31 mai 2024.
00:02:17 Je vous invite à aller voir cette exposition.
00:02:19 Galiata Pierrot, bonjour.
00:02:23 Vous êtes éditrice et vous avez fondé en 2007
00:02:25 la maison d'édition Kilowatt que vous dirigez
00:02:28 et qui publie des livres documentaires à destination des enfants.
00:02:31 Donc, vous travaillez toutes les trois
00:02:35 de façon extrêmement différente, avec des objectifs vraiment divers,
00:02:39 mais néanmoins, toutes les trois sur le rapport des enfants,
00:02:42 lecteurs et lectrices aux images qu'on leur montre.
00:02:46 Galiata Pierrot, pour commencer,
00:02:48 est-ce que vous voulez bien nous dire pourquoi cette question de l'image,
00:02:51 de l'illustration est essentielle dans votre métier d'éditrice ?
00:02:56 Il me semble que le métier d'éditrice ou d'éditeur,
00:03:00 d'ailleurs, plus généralement,
00:03:02 s'accompagne forcément d'une réflexion sur l'image,
00:03:07 l'image en tant que représentation,
00:03:10 une représentation de soi, de l'autre,
00:03:13 de la nature, de la société, des animaux.
00:03:16 Et on va forcément vers une réflexion
00:03:21 de ce qu'on voudrait sur cette représentation.
00:03:25 Moi, j'ai le fond du Kilowatt, comme vous l'avez dit, en 2009.
00:03:29 - Ça fait 15 ans. - Je me suis ?
00:03:30 Pas grave. Ça fait 15 ans cette année.
00:03:33 Effectivement, je publie particulièrement des documentaires,
00:03:38 des documentaires qui sont une sorte de réflexion
00:03:43 sur la société, notre comportement en société,
00:03:48 notre manière d'habiter le monde.
00:03:51 Ils sont illustrés.
00:03:52 Ces illustrations sont donc une représentation de la société
00:03:57 et s'accompagnent forcément de cette...
00:04:02 Cette réflexion sur la société représentée dans le documentaire,
00:04:07 dans ce livre de non-fiction,
00:04:09 s'accompagne forcément de la réflexion de ce que moi, je veux,
00:04:13 de ce que, avec l'illustrateur, l'illustratrice,
00:04:16 ce qu'on souhaite représenter,
00:04:18 ce qu'on souhaite voir au cœur de cette représentation.
00:04:23 D'autant plus que les illustrations, en général,
00:04:26 sont une autre narration,
00:04:30 une autre manière de lire une histoire,
00:04:33 de lire un documentaire.
00:04:35 C'est une lecture parallèle
00:04:38 où l'enfant est en totale autonomie,
00:04:40 surtout pour ceux qui ont des difficultés de lecture.
00:04:43 Il y a donc une grande importance donnée à cette image,
00:04:47 à cette complémentarité qui libre mots-images.
00:04:51 -Très bien.
00:04:53 Laurence Le Gouen, vous avez mis à jour et analysé dans votre thèse
00:04:57 un corpus éditorial américain-européen
00:05:00 allant des années 1860 à aujourd'hui,
00:05:03 donc de livres avec des photographies.
00:05:06 Pouvez-vous nous dire, dans les grandes lignes,
00:05:09 en quoi photographie et littérature jeunesse
00:05:11 sont historiquement et intimement liées ?
00:05:14 -Alors, on n'a pas l'impression comme ça
00:05:18 que la photolittérature jeunesse soit très importante.
00:05:23 Quand j'ai commencé mes recherches,
00:05:25 mon directeur de thèse, Jean-Pierre Montier,
00:05:26 et professeur Arendeux étaient persuadés
00:05:28 que j'allais trouver 400, 500 ouvrages photoillustrés.
00:05:32 Et en fait, c'est en milliers d'ouvrages qu'ils se comptent.
00:05:38 La photographie, dès qu'elle a pu être intégrée dans le livre,
00:05:41 à partir des années 1860, on va dire,
00:05:45 elle a commencé à...
00:05:48 Pas à coloniser, mais à s'intéresser...
00:05:52 Les photographes ont commencé à s'intéresser
00:05:54 à tous les domaines de la littérature,
00:05:57 et puis petit à petit, tous les domaines de la littérature jeunesse.
00:06:01 Évidemment, on en trouve dans les livres d'apprentissage,
00:06:03 dans les livres de découverte du monde,
00:06:05 dans les livres de catéchisme, dans les livres de propagande,
00:06:09 les contes aussi.
00:06:11 Enfin, toutes les catégories canoniques de la littérature jeunesse
00:06:16 connaissent des livres photoillustrés.
00:06:19 Et la photographie n'y a pas simplement un rôle d'illustration,
00:06:24 mais il y a un rôle, très souvent,
00:06:27 équivalent de langage à celui de l'écriture,
00:06:31 à celui des mots, en fait.
00:06:34 Donc depuis 1860, énormément de livres.
00:06:37 Aujourd'hui, on a l'impression qu'elle est dans beaucoup d'ouvrages,
00:06:40 dans des imagiers, dans des documentaires, énormément.
00:06:43 On a l'impression d'en voir partout.
00:06:45 Ça n'a pas été tout le temps le cas.
00:06:47 Elle a eu vraiment aussi une histoire en Dansey,
00:06:50 avec des périodes phares, notamment dans les années 50,
00:06:54 âge dehors du livre photoillustré pour enfants.
00:06:58 Mais elle a subi un profond désamour
00:07:01 et parfois un profond rejet, carrément.
00:07:05 Et ce qui fait qu'on a l'impression qu'elle n'existe pas, en fait,
00:07:10 mais alors qu'elle constitue un pan entier
00:07:12 de l'histoire de la littérature jeunesse.
00:07:15 -On va regarder quelques images, quelques couvertures de livres
00:07:20 que vous allez peut-être pouvoir nous replacer dans un contexte rapidement.
00:07:23 -Oui. Un des premiers imagiers français,
00:07:27 un grand photographe français, Emmanuel Souget.
00:07:31 Ça doit être le premier imagier français illustré par la photo.
00:07:35 Voilà. On le trouvera à l'exposition
00:07:39 dans trois semaines à la Maison Doineau, d'ailleurs,
00:07:41 mais il est extrêmement rare.
00:07:43 Celui-ci, c'est ce qu'on considère
00:07:45 comme le premier ouvrage photoillustré pour enfants, 1866.
00:07:50 Ce sont des versets de Christian Andersen,
00:07:52 l'auteur des contes que tout le monde connaît,
00:07:55 illustrés par les photographies du photographe de la cour du Danemark.
00:08:00 Donc des petits versets.
00:08:02 Ce first picture book, il a été suivi en 1931,
00:08:06 1932, du second picture book.
00:08:09 Il est réalisé par Edward Stuyson,
00:08:11 grand photographe américain de mode et publicitaire,
00:08:14 en collaboration avec sa fille,
00:08:18 qui travaillait pour les mouvements progressistes
00:08:21 d'éducation américain
00:08:22 et qui considérait que le dessin dans le livre pour enfants,
00:08:28 "Yonhavet Maar", ça ne représentait pas la réalité
00:08:30 et qu'il fallait absolument passer à la photo
00:08:32 qui rendait bien mieux compte de la réalité.
00:08:35 Et ce livre, je suis juste sur ce livre,
00:08:38 il est le premier imagier américain
00:08:41 et il a influencé tout un tas d'imagiers ensuite en Europe.
00:08:45 Dominique d'Arbois, elle lance dans les années 50
00:08:52 aux éditions Nathan toute une collection d'ouvrages
00:08:56 qui s'appelle "Les enfants du monde",
00:08:58 qui permettent aux enfants des années 50 de découvrir...
00:09:02 Les enfants des années 50 qui n'ont pas forcément la télé
00:09:04 et qui ne voyagent pas,
00:09:05 de découvrir la vie des enfants d'ailleurs.
00:09:09 À l'époque, on a plein de collections
00:09:11 pour découvrir la vie des enfants d'ailleurs,
00:09:14 mais ce qui est exceptionnel dans cette collection,
00:09:17 c'est que toute la maquette est pensée,
00:09:21 tout le graphisme, les aplats de couleurs à l'intérieur,
00:09:23 le détourage des photos,
00:09:25 tout ça, c'est pensé pour séduire l'enfant
00:09:29 et puis pour construire un ouvrage qui soit séduisant
00:09:35 et pas juste un documentaire.
00:09:37 Dans la même série,
00:09:41 "Kaiming, le petit pêcheur chinois",
00:09:43 on remarque que même la typographie est pensée
00:09:45 puisque le prénom de l'enfant
00:09:50 est imprimé dans une typo qui peut rappeler des caractères asiatiques.
00:09:54 "Deux petits ours d'Ila", c'est une réédition
00:09:59 par la Maison Mémo, donc ma maison d'édition,
00:10:01 d'un très gros succès des années 50
00:10:05 par la photographe animalière Ila,
00:10:07 qui est une véritable star des deux côtés de l'Atlantique
00:10:10 dans les années 50.
00:10:12 C'est son deuxième ouvrage phare
00:10:16 avec un autre ouvrage qu'elle a fait avec Jacques Prévert,
00:10:20 "Le petit lion".
00:10:21 Et donc les deux petits ours ont été réédités
00:10:25 il y a deux ans par la Maison d'édition Mémo.
00:10:28 Il faut savoir,
00:10:31 parce que depuis tout à l'heure, je donne plein de noms de photographe,
00:10:33 que des grands photographes de l'histoire
00:10:37 ont participé à l'aventure de l'histoire de la photolittérature.
00:10:42 Je vous parlais d'Emmanuel Souget, d'Edward Staïtion,
00:10:46 Cindy Sherman, que l'on connaît pour ses visages,
00:10:50 ses travestissements et ses portraits photographiques,
00:10:54 a réalisé cette adaptation photographique
00:10:58 du conte Barbe Bleue.
00:11:00 Le petit chaperon rouge, le Saramoun,
00:11:05 lui, il a fait couler le plus d'encre.
00:11:08 Il a été primé à la Foire de Bologne en 1985.
00:11:15 Il a été publié également aux États-Unis,
00:11:18 mais avec un avertissement de l'éditeur américain,
00:11:21 "Under with care".
00:11:23 C'était à prendre avec précaution.
00:11:25 C'est l'adaptation par la grande photographe Saramoun
00:11:27 du petit chaperon rouge.
00:11:29 Elle met en scène une petite fille
00:11:31 qui est poursuivie une nuit dans les rues sombres d'une ville moderne.
00:11:35 Et à la fin, elle est forcément croquée par le loup.
00:11:38 Et cette séance de dévoration
00:11:42 est symbolisée par un lit au drap des faits.
00:11:45 Et Saramoun met en photographie
00:11:49 toute la portée symbolique du conte,
00:11:51 qui est plutôt un viol.
00:11:54 "Takashan et moi", c'est la dernière réédition
00:11:59 des éditions Meimo.
00:12:01 Il est tout frais, il est sorti pour le Salon de Montreuil.
00:12:04 C'est une réédition d'un livre
00:12:08 du grand photographe Heiko Ozoé,
00:12:11 publié dans les années 60, si je ne me trompe pas.
00:12:15 Ce photographe japonais a collaboré
00:12:18 avec une autrice américaine à trois ouvrages pour enfants.
00:12:21 C'est un conte japonais.
