• il y a 6 mois
Créer des mondes imaginaires que les enfants s’approprient pour jouer et rêver : tout un programme ! Des créateurs et des spécialistes de mondes inventés partagent les secrets d’une telle responsabilité : Embarquer les plus jeunes dans leurs univers fantastiques, et produire des codes culturels chez les adultes en devenir.
Avec :Vincent Patar & Stéphane Aubier, auteurs de dessins animés 
Stépahne Aubier et Vincent Patar sont diplômés avec Grande Distinction de l’Ecole Nationale Supérieure des Arts Visuels de la Cambre à Bruxelles en 1991 en atelier de Cinéma d’animation. Après l’école, ils réalisent trois courts métrages 2D mettant en scène des personnages contrastés à savoir : « pic pic le cochon magik » (un cochon super héros) et « André le mauvais cheval » (un cheval anarchiste).  Puis ils réalisent en 2002 Panique au village, court puis long métrage, sélection officielle hors compétition au festival de Cannes 2009, nominé dans la catégorie meilleur film étranger au Césars 2010. En 2012, Ernest et Célestine, d’après les livres de Gabriele Vincent qu’ils co-réalisent avec Benjamin Renner, récompensé d’un César 2013 meilleur film d’animation. En 2013, retour de Cowboy et Indien pour un spécial TV Panique au Village, La bûche de noël. En 2016, les stop motion La rentrée des classes, puis Le bruit du gris et en 2019 La foire agricoleMagali Le Huche, autrice et illustratrice
Magali Le Huche, après la faculté d’arts plastiques, puis l’atelier de Sèvres, a été formée aux Arts Décoratifs de Strasbourg. Elle y a notamment suivi l'enseignement de Claude Lapointe. Avec d’autres anciennes élèves de cette école, elle a fondé l’association « Ô Mazette ». Par ce biais, elle organise des expositions et des ateliers pour enfants. Edwige Chirouter, professeure en philosophie et en sciences de l'éducation  
Edwige Chirouter est professeure des universités en philosophie et sciences de l'éducation. Elle est titulaire de la Chaire UNESCO/Université de Nantes : "Pratiques de la philo

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Transcription
00:00:00 Gauther, Magali Leuch, Julia Thévenot, Vincent Patard et Stéphane Aubier.
00:00:04 (...)
00:00:14 Installez-vous.
00:00:15 (...)
00:00:18 Je suis pas sûre qu'on le voit.
00:00:20 (...)
00:00:21 Oui.
00:00:22 (...)
00:00:39 On va attendre...
00:00:41 (...)
00:00:43 une minute.
00:00:44 (...)
00:00:46 L'arrivée de Vincent Patard et Stéphane Aubier,
00:00:47 qui sont les pauvres obligés de faire tout le tour de la salle.
00:00:52 Si vous avez de l'eau, n'hésitez pas à vous servir.
00:00:54 (...)
00:01:07 C'est bon.
00:01:08 (...)
00:01:13 Je vais avoir un autre verre.
00:01:15 (...)
00:01:21 Bonjour.
00:01:22 (...)
00:01:27 Bonjour à tous.
00:01:28 On est nombreux sur cette table ronde.
00:01:32 Il va peut-être y avoir des petites frustrations,
00:01:33 parce que le temps est compté,
00:01:35 mais on va essayer de tous parler ensemble
00:01:37 des mondes imaginaires,
00:01:38 ce qui est un sujet extrêmement vaste.
00:01:41 Merci, Margot.
00:01:42 (...)
00:01:44 Je vais vous présenter brièvement chacun votre tour.
00:01:47 Edwige Chirouter, bonjour.
00:01:50 Vous êtes professeure des universités en philosophie
00:01:52 et sciences de l'éducation
00:01:54 et titulaire de la chaire UNESCO-Université de Nantes.
00:01:57 Vous faites philosopher les enfants partout dans le monde,
00:02:00 en France particulièrement, mais aussi à l'étranger,
00:02:03 et vous appuyez souvent sur la littérature jeunesse pour cela.
00:02:08 Magali Leuch, bonjour.
00:02:11 Vous êtes autrice, illustratrice,
00:02:13 parfois autrice-illustratrice.
00:02:15 Vous avez publié des dizaines, peut-être même des centaines,
00:02:19 une centaine, j'imagine, déjà, de livres pour enfants.
00:02:23 Donc des albums pour les tout-petits
00:02:25 allant jusqu'au BD pour les grands,
00:02:29 tous les âges représentés.
00:02:31 Il y a un petit bruit,
00:02:32 je me demande si c'est ma boucle d'oreille.
00:02:34 C'est ma boucle d'oreille.
00:02:35 Alors je prends une seconde.
00:02:37 C'est bon.
00:02:48 Excusez-moi.
00:02:49 Donc ceux et celles qui interagissent souvent avec des enfants
00:02:54 ne peuvent pas ne pas connaître le travail de Magali Leuch.
00:02:56 Vous avez forcément déjà lu des Paco à vos enfants petits
00:03:00 ou des Jean-Michel Le Caribou.
00:03:02 Vous avez peut-être vu passer son livre "La tribu qui pue",
00:03:06 ses adaptations BD de Vertes, Pommes, Mauves,
00:03:10 ou récemment "Les petites reines", votre BD
00:03:14 qui a eu d'ailleurs un prix très récemment
00:03:16 au Festival BD d'Angoulême, bravo.
00:03:18 Voilà, donc bonjour Magali Leuch.
00:03:21 Julia Thévenot,
00:03:22 vous êtes une grande passionnée de littérature jeunesse.
00:03:25 Vous aussi, comme Magali Leuch, vous avez plusieurs casquettes
00:03:27 puisque vous êtes éditrice et autrice.
00:03:30 Je dis éditrice en premier,
00:03:31 mais peut-être que c'est autrice qu'il faut dire en premier,
00:03:34 je ne sais pas, on ne va peut-être pas faire de classement.
00:03:37 Vous êtes éditrice chez Sard-Bacane,
00:03:39 où vous publiez des romans pour les grands enfants, les adolescents.
00:03:43 Et vous êtes autrice depuis quelques années
00:03:45 avec "Bord de terre", "Lettre à toi qui m'aime"
00:03:48 et plus récemment votre dernier ouvrage "Mille pertuits"
00:03:50 qui est paru chez Gallimard en 2023.
00:03:52 Vincent Patard et Stéphane Aubier,
00:03:56 vous vous êtes rencontrés à l'école supérieure
00:03:58 des arts de Saint-Luc en Belgique
00:04:02 et vous partagez pour le coup une casquette pour deux.
00:04:06 Il y a plein d'histoires de casquettes ici.
00:04:07 Vous, c'est une casquette d'auteur et réalisateur,
00:04:10 enfin non, deux casquettes pour deux,
00:04:12 auteur et réalisateur de films d'animation.
00:04:14 Vous avez réalisé ensemble "Panique au village",
00:04:17 qui était d'abord un court puis un long métrage,
00:04:20 l'histoire de trois personnages, cow-boy, indien et cheval.
00:04:24 Vous avez également réalisé des adaptations en films de livres jeunesse,
00:04:28 parmi eux "Ernest et Célestine" ou encore "Chien pourri".
00:04:31 Vous utilisez des techniques diverses,
00:04:34 allant du dessin animé au stop-motion,
00:04:36 en passant par le papier découpé.
00:04:38 Vous faites des films à destination d'un public
00:04:40 qu'on pourrait qualifier de familial.
00:04:42 Voilà, donc bonjour à tous.
00:04:45 C'était un peu long, mais vous êtes nombreux.
00:04:46 Il y a des micros que vous pouvez vous partager,
00:04:48 vous tendre au fur et à mesure.
00:04:51 Alors, je vais d'abord m'adresser ici à ceux qui sont des auteurs,
00:04:55 ceux et celles qui sont des auteurs, des créateurs.
00:04:58 Donc, Magali, Leuch, Julia Thévenot, Vincent Patard et Stéphane Aubier.
00:05:02 C'est une question qui est commune pour vous quatre.
00:05:05 Vous êtes tous auteurs de fictions,
00:05:08 des fictions très différentes, sur des supports extrêmement différents,
00:05:12 mais qui, néanmoins, nous embarquent toujours
00:05:15 dans des mondes imaginaires
00:05:17 et qui s'adressent, pas forcément de façon exclusive,
00:05:21 mais souvent à un public d'enfants.
00:05:24 Est-ce que vous pensez à eux, les enfants,
00:05:26 au moment où vous créez ?
00:05:28 Je ne sais pas qui veut commencer.
00:05:30 On pense d'abord...
00:05:35 Oui et non.
00:05:38 Oui, on pense qu'on doit s'adresser aux enfants.
00:05:41 On ne faisait pas tellement attention.
00:05:43 Au début, on faisait pas tellement attention.
00:05:45 On faisait des histoires qui nous faisaient marrer
00:05:47 et qu'on espérait qu'elles amusent les gens autour de nous.
00:05:50 Mais la priorité, ce n'était pas vraiment de parler aux enfants.
00:05:54 C'est un peu venu par la suite.
00:05:56 On s'est dit que si on veut continuer à faire des films d'animation,
00:05:59 il faut qu'on s'adresse...
00:06:01 Juste parce que pour les télévisions,
00:06:03 les films d'animation, c'est principalement pour la jeunesse.
00:06:06 Donc, oui, on s'est légèrement adapté en se disant
00:06:09 qu'on peut comprendre et adhérer à notre univers.
00:06:13 C'est un petit peu comme ça que ça a commencé.
00:06:16 Mais je crois qu'on n'a pas trop forcé la chose.
00:06:20 Ils sont là quelque part.
00:06:22 Oui, mais probablement plus maintenant
00:06:25 qu'on a travaillé justement avec Jean Regnaud
00:06:28 sur l'adaptation de "Chien pourri"
00:06:31 et de "Ernest et Célestine" aussi avec Benjamin Rennet.
00:06:35 Je pense que ça nous a aidés à canaliser
00:06:39 plus vers le monde enfantin
00:06:42 que ce qu'on faisait avant.
00:06:45 Ça nous a aidés aussi le fait de travailler
00:06:47 avec d'autres personnes et d'autres univers
00:06:50 qui ne nous appartenaient pas à la base.
00:06:52 C'est un exercice intéressant parce que...
00:06:55 C'est vrai qu'en retravaillant "Les paniques au village",
00:06:58 on a un petit peu plus dirigé plus vers le monde des enfants,
00:07:04 qui était moins le cas avant.
00:07:06 Et on aura d'ailleurs l'occasion d'en parler plus en détail.
00:07:10 Magali, Julia, est-ce que vous pensez aux enfants ?
00:07:15 Oui, je suis assez d'accord.
00:07:18 C'est vrai que je ne sais pas trop à qui on pense
00:07:21 quand on commence à faire une histoire.
00:07:23 Évidemment qu'on pense aux lecteurs.
00:07:26 Et c'est marrant, je me questionnais.
00:07:29 J'avais l'impression que je faisais des histoires aussi
00:07:31 en me demandant si ça m'aurait fait marrer,
00:07:34 à cet âge-là, tout comme quand j'essaye de penser
00:07:39 à une histoire pour ado, ce qui est très difficile,
00:07:42 parce qu'il ne faut pas que ça fasse la vieille
00:07:45 qui veut faire une histoire pour...
00:07:47 Forcément, c'est des questions qu'on se pose.
00:07:50 Mais on pense qu'il y aura un lecteur.
00:07:52 En tout cas, j'ai vachement besoin de cet échange
00:07:55 qui va se faire avec un espèce de temps,
00:07:58 d'un laps de temps que j'aime bien
00:08:00 parce que je ne suis pas devant le public.
00:08:03 Mais en même temps, l'éditeur aussi est là
00:08:06 pour dire "attention, ça peut être un peu compliqué
00:08:11 à comprendre pour les enfants".
00:08:13 Et ça peut être des débats aussi,
00:08:15 parce qu'il y a différents niveaux de lecture.
00:08:18 -J'en rejoins assez tous les trois,
00:08:20 au sens où on s'adresse d'abord à l'enfant qu'on connaît mieux,
00:08:22 qui est nous-mêmes.
00:08:24 On s'adresse à son enfant intérieur
00:08:26 avec lequel on garde un lien qui peut varier
00:08:28 de période en période de notre vie,
00:08:30 et parfois à nos propres enfants quand on en a.
00:08:33 Et on pense très différemment, je trouve,
00:08:36 à notre public enfant en fonction
00:08:38 de à quel tranche d'âge on s'adresse.
00:08:40 J'ai récemment écrit des albums,
00:08:42 et là, vraiment, on pense très intensément
00:08:44 au lecteur enfant, parce qu'on voit beaucoup mieux
00:08:48 la distance de compréhension qu'il y a
00:08:51 entre un tout petit enfant et un adolescent.
00:08:53 Quand on écrit ou quand on réalise
00:08:56 ou quand on conçoit une histoire pour adolescents,
00:08:58 on est beaucoup plus proche d'une compréhension qui est la nôtre.
00:09:01 En revanche, quand l'enfant est très jeune,
00:09:03 on est obligé de renverser notre compréhension du monde
00:09:08 en se disant qu'il y a une compréhension du monde
00:09:12 qui est différente pour les enfants.
00:09:14 C'est aussi pour ça qu'on a des professionnels
00:09:16 comme les éditeurs,
00:09:18 comme les personnes qui ont travaillé avec vous
00:09:20 pour les adaptations, qui nous guident un peu,
00:09:22 qui nous disent que c'est peut-être un petit peu...
00:09:24 Il y a une ellipse temporelle qui est un peu difficile à comprendre.
00:09:27 Il y a donc une compréhension du monde particulière
00:09:30 et aussi une capacité à ne pas comprendre le monde
00:09:34 qui est formidable chez les enfants.
00:09:36 J'y pense beaucoup quand j'écris,
00:09:38 surtout sur des tranches d'âge un peu flottantes.
