• il y a 8 mois
Dans cet épisode de La vraie vie de, StreetPress a rencontré Vanessa, victime d’un tir de LBD pendant le mouvement des Gilets Jaunes en 2018. Elle a perdu la vue de son œil gauche. 6 ans après, elle raconte à StreetPress ses séquelles physiques et psychologiques.

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Transcription
00:00 Nous voulons qu'en France on puisse se promener tranquillement,
00:02 descendre ses poubelles, aller en manifestation, aller à un match de foot,
00:05 sans perdre un oeil, un bras ou un bout de cerveau.
00:07 On veut qu'il y ait une vraie justice,
00:09 parce que n'oubliez pas que tant qu'on n'aura pas de justice, il n'y aura pas de paix.
00:11 Pas de justice, pas de paix !
00:13 Je m'appelle Vanessa, le 15 décembre 2018,
00:16 j'ai pris un tir de LBD en pleine boîte crânienne
00:19 et depuis mon quotidien a été complètement transformé.
00:21 Je décide de manifester, donc c'est l'acte V.
00:33 On arrive vers 13h à peu près au Champs-Elysées
00:36 et à 14h la manifestation commence, moi je suis au fond, tout au fond.
00:39 Il y a une super ambiance, il y a une grand-mère avec son déambulateur,
00:42 ça chante, ça danse, et puis on se dit,
00:44 bon il y a la grosse barre de CRS, on va peut-être se décaler,
00:46 on sait jamais si ça charge tout ça, voilà.
00:48 Donc on se prend la main et au final on marche 2-3 minutes
00:51 et puis d'un seul coup, je ne ressens pas de choc, rien,
00:54 c'est que d'un seul coup je vois ma copine et puis je la vois bizarrement tout gris,
00:57 ma vision est bizarre et je ne comprends pas en fait
01:00 parce que je n'ai pas senti de choc, il ne se passe rien.
01:03 Donc je ne comprends pas, je pense qu'on m'a poussée
01:05 et puis d'un seul coup je commence à entendre "médic, médic, appelez les médics".
01:09 - Que la place ait le corps !
01:12 J'essaye de regarder en me disant que c'est quelqu'un à côté de moi en fait,
01:16 parce que mon cerveau a déjà fait un off en fait.
01:19 - Écartez-vous là !
01:24 Je comprends que c'est grave parce que quand j'ouvre les yeux,
01:27 je vois toute ma famille.
01:29 Et là c'est quand je demande à ma soeur jumelle
01:31 "est-ce que tu peux me donner un miroir ?"
01:32 que je vois mon visage et qu'elle me dit "non,
01:35 tu préfères pas demander aux infirmières ?"
01:37 Je commence à me dire "oh, qu'est-ce qui se passe, pourquoi ?"
01:42 Et puis là arrivent les infirmières et je dois aller me laver dans la salle de bain
01:46 et je découvre mon visage dans le miroir,
01:48 qui ressemble à rien.
01:50 Même encore maintenant, je me suis dit qu'il fallait que je disparaisse,
01:53 que je pouvais pas vivre avec ce visage-là.
01:56 Ma mère rentre un jour du marché avec un petit mignon comme ça que j'ai là-bas.
02:11 J'avais la grosse cicatrice, j'étais encore en vrac
02:13 et je voulais pas qu'on me voie, je m'aimais pas sur les photos comme ça.
02:17 Donc du coup, quand ma mère est rentrée avec le mignon,
02:19 le petit mignon m'a remplacée sur les photos, tout simplement.
02:23 J'ai rêverai de pas avoir à me promener avec ces lunettes.
02:25 Moi le problème, c'est que j'ai que la photosensibilité.
02:27 Donc en fait, j'ai vécu des mois et des mois comme si j'avais une lampe dans l'œil.
02:31 Et grâce à mon opti-chien, on a inventé ces lunettes.
02:34 Donc c'est ce qui m'a permis, bon,
02:36 c'est-à-dire qu'on voit ma blessure plus que si je suis comme ça,
02:39 mais qui me permet de vivre au quotidien.