00:12:24 La photographie a souvent été mise aussi au service des propagandes,
00:12:32 surtout dans les périodes de montée du fascisme
00:12:35 pendant la Deuxième Guerre mondiale.
00:12:36 Là, c'est un abécédaire classique pour enfants.
00:12:40 Il n'est pas si classique que ça,
00:12:41 parce que Pétain figure sur toutes les photographies.
00:12:45 Et là, j'aime cette page, les yeux.
00:12:48 On comprend bien l'utilisation, l'usage qu'on peut faire
00:12:52 de la photographie.
00:12:53 Et tous les mots qui sont choisis,
00:12:55 ils sont en rapport avec l'univers de l'enfant.
00:13:00 Oui, mais avec les messages que l'on veut faire passer à l'époque.
00:13:03 On illustre le mot "drapeau",
00:13:06 le mot "patrie", le mot "amour",
00:13:11 "amour" en face de la photo du maréchal.
00:13:14 Et quand le maréchal n'est pas sur les photos,
00:13:16 c'est la photo de son képi.
00:13:18 Donc il est quand même un peu là.
00:13:19 "Alphabet", c'est la photographie que l'on garde, d'ailleurs,
00:13:25 pour l'affiche de l'exposition à la Maison d'Ouanaud.
00:13:31 Là, c'est un ouvrage du photographe Pierre Dard.
00:13:35 Le vrai nom était Pierre Portelet.
00:13:37 Il a publié de nombreuses imageries
00:13:40 et petites histoires pour enfants illustrées avec des photos
00:13:42 sur lesquelles on peut retrouver ses enfants.
00:13:45 "Sac à tout", alors, lui, je l'aime particulièrement
00:13:49 parce que la journaliste Séverine,
00:13:53 elle revient un peu, c'est une journaliste engagée, féministe.
00:13:56 Et je l'aime particulièrement
00:13:58 parce que lors de ma soutenance de thèse,
00:14:01 un des membres du jury m'a dit,
00:14:02 "Vraiment, il n'était pas indispensable, ce livre,
00:14:05 et d'ailleurs, il est oublié dans la bibliographie de Séverine."
00:14:08 Mais ce membre du jury avait tort.
00:14:13 En 1898, la journaliste Séverine, très connue à l'époque,
00:14:17 publie dans un journal, le journal "Mercure de France",
00:14:19 un article dans lequel elle dit,
00:14:22 "La photographie dans le livre pour enfants, jamais, c'est horrible."
00:14:26 Et au creux de la vague, en 1903,
00:14:27 elle publie un très bel ouvrage pour enfants
00:14:31 avec des photographies de son chien.
00:14:33 Et là, je ne vous ai pas mis les doubles pages intérieures,
00:14:35 mais en 1903, on a peur de la photo dans le livre pour enfants,
00:14:39 on a peur de la photographie dans le livre tout court,
00:14:41 c'est plutôt réservé aux publications coquines
00:14:43 ou aux très beaux livres.
00:14:44 Et du coup, on voit à l'intérieur les doubles pages,
00:14:47 toutes les photographies sont entourées de colliers de perles
00:14:49 ou de colliers de rubans.
00:14:51 On prend d'immenses précautions bibliophiliques
00:14:53 pour en faire un beau livre.
00:14:55 Et voilà.
00:14:57 -C'est passionnant de pouvoir faire ce voyage dans le temps,
00:15:01 dans les livres illustrés par la photographie.
00:15:04 On va y revenir.
00:15:05 Myriam Daman, alors vous, vous êtes autrice,
00:15:08 donc vous écrivez,
00:15:10 mais vous êtes très attentive à comment vos textes
00:15:12 vont être mis en image,
00:15:13 et souvent, vous travaillez main dans la main
00:15:16 avec des illustrateurs.
00:15:18 Est-ce que vous pouvez nous raconter quel rôle vous jouez
00:15:20 dans les décisions visuelles qui concernent vos livres
00:15:23 et quel type de collaboration vous avez
00:15:25 avec les illustrateurs ou illustratrices ?
00:15:27 -Oui, alors je vais essayer de raconter un petit peu
00:15:30 comment ça se passe, en tout cas, moi,
00:15:33 la façon que j'ai d'aborder ça.
00:15:35 Déjà, je ne dessine pas du tout.
00:15:37 Je ne fais vraiment que le texte.
00:15:39 Je n'ai aucun talent pour le dessin,
00:15:40 à mon courant des arrois.
00:15:42 Pour autant, je pense que c'est la...
00:15:44 Je ne fais quasiment que des textes illustrés,
00:15:46 des albums, des bandes dessinées,
00:15:48 des livres documentaires, mais très illustrés.
00:15:52 Et je pense que c'est l'étape du processus éditorial
00:15:54 que je préfère,
00:15:56 celle où on va découvrir les illustrations.
00:16:00 Et pour moi, c'est vraiment essentiel.
00:16:03 Et souvent, c'est des projets que je vais monter en amont
00:16:07 avec le ou la dessinateuriste,
00:16:10 ce qui n'est pas forcément, d'après ce que j'en sais,
00:16:14 moi, je n'ai pas un point de vue d'éditrice,
00:16:16 mais j'ai l'impression que ce n'est pas forcément souvent le cas,
00:16:20 qu'il y a beaucoup de livres où le "mariage" est fait par l'éditeur.
00:16:24 Moi, c'est vrai que j'aime beaucoup travailler dès en amont
00:16:27 avec la personne avec qui on va faire ce livre
00:16:30 et l'intégrer autant que possible au processus d'écriture.
00:16:34 Et je vois un petit peu aussi un parallèle
00:16:37 avec l'écriture théâtrale,
00:16:40 et que certains scénaristes ou certains auteurs de théâtre
00:16:42 vont aussi créer des rôles pour tel acteur, telle actrice,
00:16:46 avec son visage, sa voix en tête.
00:16:48 Et moi, je vais avoir aussi un petit peu ça,
00:16:51 quelque part, en voyant un projet,
00:16:53 en ayant déjà un univers mental
00:16:56 de à quoi ça va ressembler au niveau illustration,
00:16:58 même si, évidemment, et c'est très important de le rappeler,
00:17:02 les illustrateurs et les illustratrices ne sont pas des exécutants.
00:17:06 Ils ne sont pas là pour...
00:17:07 C'est vraiment une interprétation qui peut être très libre,
00:17:10 très surprenante.
00:17:12 M'entraîner dans des directions
00:17:15 qui n'étaient pas du tout celles que j'avais anticipées,
00:17:17 et c'est ça qui est super,
00:17:18 qui est enthousiasme et qui est riche.
00:17:21 Et il y a tout un travail, en fait, d'écriture par couche.
00:17:25 C'est-à-dire que moi, le texte n'est pas tout ficelé,
00:17:28 innuable, gravé dans le marbre,
00:17:31 et ensuite, je le confierais à quelqu'un
00:17:32 qui va juste exécuter un travail d'illustration.
00:17:36 Au contraire, c'est un dialogue.
00:17:38 On se répond l'un à l'autre.
00:17:40 Il y a tout un travail de réécriture
00:17:41 qui est fait dans les albums au moment des crayonnées,
00:17:45 puisqu'il y a plusieurs étapes.
00:17:46 On a les recherches de personnages, des croquis, etc.
00:17:50 Une étape qu'on appelle les crayonnées,
00:17:52 où on va avoir un petit peu les scènes qui sont posées
00:17:55 de manière souvent un petit peu plus simple
00:17:57 avant la mise en couleur,
00:17:59 et c'est un stade où le texte va bouger.
00:18:02 Il y a toute une partie qui peut paraître redondante,
00:18:06 être dans une forme de redite de ce que l'image va transmettre.
00:18:09 Donc, on va couper à ce moment-là.
00:18:11 Au contraire, on va pouvoir rebondir sur des propositions
00:18:14 qui n'étaient pas celles que j'avais anticipées,
00:18:16 et donc je vais appuyer certaines choses
00:18:19 pour vraiment jouer la proposition de l'illustratrice.
00:18:23 Donc, il faut voir ça comme une espèce de processus
00:18:25 assez mouvant avec une écriture couche par couche par couche,
00:18:28 jusqu'à ce qu'on arrive vraiment à quelque chose
00:18:30 où on est hyper raccord
00:18:32 et où on arrive à danser l'un avec l'autre, texte-image.
00:18:37 Et je trouve que c'est particulièrement marquant
00:18:39 aussi dans tout ce qui est processus humoristique.
00:18:43 Et là encore, je fais un parallèle avec la scène,
00:18:46 la même blague écrite, si elle est jouée différemment,
00:18:49 il y a le rire qui vient quand on met ce petit silence-là,
00:18:53 cette intonation, et ça tombe complètement à plat.
00:18:56 Si on a un jeu différent, c'est un petit peu pareil avec le dessin.
00:19:00 Donc, il y a vraiment, et en particulier, je trouve,
00:19:02 sur l'humoristique, quelque chose, une sorte de magie
00:19:05 qui va s'opérer dans des ajustements,
00:19:08 mais vraiment de micro détails,
00:19:10 pour que ça sonne juste, qu'on touche au cœur,
00:19:13 ou au contraire, parfois, c'est un petit peu raté.
00:19:16 C'est intéressant, ce mode dialogue que vous employez.
00:19:19 C'est vraiment l'impression qu'on a
00:19:21 quand on a entre les mains un livre pour enfants,
00:19:23 qu'il y a un dialogue texte-image,
00:19:25 et qu'un bon livre pour enfants, à mon sens,
00:19:28 doit faire dialoguer ces deux dimensions.
00:19:31 Laurence Le Gouen, justement, sur ce dialogue
00:19:34 entre le texte et l'image,
00:19:36 vous parliez des livres illustrés par des photographies
00:19:40 qui ont des vagues de popularité, de rejet, parfois.
00:19:44 Est-ce que vous situerez aujourd'hui
00:19:46 qu'on est à quel endroit de la vague ?
00:19:49 J'ai le sentiment que les livres illustrés par des photos,
00:19:53 aujourd'hui, sont relativement minoritaires,
00:19:56 surtout en fiction. Je ne sais pas ce que vous en pensez.
00:19:58 -Moi, j'irais qu'aujourd'hui, on est bien.
00:20:00 On a, chez les éditeurs, chez de nombreux éditeurs,
00:20:04 pas mal d'ouvrages photo-illustrés.
00:20:07 D'ailleurs, je reviens sur ce que vous disiez, cette collaboration,
00:20:10 le mot de photo-illustration,
00:20:12 c'est en un seul mot, sans tirer au milieu.
00:20:14 Je ne parle pas de livre photo-illustré,
00:20:16 c'est vraiment... Enfin, photo-illustré.
00:20:19 Livre photographique, c'est vraiment un seul mot,
00:20:21 photo-illustrature.
00:20:23 Donc...
00:20:24 Photo-littérature, pardon.
00:20:26 Est-ce qu'on est dans...
00:20:28 Non, aujourd'hui, on est bien.
00:20:31 On trouve des images, on trouve des documentaires,
00:20:33 on trouve aussi, chez les éditeurs,
00:20:36 des ouvrages de fiction illustrés par la photo.
00:20:40 Après, si vous posez la question à des éditeurs,
00:20:43 Brigitte Morel, aux grandes personnes, par exemple,
00:20:47 elle va vous dire que c'est difficile, que ça se vend pas bien,
00:20:50 qu'elle donne sa chance quand même à plein de photographes
00:20:53 et de livres photo,
00:20:55 mais que ça se vend pas si bien.