00:09:40 Mon dernier roman, il m'enseigne une héroïne
00:09:42 qui passe de l'enfance à l'adolescence
00:09:44 et tout ce qu'elle ne comprend pas fait vraiment partie de l'histoire.
00:09:47 C'est-à-dire que quand on est petit,
00:09:49 par exemple, quand on lit des histoires,
00:09:51 il y a énormément de mots qu'on ne connaît pas.
00:09:53 Et c'est OK, en fait.
00:09:55 On passe à travers sans s'en formaliser,
00:09:57 sans s'en scandaliser comme on le fait quand on est adulte,
00:09:59 sans absolument tout décortiquer.
00:10:01 On accepte toutes ces zones d'inconnus
00:10:04 beaucoup plus facilement.
00:10:06 Donc oui, on pense...
00:10:08 Moi, je pense au lecteur enfant de façon assez différente
00:10:11 selon quel âge je lui donne.
00:10:13 -Oui, bien sûr.
00:10:15 Et d'ailleurs, c'est toujours intéressant de le rappeler.
00:10:18 Pour ceux qui étaient là hier,
00:10:20 dans une des tables rondes,
00:10:22 on a vraiment eu à coeur de souligner aussi
00:10:24 que dire "les enfants", c'est extrêmement réducteur.
00:10:27 Évidemment, il n'y a pas un enfant type.
00:10:30 Il y a de l'ésage, certes, mais il y a aussi des personnalités.
00:10:33 Et donc là, on schématise forcément un petit peu,
00:10:36 mais évidemment, en fonction des âges, c'est très différent.
00:10:39 Edwige Chiroutère, donc vous qui côtoyez des enfants
00:10:43 autour de nombreux ateliers philo
00:10:46 et qui vous appuyez beaucoup sur la fiction
00:10:49 dans vos échanges avec eux,
00:10:51 est-ce que vous pouvez nous dire
00:10:53 en quoi se plonger dans la fiction, c'est bénéfique ?
00:10:56 Voir essentiel pour les enfants.
00:10:58 -C'est surtout une super russe pédagogique.
00:11:01 On les enrôle complètement.
00:11:03 Dès qu'on dit "il était une fois",
00:11:05 vous avez tout de suite le public des enfants qui est enrôlé
00:11:09 parce que c'est quelque chose qu'on adore tous.
00:11:11 On adore tous se raconter des histoires.
00:11:13 C'est vraiment quelque chose qui est universel,
00:11:15 qui est intemporel.
00:11:17 Donc déjà, c'est un super miel qu'on leur offre
00:11:20 pour commencer un atelier de philosophie
00:11:22 parce que des fois, le mot "philosophie"
00:11:24 fait un petit peu peur.
00:11:26 Et là, déjà, c'est les instaurer
00:11:29 dans un espace qui est familier,
00:11:32 qui est celui de la lecture des histoires.
00:11:34 Après, je pourrais développer vraiment beaucoup,
00:11:36 mais l'imaginaire, c'est un immense laboratoire, en fait.
00:11:41 C'est pour ça que depuis toujours,
00:11:43 les humains se racontent des histoires
00:11:46 pour plusieurs fonctions.
00:11:48 J'en distinguerai deux principales.
00:11:50 Il y a une fonction, évidemment, qui est celle du divertissement.
00:11:53 Le monde est terrible.
00:11:55 Il y a la tragédie de la condition humaine.
00:11:57 Et donc, on a besoin de s'évader, de s'échapper du réel
00:12:01 pour se vider la tête et oublier nos soucis.
00:12:05 C'est une vraie fonction et on en a tous besoin.
00:12:07 Et puis, il y a une autre fonction de la fiction
00:12:10 qui est, au contraire, on plonge dans le monde de la fiction,
00:12:14 pas pour oublier le réel,
00:12:15 mais au contraire, pour mieux le comprendre.
00:12:17 Et quand on fait des ateliers de philosophie avec les enfants,
00:12:21 on va d'approcher avec eux
00:12:24 cette fonction éclairante de la littérature.
00:12:27 Je rencontre une histoire sur l'amitié,
00:12:30 sur la mort, sur l'amour.
00:12:32 Et cette histoire, elle va me permettre
00:12:34 de mieux comprendre le monde dans lequel je vis.
00:12:37 Donc, c'est un vrai paradoxe.
00:12:38 Mais la fiction nous permet de mieux comprendre la réalité
00:12:42 que la réalité elle-même.
00:12:44 -J'ai l'impression que ce n'est pas que pour les enfants.
00:12:46 -C'est pour tout le monde.
00:12:48 Et pour rebondir aussi sur la question de départ,
00:12:50 moi, je n'aime pas beaucoup l'expression "littérature de jeunesse".
00:12:53 Moi, je parle de littérature qui est aussi pour la jeunesse.
00:12:56 Parce que quand on dit "de jeunesse",
00:12:58 on a vraiment l'impression qu'on adapte un discours
00:13:01 à une tranche d'âge particulier.
00:13:02 Si on dit que c'est aussi pour la jeunesse,
00:13:04 ça veut dire que les récits qu'on peut lire,
00:13:06 les albums qu'on peut lire aux enfants,
00:13:08 ils sont accessibles de 4 ans
00:13:10 jusqu'à ce que mort s'en suive.
00:13:12 Et tous les parents éducateurs
00:13:14 qui ont lu des histoires à leurs enfants le soir,
00:13:17 que ce soit des Claude Pontilly,
00:13:18 que ce soit des albums ou des oeuvres
00:13:21 des auteurs qu'on a sur cette table-là,
00:13:23 on a pris tellement de plaisir, nous,
00:13:24 à lire ces albums-là, à rencontrer ces histoires.
00:13:27 Et en fait, on les perçoit et on les interprète
00:13:30 à des âges différents.
00:13:31 Et je peux rencontrer ces récits à 4 ans
00:13:33 et je peux les re-rencontrer à 15 ans.
00:13:35 Je peux les re-rencontrer à 53 ans.
00:13:37 Et ça peut toujours résonner aussi avec ce que je suis
00:13:40 et m'aider à grandir à tout âge.
00:13:43 - Oui, d'ailleurs, ça résonne pas mal
00:13:45 avec ce qu'on a entendu de Nathalie Séjean tout à l'heure,
00:13:48 cette circulation, justement.
00:13:51 Très bien. Et du coup, Julia, vous parliez tout à l'heure
00:13:53 de... vous avez évoqué le mot "enfant intérieur".
00:13:56 Du coup, c'est intéressant parce que, justement,
00:13:58 ça me fait une transition parfaite pour la question suivante.
00:14:02 Justement, vous vous adressez à votre enfant qui est en vous.
00:14:06 Comment ça fonctionne, cette...
00:14:08 Alors, tout le monde n'appelle pas ça l'enfant intérieur.
00:14:10 Tout le monde n'a peut-être pas présent son enfant intérieur,
00:14:12 mais est-ce que, pour vous, Julia,
00:14:14 c'est quelque chose qui est essentiel ?
00:14:16 Comment elle se manifeste, la Julia enfant,
00:14:20 dans la Julia écrivaine ?
00:14:21 - Clairement, elle prend vraiment les manettes
00:14:23 quand j'écris des histoires, surtout des histoires imaginaires.
00:14:26 Et il y a quelque chose qui a beaucoup résonné en moi
00:14:29 dans l'intervention précédente de Nathalie Séjean,
00:14:31 qui est la volonté de reconvoquer des histoires
00:14:35 qui utilisent l'émerveillement et la collaboration.
00:14:38 Et particulièrement, ce mot "d'émerveillement",
00:14:40 c'est quelque chose qui m'est très précieux
00:14:42 et qui est quelque chose qui est propre, en tout cas,
00:14:44 à mon enfant intérieur, cette capacité à s'émerveiller
00:14:47 qu'on a tendance à perdre un petit peu
00:14:49 par le quotidien et par la connaissance
00:14:51 et l'habitude qu'on a de plein de choses
00:14:54 et qui peut nous choquer
00:14:58 quand on voit la capacité d'émerveillement
00:15:00 d'un très jeune enfant sur n'importe quoi,
00:15:02 un rayon de supermarché. C'est dingue !
00:15:05 On a oublié que c'était dingue. Tout est illuminé.
00:15:07 Il y a un milliard de choses.
00:15:09 Et la capacité à l'émerveillement,
00:15:11 on la perd aussi dans la connaissance habituelle
00:15:14 qu'on a de certaines histoires,
00:15:16 que ce soit une histoire de sorcière,
00:15:18 une histoire d'un Superman qui sauve la galaxie, etc.
00:15:21 On les connaît tellement bien
00:15:23 qu'on ne s'en émerveille plus aussi facilement.
00:15:25 Et donc, l'une des astuces,
00:15:27 l'une des choses que j'essaye de faire dans mes histoires,
00:15:29 c'est de tordre un petit peu ces histoires habituelles
00:15:32 pour remettre l'émerveillement
00:15:34 au cœur de ce schéma qu'on connaît bien.
00:15:39 Là, en l'occurrence, dans l'histoire de sorcière,
00:15:42 la dernière que j'ai racontée,
00:15:45 j'ai voulu redonner à la magie...
00:15:49 Moi, j'ai grandi avec Harry Potter.
00:15:51 Je suis très, très familière
00:15:53 des histoires de sorciers qui agitent une baguette,
00:15:56 disent un petit sort en latin
00:15:58 et obtiennent des merveilles du monde.
00:16:00 Mais au bout de sept ans, on en est très familier.
00:16:02 On en est tous très familier générationnellement.
00:16:04 Et donc, comment redonner sa force, sa puissance,
00:16:07 son côté déroutant, choquant et merveilleux à la magie
00:16:10 quand elle a été déjà racontée et réinventée plein de fois ?
00:16:14 Et moi, mon idée, ça a été de la rendre à nouveau bizarre
00:16:22 et un peu effrayante.
00:16:24 Et donc, plutôt que de faire des potions
00:16:26 à base de poison de scorpion, de sauge, de je ne sais où,
00:16:31 on utilise les trucs bizarres, interdits et dangereux
00:16:36 qu'on a chez nous.
00:16:38 Les sorcières font de la magie avec de la javel, du décapfour.
00:16:41 Elles se font des tartines de décapfour
00:16:43 parce qu'après tout, elles sont des sorcières.
00:16:45 Elles pourraient manger des queues de scorpion.
00:16:47 Pourquoi elles ne mangeraient pas des tartines de décapfour ?
00:16:49 Et ce sont des interdits de l'enfance qui ont l'air savoureux
00:16:54 et qui me permettent, moi, de redonner à la magie
00:16:58 son côté déroutant, dégoûtant et émerveillant.
00:17:02 - Merci.
00:17:05 Et du coup, toujours au sujet de cet enfant intérieur, Magali,
00:17:09 vous vous êtes aussi très connectée
00:17:13 avec une partie, en tout cas, de votre enfance ou votre adolescence.
00:17:18 Ça se sent particulièrement dans votre BD "Nowhere Girl",
00:17:21 qui, pour le coup, s'adresse plutôt à des enfants grands
00:17:24 et à des adultes, évidemment.
00:17:26 Je vous encourage tous et toutes à la lire.
00:17:29 Comment ça s'est passé, ce dialogue avec la jeune Magali ?
00:17:35 - Là, c'était vraiment particulier comme récit
00:17:38 parce que je voulais raconter une partie de mon enfance, adolescence.
00:17:45 Donc, je n'étais pas encore dans l'imagination,
00:17:48 dans l'imaginaire, dans la fabrication de personnages.
00:17:51 Il fallait que je me replonge dans des souvenirs.
00:17:54 Donc, c'est passé, moi, par la musique, par les Beatles,
00:17:57 parce qu'au départ, je voulais parler des Beatles, avant tout.
00:18:01 Et puis, après, je me suis rendue compte
00:18:03 que je ne pouvais pas parler des Beatles sans parler de...
00:18:05 Enfin, je voulais parler de mon amour...
00:18:07 - Il faut savoir que Magali Lusch est la plus grande fan mondiale des Beatles.
00:18:13 - Il y a une bonne communauté, quand même.
00:18:15 - Ouais, je pense.
00:18:17 - Du coup, forcément, mon premier objectif, c'était...
00:18:20 C'est drôle, je vais raconter tout ce que j'ai fait d'absurde
00:18:24 pour pas qu'on les oublie, à l'époque,
00:18:26 parce que j'avais très peur qu'on les oublie.
00:18:28 Et puis, en fait...
00:18:30 Donc, il a fallu que je...
00:18:33 Je me suis rendue compte que ce qui pouvait être intéressant
00:18:36 et ce qui est souvent le cas à l'adolescence,
00:18:39 c'est qu'on a besoin de s'attacher à des choses très fortes.
00:18:41 On y croit toute notre vie,
00:18:44 en dépendant que ce soit les Beatles ou autre chose,
00:18:46 en fin de compte, ou même le sport, la danse.
00:18:49 Il peut y avoir, tout d'un coup, des démesures à la passion,
00:18:52 à l'amour, à des choses comme ça,
00:18:54 qui sont, je pense, très importantes.
00:18:56 Et donc, voilà, je me suis dit, là, peut-être...
00:18:59 C'est la phobie scolaire, le sujet.
00:19:01 C'est la difficulté de quitter l'enfance
00:19:04 dans laquelle, moi, je me suis retrouvée à ce moment-là,
00:19:06 parce que je me suis rendue compte
00:19:08 que je voulais pas quitter l'enfance,
00:19:10 que j'avais du mal.
00:19:11 Donc, il a fallu que je me replonge dans ces souvenirs.
00:19:14 Donc, j'ai écouté beaucoup les Beatles.
00:19:16 Je les écoutais déjà pas mal, mais là, du coup,
00:19:18 j'avais l'excuse qu'il fallait vraiment que je les écoute encore plus.
00:19:21 Et j'essaye de me souvenir
00:19:23 des sensations que j'avais, de ce que ça me procurait,
00:19:26 et puis comment j'y croyais, en fait.
00:19:30 Parce qu'encore, quand on est enfant...