02:40 J'arrive à sortir, j'arrive à prendre les transports,
02:44 mais que dans les endroits connus,
02:45 ailleurs que ce soit dans le métro, que ce soit partout,
02:47 on m'appelle pirate, on me prend en photo, les gens ils buggent sur moi.
02:51 Donc c'est toujours compliqué.
02:52 C'est toujours compliqué d'être regardé à cause de ça, en fait.
02:55 Parce que, ben en vrai, si je fais ça, ça se voit pas tant que ça, quoi.
02:59 Donc j'aimerais que ce soit comme ça.
03:01 Et des fois, j'arrive à oublier l'handicap
03:03 et les gens, avec leur regard, me le rappellent.
03:05 Et c'est pas évident.
03:06 Je recommence à prendre un peu soin de moi,
03:07 à cause de ma nièce, tout simplement.
03:09 Donc elle a vu des photos de tata avant,
03:11 et là, elle m'a dit "Ben tata,
03:13 ils sont outés, vos vêtements, et ton beau maquillage".
03:15 Donc ben tata s'est dit qu'il était peut-être temps
03:19 de laisser les joggings
03:20 et d'essayer de redevenir un peu féminine comme avant.
03:23 On se fait des brochings, tant bien que mal,
03:25 mais je me maquille qu'un oeil, du coup, c'est pratique.
03:27 C'est plus rapide.
03:29 Il y en a partout, des trucs démutilés chez moi.
03:41 La victoire, c'est d'avoir réussi à faire une association,
03:43 d'avoir réussi à créer des liens avec des gens,
03:45 d'avoir réussi à peut-être découvrir aussi
03:47 qui je suis au fond de moi.
03:48 Beaucoup de souffrance, mais peut-être une façon aussi
03:51 de se découvrir autrement.
03:52 Il écrit quoi ?
03:57 "Si, il y a des grâves, c'est peut-être nous."
03:58 "Si, c'est nous."
03:59 C'est la marche annuelle contre les violences systémiques
04:03 et violences policières et violences racistes.
04:05 Mais nous, on est des terreux,
04:07 qui ont roulé le pays.
04:08 Le collectif des mutilés, pour l'exemple,
04:10 a été créé après les nombreux mutilés
04:13 qu'il y a eu pendant les Gilets jaunes.
04:14 Et donc, voilà, ça permet de montrer qu'on est là,
04:17 qu'on existe et de donner une visibilité
04:19 sur tout ce que fait la police et la gendarmerie en France.
04:21 Donc, n'hésitez pas, si vous connaissez des personnes
04:23 qui ont été mutilées ou blessées avec séquelles,
04:24 à nous contacter, parce qu'on est là pour les aider.
04:26 Quand on est personne mutilée,
04:28 on se comprend un peu mieux qu'avec des personnes
04:29 qui ne vivent pas tout ce qu'on vit.
04:31 Il serait temps que déjà, les personnes qui sont mutilées
04:35 aient un statut de victime.
04:36 Toutes les personnes mutilées.
04:38 C'est-à-dire que j'ai été mutilée dans un accident de voiture
04:40 ou par la police, je dois avoir un statut de victime.
04:43 Je ne comprends pas pourquoi les personnes mutilées,
04:45 handicapées, suite à une violence policière,
04:48 n'ont pas de statut.
04:49 Il est temps que M. Macron,
04:51 et là je parle bien de M. Macron,
04:52 arrête de dire qu'il n'y a pas de violence policière.
04:54 C'est faux.
04:56 La preuve, on a une association.
04:57 On a des centaines de blessés
04:59 et qu'on a le droit à un vrai dédommagement aussi.
05:01 Parce que vous ne nous rendrez pas à ce que vous nous avez pris,
05:03 mais un réel dédommagement,
05:05 pas un dédommagement qu'on doit grappiller.
05:07 Voilà.
05:08 [Musique]

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