00:20:57 Et puis, il y a moins de méfiance qu'avant.
00:21:00 Dans les années 80, c'était difficile.
00:21:03 Là, maintenant, aujourd'hui, on en trouve plus facilement.
00:21:07 Après, il y a encore une méconnaissance,
00:21:09 et mon travail de chercheur,
00:21:11 c'est d'aller dans les colloques comme ça,
00:21:13 d'aller donner des conférences,
00:21:15 de présenter, de publier des articles régulièrement
00:21:19 pour faire connaître tout ce pan de la photo-littérature.
00:21:23 Mais...
00:21:25 Si, on est pas mal, aujourd'hui, par rapport à d'autres périodes.
00:21:28 Après, c'est pas l'âge d'or des années 50 non plus,
00:21:31 où là, tous les éditeurs publiaient,
00:21:33 avaient leur collection d'ouvrages photo-illustrés.
00:21:37 Et si je peux compléter...
00:21:39 Tout à l'heure, vous posiez la question à ma camarade
00:21:42 de savoir comment...
00:21:44 Enfin, le dessin d'abord ou le texte d'abord,
00:21:48 en photo-littérature,
00:21:50 on peut avoir la collaboration à quatre mains
00:21:53 pour la création d'un livre photo-illustré.
00:21:55 On peut avoir un texte qui existe d'abord,
00:21:58 et puis la photo vient illustrer le texte après coup.
00:22:03 Ou ça peut être un photographe qui confie ses images à un écrivain
00:22:07 ou à un autre écrivain, et on n'a pas du tout le même livre.
00:22:11 Je prends juste l'exemple de la photographie-là
00:22:13 dont vous avez montré une découverture tout à l'heure,
00:22:15 "Les deux petits ours".
00:22:17 Quand elle a réalisé...
00:22:19 Quand elle a réalisé "Le petit lion",
00:22:22 elle a réalisé toute une série de photos d'un petit lion
00:22:26 qu'elle élevait chez elle, aux grands dames de ses voisins.
00:22:28 Et elle a confié ses photos à Jacques Prévert,
00:22:31 ça a donné "Le petit lion".
00:22:33 Et elle a confié ses photographies à Margaret Wise Brown,
00:22:36 une autrice américaine,
00:22:37 et ça n'a pas du tout donné la même histoire.
00:22:40 Et après sa mort, on a continué à confier ses photos
00:22:43 à d'autres écrivains qui sont venus apporter un autre texte,
00:22:46 des versions différentes.
00:22:48 Donc, voilà, c'était pour expliquer le processus
00:22:52 de création d'un livre photo-illustré.
00:22:54 Oui, tout à fait. Ça pose vraiment la question aussi
00:22:56 de la diversité des interprétations
00:23:00 qu'on peut faire d'une même image.
00:23:02 Et ça vient peut-être...
00:23:05 Enfin, réajuster ce qu'on pourrait penser,
00:23:07 parce qu'on pourrait se dire que les images,
00:23:10 une photographie montre plus le réel qu'une illustration,
00:23:14 d'une certaine façon.
00:23:16 Or, c'est pas si simple.
00:23:20 Je voudrais bien connaître votre opinion là-dessus, Galia,
00:23:23 sur...
00:23:24 Dans le documentaire, par exemple,
00:23:27 c'est un genre qui, historiquement,
00:23:30 s'est retrouvé beaucoup illustré par des photographies...
00:23:34 Enfin, photo-illustrées, excusez-moi.
00:23:36 Mais, voilà, comme si, quand on n'est plus dans la fiction,
00:23:41 il fallait des photos pour représenter le réel,
00:23:45 pour parler d'enjeux réels.
00:23:47 Qu'est-ce que vous en pensez, vous,
00:23:51 dans votre pratique ?
00:23:52 En publiant principalement des documentaires,
00:23:57 dès le départ de "Kilowatt",
00:24:01 j'avais surtout à cœur de faire des documentaires
00:24:04 qui puissent justement ressembler à des albums.
00:24:07 En fait, le texte est assez narratif
00:24:11 et ils sont là, illustrés en double page,
00:24:17 pas forcément avec des petits focus,
00:24:19 mais en double page, à la manière d'album.
00:24:23 J'avais assez envie qu'on puisse lire ces documentaires
00:24:26 comme un album, en fait,
00:24:29 qu'on puisse en parler ce matin,
00:24:32 ou tout à l'heure, oui, ce matin,
00:24:34 de l'émerveillement de la fiction,
00:24:37 qu'on puisse retrouver cet enchantement,
00:24:39 l'émerveillement à travers la fiction.
00:24:41 Moi, ça a été mon cas quand j'étais jeune.
00:24:42 J'adorais lire les dictionnaires
00:24:44 et vraiment, les dictionnaires me procuraient
00:24:46 un émerveillement invraisemblable.
00:24:48 Donc, bon, chacun sa petite fixette.
00:24:51 Mais j'adorais ça.
00:24:55 J'ouvrais la page de l'encyclopédie,
00:24:57 je tombais sur un truc, ça racontait des choses insensées.
00:24:59 C'est quelque chose qui m'a émerveillée.
00:25:02 Donc, pour moi, j'avais à cœur de faire vraiment
00:25:05 du non-fiction illustré.
00:25:11 Et puis, après, je pense aussi
00:25:13 que j'avais envie de faire de l'illustration
00:25:14 plutôt que de la photographie
00:25:17 parce que ça éloignait, dans mon esprit,
00:25:19 le documentaire du parascolaire.
00:25:22 Je voulais pas aller vers des documentaires
00:25:26 qui soient associés.
00:25:28 Ils sont utilisés à l'école, je sais,
00:25:30 il y a beaucoup d'enseignants qui travaillent
00:25:31 avec ces documentaires,
00:25:32 mais je ne voulais pas qu'ils soient associés
00:25:35 à un outil scolaire
00:25:37 ni forcément...
00:25:40 Enfin, voilà, qui ait une forte plus de poésie.
00:25:45 Et en même temps, en vous écoutant,
00:25:46 je me rends compte que ça n'a absolument rien à voir.
00:25:50 Et en vous écoutant à nouveau,
00:25:51 je me dis en fait qu'il y a une méconnaissance
00:25:56 d'une méconnaissance de ce qu'est la photo-illustration,
00:25:59 qu'on pense à de la photo,
00:26:00 quand on pense au documentaire,
00:26:03 on pense à des photos qui vont déjà être faites
00:26:04 et on pense pas forcément à cette collaboration.
00:26:08 Et donc, voilà, il y a tout ça qui vient en compte,
00:26:14 ce qui ne m'a pas empêchée de publier un album
00:26:17 d'Isabelle Simon avec de la photographie.
00:26:20 Donc, finalement, c'est rentré,
00:26:22 mais je ne l'aurais pas forcément naturellement associé
00:26:25 au documentaire.
00:26:27 -Oui, c'est d'ailleurs plus...
00:26:29 J'ai pas d'image à montrer là,
00:26:30 mais c'est d'ailleurs plus une fiction,
00:26:32 cet album dont vous parlez.
00:26:33 -Oui, c'est tout à fait une fiction.
00:26:36 Et pour moi, juste pour terminer,
00:26:37 c'est qu'en fait, ces illustrations,
00:26:40 je repense à ce que racontait à nouveau le parallèle
00:26:43 avec la fiction de ce qu'évoquait Nathalie Ségeon ce matin,
00:26:47 l'illustration vient aussi parfois remplir des vides,
00:26:53 ce qui rejoint aussi ce que vient de dire Myriam
00:26:55 dans cette collaboration, dialogue, etc.
00:26:58 C'est quelque chose qu'on retrouve,
00:27:00 même quand auteurs et illustrateurs
00:27:02 ne travaillent pas ensemble,
00:27:04 c'est quelque chose qu'on peut retrouver à travers...
00:27:07 Enfin, c'est une partie de mon travail aussi,
00:27:10 de faire ça, et parfois, il y a des vides
00:27:13 qui sont remplis par l'illustration.
00:27:15 -Justement, on va rentrer peut-être un peu plus
00:27:17 dans le détail d'exemples.
00:27:19 Myriam Daman, vous l'avez là, en plus, je vais pouvoir le montrer.
00:27:23 Vous avez écrit "10 idées reçues sur le climat",
00:27:26 vous l'avez coécrit avec Charlotte Fleur Christopharie
00:27:29 et publié chez Glena.
00:27:30 Pour ce livre, vous avez travaillé
00:27:32 avec l'illustratrice Moren Poignonnec.
00:27:34 Qu'est-ce que, dans ce livre, l'illustration a permis
00:27:37 que la photographie ne pouvait pas illustrer ?
00:27:41 -Alors...
00:27:42 -On va en voir des images.
00:27:44 -Déjà, peut-être juste deux petits mots de contexte.
00:27:47 Donc, ce livre,
00:27:48 moi, c'est le seul livre de non-fiction que j'ai fait,
00:27:52 qui rejoint un petit peu mes deux univers professionnels,
00:27:55 parce que je suis autrice,
00:27:57 principalement plutôt dans l'univers du conte.
00:27:59 On va vraiment être dans la fiction.
00:28:01 Et par ailleurs, comme vous l'avez dit,
00:28:03 je travaille à l'Agence française de développement.
00:28:05 J'ai travaillé plusieurs années en tant qu'experte climat,
00:28:07 et maintenant, je suis vraiment dans la sensibilisation
00:28:09 et la transmission de connaissances
00:28:11 auprès des jeunes citoyens français.
00:28:13 Donc ça, je l'ai fait quand j'étais dans l'équipe Climat,
00:28:15 et c'était un petit peu faire se rencontrer mes deux univers.
00:28:19 Ma co-autrice, c'est ma collègue dans l'équipe Climat,
00:28:22 et notre envie, c'était de parler de changement climatique.
00:28:28 Moi, je baignais vraiment là-dedans,
00:28:30 et c'était un moment dans la société
00:28:32 où c'était un sujet qui montait,
00:28:33 où il y a eu de plus en plus de questionnements,
00:28:35 et donc, voilà, ça paraissait assez naturel
00:28:37 d'adresser le sujet dans un livre.
00:28:40 Et "Morène", par ailleurs, comme je dis,
00:28:42 je travaille souvent en amont avec mes dessinateurs,
00:28:45 mes dessinatrices. "Morène", c'était le 3e livre
00:28:47 qu'on fait ensemble. On a appris à se connaître,
00:28:49 on s'est travaillé ensemble, et je sais qu'elle avait aussi
00:28:51 une appétence très, très forte pour ce sujet,
00:28:53 que c'était quelque chose qu'elle portait
00:28:55 de manière très sincère, très engagée.
00:28:57 Donc, voilà, c'était tout ça, c'était les petites graines de départ.
00:29:01 Pourquoi l'illustration ?
00:29:03 Pour deux choses, principalement.
00:29:07 La première, c'est que...
00:29:09 J'avais mis des illustrations du livre "L'art invisible"
00:29:12 de Scott McLeod,
00:29:15 que vous avez, qui montrait ça assez bien.
00:29:18 Il avait mis en mots quelque chose que je ressentais confusément,
00:29:23 qui est qu'en fait, quand on est dans l'illustration,
00:29:26 et en particulier dans une illustration
00:29:28 qui n'est pas, on va dire, trop dans un courant réaliste,
00:29:33 il y a une forme de proximité qui s'instaure
00:29:36 avec le lecteur ou la lectrice.