00:19:32 Enfin, moi, j'ai ce souvenir très fort, encore aujourd'hui,
00:19:35 quand je l'ouvre, un livre, c'est la puissance
00:19:38 avec laquelle je croyais aux histoires
00:19:41 et aussi à l'univers dans lequel la musique pouvait me transporter.
00:19:44 Et ça me le fait encore aujourd'hui quand je l'ouvre, par exemple,
00:19:47 je sais pas, "On n'a pas sommeil",
00:19:50 dont je me souviens plus, l'auteur américain,
00:19:52 qui est super, super livre, j'adore.
00:19:54 -Je l'ai pas. -Voilà.
00:19:55 Je me rappelle que ce livre-là, je le lisais souvent,
00:19:57 et j'y croyais complètement,
00:19:59 j'étais complètement dans l'idée que c'est vrai
00:20:02 et que vraiment le grand-père,
00:20:04 qui explique que quand lui aussi n'avait pas sommeil,
00:20:06 il partait, il me gravissait des montagnes,
00:20:09 il sautait sur un ours, des trucs dingues.
00:20:11 Et je me rappelle du moment où je me suis dit
00:20:13 "Ah, en fait, c'est peut-être...
00:20:15 "Il raconte n'importe quoi à ses petits-enfants pour qu'ils dorment."
00:20:18 Et après, je me rappelle du moment où je me suis dit
00:20:20 "Ah, en fait, c'est une histoire qu'on a écrite."
00:20:23 Et je me souviens que j'y croyais extrêmement fort.
00:20:26 Et donc voilà.
00:20:27 Tout ça pour dire que quand j'écris une histoire,
00:20:30 là, pour l'occurrence, "Nowhere, Girl",
00:20:32 j'essayais de me remettre dans des sensations comme ça d'enfant
00:20:36 pour essayer de les raconter et de les partager
00:20:40 pour que ça fasse écho aux grands qui ont été enfants et ados
00:20:44 et puis aux plus jeunes.
00:20:47 Mais enfin, voilà. Je sais pas si j'ai répondu complètement.
00:20:50 -Si, vous avez complètement répondu.
00:20:52 Du coup, Vincent et Stéphane, peut-être que ça vous parle aussi,
00:20:55 cet enfant intérieur.
00:20:57 Alors vous, en plus, vous créez des films.
00:21:00 Je pense à "Panique au village" particulièrement,
00:21:03 qui sont faits avec un matériau de base
00:21:08 qui nous ramène tout de suite à l'enfance.
00:21:10 Est-ce que vous avez l'impression, quand vous réfléchissez à vos projets,
00:21:14 de redevenir des enfants ?
00:21:16 Dans le sens, avec le côté ludique que ça implique ?
00:21:19 -Oui. Peut-être pas consciemment,
00:21:22 mais je crois qu'on est un peu comme des grands gosses.
00:21:25 Je sais pas pourquoi est-ce qu'on a fait...
00:21:27 Je sais plus pourquoi est-ce qu'on a fait...
00:21:29 Mais si, en fait, "Panique au village", ça vient d'un petit film
00:21:33 que j'avais fait en dernière année à l'école.
00:21:35 Et c'est juste l'occasion...
00:21:39 Ce matériel-là, comme ses petites figurines,
00:21:42 c'était vraiment l'occasion à la fois de faire un film en stop-motion,
00:21:45 c'est-à-dire en volume,
00:21:47 et le faire à toute vitesse, le faire en une semaine,
00:21:49 pour raconter une histoire.
00:21:51 Et puis après, c'est bon, c'est fini, je quitte l'école et je ferai autre chose.
00:21:54 Et puis par la suite, c'est plus tard, juste pour l'histoire,
00:21:57 quelques années, peut-être même plus,
00:21:59 qu'un copain a vu ça, il s'est dit "C'est très bien de faire quelque chose,
00:22:02 d'essayer de faire une série à partir de ce concept-là".
00:22:05 Et c'est un peu comme ça que ça a commencé.
00:22:07 Mais oui, c'est vrai qu'on a certainement eu...
00:22:09 Oui, je pense qu'on...
00:22:11 C'est vrai que quand les gens nous voyaient parler de mise en scène
00:22:15 ou de choses comme ça, quand ils sont extérieurs,
00:22:17 ils disent "C'est deux gosses qui sont en train de..."
00:22:19 -De jouer aux figurines, en fait.
00:22:21 -De jouer. -Vous voulez rebondir ?
00:22:23 -En fait, je crois qu'on ne doit pas rechercher l'enfant qui est en nous.
00:22:27 Je crois qu'on est restés des gamins.
00:22:29 On n'a pas arrêté de jouer avec nos petits bonhommes en plastique.
00:22:33 Mais c'est vrai que...
00:22:35 Vous parliez d'émerveillement.
00:22:37 Moi, je continue tous les jours à être émerveillé par...
00:22:40 Même quand je retombe sur un vieux bouquin,
00:22:42 comme dit Magali, rien que l'odeur du papier,
00:22:45 ça me réveille plein de choses.
00:22:47 Et c'est pour ça que je trouve ça tellement triste, maintenant,
00:22:50 de voir... Moi, quand je vois mes enfants,
00:22:52 ils sont tout le temps sur leur téléphone à regarder des trucs,
00:22:55 et je les vois tout le temps à l'extérieur du papier, c'est dommage.
00:22:58 Je les pousse tout le temps dans mes bouquins,
00:23:00 "Allez, prenez du papier !"
00:23:02 Et ça se sent, c'est tellement...
00:23:05 C'est du plaisir de lire, de tourner des pages.
00:23:09 Enfin, voilà.
00:23:11 Et donc, oui, l'émerveillement, il est là tout le temps, en fait.
00:23:14 -Oui, Yadvige ?
00:23:16 -Oui, parce qu'en vous écoutant,
00:23:19 je vois vraiment ce lien, mais consubstantiel,
00:23:22 qui unit l'enfant, la littérature et la philosophie.
00:23:25 C'était mon sujet de thèse, c'est pour ça que ça résonne comme ça.
00:23:29 Mais c'est vrai qu'il y a chez l'enfant
00:23:31 quelque chose qui est profondément philosophique,
00:23:33 vous l'appelez l'émerveillement, en philo,
00:23:35 on appelle ça l'étonnement devant le monde.
00:23:37 C'est Aristote qui disait que ce qui distingue d'abord et avant tout
00:23:40 les êtres humains des autres animaux,
00:23:42 c'est la capacité à s'étonner,
00:23:44 c'est parce que les hommes sont capables de se poser des questions
00:23:47 qu'ils vont inventer toutes les formes de pensée
00:23:49 qui permettront de répondre à ces questions universelles
00:23:52 et fondamentales.
00:23:53 Les mythes, les histoires, la science, la philosophie, les arts
00:23:57 existent d'abord et avant tout
00:23:59 parce que les êtres humains se posent des questions.
00:24:01 Et c'est pourquoi ? Et c'est comment ? Et c'est pourquoi ? Et c'est comment ?
00:24:04 Et puis 3, 4 ans.
00:24:05 Et c'est génial quand on est prof de philo,
00:24:07 parce que 3, 4 ans, c'est mes enfants qui m'ont persuadé
00:24:10 que c'était super de faire de la philo avec les enfants,
00:24:13 et pas seulement au terminal,
00:24:14 parce que je retrouvais l'étonnement devant le monde,
00:24:17 concrètement, là, dans ma cuisine, il était là.
00:24:19 Je l'avais lu dans les livres,
00:24:20 et puis tout d'un coup, je voyais que mes propres enfants,
00:24:23 et pourquoi ? Et comment ?
00:24:25 Est-ce que le premier homme avait une maman ?
00:24:27 On parlait de premier homme tout à l'heure, là.
00:24:30 Est-ce que Dieu a un Dieu ?
00:24:32 Est-ce qu'on est obligé d'être gentil avec tout le monde ?
00:24:34 Etc. Etc. Etc.
00:24:35 Donc il y a un lien consubstantiel
00:24:37 entre l'enfance et la philosophie,
00:24:39 et ça, malheureusement, l'institution l'a trop oublié,
00:24:42 puisqu'on ne fait pas de philo quand on est un enfant,
00:24:44 on en fait quand on sort de l'enfance en terminal.
00:24:46 Et puis il y a un lien consubstantiel de l'enfant
00:24:49 avec la littérature.
00:24:50 C'est Vincent Jouff, qui est un chercheur
00:24:53 qui a travaillé sur la lecture,
00:24:54 il a une très belle expression, il dit
00:24:56 qu'il y a chez les enfants un consentement euphorique
00:25:00 à la fiction.
00:25:01 Et c'est Christian Bobin qui disait aussi
00:25:03 à chaque fois qu'on ouvre un livre non adulte,
00:25:05 c'est une partie de l'enfance qui ressurgit
00:25:08 dans cette croyance absolue
00:25:11 que tout d'un coup, on est un pirate,
00:25:13 tout d'un coup, on est une princesse,
00:25:15 tout d'un coup, on est une aventurière,
00:25:17 tout d'un coup, le monde de la fiction,
00:25:19 il nous permet de vivre des expériences
00:25:21 qu'on vivra jamais dans le réel,
00:25:22 et ça, c'est totalement euphorique.
00:25:24 Donc voilà, c'est ce lien entre l'enfant,
00:25:26 la littérature et la philosophie qui est magnifique
00:25:30 et qu'on célèbre un peu aujourd'hui,
00:25:32 aussi dans cette journée.
00:25:34 J'aime beaucoup cette idée du consentement euphorique.
00:25:38 Vincent Jouff.
00:25:39 Vincent Jouff.
00:25:40 La lecture, je ne sais plus.
00:25:42 On remarque chez les enfants, souvent,
00:25:44 il y a des personnages de fiction
00:25:46 qui existent très, très, très fortement
00:25:48 dans leurs esprits.
00:25:50 C'est toujours cette croyance
00:25:53 dont vous parliez, Magali,
00:25:55 c'est vrai, en fait, ce qui se passe.
00:25:57 Et il y a des personnages qui dépassent même
00:25:59 ce rôle de personnage
00:26:01 et qui deviennent des héros,
00:26:03 voire quasiment des divinités.
00:26:05 Vous parliez d'Harry Potter, par exemple,
00:26:07 tout à l'heure, Julia, ça peut être...
00:26:09 On a vu des grandes vagues comme ça,
00:26:11 la Reine des Neiges,
00:26:12 enfin, chez certaines petites filles, souvent.
00:26:14 Enfin, voilà, mais des choses comme ça,
00:26:16 des personnages qui prennent une ampleur énorme
00:26:18 dans la vie psychique des enfants.
00:26:22 Du coup, j'ai demandé à mes trois petites invitées
00:26:24 de me parler de leurs héros ou héroïnes.
00:26:27 On va les écouter.
00:26:29 Je ne sais pas trop, parce que je n'ai pas trop d'héroïnes.
00:26:33 Mais comme j'aimais beaucoup Harry Potter,
00:26:35 je pense que mon héroïne, c'était Hermione Granger
00:26:37 parce que c'est quelqu'un de très intelligent
00:26:39 qui réfléchit beaucoup.
00:26:41 - Est-ce que c'est comme un modèle pour toi ?
00:26:43 - Non, pas forcément, c'est juste que je l'aime bien.
00:26:46 En fait, je n'ai pas vraiment trop d'héros ou d'héroïnes.
00:26:49 Mais si je devais choisir une héroïne,
00:26:51 ce serait plutôt elle.
00:26:53 - Moi, c'est Superman, parce que dans le film,
00:26:56 je l'aime beaucoup.
00:26:58 Il est très joli.
00:27:00 Et puis, j'ai trouvé très bien ce film-là.
00:27:04 Voilà.
00:27:06 - Moi, mon héroïne, c'est moi.
00:27:10 - Voilà, on est sur quelque chose de très...
00:27:13 Plein d'avis très variés sur les héros et les héroïnes.
00:27:17 Edwidge Sherwood, du coup,
00:27:19 est-ce que ces personnages, ces héros,
00:27:21 viennent répondre à des besoins forts
00:27:23 d'identification chez les enfants ?
00:27:25 - Oui.
00:27:27 - Est-ce que vous pouvez développer ?
00:27:29 - Oui, parce que c'est toujours cette histoire
00:27:32 qu'il n'y a pas de civilisation sans récit.
00:27:34 Et c'est une des fonctions, effectivement,
00:27:36 d'avoir des personnages qui sont très différents
00:27:39 et qui vont incarner des peurs,
00:27:41 des angoisses, des fantasmes.
00:27:43 Superman, si je m'identifie à lui,
00:27:46 je peux voler dans les airs.
00:27:48 Chez Platon, il y a un mythe qui s'appelle l'anodjigès.
00:27:51 Je peux devenir invisible quand je veux.
00:27:53 Je peux vivre des histoires d'amour,
00:27:55 je peux vivre des aventures
00:27:57 que le réel seul ne m'offrira jamais.
00:27:59 Donc, il y a des fonctions presque de catharsis
00:28:02 dans les personnages.
00:28:04 Il y a des fonctions d'identification
00:28:08 ou, ce que j'aime bien appeler, de résonance.
00:28:09 Ça résonne, ça parle.
00:28:11 Un psychanalyste dirait comme Betteleheim,
00:28:13 je rencontre un personnage
00:28:15 et ça, au sens psychanalytique,
00:28:18 va faire écho à des angoisses
00:28:21 et rencontrer des personnages
00:28:23 qui vont surmonter ces peurs, ces angoisses,
00:28:25 ça va m'aider à grandir.
00:28:27 Donc, ça fait du bien, en fait,
00:28:29 de se retrouver dans des personnages
00:28:31 qui vont vivre les mêmes épreuves
00:28:33 que je vis ou que je pressens, même inconsciemment,
00:28:37 et qui vont me donner de l'espoir.
00:28:39 Une des spécificités
00:28:41 de ce qu'on pourrait appeler la littérature jeunesse,
00:28:43 c'est que même si elle aborde des questions graves,
00:28:45 des questions délicates,
00:28:47 il y a toujours l'idée quand même de l'espoir.
00:28:50 Même dans des récits qui peuvent aborder,
00:28:52 encore une fois, des questions graves,
00:28:54 comme la mort,
00:28:55 ou même montrer la condition humaine
00:28:57 sur des aspects qui sont plutôt pessimistes.
00:28:59 Je pense à l'œuvre de Tommy Angerer,
00:29:01 qui a une vision assez pessimiste
00:29:04 de la condition humaine.
00:29:06 Il y a quand même toujours l'idée qu'on va y arriver.
00:29:09 Parce qu'il y a une forme de responsabilité
00:29:11 qu'on a aussi, nous, adultes,
00:29:13 de leur dire que même si le monde est difficile,
00:29:15 il y a toujours de l'espoir et qu'on va y arriver.
00:29:18 C'est pour ça que les héros des contes de fées,
00:29:20 par exemple, surmontent toujours les épreuves.
00:29:22 -Dans nos petites invitées,
00:29:25 on entend Louise qui parle d'Hermione,
00:29:27 qui pour elle, n'est pas non plus complètement...
00:29:30 qui ne l'a pas divinisé,
00:29:32 mais on sent que Harry Potter,
00:29:35 les livres Harry Potter,
00:29:37 ça a vraiment fait date
00:29:39 dans l'univers des enfants
00:29:41 de façon extrêmement forte.
00:29:43 Est-ce que vous sauriez dire pourquoi ?
00:29:45 -Il y a plein de raisons,
00:29:47 mais une des raisons par rapport à cette résonance,
00:29:50 c'est qu'elle a réussi à faire un récit
00:29:54 qui ressemble très fort à un récit
00:29:56 de contes de fées de tradition orale.
00:29:58 Elle y a mis plein d'éléments
00:30:00 qu'on retrouve dans ces récits-là.
00:30:02 Je parlais tout à l'heure d'un mythe de Platon
00:30:05 avec l'anodgie sur l'invisibilité.
00:30:07 On le retrouve chez Harry Potter.
00:30:09 C'est un grand fantasme.
00:30:11 Harry Potter, ça commence comme un roman familial.
00:30:13 C'est un enfant abandonné
00:30:15 qui est maltraité par ses parents.
00:30:17 Enfin, un petit poussé,
00:30:19 il y a Ansel et Gretel,
00:30:21 il y a des choses comme ça.
00:30:23 Et puis ses vrais parents, c'est des sorciers, etc.
00:30:25 Donc il y a plein d'éléments
00:30:27 qui relèvent aussi des contes de tradition orale
00:30:30 et qui ont justement traversé les siècles,
00:30:32 comme le disait Nathalie dans la conférence tout à l'heure.
00:30:35 Les récits, ils se répètent, ils se répètent, ils se répètent.
00:30:38 Donc il y a des ingrédients aussi
00:30:40 qui vont résonner avec notre ADN culturel,
00:30:42 pour reprendre l'expression de tout à l'heure,
00:30:44 et qui fait qu'effectivement,
00:30:46 ça va résonner de façon universelle
00:30:48 chez chacun et chacune.
00:30:50 - Si je peux rebondir,
00:30:52 littérairement, il y a aussi
00:30:54 une technicité de l'autrice de Harry Potter
00:30:57 qui fait que ça a pu résonner aussi bien
00:30:59 chez des petits lecteurs anglophones
00:31:01 ou japonais, par exemple.
00:31:03 Il y a plein d'exemples de microscènes
00:31:06 qui analysent bien mieux des spécialistes,
00:31:09 mais par exemple, le premier cours de potions de Harry Potter,
00:31:12 on a les deux héros qui n'ont jamais...
00:31:14 Harry et Ron, qui est son meilleur ami à ce moment-là,
00:31:17 qui n'ont jamais eu de cours de potions,
00:31:19 qui arrivent dans cet univers inconnu,
00:31:21 qui est tout aussi inconnu pour le lecteur,
00:31:23 et donc on a cette capacité à l'émerveillement, à l'étonnement,
00:31:26 avec une première description
00:31:28 de l'énorme marmite, le chaudron,
00:31:30 où bouillonnent des trucs
00:31:32 qui font des couleurs...
00:31:34 Il y a une description multisensorielle de ce qui se passe,
00:31:37 et on revient aux deux héros juste après,
00:31:39 qui se sourient d'un air content derrière le chaudron,
00:31:42 parce que c'est génial.
00:31:44 Et donc il y a une complicité et une description
00:31:46 qui est facile d'accès pour toutes les cultures,
00:31:49 puisque c'est commun à personne,
00:31:51 mais tout de suite sensoriellement agrippable.
00:31:55 Donc il y a évidemment plein de raisons culturelles,
00:32:00 et en plus une approche littéraire vraiment maligne
00:32:04 qui reprend cette capacité à l'étonnement
00:32:06 merveilleuse chez les jeunes lecteurs.
00:32:10 - Alors Julia, vous venez de nous prouver
00:32:13 que vous êtes une potterhead,
00:32:15 je ne sais pas si vous vous qualifiez ainsi,
00:32:18 mais que vous avez vraiment grandi
00:32:20 en immersion dans l'univers d'Harry Potter,
00:32:22 que vous connaissez extrêmement bien.
00:32:24 En quoi il a pu vous influencer, cet univers ?
00:32:27 En quoi vous vous définissez peut-être
00:32:29 comme une héritière ?
00:32:31 Enfin, moi je vous définis comme une héritière
00:32:33 si jamais vous n'osez pas le faire,
00:32:35 notamment dans votre roman "Mille Pertuis".
00:32:38 - Je pense que comme tous les auteurs
00:32:41 d'imaginaire, de fantastique,
00:32:43 depuis 25-30 ans,
00:32:46 si j'écris une histoire d'imaginaire,
00:32:49 notamment qui met en place de la sorcellerie, de la magie,
00:32:51 c'est forcément une réponse à Harry Potter.
00:32:54 Malgré moi, si je voulais faire autrement,
00:32:56 je ne pourrais pas en fait.
00:32:58 Une réponse à Harry Potter parce que je l'ai lue,
00:33:00 parce que j'ai été biberonnée,
00:33:02 parce que j'en étais imprégnée pendant des années,
00:33:04 personnellement et générationnellement.
00:33:06 J'ai écrit, lu des fanfictions,
00:33:08 j'ai réfléchi à cet univers, etc.
00:33:10 Mais même si je n'avais pas été
00:33:12 aussi étroitement imbriquée
00:33:14 dans l'univers de Harry Potter,
00:33:16 je n'aurais pas pu passer à côté
00:33:18 et écrire aujourd'hui une histoire de sorcier,
00:33:20 ça serait forcément, il serait nécessaire
00:33:22 pour moi de lire Harry Potter
00:33:24 pour faire soit mieux, soit différent,
00:33:27 soit écrire dans les failles d'eux.
00:33:29 Il y a des écrivains,
00:33:31 comme une amie qui s'appelle Eileen Manchot,
00:33:33 qui estime qu'elle écrit dans les failles de Harry Potter.
00:33:36 Elle écrit par exemple un roman
00:33:38 qui se passe dans un internat magique
00:33:40 où il y a enfin, dit-elle, de la sensualité,
00:33:42 enfin un petit peu de sexe,
00:33:44 enfin un peu plus qu'un bisou chaste.
00:33:46 C'est pour les ados, les grands ados, je précise.
00:33:48 Parce qu'on a quand même sept tomes d'internats magiques
00:33:50 où ils sont tous dans des dortoirs collés serrés
00:33:52 et il n'y a pas un seul truc qui se passe.
00:33:54 C'est incohérent.
00:33:56 On le l'écrit peut-être, mais on le lit pas.
00:33:58 Donc c'est une zone de silence.
00:34:00 Moi, dans "Mille Pertus",
00:34:02 je n'ai pas voulu écrire dans les failles,
00:34:04 mais j'ai voulu, comme je disais tout à l'heure,
00:34:07 parce que c'était forcément une réponse à Harry Potter,
00:34:11 me réapproprier la magie, la figure du sorcier
00:34:14 pour en faire quelque chose d'un peu neuf, un peu différent.
00:34:17 Et pendant longtemps, je dirais qu'au moment de Harry Potter,
00:34:20 il y a peut-être 20, 15, 10 ans,
00:34:22 on a eu plein d'histoires de sorciers
00:34:25 qui étaient dans la même mouvance,
00:34:27 qui étaient des sortes de Harry Potter copiés,
00:34:29 décalés, dérivés,
00:34:31 certains des succès d'année vraiment trop proches presque.
00:34:35 Et à la génération d'après,
00:34:37 ce qui est très commun dans toutes les branches culturelles,
00:34:39 on arrive à quelque chose qui n'est plus de l'ordre du dérivatif
00:34:43 et qui est perché sur les épaules de la première oeuvre.
00:34:47 J'espère que moi et plein de co-auteurs, de camarades,
00:34:53 et là, je suis sûre qu'en tout cas, eux le font,
00:34:56 on est dans cette mouvance de réinventer
00:34:58 et de se construire sur cette oeuvre.
00:35:01 - Je confirme que c'est le cas.
00:35:04 Est-ce que peut-être, Vincent et Stéphane,
00:35:07 est-ce que vous aussi,
00:35:09 vous travaillez sous l'influence peut-être d'oeuvres
00:35:13 qui vous ont marqués, enfin,
00:35:15 et qui persistent à vous nourrir ?
00:35:18 Est-ce que vous sentez que vous travaillez soit dans les failles,
00:35:21 soit dans les domaines de la culture,
00:35:23 et que vous avez des références qui vous ont marquées
00:35:26 de façon complètement assumée ?
00:35:29 - Oui, sûrement beaucoup.
00:35:31 Là, comme ça, c'est un peu le stress,
00:35:33 du coup, c'est difficile à trouver des références,
00:35:35 mais il y en a une qui me vient en tête tout de suite,
00:35:37 je dis ça parce que, avec les autres personnages,
00:35:40 que ce soit avec Vincent ou Vincent Tavier, le producteur,
00:35:43 il y a une série pour enfants, par exemple,
00:35:45 qui s'appelle "Petzi",
00:35:47 qu'on a toujours trouvé, qu'on a toujours adoré,
00:35:50 il y a un autre personnage qui s'appelle "Amiral",
00:35:52 c'est un morse, il y a un pingouin,
00:35:54 ils habitent dans un espace qui est plutôt une espèce de...
00:35:58 Ils habitent à la campagne,
00:36:00 et leurs histoires sont un petit peu absurdes,
00:36:02 ils passent leur temps à construire des maisons,
00:36:04 et puis elles se démolisent, il se passe toujours des trucs...
00:36:06 C'est entre le surréalisme,
00:36:08 mais c'est réaliste,
00:36:10 et c'est posé sur le sol en même temps,
00:36:13 c'est un peu étrange comme truc,
00:36:15 mais on aime beaucoup.
00:36:17 - Oui, mais c'est quand même...
00:36:19 C'est du surréalisme constructif.
00:36:22 Parce que, en fait, ils ont des idées,
00:36:25 par exemple, dans le premier livre de Petzi,
00:36:28 par exemple, Petzi se promène
00:36:32 sur un chemin avec...
00:36:34 Je crois que c'était le...
00:36:37 C'était Amiral ou plutôt le pingouin ?
00:36:42 Le pingu.
00:36:44 Et puis il trouve un pingou.
00:36:46 Pingu. Pingu. Pingou.
00:36:48 Et alors il trouve une espèce de roue comme ça.
00:36:51 Petzi dit "Ah oui, on va pouvoir faire un vélo".
00:36:54 "Ah mais non, c'est un truc pour faire un bateau".
00:36:56 "Ah mais c'est génial, on va faire un bateau".
00:36:58 Et donc ils construisent, ils amènent tous les copains,
00:37:00 ils construisent un bateau et puis ils partent en voyage.
00:37:02 Chaque fois qu'ils reviennent, c'est uniquement pour manger des crêpes
00:37:04 que la mer fait, mais c'est tout.
00:37:06 Sinon, ils partent tout le temps avec son bateau,
00:37:08 et du coup, ça leur permet de voyager
00:37:10 et de découvrir plein de monde.
00:37:12 Et donc ils vont dans le nord,
00:37:14 mais le nord qui ne ressemble pas au nord
00:37:17 que nous on connaît, mais c'est vaguement inspiré.
00:37:21 Ça part dans des pays imaginaires,
00:37:25 un petit peu même comme Jules Verne.
00:37:27 C'est vraiment super riche.
00:37:29 Mais ça garde ce côté un peu enfantin.
00:37:31 Mais les personnages, c'est absolument génial.
00:37:34 Moi, chaque fois dans les brocantes,
00:37:36 quand j'en retrouve, hop, c'est pour moi.
00:37:38 Et je les offre à des anniversaires.
00:37:40 - C'est vrai qu'on me dit, Vincent,
00:37:42 c'est un truc assez marrant, c'est que le monde de Petzi,
00:37:45 on croit que c'est sur la Terre,
00:37:47 on sait que quand ils font tout le temps des voyages,
00:37:50 et tu as l'impression qu'ils ont fait un voyage magnifique,
00:37:53 mais c'est un peu comme ils avaient fait le tour du bâtiment,
00:37:55 ils sont revenus, mais en même temps,
00:37:57 on a vu des choses, visuellement,
00:37:59 c'est pas hyper brillant,
00:38:01 mais c'est plutôt les éléments tels qu'ils sont présentés,
00:38:04 les objets tels qu'ils sont mis en scène
00:38:06 qui font qu'on est toujours fasciné.
00:38:09 Et comme dit Vincent, c'est aussi les personnages,
00:38:12 il n'y a aucune violence,
00:38:14 ils sont tous gentils, mais pas bêtement gentils.
00:38:17 Ils sont juste un peu bêtes, mais ils le reconnaissent.
00:38:19 Ou alors quelqu'un le dit.