00:29:39 -Ca arrive.
00:29:40 -Il y a eu un souci.
00:29:42 Parce que c'est vrai que c'est plus parlant
00:29:44 quand il y a ces petits exemples où il montre deux visages
00:29:48 et à quel point, quand on voit un visage sur une photo
00:29:53 ou sur une illustration extrêmement réaliste,
00:29:56 on voit le visage de quelqu'un d'autre,
00:29:58 on voit le visage d'un personnage.
00:30:00 Et plus on va aller vers un trait assez minimaliste,
00:30:05 assez simplifié, plus, quelque part,
00:30:07 il y a une projection et on se voit soi-même.
00:30:10 Il y a quelque chose là-dedans qui était très intéressant.
00:30:13 -Je vais y revenir. On va le faire comme ça.
00:30:17 -Oui, c'était celle d'avant.
00:30:19 Juste... Voilà.
00:30:21 Donc voilà, il explique un visage très réaliste,
00:30:25 on voit le visage de quelqu'un d'autre,
00:30:27 un visage extrêmement simpliste, là, il tire le trait,
00:30:30 en fait, on se voit soi-même.
00:30:32 Et donc il explique que c'est pour ça que lui, dans son BD,
00:30:35 il a mis ce personnage assez comique
00:30:38 parce qu'on se projette beaucoup plus facilement.
00:30:41 Alors c'est un ouvrage qui est un petit peu ancien,
00:30:43 donc il y a beaucoup d'objections,
00:30:45 notamment sur le fait que ça marche quand même mieux
00:30:48 quand on est un homme blanc, on s'identifie avec le...
00:30:51 Mais globalement, en tout cas,
00:30:52 il y a quelque chose d'intéressant là-dedans
00:30:54 sur le fait d'avoir un dessin
00:30:56 qui permet une sorte de proximité avec les lecteurs.
00:30:59 Moi, j'avais envie que c'est un livre sur le changement climatique
00:31:02 que mes lecteurs et mes lectrices se sentent concernés directement,
00:31:06 qu'ils n'aient pas l'impression que c'est quelque chose
00:31:07 qui concernait les autres, qu'ils le voient de loin,
00:31:11 mais qu'il y ait une forme d'implication assez directe.
00:31:13 Donc ça, c'est le premier plan.
00:31:15 Et le deuxième point, c'est que c'était
00:31:20 quelque chose de beaucoup plus facile pour moi
00:31:22 pour aller sur un domaine humoristique.
00:31:25 L'illustration, elle permet d'amener de la fantaisie,
00:31:29 d'amener une forme d'humour un peu absurde.
00:31:31 On parle de carottes glaciaires.
00:31:33 Bah, Morène, elle a dessiné une carotte en glace,
00:31:35 et puis on explique avec une petite astérix
00:31:36 que non, c'est pas ça, une carotte glaciaire.
00:31:39 Je fais tout un paragraphe sur les modèles climatiques, du GIEC,
00:31:43 quelque chose d'un petit peu technique.
00:31:45 Et puis, voilà, faire un petit dessin avec un ordinateur
00:31:47 qui est nourri de données sur les océans
00:31:51 et qui va faire ses grands calculs compliqués
00:31:54 avec la scientifique qui lui donne la béquille.
00:31:56 Ça permet un petit décalage qui vient apporter de la fantaisie,
00:31:59 qui vient apporter de la respiration.
00:32:01 Et c'est beaucoup plus facile à faire,
00:32:03 à mes yeux, en tout cas, en tant qu'autrice,
00:32:05 avec du dessin, parce qu'on peut aller vers quelque chose
00:32:08 qui est beaucoup plus dans l'ordre du fantastique,
00:32:11 de l'imaginaire, etc.
00:32:13 On a joué pas mal, vu le sujet,
00:32:16 sur des petits clins d'œil à l'éco-anxiété,
00:32:19 en disant, oui, bon, OK, c'est un petit peu stressant,
00:32:21 ce qu'on vous raconte,
00:32:22 mais je vais transformer tous mes auteurs climat préférés
00:32:25 en animaux mignons, et puis ça sera plus kawaii,
00:32:27 et ça passera mieux.
00:32:29 Et ça, ça permet aussi d'avoir quelque chose
00:32:32 pour rebondir sur ce que disait Galia,
00:32:34 de moins scolaire aussi,
00:32:37 d'être pas dans le registre trop sérieux,
00:32:41 d'éviter un petit peu cette confusion
00:32:44 avec quelque chose qui serait vu comme un manuel scolaire.
00:32:47 Donc c'est un petit peu ces deux gros axes
00:32:49 que j'avais envie d'explorer.
00:32:51 -Très bien.
00:32:52 Du coup, Galia Tapiero,
00:32:54 ce choix d'illustrer vos documentaires
00:32:57 par des illustrations, vous en avez déjà un peu parlé,
00:32:59 peut-être qu'on peut rentrer un peu plus dans le vif du sujet
00:33:02 avec des images, des exemples visuels qu'on pourrait voir.
00:33:05 Est-ce que vous pouvez nous dire
00:33:07 ce qui a dicté vos choix pour ces exemples-là ?
00:33:09 -Oui, en fait, je pense qu'il y a beaucoup de choses
00:33:11 qui vont rejoindre ce qu'a dit Myriam.
00:33:13 Il y a déjà une part, effectivement, d'humour,
00:33:15 mais ça, on le verra plus tard.
00:33:17 Là, c'est une illustration qui vient du livre
00:33:22 "Écrire quelle histoire ?"
00:33:24 qui a été écrit par Loïc Legall
00:33:26 et illustré par Karine Minson.
00:33:28 Là, en l'occurrence, il s'agissait de faire rentrer
00:33:33 plusieurs éléments sur les idéogrammes chinois,
00:33:37 mais de faire rentrer la tradition et la modernité,
00:33:40 la calligraphie, en même temps,
00:33:42 à travers la coupe de cheveux de la personne,
00:33:46 de pouvoir faire rentrer une certaine modernité.
00:33:49 On le voit aussi, cet aspect-là, sur l'image sur le Japon,
00:33:53 donc de pouvoir rentrer à la fois la calligraphie au Japon,
00:33:56 la partie traditionnelle, le kimono, le paravent,
00:34:02 mais aussi des figures de manga,
00:34:05 de manière à expliquer, à faire ressentir aussi
00:34:10 cette idée de la calligraphie qui est toujours en actualité,
00:34:14 qui existe, dont on peut retrouver les signes.
00:34:17 Donc, quelque chose qui est durable,
00:34:18 qui va ajouter de la couleur, de la fantaisie.
00:34:22 Et du coup, c'est quelque chose qui permet d'apporter
00:34:28 plus de notions, parfois, justement,
00:34:30 comme je le disais tout à l'heure,
00:34:31 des choses qui ne sont pas forcément dites,
00:34:33 mais qu'on a envie de faire comprendre
00:34:35 ou de donner une ambiance.
00:34:37 Juste de manière anecdotique,
00:34:40 par rapport aux deux images,
00:34:42 mais en ayant vendu les droits de ce livre en Chine,
00:34:49 par exemple,
00:34:50 l'éditeur chinois, lui, n'a pas voulu
00:34:54 que la jeune femme ait cette coupe de cheveux.
00:34:58 Il voulait absolument...
00:34:59 Ça a été une bataille assez incessante,
00:35:02 parce qu'il voulait caler le chignon traditionnel
00:35:05 de cette époque, etc.,
00:35:07 et de lui expliquer, justement, que si c'était la modernité,
00:35:10 c'était pour faire comprendre que la tradition...
00:35:13 Enfin, eux, ils l'ont vu comme quelque chose
00:35:16 qui était choquant.
00:35:18 Et puis après, voilà,
00:35:20 c'est une collection qui s'appelle "Un jour ailleurs",
00:35:24 et qui rapproche un événement historique et une fiction.
00:35:31 Et à la fin de cette fiction, il y a un documentaire.
00:35:34 Donc, on va dire plus traditionnellement,
00:35:37 l'illustration ici, dans ce documentaire,
00:35:39 permet d'alléger le documentaire,
00:35:43 de donner des illustrations, des choses précises
00:35:46 par rapport aux éléments qu'on est...
00:35:49 Quand on parle du checkpoint,
00:35:50 ça permet aussi d'avoir une illustration
00:35:52 de ce à quoi ça représente.
00:35:55 Et là, typiquement, ça revient à ce dont parlait Myriam,
00:35:59 c'est-à-dire ce petit décalage.
00:36:01 On est là sur la chute du mur de Berlin,
00:36:05 sur une famille qui a été séparée
00:36:09 et dont les grands-parents sont restés de l'autre côté.
00:36:12 Et la mère explique, à un moment donné,
00:36:17 que certains ont tenté de fuir
00:36:23 parce que la vie est très compliquée de l'autre côté,
00:36:26 et que même certains ont décidé de creuser des tunnels,
00:36:29 etc.
00:36:30 Donc, il y a un moment qui est douloureux dans cette histoire.
00:36:34 Là, on est entre l'album et le documentaire.
00:36:37 Et effectivement, ça permet ce décalage d'humour
00:36:41 de prendre au pied de la lettre quelque chose
00:36:43 qui, parfois, est un peu abstrait, un peu loin,
00:36:48 et dans le temps et dans la géographie.
00:36:52 -C'est aussi adoucir quelque chose de potentiellement violent.
00:36:54 -Là, c'est adoucir.
00:36:56 Pour moi, dans le documentaire,
00:36:58 c'était rendre plus facile, accessible, ludique,
00:37:02 quelque chose qui est de l'ordre, peut-être, du concept,
00:37:06 et pour alléger cette notion
00:37:08 et donner une autre lecture aussi de la société,
00:37:13 de l'interprétation, de la manière dont on le fait.
00:37:16 Et là, c'est effectivement pour adoucir un propos,
00:37:20 le décaler, lui donner un petit peu de couleur,
00:37:25 quand, à un moment donné, le récit va être un peu plus douloureux.
00:37:31 Et puis après, ça permet aussi, parfois, d'aborder,
00:37:33 mais je crois qu'on le voit plus tard,
00:37:35 je crois que là, dans cette série, c'est la dernière,
00:37:38 d'aborder d'autres sujets, mais on y reviendra plus tard.
00:37:41 -On reviendra dessus, effectivement.
00:37:44 Et cette question du réel, du rapport au réel,
00:37:49 donc, soit pouvoir le bouger, le modifier
00:37:54 avec des illustrations.
00:37:55 Finalement, Laurence Le Gouen,
00:37:57 est-ce que la photo-illustration
00:38:02 permet exactement la même chose par moment ?
00:38:04 C'est-à-dire, est-ce qu'on est parfois
00:38:07 dans des représentations symboliques ?
00:38:10 Est-ce que vous pouvez nous parler d'exemples ?
00:38:11 On va peut-être en voir un petit peu,
00:38:13 mais il faut que je revienne dans le PowerPoint.
00:38:15 -Est-ce que la photo, c'est forcément du réel ?
00:38:18 -Alors, je... Allez-y, dites-nous.
00:38:20 -Alors, elle a été utilisée,
00:38:23 elle a été mise au service des apprentissages.