00:38:21 Oui, c'est ça, ils assument leur bêtise,
00:38:23 mais c'est vraiment...
00:38:25 C'est un peu comme si vous étiez dans...
00:38:27 Tout d'un coup, vous êtes avec des gens
00:38:29 et vous vous sentez super bien dans cet endroit-là.
00:38:32 Vous faites des cabanes,
00:38:34 vous allez faire un champ,
00:38:36 et en deux secondes, enfin, pas en deux secondes,
00:38:38 mais le lendemain, il y a déjà des pommes de terre qui poussent.
00:38:41 Tout va très vite chez Petzi.
00:38:43 - Vous le vendez très bien.
00:38:46 - Même les problèmes, c'est jamais un problème,
00:38:48 c'est un truc qui nourrit un autre truc.
00:38:51 Oui, c'est absolument génial.
00:38:53 - Edwige, vous vouliez réagir ?
00:38:56 - Non, je connais pas, j'ai super envie d'aller voir ce que c'est.
00:39:01 - Bon, j'ai pas prévu de vous montrer,
00:39:03 mais par contre, on va regarder.
00:39:05 - Non, mais je voulais dire que vous entendant parler,
00:39:08 c'est ce qu'on disait tout à l'heure
00:39:10 sur ce consentement euphorique à la fiction,
00:39:12 et tout d'un coup, c'était super de vous voir parler
00:39:15 de cet univers, on avait vraiment l'impression
00:39:17 de retomber en enfance avec vous, c'était super.
00:39:20 - Pour continuer le consentement euphorique,
00:39:23 on va regarder une petite vidéo,
00:39:25 un extrait de votre film "Panique au village"
00:39:28 dans l'euphorie.
00:39:30 - Cheval, Madame Longry, ma voiture est réparée.
00:39:34 - Oh, très bien. Ne bougez pas, M. Cheval, j'y vais.
00:39:37 - Et voilà.
00:39:39 - Parfait. Allez, je sais.
00:39:41 - Allez.
00:39:43 - Oh !
00:39:48 - Oh, no !
00:39:51 - Elle marche pas.
00:39:53 - Allô ?
00:39:55 - Qu'est-ce qui vous est arrivé ?
00:39:57 - Ce foutu indien ! On partira jamais en vacances.
00:40:00 - On va devoir rester ici toute notre vie.
00:40:03 (Sonnerie)
00:40:05 - C'est quoi ?
00:40:07 - Bon, rien. C'est Anne qui appelle.
00:40:09 - Salut, les gars. Voilà, on est arrivés.
00:40:12 Ça va, vous ?
00:40:14 - Oui, ça va.
00:40:16 - Regardez, on a mis le bateau à l'eau. Il flotte nickel.
00:40:19 - Viens voir ça, viens.
00:40:21 - Je vous emmène plus près. L'endroit est vraiment bien.
00:40:24 - Ouh !
00:40:26 - Alors là, on est sur le pont. D'ici, on voit nos tentes.
00:40:29 (Applaudissements)
00:40:38 - Alors, Vincent Patard et Stéphane Aubier,
00:40:41 c'est intéressant parce que "Panique au village",
00:40:44 comme vous le disiez, ça n'a pas forcément été pensé
00:40:46 pour le jeune public, mais vous saviez que vous adressiez
00:40:48 a priori un public familial et que vous l'avez petit à petit
00:40:51 adapté aussi en prenant plus en compte les enfants
00:40:54 qui allaient le regarder.
00:40:56 Il n'y a pas d'enfants dans "Panique au village".
00:40:59 Les personnages ne sont pas des enfants,
00:41:01 ce sont des animaux, des adultes, un indien, un cow-boy.
00:41:04 Et pourtant, je pense qu'il y a quand même
00:41:07 ce processus d'identification, en tout cas,
00:41:10 il y a une adhésion très forte d'un public enfantin.
00:41:13 Est-ce que... Est-ce que voilà ?
00:41:15 Qu'est-ce que vous en pensez ?
00:41:17 J'imagine que pour vous, il n'y a pas besoin d'un enfant
00:41:21 pour qu'un enfant rentre dans les...
00:41:23 - Non, mais ils ont chacun quand même un statut.
00:41:26 Quand on voit chez Cheval, par exemple,
00:41:28 Cheval, c'est un peu le chef de famille,
00:41:31 et Cow-boy indien, c'est un peu les deux gamins dans le truc.
00:41:34 Et de nouveau, dans la ferme, chez Steven et Janine,
00:41:37 je pense que les animaux,
00:41:39 ce n'est pas vraiment les animaux de la ferme,
00:41:41 c'est plutôt les enfants de Janine et Steven.
00:41:43 D'ailleurs, Janine, je pense qu'elle se comporte
00:41:45 un petit peu comme si c'était ses enfants.
00:41:47 D'ailleurs, elle pleure chaque fois quand ils vont à l'école.
00:41:50 Elle est triste parce qu'elle va passer une journée
00:41:53 sans ses animaux, parce qu'ils sont à l'école.
00:41:56 Donc, oui, ils ont quand même un petit statut,
00:41:59 enfants, adultes, mais bon, tout ça un peu mélangé.
00:42:02 Les frontières sont un peu floues, effectivement.
00:42:05 Par moment, ça dépend aussi de ce qui s'y passe.
00:42:08 -Non, mais justement, c'est intéressant de noter
00:42:16 que cette identification dont on parlait,
00:42:18 peut-être qu'Edwige, vous pouvez nous en dire plus
00:42:20 à ce niveau-là.
00:42:22 On parlait d'Harry Potter qui a marqué les enfants
00:42:27 de l'âge d'Harry Potter, et souvent, d'ailleurs,
00:42:29 ils ont grandi avec l'œuvre,
00:42:31 en ayant le même âge que leur personnage,
00:42:34 mais en fait, cette fonction-là, elle se fait
00:42:37 à travers des personnages extrêmement variés,
00:42:39 extrêmement divers, notamment les animaux,
00:42:41 beaucoup dans la littérature jeunesse, dans la fiction,
00:42:44 et il n'y a pas nécessairement un besoin de ressemblance.
00:42:47 On sous-estime peut-être un peu trop les enfants
00:42:49 quand on s'imagine qu'il faut.
00:42:51 -Je pense que ça résonne, une fiction, un récit,
00:42:56 et un lecteur, une lectrice, de tout âge,
00:43:00 pas par rapport au personnage,
00:43:02 c'est-à-dire le genre ou l'âge, etc.,
00:43:04 mais par rapport à ce qu'il traverse
00:43:06 et aux problématiques qu'il se pose,
00:43:09 s'il a peur de grandir,
00:43:11 s'il vit un chagrin d'amour,
00:43:13 s'il a peur de la mort,
00:43:15 et si le récit est assez à la fois
00:43:20 incarné et universel.
00:43:22 Je crois que les personnages qui traversent les époques,
00:43:26 c'est des personnages qui, à la fois,
00:43:29 sont dans une situation qui est singulière, évidemment,
00:43:32 mais qui nous parlent de choses
00:43:35 qui sont complètement universelles.
00:43:37 Et donc, ça va résonner, en fait,
00:43:40 quand le personnage va traverser, encore une fois,
00:43:43 des épreuves, des questionnements
00:43:45 qui sont les miens
00:43:47 au moment où je rencontre le récit.
00:43:49 Un des mots importants aussi,
00:43:51 c'est le mot "de rencontre".
00:43:53 C'est comme une histoire d'amour.
00:43:55 On va lire plein d'histoires,
00:43:57 et tout d'un coup, il y en a une,
00:43:59 presque par alchimie,
00:44:01 parfois, je ne sais pas exactement pourquoi,
00:44:03 même si je pourrais l'analyser,
00:44:05 mais ça parle, et cette histoire va changer ma vie.
00:44:08 D'où l'importance aussi de multiplier les rencontres.
00:44:11 Et là, pour parler de l'importance
00:44:13 des lieux de médiation, l'école publique,
00:44:16 où tous les enfants peuvent aller
00:44:19 et avoir des enseignants qui sont là,
00:44:21 justement, pour leur permettre de rencontrer ces histoires,
00:44:24 les bibliothèques,
00:44:26 tous les lieux de médiation culturel,
00:44:28 qui sont des lieux indispensables
00:44:31 pour permettre à toutes et à tous de faire un jour cette rencontre,
00:44:33 qui peut changer une vie,
00:44:35 parce qu'une fois qu'on l'a fait,
00:44:37 les petits papiers qui sont passés,
00:44:39 le jour où j'ai rencontré une histoire,
00:44:41 et en espérant avoir des habitudes de lecture,
00:44:44 qu'on n'oubliera jamais cette expérience qu'on a vécue,
00:44:47 cette rencontre-là,
00:44:49 et qu'on multiplie les occasions de cette rencontre.
00:44:52 - Vous dites qu'il peut changer une vie,
00:44:54 c'est vraiment intéressant,
00:44:56 parce que ça me fait penser à cette responsabilité,
00:45:00 que vous, en tant que créateur, auteur pour la jeunesse,
00:45:02 vous devez forcément ressentir d'une certaine façon.
00:45:05 Magali, est-ce que vous sentez,
00:45:08 quand vous créez pour les enfants,
00:45:11 est-ce que vous avez un sentiment de responsabilité
00:45:14 un peu plus élevé, peut-être ?
00:45:16 - Je ne sais pas si c'est...
00:45:18 Non, je ne sais pas si je me sentirais responsable.
00:45:21 Non, mais par contre,
00:45:23 j'ai l'impression de plus en plus que j'ai comme une petite mission,
00:45:26 que j'adore rencontrer les enfants,
00:45:29 parce que je trouve que...
00:45:31 Je ne sais pas comment dire.
00:45:33 Justement, ils ont envie d'y croire.
00:45:35 C'est vraiment l'histoire, le plus important.
00:45:38 Ils ont envie de jouer, ils ont envie d'y croire.
00:45:41 Si ça ne marche pas, ça ne marche pas.
00:45:43 C'est très clair, très cash.
00:45:45 Ils ont envie de parler d'eux, en plus.
00:45:48 J'adore cet échange avec eux.
00:45:50 Et en fait, moi, j'aime l'idée
00:45:53 que je puisse leur donner un espèce de pas de côté au réel.
00:45:57 C'est ce que j'aimais dans les livres, j'avais besoin de ça,
00:46:00 puisque j'étais une petite fille assez angoissée.
00:46:03 J'avais peur de dormir.
00:46:05 Le truc qui me rassurait, c'était les histoires,
00:46:08 aussi bien à la télé que dans les livres.
00:46:10 Même si j'ai lu tard, c'était surtout les images.
00:46:13 Je comprends pourquoi je fais ce métier.
00:46:15 Je me dis que c'est normal.
00:46:17 Je pense que j'ai besoin et j'ai envie
00:46:20 de voir que ça peut aider
00:46:23 à une sorte de petite sortie de secours du réel, de temps en temps.
00:46:27 Même si, pour le coup, les héros que j'aimais,
00:46:30 ce n'étaient pas des héros très fantastiques.
00:46:32 Quand j'étais petite, j'aimais Temtomé Nana.
00:46:35 J'adorais Fanette, Fanette et Maluné,
00:46:39 qui vraiment avaient un quotidien, une coupe au bol comme moi.
00:46:43 Sauf que je l'adorais parce que parfois,
00:46:46 elle était comme on lui demandait d'être, très ordonnée.
00:46:49 Ça lui coûtait quand même.
00:46:51 Et puis parfois, elle était complètement fantasque.
00:46:53 J'adorais parce que c'était un peu crac, crac.
00:46:57 Et c'était possible que ça soit crac, crac en plus.
00:47:01 Et donc, je me sens plus comme aujourd'hui,
00:47:05 maintenant que ça fait un moment que je fais des livres,
00:47:08 j'y vais un peu comme une petite mission.
00:47:10 Et je sais que je sois Magali ou quelqu'un d'autre,
00:47:13 les enfants, ils s'en fichent complètement.
00:47:15 C'est l'histoire qui est importante.
00:47:17 Donc j'ai envie d'arriver à les emmener.
00:47:21 Voilà.
00:47:23 -Est-ce que ce mot de mission vous parle aussi ?
00:47:27 -Un peu fort peut-être.
00:47:29 -Oui, c'est intense.
00:47:32 -Vous en êtes dans le super-héros.
00:47:35 -Mission, je ne sais pas.
00:47:37 Mais quand tu parles de responsabilité,
00:47:39 curieusement, ça résonne davantage pour moi.
00:47:42 Aussi parce que j'ai une double casquette,
00:47:45 comme tu l'as évoqué.
00:47:47 Je suis éditrice par ailleurs.
00:47:49 Et donc, on n'a pas le même regard en tant qu'éditeur-éditrice.
00:47:52 On a un créateur qui a le droit d'être complètement fou-fou.
00:47:54 Et on est là pour dire, il y a un trou.
00:47:56 Donc j'ai parfois ce rôle-là
00:47:59 qui, parfois, vient interrompre mon processus créatif
00:48:04 en tant qu'autrice.
00:48:06 Mais je trouve que la responsabilité,
00:48:09 elle m'évoque surtout ce sentiment génial
00:48:13 que j'avais en découvrant certaines choses dans des livres,
00:48:16 de dire, je peux apprendre des choses dans des livres.
00:48:19 Par exemple, j'ai appris ce que j'ai oublié depuis.
00:48:22 Mais combien d'écus il y avait dans un Louis
00:48:25 ou ce genre de choses.
00:48:26 J'apprends des petits bouts du monde dans la littérature.
00:48:30 Et c'est magique, parce que je lis une histoire
00:48:33 pour m'amuser, pour m'évader,
00:48:35 comme tu disais, le pas de côté avec le réel.
00:48:38 Et en même temps, de temps en temps,
00:48:40 je découvre, vraiment, c'est un tour de magie,
00:48:42 une vérité sur le réel.
00:48:44 Et de temps en temps, je me rappelle de cette responsabilité-là
00:48:47 quand je raconte des histoires
00:48:49 complètement imaginaires, le plus souvent,
00:48:52 en me disant, oh là, en fait, là,
00:48:55 c'est vraiment le moment de dire un truc qui est vrai.
00:48:57 Et ça n'interrompra pas du tout
00:49:00 le processus de fiction euphorique.
00:49:04 En revanche, ça ajoutera quelque chose,
00:49:06 j'aurais donné quelque chose en plus.
00:49:08 Par exemple, c'est un livre qui parle beaucoup de la féminité.
00:49:11 Il y a eu un moment, les sorcières utilisent plein de choses dégoûtantes.
00:49:14 Elles utilisent de la javel, mais elles utilisent aussi
00:49:16 leurs larmes, leur sang, etc.
00:49:18 C'est très organique.
00:49:19 Et comme c'est une jeune fille qui grandit,
00:49:22 elle fait de la magie, à un moment donné,
00:49:24 avec le sang de ses menstruations,
00:49:26 de ses règles.
00:49:28 Et donc j'ai parlé des règles.
00:49:30 Et là, c'est un moment où je donne quelque chose,
00:49:32 je donne des éléments à une jeune fille qui grandit.
00:49:34 Voilà, c'est juste un exemple.
00:49:36 - Ça renvoie aussi à ce que disaient Nathalie Sejan,
00:49:39 qu'on cite beaucoup ce matin,
00:49:41 conférence très marquante, justement,
00:49:43 elle a dit "Une histoire est plus puissante qu'un fait".
00:49:48 Et dans le sens où si un fait rentre dans une histoire
00:49:52 et raconté au sein d'une histoire,
00:49:54 il va forcément s'imprégner différemment.
00:49:56 Je l'explique beaucoup moins bien qu'elle,
00:49:58 pour ceux qui ne l'auraient pas vue,
00:49:59 il faudra regarder sur YouTube en replay.
00:50:01 Mais en tout cas, c'est à ça que ça fait écho.
00:50:04 Edwige, vous vouliez peut-être réagir ?
00:50:06 - Oui, juste parce que c'est pour ça
00:50:09 que Platon se méfiait des poètes.
00:50:11 Parce que c'est ce qu'on appelle aussi, peut-être en politique,
00:50:14 le storytelling.
00:50:16 C'est-à-dire que les récits, ils nous manipulent aussi beaucoup.
00:50:19 C'est un outil de manipulation énorme.
00:50:22 Donc, Platon voulait évincer les poètes de la cité
00:50:26 parce qu'ils étaient beaucoup trop dangereux
00:50:28 et qu'ils pouvaient manipuler le peuple.
00:50:30 Le joueur de flûte d'Amelin.
00:50:32 Mais c'est vrai que la fiction,
00:50:35 c'est aussi un outil de manipulation.
00:50:37 C'est aussi un outil où on véhicule des valeurs
00:50:41 de façon plus ou moins consciente.
00:50:44 Comme le disait Nathalie dans la conférence tout à l'heure aussi.
00:50:47 C'est que les histoires, elles véhiculent
00:50:49 une vision du monde particulière.
00:50:52 Et ce qui est intéressant aussi
00:50:55 par rapport à la littérature dite de jeunesse,
00:50:57 c'est que ça peut être une façon aussi
00:50:59 de délivrer un discours non moralisant, non édifiant,
00:51:04 mais qui véhicule certaines valeurs
00:51:06 qu'on a envie de défendre quand on s'adresse aux enfants.
00:51:12 Merci. On n'aura pas le temps de rentrer en détail
00:51:16 dans le commentaire, mais j'avais envie quand même
00:51:18 de vous montrer une petite vidéo de Chien Pourri.
00:51:21 Parce que justement, je trouve ça intéressant
00:51:24 sur cette question de la responsabilité,
00:51:26 de la mission, on peut l'appeler comme on veut.
00:51:28 Je me demandais, Stéphane et Vincent,
00:51:30 porter à l'écran une fiction déjà existante,
00:51:33 c'est essayer de continuer à garder son public initial.
00:51:37 On va regarder la vidéo et peut-être après,
00:51:39 vous pourrez nous dire un petit mot pour conclure sur ce projet.
00:51:42 Merci.
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00:53:10 Voilà, c'est "Chien pourri", le long métrage adapté du livre de la série de Louis.
00:53:16 Et en fait, le livre de Colas Gutmann et Marc Boutavant, peut-être que vous pouvez nous dire un petit mot sur
00:53:21 qu'est-ce que ça implique en tant que créateur à nouveau de partir d'une œuvre existante pour les enfants ?
00:53:29 C'est une belle expérience en fait, on ne s'en ravit pas de tout ça.
00:53:34 Quand on a commencé à travailler sur les scénarios avec Jean Régnaud, avec Jean-Louis aussi,
00:53:43 donc on était plus ou moins trois pour faire les scénarios, et puis il y avait d'autres scénaristes qui sont arrivés par la suite,
00:53:49 mais qui devaient... Au départ, on a fait dix scénarios ensemble, et pour nous c'était déjà une découverte,
00:53:55 on n'a jamais travaillé comme ça, et donc d'apprendre à travailler avec des règles qui sont peut-être très différentes de ce qu'on faisait
00:54:00 avec les scénarios de Panic! au Village, où on faisait tout ce qu'on voulait, là il fallait qu'on tienne compte de...
00:54:05 il ne fallait pas trop de violence, il fallait que ce soit très lisible, et puis aussi,
00:54:10 il fallait pas avoir bêtement une raison économique, il fallait pas que les personnages fassent trop de choses trop compliquées à faire,
00:54:18 sinon ça allait coûter trop cher à la production, donc il fallait trouver des compromis pour raconter des histoires,
00:54:24 et en même temps développer le personnage, et c'était marrant, c'était une chouette expérience aussi,
00:54:29 parce qu'on développait, on apportait de nouveaux personnages dans la série, au fur et à mesure il y a d'autres chiens qui prenaient vie,
00:54:36 ou d'autres chiennes, enfin c'était... ça devenait vraiment de nouveau un espèce de petit village qui se mettait en place,
00:54:42 et voilà, c'était rigolo, il y a deux, trois... et puis surtout on pouvait vraiment s'amuser dans les scénarios,
00:54:48 on pouvait raconter des trucs totalement idiots au début en tout cas, parce qu'on était en petits groupes,
00:54:54 on en rigolait beaucoup, et puis il fallait les réadapter par la suite, et voilà, c'était chouette.
00:55:00 - En fait, c'était d'abord une adaptation du monde graphique de Marc Boutavant, plutôt que vraiment une adaptation du texte de Gutmann,
00:55:14 parce qu'en fait, lui, il a donné carte blanche, et donc du coup c'était vraiment avec Marc qu'on travaillait,
00:55:22 et ce qui est intéressant justement par rapport au personnage, on pensait à soit un personnage de puce, ou quoi, sur le corps de chien pourri,
00:55:29 on envoyait l'idée à Marc, qui nous renvoyait des petits dessins, des puces,
00:55:35 enfin nous on dessinait nos personnages comme ça, spontanément, et puis après on les envoyait à Marc,
00:55:41 qui nous renvoyait des designs pour les intégrer dans son univers,
00:55:46 et ça c'était intéressant aussi de voir que l'écriture, elle n'était pas que par écrit, c'était une écriture aussi graphique,
00:55:54 il y avait tout le monde de chien pourri qui prenait une nouvelle naissance par rapport à ce qu'on connaissait des livres,
00:56:02 parce que c'est vrai, comme disait Stéphane par exemple, par rapport à la production,
00:56:06 on a dû vraiment imaginer une géographie bien spécifique pour qu'il y ait justement, dans les dix premiers scénarios,
00:56:13 on en a profité pour visiter les lieux, et puis après, quand les autres scénaristes sont venus nous aider,
00:56:21 ils ont utilisé ces lieux pour réinventer de nouvelles histoires,
00:56:26 mais en utilisant les mêmes espaces qu'on avait développés au départ, dans la Bible,
00:56:33 donc ça c'est intéressant, après ça devient un petit peu comme un jeu de société,
00:56:37 et puis les différents auteurs qui ont participé, parce qu'il y avait quand même 52 épisodes,
00:56:42 déjà nous on écrit super lentement, donc 52 épisodes, je crois qu'on a 150, on y est encore,
00:56:51 donc du coup, ce qui est intéressant c'est justement de faire des équipes comme ça d'écriture.
00:56:57 Surtout que nous, quand on racontait les histoires, quand on écrivait les histoires, on ne les écrivait pas,
00:57:02 on les dessinait, on dessinait sous forme de storyboard, du coup là on a dû apprendre,
00:57:05 on a dit, vous ne pouvez pas dessiner les histoires, vous n'avez pas le temps, donc il faut apprendre à écrire,
00:57:10 donc ça c'était vraiment...
00:57:12 Pour des auteurs, apprendre à écrire...
00:57:14 C'est vraiment une découverte de cette manière de travailler,
00:57:17 et c'est marrant parce qu'on découvre d'autres choses en écrivant,
00:57:21 les histoires se racontent encore un petit peu différemment.
00:57:24 Il y a des gars qui s'inventent différemment.
00:57:27 En tout cas c'était dans un espace contraint, une sorte de contrainte,
00:57:31 mais vous y avez trouvé énormément de liberté finalement.
00:57:35 On n'aura pas le temps d'en parler plus parce que je pense qu'il va y avoir des questions dans le public,
00:57:43 donc merci tous, et puis on va écouter un petit peu ce que...
00:57:47 Alors il y a Margot et Alison qui vont circuler,
00:57:58 s'il y a des questions, manifestez-vous, j'en vois une tout là-haut.
00:58:01 Une ici aussi, voilà, on va vous écouter.
00:58:07 Je commence ?
00:58:08 Oui.
00:58:09 Merci pour ce débat très enrichissant.
00:58:12 Je crois que c'est Edwige qui a mentionné Claude Ponty à un moment.
00:58:17 Alors moi j'ai commencé à lire des livres de Claude Ponty à mon fils de 2 ans,
00:58:21 et ce ne sont pas des livres que j'ai eus dans mon enfance.
00:58:24 Et j'ai tout de suite été embarquée par cette imagination foisonnante,
00:58:29 et j'ai appris dans un podcast récemment, dans le podcast "Fête des gosses" de Louis Médias,
00:58:37 que Claude Ponty, désolée de casser l'ambiance,
00:58:40 il était victime d'inceste dans son enfance.
00:58:43 Et donc ça m'a apporté un certain contexte,
00:58:47 et je voulais peut-être que vous réagissiez à cela,
00:58:50 comment un drame personnel peut ensuite faire jaillir des histoires incroyables
00:58:56 qui, par la suite, circulent,
00:58:59 pour faire référence à la conférence précédente.
00:59:02 Merci.
00:59:03 Edwige ?
00:59:07 Est-ce que ça vous...
00:59:10 Alors peut-être en attendant,
00:59:14 je peux peut-être, juste par rapport à Claude Ponty,
00:59:18 en tout cas pour éclairer aussi pour les autres,
00:59:20 il se trouve que je l'ai interviewé déjà,
00:59:23 et je peux peut-être vous dire déjà que lui,
00:59:25 il y a quelque chose qui a vraiment imprégné,
00:59:28 qui imprègne son œuvre,
00:59:30 c'est l'importance de montrer des personnages de grandes personnes
00:59:35 qui ne sont pas forcément des parents bienveillants,
00:59:40 mais que le danger peut venir des grandes personnes
00:59:43 et des personnes qui sont les plus proches.
00:59:46 Je pense qu'il n'a pas forcément formalisé comme ça
00:59:49 dès le début de sa carrière,
00:59:51 mais qu'il y avait un besoin de faire lire ça aux enfants,
00:59:56 de faire lire que le danger est parfois dans le cercle très proche,
01:00:00 avec un décalage qui est celui de l'humour, souvent.
01:00:03 Il reprend aussi beaucoup les structures
01:00:06 des contes de fées tradition orale,
01:00:08 où vous avez des marâtres, par exemple,
01:00:11 ou des ogres qui dévorent leurs propres enfants,
01:00:14 et l'idée, comme je le disais tout à l'heure aussi,
01:00:17 que le héros ou le héroïne va traverser des choses très difficiles,
01:00:22 mais il va s'en sortir.
01:00:24 L'arbre sans fin, par exemple, il est magnifique,
01:00:27 il y a une scène où justement l'héroïne répond au monstre
01:00:31 qui lui dit "j'ai pas peur de toi",
01:00:33 et elle lui répond "j'ai pas peur de moi non plus",
01:00:36 et le monstre disparaît.
01:00:38 Donc voilà, il fait aussi appel à cet ADN culturel
01:00:44 des contes de tradition orale,
01:00:46 où le héros et l'héroïne vont devoir traverser
01:00:49 des épreuves absolument atroces,
01:00:51 et des personnages atroces,
01:00:53 mais il va toujours s'en sortir.
01:00:55 - Est-ce que Julia vous aviez un...
01:00:57 - Oui, je crois qu'on nourrit nos fictions
01:00:59 de choses qui nous ont imprégnées dans l'enfance,
01:01:01 surtout quand on écrit des fictions pour l'enfance.
01:01:04 J'ai découvert a posteriori que, par exemple,
01:01:06 dans plusieurs de mes histoires, le père était toujours absent,
01:01:09 il n'y a pas de papa,
01:01:11 et la mère est un peu inaccessible.
01:01:14 Et en fait, ce sont des failles,
01:01:17 des gaps de la vie de ces personnages
01:01:21 qu'ils sont amenés à combler
01:01:23 et qui leur permettent de surmonter des épreuves.
01:01:26 L'histoire montre un décor que j'ai pas conscientisé,
01:01:30 qui pose des problèmes que j'ai pas conscientisés
01:01:32 au moment de les écrire,
01:01:34 mais qui, dans l'histoire, sont des épreuves à surmonter.
01:01:37 - Après, j'espère qu'on peut être un écrivain
01:01:40 sans avoir vécu des trucs atroces.