00:38:26 Dès le début, on avait, dans les années 1880,
00:38:30 à suivre des projections de photographies
00:38:34 dans les villages, dans les écoles,
00:38:38 pour accompagner toutes les leçons de science,
00:38:40 les leçons de choses. Donc oui, c'était le réel.
00:38:42 Elle représentait ce qu'il fallait connaître.
00:38:44 Et puis, du coup, c'est ce qu'on retrouve
00:38:46 dans les premières images des années 30,
00:38:49 où les imagiers d'aujourd'hui,
00:38:53 ce sont des photographies du réel.
00:38:56 Des pommes sont des pommes.
00:38:57 Mais les photographes des années 30
00:39:03 ou les photographes d'aujourd'hui sont assez subtils,
00:39:05 et dans les imagiers d'aujourd'hui,
00:39:07 il y a des jeux entre les photos,
00:39:11 il y a des interrogations...
00:39:15 Le texte vient parfois donner une autre lecture
00:39:19 de ce qu'on croit voir sur l'image.
00:39:22 Voilà, il y a des...
00:39:25 Et voilà, Clairedet, les imageries
00:39:28 qu'on trouve aujourd'hui aux grandes personnes,
00:39:31 où la photographe joue avec les images photographiques,
00:39:36 joue avec les graphismes,
00:39:38 joue avec le texte qui va figurer sous les photos.
00:39:41 Et là, la photographie se détache du réel
00:39:45 pour laisser la place à l'imaginaire.
00:39:47 Et puis on sait aussi que la photographie,
00:39:52 elle peut être l'objet de cadrages.
00:39:57 Donc il y a des choix faits par le photographe
00:39:58 pour pas tout montrer.
00:40:00 Il y a aussi des photomontages, des photocollages,
00:40:04 beaucoup utilisés pendant les périodes de propagande.
00:40:07 Donc ce n'est pas forcément la réalité.
00:40:09 Et puis, comme je vous disais, la légende vient donner
00:40:14 à lire différemment une photographie,
00:40:16 donc on ne colle pas forcément...
00:40:21 Ce n'est pas toujours la réalité.
00:40:24 Ça, c'est intéressant, Tana O'Ban,
00:40:25 elle a publié les premiers imagiers dans les années 70.
00:40:29 Enfin, non, pas les premiers imagiers,
00:40:30 mais elle s'est intéressée
00:40:34 à la façon dont les enfants voyaient le monde,
00:40:37 les enfants américains à New York,
00:40:41 et elle a joué avec tous les graphismes
00:40:44 qu'on pouvait voir dans la rue
00:40:46 pour donner une certaine représentation de la réalité
00:40:49 et puis pour inciter les jeunes enfants
00:40:52 à regarder le monde qui les entoure.
00:40:54 Donc c'est une réalité,
00:40:56 mais une réalité qui est choisie avec des cadrages particuliers
00:41:00 de façon à donner l'accent sur un point de vue
00:41:03 ou un autre point de vue.
00:41:04 C'est une question de point de vue aussi, la photographie.
00:41:07 Ça, c'est assez drôle, c'est diplodocus,
00:41:10 on en parlait tout à l'heure,
00:41:11 le dernier ouvrage de Lucie Albon au diplodocus,
00:41:14 "Murmure", où on joue avec la photographie et les graphismes.
00:41:19 Ça, c'est une tendance très actuelle
00:41:20 où on va retrouver photos mêlées au graphisme.
00:41:23 Et pour le coup, il y a de la réalité,
00:41:26 mais une réalité qui est enrichie avec des personnages,
00:41:28 enrichie avec un texte,
00:41:30 et une certaine réalité qui est donnée à voir.
00:41:34 On est loin des premières photos
00:41:36 qui servaient à découvrir le monde
00:41:39 et à lister le monde autour de nous.
00:41:43 Ça, c'est extraordinaire.
00:41:45 C'est le grand photographe...
00:41:46 Tous mes livres sont absolument extraordinaires,
00:41:48 c'est un emballement pour la photolittérature.
00:41:50 Le grand photographe, Franck Horvat,
00:41:53 découvre Photoshop et Apple dans les années 90.
00:41:59 C'est cette période où il réalise des séries
00:42:03 qui s'appellent "Mythologie", notamment.
00:42:05 Et avec Photoshop, il se permet de créer des êtres fantastiques
00:42:11 avec des corps d'animaux et des moitié humains, moitié animaux.
00:42:15 Donc ça, c'est pour toutes ces séries photographiques.
00:42:18 Et pour les enfants, il réalise "Yahoo, le chat beauté".
00:42:22 C'est le chat beauté mais vu par Franck Horvat
00:42:24 parce que son chat s'appelle Yahoo.
00:42:26 Donc il réutilise des décors
00:42:28 qui viennent de ces séries photographiques sur les arbres
00:42:32 ou ces reportages réalisés à l'opéra,
00:42:35 ces photographies de paysans.
00:42:37 Il photographie son chat.
00:42:39 Sa fille m'a expliqué que les enfants de la famille
00:42:42 tenaient un bout de bois avec au bout un morceau de viande.
00:42:46 Et donc le chat se mettait sur ses pattes arrières.
00:42:49 Donc on photographiait le chat.
00:42:51 Après, la compagne de Franck Horvat photographiait sa compagne
00:42:55 avec un chapeau et des bottes.
00:42:57 Ensuite, avec Photoshop, on pouvait détourer les bottes,
00:43:01 détourer le chapeau, poser tout ça sur et sous le chat.
00:43:05 Et voilà, un chat qui est habillé.
00:43:06 Donc c'est pas la réalité, mais Photoshop permet tout.
00:43:08 Et donc, voilà.
00:43:12 La photographie, ce n'est pas forcément la réalité.
00:43:15 On peut faire plein de choses avec la photographie.
00:43:18 Dans les années 70, d'ailleurs,
00:43:19 on lui a reproché à la photographie dans le livre pour enfants
00:43:22 d'être trop réelle, trop brideuse d'imaginaire.
00:43:26 Et il y a plein de livres qui viennent témoigner du contraire.
00:43:28 Bien sûr. Et je crois qu'aussi...
00:43:31 Celui-là aussi, il est extraordinaire.
00:43:33 Wegman, il a publié de nombreux imagiers
00:43:38 et des réécritures et adaptations des contes traditionnels
00:43:45 avec ses chiens, le célèbre Man Ray
00:43:48 et tous les petits descendants de Man Ray.
00:43:50 Il a fait... Donc là, c'est le chaperon rouge,
00:43:53 mais il a fait aussi Cendrillon avec son chien.
00:43:56 Et tous les personnages du livre sont ses chiens
00:44:01 ou d'autres animaux.
00:44:04 Donc, ce n'est pas la réalité.
00:44:06 Non, clairement pas. Enfin, ce serait...
00:44:08 Clairement pas.
00:44:10 J'ai l'impression qu'à l'heure où on a tous de plus en plus
00:44:13 des téléphones qui nous permettent de tous prendre des photos,
00:44:16 c'est facile aussi de voir à quel point
00:44:19 on ne prend pas tous les mêmes photos
00:44:20 et aussi à quel point prendre des photos,
00:44:23 des belles photos ou des photos artistiques, en tout cas,
00:44:27 ça ne peut pas être juste ça, le réel, finalement.
00:44:31 On ne peut pas juste capturer le réel,
00:44:32 qu'il y a mille façons de le faire.
00:44:34 On n'est pas tous talentueux avec notre portable, déjà.
00:44:37 Ah ben non, loin de là, justement.
00:44:38 Et puis, encore une fois, c'est une question de cadrage,
00:44:41 c'est une question de point de vue.
00:44:43 Voilà, donc on a chacun notre bout de réalité
00:44:47 et on lira tous une photo différemment.
00:44:51 Bien sûr.
00:44:54 Et alors, depuis le début,
00:44:56 on parle de photographie et d'illustration,
00:45:00 comme si c'était deux choses différentes.
00:45:02 On comprend, en en parlant, qu'évidemment,
00:45:04 la photographie peut être une illustration,
00:45:07 la photo, illustration,
00:45:09 et que l'illustration n'est pas forcément dessinée.
00:45:13 Mais finalement, justement,
00:45:16 c'est pas forcément...
00:45:18 Les opposés n'est pas forcément la solution.
00:45:21 Et finalement, les frontières entre les deux sont très poreuses,
00:45:26 comme on a pu le voir dans les exemples que vous montrez.
00:45:28 Myriam Daman, est-ce que vous pouvez nous parler aussi
00:45:31 de ces frontières poreuses, peut-être,
00:45:33 en nous montrant l'exemple d'un projet...
00:45:35 Alors, il va falloir que j'y retourne sur "Fessin et Orphée".
00:45:38 Oui.
00:45:40 Je peux le faire directement.
00:45:41 J'avais très envie de parler sur le sujet,
00:45:42 parce que ça me paraissait pertinent,
00:45:44 du travail de Julia Sarda,
00:45:47 avec qui j'ai collaboré.
00:45:48 Donc, c'est ce livre-là.
00:45:50 On change complètement d'univers.
00:45:51 On est vraiment dans le conte, la fiction.
00:45:56 Voilà, pas du tout dans le monde réel.
00:45:59 Pour autant, et je précise que je n'ai aucun mérite
00:46:03 dans ce que je vais dire, c'est vraiment le travail
00:46:05 de Julia Sarda, l'illustreuse,
00:46:07 qui est un travail extrêmement référencé,
00:46:11 de deux façons différentes.
00:46:13 À la fois, elle est très référencée dans l'illustration elle-même,
00:46:15 puisqu'elle s'est beaucoup inspirée
00:46:17 du travail d'illustrateurs classiques russes
00:46:20 comme Yvette Bilibine, des stamps japonaises, etc.
00:46:23 Donc, elle a un petit peu toutes ces références-là.
00:46:25 Et en même temps, il y a un travail très intéressant
00:46:28 que j'ai découvert quand elle en a parlé,
00:46:31 où elle allait piocher, en fait,
00:46:32 pour un des personnages,
00:46:35 c'est une jeune fille qui vit dans la forêt toute seule.
00:46:38 Il va y avoir une rencontre avec un loup,
00:46:40 et le conte est autour de ça.
00:46:42 Elle aurait pu vraiment partir
00:46:44 sur une espèce de princesse de conte de fées,
00:46:47 très éthérée, en robe blanche, etc.
00:46:49 Et en fait, elle est allée chercher,
00:46:52 en se posant la question, "C'est quoi une femme,
00:46:54 "une vraie femme qui vivrait dans la forêt toute seule ?"
00:46:57 Et elle a trouvé l'histoire d'une écologiste,
00:47:00 biologiste, écrivaine polonaise,
00:47:02 qui s'appelle Simona Kosak,
00:47:04 qui est née au début des années 40
00:47:06 et qui a vécu 30 ans dans une petite maison
00:47:09 sans électricité, aux courantes,
00:47:12 enfin, vraiment perdue au milieu des bois.
00:47:14 Et ça a nourri énormément son travail d'illustration.
00:47:17 Donc là, j'avais mis... Là, c'est la photo d'origine.
00:47:20 Si on remonte...
00:47:22 Là, on est au stade des crayonnets,
00:47:24 donc vous voyez tout de suite à quel point elle est allée piocher,
00:47:27 même dans la composition,
00:47:29 mais aussi dans le genre d'objet qu'elle aurait chez elle,
00:47:32 avec quoi elle travaille.
00:47:34 Elle file elle-même, voilà, la laine, etc.,
00:47:38 le genre de décoration qu'elle aurait chez elle.