01:01:42 - Clairement. Ce n'est pas atroce non plus.
01:01:45 - Il y a un peu le culte parfois de...
01:01:47 - Oui, de la maudité aussi.
01:01:49 - Magali, est-ce qu'il faut souffrir pour crire ?
01:01:52 - Non. Non, mais après,
01:01:54 moi, je me mets plutôt...
01:01:56 Je me dis que je peux comprendre
01:01:58 que le pontier ait eu envie de faire quelque chose,
01:02:01 comment aussi modeler son histoire en faire quelque chose.
01:02:06 Je trouve ça hyper important,
01:02:09 que ce soit horrible ou moins horrible.
01:02:12 Pourquoi on a envie de faire ?
01:02:15 C'est une bonne question.
01:02:18 - On se nourrit des choses positives comme négatives.
01:02:20 C'est surtout ça.
01:02:22 - Merci. Est-ce qu'il y a d'autres questions ?
01:02:25 Je vois qu'il y en a une en bas aussi.
01:02:27 - Oui, bonjour. - Alors, tout là-haut.
01:02:29 - Bonjour. Merci beaucoup pour toutes vos présentations.
01:02:33 Je découvre avec émerveillement tous ces auteurs
01:02:37 puisque je suis de la génération 62.
01:02:40 Et je voulais poser une question à tout le public.
01:02:44 J'ai été nourrie par "Le Petit Prince".
01:02:48 Et je souhaitais savoir
01:02:51 si d'autres personnes avaient été nourries
01:02:54 par cet auteur, par Saint-Exupéry,
01:02:58 et s'ils avaient transmis, comme je l'ai fait auprès de mes enfants,
01:03:02 ces histoires.
01:03:04 Alors, comment peut-on...
01:03:06 Par applaudissement, qui a été nourrie par "Le Petit Prince" ?
01:03:10 On a une jolie proportion, juste à l'oreille.
01:03:16 Et qui l'a transmis à ses enfants ou à des enfants ?
01:03:21 - OK. Ça circule. - Merci.
01:03:24 Bonjour.
01:03:31 J'ai été très émue et inspirée par tout ce qui s'est dit
01:03:34 depuis le début de la matinée.
01:03:36 Donc merci à vous et merci également à Nathalie.
01:03:39 Ma question, elle est peut-être très musée,
01:03:42 mais je remarque beaucoup que dans nos textes d'exposition,
01:03:46 même dans la manière dont les parcours sont scénarisés,
01:03:49 il y a beaucoup de choses qui sont faites par des professionnels
01:03:52 pour leur père.
01:03:54 Je trouve que souvent, on oublie un petit peu les publics.
01:03:57 Et moi-même, en tant que professionnelle de ce secteur,
01:04:00 je dois avouer que je lis
01:04:02 et que je comprends souvent plus de choses
01:04:05 dans les cartels famille.
01:04:07 Et donc, je me demande comment est-ce qu'on peut insuffler
01:04:10 cet émerveillement dont vous avez parlé
01:04:13 dans les textes, dans les parcours, dans les médiations,
01:04:17 et est-ce que, c'est un peu une réflexion à chaud,
01:04:20 est-ce qu'il faudrait qu'on conçoive toutes nos propositions
01:04:23 comme des propositions adaptées à la jeunesse,
01:04:25 ce que vous avez dit, Edwige,
01:04:27 avec cette idée que potentiellement,
01:04:30 un peu dans le même style que le design universel,
01:04:32 si on conçoit pour les enfants,
01:04:34 avec tout ce que ça implique d'imaginaire, etc.,
01:04:37 on conçoit pour tout le monde.
01:04:39 Voilà.
01:04:41 Qui veut répondre ?
01:04:45 Vous alertiez sur le danger de la manipulation,
01:04:48 mais moi, je trouve, et ça a l'air de faire écho
01:04:50 à ce qui a été dit avant,
01:04:52 qu'on comprend et on retient toujours mieux
01:04:55 quand c'est dans une histoire.
01:04:57 Et donc, articuler les informations...
01:05:00 Après, il y a un dosage à faire, évidemment,
01:05:02 on ne va pas raconter toute une histoire,
01:05:04 mais articuler les informations de façon narrative,
01:05:08 je pense que c'est une bonne piste,
01:05:11 même pour les adultes, vous disiez.
01:05:15 -Peut-être embaucher des auteurs de fiction jeunesse
01:05:19 dans les musées, ça pourrait être intéressant.
01:05:22 Je ne sais pas si d'autres veulent réagir à cette question.
01:05:27 Il y a d'autres questions ?
01:05:29 -Bonjour. Merci beaucoup
01:05:31 pour ce débat qui est très enrichissant,
01:05:34 hier comme aujourd'hui.
01:05:38 J'ai une question peut-être à Edwige,
01:05:41 qui peut me donner une réponse.
01:05:44 Moi, je travaille avec les enfants immigrants
01:05:48 et j'ai fait un atelier-compte rituel pour ces enfants.
01:05:53 Et toujours, on s'inquiète beaucoup
01:05:55 pour l'imagination et on a un crainte
01:05:59 que tel enfant ne peut pas raconter une histoire
01:06:04 ou l'ADN culturel qui n'a pas beaucoup développé
01:06:10 et qui est très marqué par les milieux sociaux.
01:06:17 Et d'ailleurs, j'aimerais bien
01:06:23 encore connaître plus
01:06:26 la notion de l'ADN culturel,
01:06:29 parce que ça m'intrigue beaucoup.
01:06:32 La question que j'ai,
01:06:34 c'est un peu une question peut-être philosophique
01:06:39 d'une question de pourquoi l'imagination
01:06:45 aide un enfant ?
01:06:47 Pourquoi on s'inquiète pour l'imagination ?
01:06:50 Pourquoi on aime bien que les enfants
01:06:52 ont des imaginations en racontant les contes ?
01:06:57 C'est une question peut-être philosophique
01:07:02 qui me prend, en fait.
01:07:05 C'est vrai que le champ intellectuel,
01:07:08 ça va être un développement pour le champ intellectuel,
01:07:11 mais est-ce que vous avez une réponse à ça ?
01:07:13 Pourquoi on aime bien d'avoir...
01:07:16 On est dans un monde réel
01:07:18 et qu'est-ce qu'il apporte l'imagination à nous,
01:07:22 à les enfants, déjà, parce qu'on parle des enfants,
01:07:25 et pourquoi on aime bien que les enfants imaginent
01:07:28 cet émerveillement ?
01:07:31 Merci.
01:07:33 -Ca revient un petit peu à ce qu'on disait
01:07:36 lors de la table ronde.
01:07:38 C'est à la fois leur donner...
01:07:41 Alors, des moyens de se divertir du réel,
01:07:45 parce qu'on en a tous besoin.
01:07:47 Je reviens sur l'idée qu'on a besoin de s'échapper
01:07:50 dans des mondes imaginaires
01:07:52 parce que ça va nous permettre d'oublier nos soucis,
01:07:55 de nous vider la tête.
01:07:57 Et puis, aussi, c'est l'autre fonction dont je parlais,
01:08:00 c'est cette fonction d'éclaircissement du réel
01:08:02 par le fait, à un moment donné,
01:08:04 d'aller dans ce lieu.
01:08:06 Pour moi, l'imaginaire, c'est comme un lieu
01:08:08 dans lequel on va se réfugier
01:08:10 pour rencontrer des personnages
01:08:12 qui vont vivre les mêmes épreuves que moi,
01:08:15 mais en les mettant à distance affective.
01:08:17 C'est ce que j'ai appelé le paravent du personnage
01:08:20 dans mes recherches.
01:08:21 Pourquoi on peut mieux réfléchir sur la mort,
01:08:24 philosophiquement, mieux réfléchir sur l'amour,
01:08:27 mieux réfléchir sur le bonheur,
01:08:30 à partir d'un personnage qu'à partir de soi-même ?
01:08:33 Parce que le personnage permet de mettre aussi
01:08:36 mes affects à distance,
01:08:37 dans une bonne distance affective,
01:08:39 où la question philosophique n'est pas trop loin de moi,
01:08:43 sinon c'est trop abstrait,
01:08:44 mais elle n'est pas trop proche de moi.
01:08:46 Parce que si je veux réfléchir sur ce que c'est que l'amour,
01:08:49 ce que c'est que le bonheur,
01:08:50 ce que la conscience de la mort peut apporter à mon existence,
01:08:54 il ne faut pas que je sois trop collée à la question, effectivement,
01:08:57 parce que sinon je n'arrive pas à réfléchir.
01:08:59 Donc j'ai besoin de mettre cette question-là
01:09:01 dans une bonne distance affective,
01:09:03 ni trop loin, ni trop proche,
01:09:05 et il n'y a rien de mieux que la littérature ou la fiction.
01:09:08 C'est-à-dire que je vais réfléchir à partir des personnages.
01:09:11 Je vais réfléchir sur ce que c'est qu'être amoureux
01:09:13 à partir de Cyrano.
01:09:15 Est-ce qu'il aime vraiment Roxane ?
01:09:17 Est-ce qu'on peut vraiment parler d'amour ?
01:09:19 Et je vais parler de la mort
01:09:22 à partir d'une histoire complètement irréelle
01:09:24 où on pourrait être immortel.
01:09:26 Est-ce que ce serait vraiment bien d'être immortel ?
01:09:28 Et à partir de là, on peut réfléchir
01:09:30 sur ce que finalement la mort peut apporter à l'existence.
01:09:33 Etc. Etc. Etc.
01:09:35 Et je pense que c'est pour ça que, comme je disais aussi,
01:09:38 il n'y a pas de civilisation sans récit.
01:09:40 C'est quand même fou.
01:09:42 Dès qu'il y a civilisation, il y a contes, il y a légendes,
01:09:44 il y a mythes, maintenant il y a séries.
01:09:46 Et c'est parce qu'on a tous,
01:09:48 et c'est vraiment une grande fraternité universelle,
01:09:50 à la fois besoin de se divertir
01:09:52 et en même temps besoin de mettre nos problèmes
01:09:54 dans une bonne distance affective
01:09:56 pour mieux se les approprier
01:09:58 et pour mieux y grandir.
01:10:00 Et je pense qu'on a,
01:10:01 et je vais reprendre une casquette aussi d'enseignante,
01:10:05 de défendre les lieux publics
01:10:08 où tous les enfants peuvent avoir accès à ces expériences,
01:10:11 l'école, les bibliothèques, les musées,
01:10:14 et défendre la médiation que les adultes,
01:10:17 justement enseignants, bibliothécaires, éducateurs,
01:10:21 par leur étayage, par leur mission au quotidien,
01:10:25 permettent à tous et à tous,
01:10:28 et notamment aux enfants dont vous faites référence là,
01:10:30 d'avoir accès à ces expériences.
01:10:32 - Je crois que Julia voulait rajouter quelque chose.
01:10:35 - À vous.
01:10:37 - C'était pour faire écho à ce que vous disiez à l'instant
01:10:42 sur le fait que vous aviez l'impression
01:10:44 que certains enfants avaient plus de mal
01:10:46 à convoquer leur imaginaire,
01:10:48 notamment dans des classes sociales en difficulté.
01:10:50 Et moi, ça fait écho à des expériences d'autrices
01:10:54 qu'on a eues avec des amis autrices,
01:10:57 quand on rencontre des enfants dans des milieux difficiles.
01:11:00 Je pense à une autrice qui m'a raconté
01:11:02 une intervention scolaire créative
01:11:05 où elle voulait inviter les enfants à raconter des histoires,
01:11:09 à inventer des histoires à maillotte,
01:11:11 dans des écoles où la plupart des enfants
01:11:13 ne savaient pas lire, pas écrire.
01:11:15 C'était un exercice d'oralité, d'inventer une histoire.
01:11:18 Elle a eu des difficultés avec plein de ses enfants
01:11:22 qui n'arrivaient pas à imaginer des choses qui n'étaient pas réelles,
01:11:25 à inventer une histoire qui n'était pas la leur.
01:11:28 Par exemple, l'une des astuces qu'elle a réussi à convoquer,
01:11:35 c'était "Qu'est-ce que tu préfères dans la vie ?"
01:11:37 Un exemple, c'est mon T-shirt, mon objet préféré,
01:11:40 parce que c'était le seul qui était à lui.
01:11:43 Et donc, peut-être que la capacité à l'imaginaire
01:11:48 nous rassure énormément
01:11:50 parce qu'elle dévoile qu'on a une sécurité
01:11:55 que l'enfant a une sécurité
01:11:58 qui lui permet de se détacher de ses problèmes,
01:12:00 comme vous disiez, et du coup, d'aller vers l'imaginaire.
01:12:03 De ne pas rester sur simplement
01:12:06 des nécessités urgentes qui sont les siennes.
01:12:09 Une autre question ?
01:12:18 Il y en a une là aussi.
01:12:20 Il y a deux micros.
01:12:22 Allez-y.
01:12:25 -Merci et merci pour ces partages.
01:12:28 Cette question s'adresse plus principalement
01:12:31 à Vincent et Stéphane.
01:12:33 Dans votre film d'animation, "Panique dans le village",
01:12:37 en fait, vous...
01:12:39 J'étais particulièrement médusée du fait
01:12:41 que vous partez du fait du jeu avec des figurines,
01:12:45 jeu auquel se livrent les enfants
01:12:48 sur des temps périscolaires,
01:12:51 des temps de jeu, des temps de loisirs.
01:12:53 Et en fait, vous parvenez merveilleusement
01:12:56 à nous entraîner, à les entraîner
01:12:59 dans l'émerveillement, dans une histoire,
01:13:01 dans une création.
01:13:03 Et je voulais savoir si ce fait,
01:13:06 selon vous, ça renforce
01:13:09 le consentement euphorique de l'enfant à la fiction
01:13:13 ou bien au contraire pas, ou est-ce que c'était une difficulté
01:13:17 ou bien est-ce que ça n'a aucun effet
01:13:20 par rapport à ce voyage
01:13:23 dans lequel vous emmenez les enfants
01:13:26 au travers de votre film ?