00:47:40 Donc elle est vraiment allée piocher dans le réel
00:47:42 pour fondre tout ça dans l'illustration.
00:47:45 Et j'avais mis ensuite l'illustration finale,
00:47:48 où là, on a eu une réflexion qui était plus...
00:47:50 Et pour le coup, c'était une demande...
00:47:53 J'ai un coauteur, donc c'était une demande de notre part
00:47:56 de voir le visage de ce personnage.
00:47:57 On trouvait qu'elle était un peu enfermée dans son coin,
00:48:00 on voyait pas son visage.
00:48:01 Donc on a demandé à changer la composition
00:48:04 et donc on s'éloigne un petit peu de la photo d'origine.
00:48:07 Mais voilà, la maison ressemble aussi énormément
00:48:10 à l'illustration qu'on avait juste avant.
00:48:12 On retrouve vraiment une ambiance.
00:48:15 Il y avait une autre photo où c'était assez marquant.
00:48:16 Je sais pas si on l'a mise, avec les biches.
00:48:21 Oui, donc là, on voit les trois.
00:48:23 Ça, c'est une des photos de Simona,
00:48:26 qui avait plus ou moins adopté une espèce de groupe de biches
00:48:31 qui la suit.
00:48:32 Et la dernière illustration du livre, c'est avec le loup.
00:48:35 On retrouve exactement la composition, l'arbre, etc.
00:48:38 Et je trouve que c'est vraiment venu nourrir le travail de Julia.
00:48:42 Et dans un registre très imaginaire,
00:48:44 vraiment de contes, de fantastiques,
00:48:46 ça donne un ancrage beaucoup plus réel.
00:48:50 On est dans quelque chose...
00:48:53 La façon dont elle va s'habiller,
00:48:54 les objets dont elle va s'entourer paraissent plus logiques,
00:48:58 parce qu'il y a cet ancrage
00:49:01 sur les choix qu'a fait une réelle femme
00:49:05 qui vivait dans ces conditions,
00:49:06 et où elle s'est basée sur les photographies.
00:49:09 Donc on voit cette frontière très poreuse
00:49:11 entre les deux modes d'expression.
00:49:15 Oui, donc c'est finalement un travail d'iconographie,
00:49:18 de documentation assez poussée
00:49:21 qui permet d'aller illustrer le réel aussi.
00:49:27 Galia, chez KiloWatt, justement,
00:49:29 les illustrations pour...
00:49:32 Pour les illustrations en forme de dessin,
00:49:35 vous permettent peut-être aussi
00:49:39 des libertés que vous n'auriez pas autrement.
00:49:42 On va regarder quelques exemples.
00:49:44 Effectivement, ça permet, sur certains sujets...
00:49:50 Moi, ça me permet de proposer
00:49:55 une plus grande liberté à la fois interprétative
00:49:58 et aussi une liberté des sujets.
00:50:01 Il s'agit là de "S'habiller",
00:50:04 qui va paraître là au mois de mars, mars-avril.
00:50:08 Et il est dans une collection qui s'appelle "Histoire II".
00:50:11 Il a été écrit et illustré par Luna Deveau.
00:50:17 Luna Deveau a fait des études d'abord de textile
00:50:21 autour de la mode,
00:50:22 puis elle a énormément voyagé
00:50:25 pour aller étudier des ateliers
00:50:28 dans différents pays,
00:50:30 Europe, Asie et Afrique,
00:50:32 voir le fonctionnement
00:50:35 avec toute une réflexion sur l'habillement par rapport au genre,
00:50:40 mais aussi toute la fabrication du vêtement
00:50:42 par rapport à l'écologie.
00:50:45 Elle m'a donc proposé ce livre dans cette collection
00:50:49 qui questionne nos comportements
00:50:51 et sur l'impact que auront nos comportements
00:50:56 sur la planète,
00:50:58 sur la manière qu'on a d'habiter le monde et de vivre ensemble.
00:51:02 Donc là, "S'habiller",
00:51:03 il ne s'agit pas uniquement du vêtement,
00:51:07 mais aussi sur ce que les habits disent de nous
00:51:10 et notre manière de vivre.
00:51:12 Et il y a donc cette page sur les sous-vêtements.
00:51:17 Et je trouve que là, pour le coup, l'illustration
00:51:19 qui permet à la fois,
00:51:22 parce qu'il y a une petite partie diachronique,
00:51:24 d'avoir ce personnage dans le fond qui est un peu historique,
00:51:30 à la fois avoir des personnages
00:51:33 de diverses origines
00:51:37 et qui sont aussi en partie dénudés.
00:51:41 C'est vrai que l'illustration
00:51:43 permet à la fois un côté un petit peu amusant
00:51:47 de cette proposition,
00:51:51 les couleurs, un choix dans les couleurs,
00:51:54 et puis une certaine mise à distance,
00:51:55 parce que c'est vrai que dès qu'on aborde un petit peu
00:51:59 la nudité, sans vêtement, forcément,
00:52:02 alors qu'on parle simplement des différentes sortes
00:52:04 de sous-vêtements et du corps,
00:52:05 mais dès qu'on se met à aborder le corps,
00:52:07 il y a quelque chose qui devient beaucoup plus compliqué
00:52:12 dans l'illustration jeunesse.
00:52:15 Là, effectivement, c'est sur ce que les vêtements
00:52:18 peuvent revendiquer...
00:52:21 Enfin, là, de manière plutôt dans nos engagements politiques.
00:52:27 Là, dans ce cas précis,
00:52:29 ça a permis de mettre plusieurs époques en parallèle
00:52:34 et de les mettre ensemble.
00:52:39 Mais je pensais, je pense que c'est, j'espère,
00:52:41 l'hiver, je dirais, après...
00:52:43 Ah non, c'était pas ça non plus.
00:52:45 Ah oui, c'était celle-là.
00:52:46 Après, on peut revenir en arrière.
00:52:47 Quand je parlais de nudité, je pensais à celle-là,
00:52:49 puisque, effectivement, dans "S'habiller",
00:52:51 il y a cette partie sur les sous-vêtements,
00:52:53 et puis il y a aussi une partie sur le naturisme,
00:52:55 sur la nudité,
00:52:56 que certaines personnes choisissent le naturisme
00:52:59 dans certains endroits, etc.
00:53:02 Bon, j'ai peu imaginé qu'en photographie,
00:53:06 ça aurait été un petit peu plus compliqué.
00:53:08 Enfin, je repense entre autres à Sarah Moon dont tu parlais.
00:53:12 J'ai un exemple très concret, en fait.
00:53:15 En ce moment, il y a une tendance...
00:53:17 Quelques éditeurs se lancent dans la réédition
00:53:19 de beaux livres photographiques des années 50, 70,
00:53:23 et j'ai eu une discussion avec un éditeur
00:53:26 qui souhaitait rééditer un ouvrage
00:53:29 dans lequel il y a une petite fille nue sur une plage.
00:53:31 On est dans les années 70,
00:53:33 il y a vraiment une photo de la petite fille nue.
00:53:36 Et l'éditrice n'a pas résolu ce problème,
00:53:38 de savoir est-ce qu'on va pouvoir rééditer le livre
00:53:41 en conservant cette photo
00:53:43 ou bien est-ce qu'on va faire disparaître la photo ?
00:53:46 C'est un vrai problème.
00:53:49 Là, on ne peut pas montrer un enfant nu dans un livre.
00:53:52 C'est ça, c'est exactement cette complication.
00:53:55 Alors, je pense que l'illustration...
00:53:57 Enfin, l'illustration de Luna
00:54:01 a permis de cacher
00:54:05 ce qu'on imaginait être nécessaire d'être caché,
00:54:08 mais de quand même parler très clairement
00:54:11 de nudité, de naturisme,
00:54:13 avec des couleurs, avec une situation,
00:54:15 un ajustement, un montage
00:54:18 qui permet d'aborder des sujets,
00:54:22 parfois, comme exactement ce rapport sur le corps.
00:54:26 Et à propos de la nudité, précédemment, dans cette collection,
00:54:29 je vais revenir tout de suite à cette...
00:54:31 Non, c'était très bien.
00:54:33 Je vais revenir dessus, mais je finissais juste
00:54:35 par rapport à ce que vient de dire Laurence
00:54:38 dans cette collection.
00:54:41 Non, laisse l'image.
00:54:42 C'était juste... Excuse-moi.
00:54:44 Non, c'était juste pour répondre.
00:54:47 Dans la collection, le titre précédent est "Surcelavé",
00:54:50 et en couverture, il y a un enfant de deux ans
00:54:54 qui est nu de dos,
00:54:55 et donc on voit une petite paire de fesses.
00:54:59 Très clairement, ça fait glousser, rigoler.
00:55:01 C'est la première chose qu'on remarque.
00:55:03 Le sujet, c'est "surcelavé",
00:55:04 mais tout le monde ne remarque que cette petite paire de fesses
00:55:07 de cet enfant de deux ans qui est vu de dos.
00:55:10 Là, c'est une image sur le travestissement,
00:55:13 parce qu'il y a une partie qui est sur le déguisement,
00:55:17 donc le déguisement par rapport au carnaval,
00:55:22 enfin, voilà, le carnaval ou un anniversaire, etc.
00:55:26 Et puis, il y a cette partie aussi sur le travestissement
00:55:32 et, effectivement, à nouveau, encore,
00:55:34 il y a une juxtaposition d'époque,
00:55:37 de genre, d'époque, etc.
00:55:41 Il me semble que là, avec l'illustration,
00:55:43 on a eu un peu plus de facilité avec le décor,
00:55:46 avec la couleur, de pouvoir, comme ça,
00:55:49 introduire ce sujet.
00:55:51 -C'est sûr que dans un livre pour enfants,
00:55:53 mettre une vraie photo de Romain ou d'homme préhistorique,
00:55:55 ça va être compliqué.
00:55:56 -C'est un peu compliqué, mais...
00:55:58 -Même par rapport au travestissement,
00:55:59 je pense qu'il y a quand même un peu plus de distance
00:56:03 ou d'acceptation.
00:56:04 Je ne veux pas dire que ça pose problème aux enfants,
00:56:05 mais il y a beaucoup de parents et d'enseignants
00:56:07 à qui ça va peut-être poser des questions, en tout cas.
00:56:12 Donc, voilà.
00:56:13 Et puis, et après, ça permet pour moi aussi,
00:56:18 toujours dans ce livre, juste celle d'avant,
00:56:22 une plus grande facilité par rapport au concept,
00:56:24 mais là, on retrouve un peu l'idée
00:56:25 qu'il y avait dans "Écrire quelle histoire",
00:56:27 c'est-à-dire que là, on est sur la pollution,
00:56:28 le vêtement, la pollution,
00:56:30 et ça permet d'expliquer, d'imager des concepts
00:56:35 qui sont peut-être un petit peu compliqués,
00:56:37 qui abordent des choses plus globales
00:56:41 et qui, du coup, sont un peu plus abstraites pour les enfants.
00:56:44 Donc, ça rend quelque chose de très...
00:56:48 Ça matérialise, d'une certaine manière, cette illustration.
00:56:53 Et puis, ça permet aussi une vision de l'ailleurs,
00:56:57 parce que cette...
00:57:00 Une image de l'ailleurs avec, malgré tout, sa fantaisie,
00:57:05 parce qu'il y a effectivement, à Budapest
00:57:09 ou dans certains pays du Nord, cette géothermie.
00:57:14 Il s'agit, entre autres, de géothermie.
00:57:16 Et en même temps, il y a des personnages
00:57:18 qui viennent rajouter, à droite, à gauche,
00:57:20 qui vont rajouter cette fantaisie
00:57:22 et qui n'est évidemment pas de l'ordre de l'imagination.
00:57:27 Là, à nouveau, c'est sur un prochain titre
00:57:30 qui va porter sur les frontières,
00:57:33 sujet quand même haut complexe
00:57:35 qui va sortir d'ici quelques mois.
00:57:38 On est en train de travailler sur la maquette.
00:57:41 Et là, on est vraiment aussi sur parfois des sujets
00:57:43 qui sont un petit peu compliqués,
00:57:45 comme les règles de frontières en mer, les distances, etc.
00:57:49 On aurait pu aussi bien partir pour des plus grands
00:57:52 sur quelque chose comme de l'infographie,
00:57:54 mais l'illustration permet de donner une information
00:57:59 qui est à la fois très claire
00:58:01 et à la fois très colorée, plus séduisante.
00:58:05 Et même si on n'a pas envie de lire dans son intégralité le texte,
00:58:09 on a quand même déjà une information
00:58:12 qui vient compléter à travers l'illustration.
00:58:16 -Un peu le même emploi qu'on aurait dans...
00:58:17 -Exactement. C'est pour ça que je rejoins tout à fait
00:58:20 ce que disait Myriam par rapport à ça.
00:58:24 Là, c'était plus un exemple.
00:58:26 Je pense que l'image est en RVB
00:58:28 parce que ce ne sont pas du tout les bonnes couleurs.
00:58:30 (Rires)
00:58:33 Mais ce n'est pas grave, c'est de ma faute.
00:58:35 J'ai dû donner la mauvaise photo.
00:58:37 Là, c'est par rapport à tout ce qui était inclusion, genre, etc.
00:58:42 Inclusion, genre, enfin, voilà.
00:58:43 C'était aussi montrer cette liberté,
00:58:48 en fait, d'une facilité que peut donner l'illustration.
00:58:54 -Oui.
00:58:55 C'est vrai qu'on voit une grande diversité d'images
00:58:58 et une grande diversité d'emplois de ces images.
00:59:01 Là, ce que Galia vous dit, c'est qu'il y a cette possibilité
00:59:03 de faire coexister des choses qui, dans la réalité,
00:59:06 ne coexistent pas, mais que dans un documentaire,
00:59:10 c'est aussi rendre accessible des concepts
00:59:12 qui sont parfois complexes.
00:59:14 Après, la vraie question peut-être qu'on se pose,
00:59:17 vu que le sujet de la table ronde,
00:59:19 c'est quelles images on donne à voir aux enfants,
00:59:20 c'est les enfants, dans tout ça.
00:59:22 Comment est-ce qu'ils reçoivent les photos,
00:59:26 les dessins, la photo-illustration, les illustrations dessinées ?
00:59:31 Et est-ce qu'au final, pour eux, c'est si important, ce choix-là ?
00:59:35 Est-ce que... Laurence, je vous vois acquiescer.
00:59:37 Qu'est-ce que vous en pensez ?
00:59:38 -Oui, j'ai une réponse scientifique à apporter.
00:59:40 -Alors, je vais la livrer tout de suite.
00:59:44 -Quand je faisais mes recherches de thèse,
00:59:46 on a fait réaliser un test à Rennes, dans une école de Rennes,
00:59:49 en compagnie du laboratoire Lustig.
00:59:51 Ça tombait bien, c'était pour des enfants.
00:59:53 Et donc, on a écrit une histoire
00:59:55 qu'on a fait illustrer simultanément
00:59:57 par des graphismes et par la photographie.
01:00:00 Et on a donné, mais vraiment avec un matériel scientifique,
01:00:03 de mesures de lecture, c'était sur tablette,
01:00:06 de lecture, de voir comment l'enfant tournait les pages,
01:00:09 combien de temps il passait sur les illustrations,
01:00:11 sur le texte, etc.
01:00:13 Et les résultats ont montré
01:00:15 que les enfants aiment autant les dessins que la photographie,
01:00:21 pour des raisons différentes, mais ils aiment autant.
01:00:24 Et que finalement, le problème de la photo
01:00:26 dans le livre pour enfants vient des prescripteurs
01:00:28 et des passeurs de livres.
01:00:30 Mais les enfants aiment la photo dans le livre.
01:00:33 -Est-ce que... Oui, Galia ?
01:00:35 -Je voulais juste rajouter,
01:00:36 je pense qu'après, c'est aussi des questions de mode.
01:00:39 Peut-être qu'en ce moment, on est dans une mode plus d'illustration,
01:00:41 que la photographie revient.
01:00:43 Et puis, un dernier, peut-être, élément,
01:00:46 et on en a parlé tout à l'heure,
01:00:49 c'est à vérifier, mais faire un livre de photos,
01:00:53 ça a un coût.
01:00:54 En fait, là, c'est l'éditrice ou l'entrepreneuse qui part.
01:01:00 C'est-à-dire qu'il y a un prix, pas seulement du photographe,
01:01:03 mais de la photographure, de la mise en place de la photo,
01:01:08 d'autant plus si on voulait de la photo couleur.
01:01:11 Là, il y a beaucoup de photos noires et blancs.
01:01:14 Et je pense que ça a un coût énorme.
01:01:15 Alors peut-être que maintenant, avec Photoshop et avec tout ça,
01:01:19 c'est quelque chose qui...
01:01:21 Je reviendrai sur cette notion de coût,
01:01:23 mais je pense que ça aussi, c'est un facteur qui entre en compte.
01:01:28 -Mais vous parliez en même temps de cette mode plutôt récente
01:01:31 de faire coexister aussi la photographie et le dessin
01:01:34 dans des mêmes images.
01:01:36 Peut-être que c'est la réponse à notre question.
01:01:38 C'est que finalement, tout ça est très mouvant.
01:01:42 Donc c'est pas plus mal, finalement.
01:01:44 -Tout à fait, c'est bien qu'ils se rejoignent
01:01:45 et qu'on les classe plus, chacune de leur côté,
01:01:48 puisque les enfants aiment autant le dessin que la photo.
01:01:51 -Oui, c'est pas surprenant.
01:01:52 Je pense que ce qui est intéressant,
01:01:54 c'est la richesse de ce qu'il aurait proposé.
01:01:55 Peut-être, Myriam, je sais pas si vous êtes d'accord.
01:01:58 -Ah oui, complètement.
01:01:59 Sur la cohabitation photo et image,
01:02:03 enfin, photographie, sur lesquelles on redessine des choses,
01:02:06 moi, ça me fait penser...
01:02:08 J'ai vu des actions de plaidoyers,
01:02:11 notamment de l'ONG Action contre la faim,
01:02:14 qui avait fait ça,
01:02:16 qui communiquent à la fois en bande dessinée,
01:02:19 enfin, en photographie,
01:02:20 et puis ils avaient toute une campagne
01:02:22 où c'était des photos,
01:02:24 comme des cases de BD, mais sur les réseaux sociaux,
01:02:26 et avec des personnages qui étaient dessinés
01:02:28 au sein de ces photographies-là.
01:02:30 Donc je pense que c'est quelque chose qui est très vivant
01:02:32 et qui est employé de multiples façons,
01:02:34 y compris aujourd'hui avec les outils comme Instagram, etc.
01:02:38 Ça revient aussi comme un outil de sensibilisation
01:02:43 de beaucoup d'associations et d'ONG.
01:02:46 -Et on sait pas encore de quoi seront faites les images de demain,
01:02:49 donc c'est plein de promesses, s'il faut refléter.
01:02:52 Merci beaucoup.
01:02:54 On va prendre un petit temps pour les questions du public.
01:02:58 (Applaudissements)
01:03:00 (...)
01:03:05 Si vous avez des questions.
01:03:07 On en a une ici, une là-haut.
01:03:11 Alors, la première qui a le micro pourra poser sa question.
01:03:16 -Merci. C'est là-haut.
01:03:18 Donc l'image, c'est la porte d'entrée privilégiée
01:03:24 pour l'enfant dans le livre.
01:03:27 On dit communément lire un texte, regarder une image.
01:03:32 On dit moins lire une image.
01:03:35 Et comment vous expliquez ce déficit en pédagogie
01:03:40 et à la lecture de l'image ?
01:03:42 (...)
01:03:49 -La réflexion est longue. Je l'ai pas.
01:03:52 Comme vous le disiez dans ma présentation tout à l'heure,
01:03:56 je suis aussi professeure de lettres
01:03:59 et je m'efforce de lutter contre cette ignorance
01:04:04 par rapport à l'image, à la lecture de l'image,
01:04:07 en utilisant le plus possible de photographies
01:04:11 aussi pour accompagner mon propos,
01:04:13 pour parler de l'histoire de la photographie.
01:04:17 Voilà. Je pense qu'il y a eu des campagnes pendant un temps
01:04:22 pour faire découvrir...
01:04:25 Enfin, des classes photo aussi.
01:04:27 Jack Lang avait lancé ça, mais je sais plus comment s'appelait
01:04:32 cette campagne, pour faire redécouvrir la photo
01:04:35 dans les écoles. Je crois qu'elles souffrent pas mal de déficit.
01:04:38 Je pense que les enseignants sont pas formés non plus
01:04:40 à la lecture de la photo.
01:04:42 Ca fait pas partie de leur cursus.
01:04:44 Moi, si j'en parle dans mes classes,
01:04:45 c'est aussi parce que j'ai cette connaissance
01:04:48 via ma recherche universitaire.
01:04:50 Je sais pas à qui je parle, mais...
01:04:53 Et donc, voilà, je crois que c'est à chaque enseignant,
01:04:56 s'il a un peu de goût pour l'image aussi,
01:04:59 de transmettre cela,
01:05:02 mais on n'est pas formés pour en tant qu'enseignant.
01:05:05 Et voilà, on fait ce qu'on peut.
01:05:07 -C'est un apprentissage.
01:05:08 -C'est une expérience que de lire l'image,
01:05:11 de savoir lire l'image, de pouvoir la décoder.
01:05:14 Comme disait Laurence, je pense qu'effectivement,
01:05:16 les enseignants ne sont pas formés pour,
01:05:20 que ce soit la photo ou l'illustration,
01:05:21 l'image en général.
01:05:23 -Oui, finalement, c'est très bien
01:05:29 que ma question vienne après celle-ci,
01:05:31 puisque je reste aussi sur la question de la réception.
01:05:35 Effectivement, quelles sont les clés qu'on peut donner
01:05:38 aux enseignants, à l'enfant, pour lui apprendre
01:05:40 à décoder ses images, à les lire,
01:05:42 à les intégrer dans sa compréhension
01:05:44 du texte ou de l'histoire ?
01:05:46 -Ça réfléchit.
01:05:54 -En fait, je...
01:05:55 Enfin...
01:05:57 Je cherche la personne qui était en train de poser la question.
01:06:00 Voilà, c'était ça.
01:06:02 Je pense qu'on peut lui donner des clés,
01:06:04 mais moi, il me semble que les enfants...
01:06:07 En tout cas, par rapport auxquels je m'adresse,
01:06:10 qui ont déjà 7, 8 ans,
01:06:12 ils ont déjà ces clés.