01:13:28 -Je ne sais pas si j'ai bien compris la question.
01:13:32 -Oui. En fait, j'ai été médusée par le fait
01:13:35 que vous soyez partie de figurines
01:13:38 qui sont des jeux qui sont en fait
01:13:41 des outils qu'utilisent les enfants,
01:13:44 qui sont des jeux de figurines.
01:13:46 Et là, on est un peu dans un fait de jeu,
01:13:49 je peux m'exprimer ainsi.
01:13:51 En partant de ce fait de jeu,
01:13:53 vous créez une histoire et vous créez un film.
01:13:57 Et je voulais savoir si pour vous
01:14:00 cette approche, cette technique,
01:14:03 ça participait d'une augmentation,
01:14:06 enfin de plus les emmener
01:14:09 dans votre histoire
01:14:12 ou bien est-ce que ça n'a aucun effet
01:14:15 ou bien est-ce que c'était une question
01:14:17 de savoir si le fait d'utiliser
01:14:19 quelque chose de concret
01:14:21 avec lequel les enfants jouent au quotidien,
01:14:24 est-ce que c'est une difficulté supplémentaire
01:14:27 pour en faire un film d'animation ?
01:14:30 -En fait, le tout début de "Panico Village",
01:14:35 ça a vraiment commencé, comme je l'expliquais,
01:14:38 c'était juste prendre du matériel
01:14:40 le plus cheap possible, le plus pauvre possible
01:14:43 et le plus accessible pour raconter des histoires
01:14:46 et au début, c'était des très courtes histoires.
01:14:50 On a d'abord fait une série de 5 minutes,
01:14:52 on a fait 20 épisodes de 20 minutes
01:14:54 et l'idée, c'était vraiment de raconter
01:14:56 des histoires absurdes avec ces personnages-là
01:14:58 dans un monde...
01:15:00 C'est un peu comme... c'est un monde réel
01:15:02 mais il n'est pas réellement réel,
01:15:04 il se passe des choses un peu étranges
01:15:06 mais plutôt des gags visuels
01:15:08 comme, je ne sais pas, "Mr Bean" ou n'importe quoi,
01:15:10 toutes les séries qu'on aimait bien
01:15:12 et puis on a extrapolé ça
01:15:15 quand on a fait le long métrage.
01:15:17 En fait, on a un peu développé
01:15:21 notre univers autour de ces figurines,
01:15:23 du design de ces figurines
01:15:25 mais on l'a aussi un peu transformé
01:15:27 à notre manière.
01:15:29 Je crois qu'à partir du moment
01:15:31 où on écrit les histoires,
01:15:33 on oublie totalement qu'on utilise
01:15:35 des jouets, en fait, c'est vraiment...
01:15:37 La base, c'est des jouets
01:15:40 mais c'est de matière première,
01:15:42 après on oublie totalement le truc
01:15:44 et on a créé un univers...
01:15:47 En fait, c'est une espèce de...
01:15:52 C'est jouets, en fait,
01:15:54 c'est des jouets que nous,
01:15:56 on est nés dans les années 60,
01:15:58 on avait ça, nous, quand on était gamins
01:16:00 mais je pense qu'ils étaient abandonnés,
01:16:02 si on ne les avait pas récupérés,
01:16:04 je crois qu'ils seraient brûlés,
01:16:06 elles n'existeraient plus.
01:16:08 C'est un peu du recyclage, en fait.
01:16:10 Et donc on a créé un autre univers
01:16:12 à partir de jouets qui étaient abandonnés.
01:16:15 Plus personne n'avait rien à faire
01:16:17 de ces trucs. D'ailleurs, c'était
01:16:19 dans les brocantes qu'on les trouvait.
01:16:21 C'est du sauvetage, en fait.
01:16:23 Oui, du sauvetage.
01:16:24 Je trouve que le fait d'avoir utilisé
01:16:26 ces personnages-là, ces objets-là,
01:16:28 ça nous a permis, on l'a voulu,
01:16:30 mais petit à petit, c'est un petit peu
01:16:32 que vous creusez un terrier
01:16:34 et au fur et à mesure,
01:16:36 vous avez des choses qui apparaissent.
01:16:38 Par exemple, l'épisode quand
01:16:40 Kobo et Indien vont à l'école,
01:16:42 ils doivent résoudre un problème
01:16:44 de mathématiques qui est super compliqué.
01:16:46 C'est la distance exacte
01:16:48 entre la Terre et la Lune en millimètres.
01:16:50 Et comme ils n'arrivent pas
01:16:52 à trouver la solution,
01:16:54 ils savent que parmi les étudiants,
01:16:56 il y en a un, c'est un cochon,
01:16:58 qui a la solution.
01:17:00 Et la seule solution pour eux,
01:17:02 c'est de devenir tout petit
01:17:04 pour aller dans son cerveau,
01:17:06 pour aller chercher la solution
01:17:08 que lui a trouvée.
01:17:10 Et c'est là qu'on s'est dit,
01:17:12 on a des Kobo et des Indiens,
01:17:14 on a des animaux,
01:17:16 mais on ne va pas leur faire raconter
01:17:18 l'histoire des Kobo et des Indiens,
01:17:20 on va leur faire raconter l'histoire
01:17:22 qui nous intéresse et qui nous amuse.
01:17:24 C'est vraiment que des outils.
01:17:26 Mais bon, on les aime bien.
01:17:28 -Je crois qu'il y avait
01:17:30 une question devant.
01:17:32 -Oui. Je voulais déjà faire part
01:17:34 d'un regret.
01:17:36 Nous avions, au Tchad,
01:17:38 des cahiers de souvenirs.
01:17:40 Ce n'était pas personnel.
01:17:41 On les prêtait deux jours
01:17:43 à chaque copain, chaque copine,
01:17:45 qui rajoutait soit un poème,
01:17:47 une histoire, une anecdote de l'école,
01:17:49 qui dénonçait un copain qui avait fait
01:17:51 quelque chose, qui collait une plume.
01:17:53 Chacun faisait ce qu'il voulait
01:17:55 sur deux pages.
01:17:57 On gardait ce cahier de souvenirs.
01:17:59 C'était notre premier ouvrage collectif,
01:18:01 bourré d'histoires.
01:18:03 On en rigolait beaucoup,
01:18:05 on se les volait parfois.
01:18:08 On était toujours encouragés
01:18:09 par les enseignants.
01:18:11 Nous, on a tout perdu
01:18:13 parce qu'on a vécu la guerre civile au Tchad.
01:18:15 Donc, pof, tout ça est parti.
01:18:17 Mais ça fait partie des objets
01:18:19 que je regrette le plus.
01:18:21 Et puis, j'avais une question.
01:18:23 Alors, nous avions
01:18:25 une famille d'enseignants,
01:18:27 donc plein d'ouvrages.
01:18:29 Mais les plus beaux moments qu'on avait,
01:18:31 c'est quand mon père nous racontait
01:18:33 des histoires le soir, ou ma grand-mère.
01:18:35 Et je peux vous dire que les adultes
01:18:37 étaient plus que les enfants.
01:18:39 Ça m'a toujours marqué, ça.
01:18:41 Pas qu'on était remuants,
01:18:43 mais ils attendaient plus que nous,
01:18:45 semble-t-il, ce moment-là.
01:18:47 Et les histoires qui perduraient,
01:18:49 qui nous intéressaient vraiment,
01:18:51 c'était celles qui s'achevaient
01:18:53 par la peur, sans nous donner de réponse,
01:18:55 sans nous donner de solution.
01:18:57 Et je me souviens que mon père,
01:18:59 à chaque fois, nous disait,
01:19:01 "Et aujourd'hui, as-tu encore peur ?"
01:19:03 Alors qu'on leur posait bien sûr des questions,
01:19:05 on leur disait, "Non, pas encore."
01:19:07 Et donc j'aurais aimé savoir
01:19:09 quel rôle joue la peur
01:19:11 dans toutes ces histoires
01:19:13 qu'on nous raconte infiniment.
01:19:15 Et on aime cette peur,
01:19:17 et on va la chercher, on la souhaite.
01:19:19 Donc voilà, c'était ma question.
01:19:22 - Peut-être, Rédvi, je sais que sur la peur,
01:19:25 vous êtes incollable.
01:19:27 - Non, c'est des pratiques d'écriture
01:19:29 qui existent toujours dans les écoles.
01:19:31 Oui, aujourd'hui,
01:19:33 c'est de la responsabilité,
01:19:35 le choix de l'enseignant,
01:19:37 de mettre en place des outils d'écriture divers.
01:19:39 Mais ce type de cahiers,
01:19:41 on les voit encore exister dans les écoles aujourd'hui.
01:19:43 Sur la peur, on parlait d'universalité.
01:19:45 C'est vraiment une émotion totalement universelle
01:19:48 et qu'on a besoin de canaliser.
01:19:50 Et on a besoin de l'apprivoiser.
01:19:52 Et justement, on peut inventer
01:19:54 soi-même des situations
01:19:56 où on va avoir peur,
01:19:58 mais en toute sécurité.
01:20:00 Donc c'est une formidable affliction.
01:20:02 La fiction, c'est ce lieu aussi
01:20:04 où on va pouvoir se réfugier
01:20:06 pour canaliser des émotions
01:20:08 qui ne sont pas toujours agréables
01:20:10 dans la vraie vie.
01:20:12 Mais celle-là, on va pouvoir l'apprivoiser.
01:20:15 Et inventer des situations
01:20:17 où on se joue à avoir peur.
01:20:19 On joue avec la peur.
01:20:21 Donc c'est pour ça qu'on aime tous ces histoires-là.
01:20:24 Enfant comme adulte.
01:20:26 C'est ça, c'est cette fonction de l'affliction.
01:20:31 C'est pas facile à dire, mais j'y arrive bien.
01:20:34 Fonction de l'affliction.
01:20:36 Totalement universelle.
01:20:38 Universelle sur le temps de l'humanité.
01:20:41 Mais universelle et intemporelle
01:20:43 d'un point de vue d'une vie humaine aussi.
01:20:46 De 4 ans jusqu'à ce que mort s'en suive.
01:20:49 Et en 4 ans, c'est même avant.
01:20:51 Quelqu'un d'autre veut réagir
01:20:56 à cette question de la peur ?
01:20:58 Oui, Julia ?
01:21:00 Je suis très, très étonnée par le plaisir
01:21:03 qu'il y avait à avoir une peur sans réponse.
01:21:06 Mes souvenirs très intenses de fiction enfant
01:21:09 qui m'ont "traumatisée",
01:21:11 qui m'ont marquée fortement, comme vous disiez.
01:21:14 C'est, par exemple, des épisodes ou des films,
01:21:17 des histoires dont j'ai pas eu la faim.
01:21:20 Et ça, c'était terrible.
01:21:22 Notamment un épisode, je sais plus peut-être
01:21:25 que c'était "Charmed".
01:21:27 Donc ça devait pas faire très peur.
01:21:29 Et mon père, voyant que j'étais terrorisée
01:21:32 à me planquer derrière le canapé,
01:21:34 m'a retirée de la pièce, m'a mise au lit.
01:21:37 J'ai fait des cauchemars toute la nuit.
01:21:39 Le lendemain, je me suis dit "c'est quoi la faim ?
01:21:42 Comment ça se résout ?"
01:21:44 Il a jamais voulu me dire.
01:21:46 Et je garde cette peur en moi depuis mes 6 ans.
01:21:49 C'est la force des très grands récits,
01:21:53 aussi, de nous donner la liberté,
01:21:56 d'inventer la faim,
01:21:58 voire même de changer la faim.
01:22:00 Parce qu'on a tous lu des récits
01:22:02 qui finissaient de façon très fermée.
01:22:04 Et on n'avait pas du tout envie
01:22:06 que ça se finisse comme ça.
01:22:08 On se dit "en fait, elle va revenir".
01:22:10 Donc c'est aussi, quand on s'approprie une fiction,
01:22:15 d'avoir cette liberté.
01:22:17 Les grands récits, pour moi,
01:22:19 c'est des récits qui laissent beaucoup de place
01:22:22 à l'interprétation.
01:22:24 Où on peut avoir cette liberté
01:22:26 dans ce grand laboratoire de l'imaginaire.
01:22:28 C'est l'expression qu'utilisait Paul Ricoeur
01:22:30 pour définir la littérature.
01:22:32 "Grand laboratoire de l'imaginaire".
01:22:34 Où on peut tout expérimenter.
01:22:36 Mais où on est extrêmement libre aussi.
01:22:38 Je pense que ça sera peut-être la note
01:22:41 de la dernière parole sur cette liberté.
01:22:44 Finir sur cette liberté,
01:22:46 à la fois de l'auteur, du créateur
01:22:48 et du lecteur, de la lectrice.
01:22:50 C'est assez enthousiasmant.
01:22:52 Merci à tous.
01:22:54 Merci à vous.
01:22:56 (Applaudissements)
01:22:59 Je...
01:23:01 Juste quelques petites informations.
01:23:04 Les livres, les oeuvres
01:23:06 des auteurs présents,
01:23:08 vous pouvez les trouver à la boutique
01:23:10 de la Cité des sciences et de l'industrie
01:23:12 au rez-de-chaussée.
01:23:14 Vous pouvez aller déjeuner. Le déjeuner est libre.
01:23:16 Vous avez de quoi faire dehors sur le boulevard,
01:23:19 à l'intérieur, au niveau 0 et 1.
01:23:21 Vous pouvez profiter aussi des expos
01:23:23 sur la pause déjeuner.
01:23:25 Il y a "Boom, boom, villette" aussi sur le côté
01:23:27 pour toutes les cuisines du monde.
01:23:29 On peut se retrouver pour le café
01:23:31 à partir de 13h30.
01:23:33 Cette fois, on reprend à 14h
01:23:35 pour les premières tables rondes.
01:23:37 Merci beaucoup. A tout à l'heure.
01:23:39 ...

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