01:06:14 Moi, j'ai l'impression qu'ils ont un sens de l'observation
01:06:18 qui est parfois bien plus aigu que le nôtre,
01:06:22 et ils sont en capacité, parfois,
01:06:25 de comprendre ces images.
01:06:29 Je ne sais pas si c'est une question de clé.
01:06:31 Parfois, les images qu'on voit ne correspondent pas
01:06:34 aux images mentales que nous avons, nous, en tant que lecteurs,
01:06:38 par rapport à une représentation.
01:06:39 Là, je parle dans le cas de documentaire,
01:06:41 pas d'album.
01:06:43 Mais...
01:06:44 Je pense qu'ils ont ces clés.
01:06:47 C'est à force de voir des images
01:06:50 et de cette expérience et de porter leur attention.
01:06:53 Mais eux, naturellement...
01:06:55 Je pense que les enfants, naturellement,
01:06:56 leur attention va vers les images plus que vers le texte.
01:07:00 -Si je peux peut-être compléter,
01:07:02 avec mon expérience personnelle de rencontres dans les classes,
01:07:06 puisque, en tant qu'autrice, on est amené souvent
01:07:09 à faire des rencontres scolaires en marge des salons du livre
01:07:12 ou avec les médiathèques, etc.
01:07:15 Et c'est des choses que j'ai déjà faites,
01:07:17 moi, sur le volet texte,
01:07:18 mais aussi, parfois, accompagnées par l'illustratrice ou l'illustrateur.
01:07:22 Et j'ai l'impression que ce travail de raconter
01:07:25 un petit peu la construction,
01:07:27 un petit peu comme ce que j'ai essayé de faire là,
01:07:30 moi, je vais le faire sur le volet texte,
01:07:31 c'est-à-dire que je vais dire, voilà comment j'ai construit mon intrigue,
01:07:35 voilà pourquoi il se passe ça à tel moment.
01:07:37 Ce personnage-là, son prénom, il a une étymologie.
01:07:41 J'ai fait des recherches,
01:07:42 je voulais qu'il y ait une signification cachée.
01:07:43 Et peut-être que vous ne le savez pas, mais c'est pas grave,
01:07:45 parce que moi, je l'ai mis,
01:07:46 et mes collègues, illustrateurs, illustratrices,
01:07:48 vont faire le même travail de décortiquage,
01:07:52 de dire, alors voilà pourquoi j'ai choisi cette palette de couleurs.
01:07:55 Voilà mes croquis, comment mon personnage, il a évolué,
01:07:58 comment il s'est construit pour arriver à ça,
01:08:00 et c'est quoi ce qui a motivé mes différents choix
01:08:03 sur ma palette de personnages.
01:08:06 Voilà les questions que je me suis posées sur la diversité,
01:08:08 sur est-ce que c'était des filles, des garçons, etc.,
01:08:11 sur la façon dont on fait une composition,
01:08:13 comment l'image, elle est lisible ou pas lisible,
01:08:15 de montrer aussi les différentes étapes.
01:08:17 Donc ce que j'avais fait là avec les crayonnés,
01:08:20 et puis qu'est-ce qu'on a décidé de changer
01:08:21 ou de ne pas changer pour l'étape finale.
01:08:23 Donc je pense que ce travail de médiation par les créateurs d'images
01:08:29 peut aider à transmettre
01:08:31 toutes ces micro-choix invisibles aux enfants
01:08:36 pour qu'ils comprennent la complexité
01:08:38 de tout ce qui peut être mis dans des images
01:08:41 et qu'on ne voit pas forcément au premier abord.
01:08:43 -Il y a une chose aussi, je vais encore parler en tant que professeure,
01:08:47 mais au collège, notamment, ou au lycée,
01:08:50 on leur apprend aussi à se méfier des fake news,
01:08:53 aussi à la fois dans les discours, mais à la fois dans les photos.
01:08:56 On leur montre que deux légendes peuvent être collées à une photo
01:09:00 et puis là, on leur montre aussi que l'intelligence artificielle
01:09:03 peut créer des photos qui ne sont pour le coup
01:09:04 pas du tout la réalité
01:09:06 et qu'il faut qu'ils apprennent à s'en méfier.
01:09:08 Donc ça, ça fait partie aussi des apprentissages
01:09:10 pour la lecture de l'image.
01:09:11 Méfiez-vous, tout n'est pas vrai,
01:09:14 il y a des interprétations possibles.
01:09:17 -Est-ce qu'il y a d'autres questions ?
01:09:26 J'en vois une.
01:09:27 Le micro arrive.
01:09:29 -Bonjour, merci pour cette table ronde très intéressante.
01:09:36 Moi, j'aime beaucoup la photo et je découvre cet après-midi
01:09:38 ce champ disciplinaire de la photo-illustration.
01:09:42 Et je réalise...
01:09:43 -Je vais corriger, c'est la photo-littérature.
01:09:47 La photo n'est pas qu'illustration, c'est photo-littérature.
01:09:50 J'ai dû bugger un moment et donc il faut dire que c'est photo-littérature.
01:09:53 -OK, très bien.
01:09:54 -Et du coup, je prends conscience, effectivement,
01:09:56 que dans les livres jeunesse que je rencontre,
01:09:58 j'avais jamais remarqué, effectivement,
01:10:00 que la photo était parfois si peu présente.
01:10:04 Et je me demandais aussi,
01:10:06 est-ce que la photo ne permet pas...
01:10:11 Enfin, comment dire ?
01:10:12 Que finalement, la frontière de catégorisation d'ouvrages,
01:10:15 jeunesse, pas jeunesse, etc.,
01:10:17 elle permet pas d'affranchir ça parce que, par exemple,
01:10:20 moi, je partage des livres entièrement photos,
01:10:23 très narratifs,
01:10:25 où il n'y a pas de texte, avec mes enfants de 2, 3 ans,
01:10:27 alors que c'est peut-être des ouvrages plus adultes.
01:10:31 Et il y a assez peu d'autres ouvrages
01:10:35 où on partage autant dès la toute petite enfance.
01:10:39 Par exemple, en ce moment, on regarde des livres de Charles Frégez
01:10:42 et on se raconte plein d'histoires autour de ça,
01:10:45 et des tout-petits.
01:10:47 Et cette photo, je trouve qu'elle permet de s'affranchir
01:10:51 un peu de cette frontière aussi
01:10:52 entre livre jeunesse, pas jeunesse, etc.
01:10:54 -Et livres photographiques pour enfants
01:10:56 ou livres photographiques pour adultes.
01:10:59 Dans le cadre de mes recherches,
01:11:00 je mène de nombreuses interviews auprès des photographes
01:11:03 ou auprès d'instituts
01:11:06 qui valorisent la photographie auprès des enfants.
01:11:10 J'ai interviewé dernièrement
01:11:13 la responsable du service pédagogique de l'Institut
01:11:16 de la Photographie à Lille.
01:11:18 Et il y a dans cet institut des ateliers
01:11:21 pour amener les enfants à découvrir la photographie.
01:11:24 Et ils ne passent pas du tout par des livres photo pour enfants.
01:11:27 Ils se servent de leur fond de livres photographiques
01:11:32 pour faire découvrir la photo,
01:11:34 provoquer l'émergence du langage
01:11:39 et provoquer un débat entre tous les enfants
01:11:41 qui sont sensibles à un point de la photo
01:11:45 parce que ça répond à leur histoire
01:11:46 ou à une thématique qui les intéresse.
01:11:48 Ils ne sont pas forcément des photographes pour enfants.
01:11:50 Charles Frégez est un excellent exemple.
01:11:54 Donc voilà, il y a des pratiques dans les instituts
01:11:56 qui montrent qu'on peut passer par les livres soi-disant pour adultes
01:12:00 pour faire passer la photo aux enfants.
01:12:03 L'enfant est sensible à ce qu'il voit
01:12:04 et il va être touché par ce qui le concerne,
01:12:07 par ce qui l'intrigue, par ce qui l'émeut,
01:12:09 par différentes choses.
01:12:11 Les différentes photos peuvent l'intéresser,
01:12:15 pas spécialement de la photo faite pour lui.
01:12:17 Et bien souvent, d'ailleurs, il y a des photographes
01:12:20 qui utilisent leurs photos dans des livres pour enfants.
01:12:22 Enfin, c'était pas destiné de base
01:12:24 à figurer dans un livre photo pour enfants.
01:12:26 Et le texte ou la sélection de photos,
01:12:30 le montage qui va être fait, la maquette autour
01:12:33 vont faire un livre pour enfants,
01:12:34 mais de base, les photos étaient pas du tout prises
01:12:36 pour faire un livre photo pour enfants.
01:12:38 J'ai de nombreux exemples en tête,
01:12:41 dont Doano, dont Ergilando,
01:12:44 qui, avec leur reportage,
01:12:46 soit pour la transhumance de Doano
01:12:48 ou en Mongolie pour Ergilando,
01:12:50 ont fait des livres photos pour enfants,
01:12:52 ensuite, en adaptant un texte.
01:12:54 Mais là, je m'écarte un peu de votre question de base.
01:12:56 La question, oui, c'était...
01:13:00 On peut montrer des photos soi-disant pour adultes
01:13:02 à des enfants et les émouvoir, les faire parler.
01:13:09 Je crois qu'il y a une autre question.
01:13:11 Juste là.
01:13:12 Oui, merci.
01:13:19 Justement, pour répondre sur la question
01:13:22 de l'éducation à l'image,
01:13:23 et en pensant aux tables rondelles
01:13:26 autour des démarches participatives
01:13:29 et des co-créations qui incluent des enfants,
01:13:31 je me demandais...
01:13:33 Enfin, je sais qu'il y a des livres
01:13:35 qui visent justement à l'éducation à l'image
01:13:37 ou des démarches d'éducation à l'image
01:13:38 qui, justement, sont participatives,
01:13:40 mais en sortent du champ, du coup, de la photolittérature.
01:13:43 Est-ce qu'à votre connaissance,
01:13:45 il y a des livres de photolittérature, par exemple,
01:13:48 qui ont...
01:13:49 Dans lesquels, il y a...
01:13:51 Enfin, qui sont issus de démarches participatives
01:13:54 où les enfants ont pris part à la fabrication ?
01:13:57 Oui, il y a eu...
01:14:00 Vous retrouverez sur mon site, qui s'appelle Miniflit,
01:14:02 consacré à la photolittérature jeunesse,
01:14:04 plusieurs interviews de...
01:14:05 Je fais de l'autopromo, là.
01:14:07 Plusieurs interviews d'instituts
01:14:09 dans lesquelles on a...
01:14:13 fait collaborer des enfants avec un photographe
01:14:15 pour créer des livres...
01:14:17 des livres...
01:14:19 Ah oui, des livres photolittéraires, en fait.
01:14:24 Donc ça existe, mais j'ai plus le nom en tête.
01:14:27 J'ai plus le nom en tête, c'est pour ça que je me réfère à mon site.
01:14:30 Je peux vous les retrouver...
01:14:32 -Merci. -Et vous donner l'information après.
01:14:35 -Merci.
01:14:36 -Merci.
01:14:37 -Merci.
01:14:38 -Merci.
01:14:39 -Merci.
01:14:41 -Merci.
01:14:42 -Merci.
01:14:43 -Merci.
01:14:44 -Merci.
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01:18:22 -Merci.
01:18:23 -Merci.
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01:18:26 -Merci.
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