En 2021, deux filles ont été tuées à coups de couteau à seulement quelques mois d’intervalle. Elles s’appelaient Lilibelle et Marjorie, elles avaient 14 et 17 ans. Des embrouilles parties des réseaux sociaux qui ont viré au drame.
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00:00 En l'espace de 5 minutes, ma vie a basculé. À cause des réseaux. Ma fille n'a pas mérité ça. Pourquoi ? Juste pour des paroles, des bousculades. Est-ce que ça vaut le coup de tuer quelqu'un ?
00:27 Je veux mon bijou !
00:30 Et tous les jours, j'ai un flash qui me revient, où je reste bloqué pendant 15-20 secondes, où je vais me dire « mince, c'est un truc de ouf ».
00:39 J'ai une partie de moi qui est morte.
00:51 Je m'appelle Adam Akamara. Depuis ma sortie de prison en 2019, je me suis lancé dans un combat. Mettre fin au RICS. Je le fais pour mon petit frère Sada, tué à coups de couteau en 2011. C'est mon vécu, mais je vais en faire quelque chose de bien, pour sauver mes petits frères.
01:13 Dans la saison 1 de RICS, j'ai parlé à des jeunes blessés et à des familles détruites dans ces guerres de cités. Mais il me reste trop de questions sans réponse. Trop de familles n'ont pas honoré leur mort. Alors je repars sur la route pour comprendre l'engrenage des RICS.
01:39 Quand j'étais petit et que j'étais dans les embrouilles de quartier, on va pas se mentir, la plupart des impliqués étaient des garçons. Parfois, il y avait des embrouilles entre meufs, mais ça restait rare. Certaines participaient en nous donnant un go. Elles nous prévenaient où étaient certains mecs pour qu'on leur tombe dessus en équipe. Mais en 2021, plusieurs filles sont mortes dans des RICS. Je me suis demandé comment on a pu en arriver là. J'ai décidé d'aller parler avec leur famille pour comprendre.
02:06 Aujourd'hui, on est à Evry-sur-Seine. Il y a un an, Marjorie s'est fait tuer là, en bas de chez elle, par un petit de 14 ans qu'elle connaissait. Ça fait plusieurs mois que j'échange avec la famille. J'essaie de les soutenir comme je peux. Au 1er anniversaire de la mort de Marjorie, il y a eu un événement juste en face où il y a eu des grosses prises de parole. C'était un moment vraiment d'émotion, vraiment très dur, très compliqué, avec beaucoup de larmes.
02:28 Aujourd'hui, j'ai besoin de comprendre comment se fait-il qu'une jeune fille se fasse assassiner en bas de chez elle. Donc là, on va aller voir la maman pour en discuter.
02:36 C'était une gamine très pétillante, d'un joie de vivre. Elle faisait beaucoup de danse. Elle aimait ça.
02:57 À la maison, tous les week-ends, on dansait. Il y avait des hauts et des bas, comme dans toutes les familles, d'autant plus que je suis seule à m'occuper de tout ce petit monde, parce que je les ai toutes élevées seules, quasiment seules.
03:10 Et au niveau de ses études, elle disait toujours que « Maman, un jour, je suis Marjorie Labosse et je serai Marjorie Labosse. Il faut que je sois là-haut, tout là-haut. J'aurai beaucoup d'argent. »
03:26 Comment tu as appris la mort de ta fille ?
03:28 J'étais à mon IRM et le temps que l'hôtesse me dit de m'asseoir, même pas cinq minutes après, j'ai reçu un coup de fil.
03:40 C'était une soeur à moi qui me dit qu'il fallait que je rentre. En arrivant ici, dans la cité, j'ai vu beaucoup de pompiers. Ma fille partait en fait.
03:58 Mais quand j'ai regardé ma fille, je ne sais pas, mais j'avais l'impression qu'elle était déjà partie. Son faciès était carrément gris. J'oublierai jamais cette image, en fait. J'oublierai jamais.
04:19 Marjorie a été tuée le 14 mai 2021. L'histoire est allée très vite. En quelques heures, on est passé de messages sur Snapchat à une altercation dans le quartier. Marjorie et son futur assassin se connaissaient.
04:32 Elle a voulu s'expliquer avec lui pour apaiser un conflit avec sa petite soeur. Mais après un premier accrochage dans la cité, il est rentré chez lui, a pris un couteau, puis est redescendu pour aller au foot.
04:44 C'est là qu'une deuxième embrylle a éclaté avec Marjorie et qu'elle a été poignardée au niveau du thorax.
04:49 C'est un choc émotionnel parce que vous n'arrivez pas à réaliser que votre fille, vous ne la verrez plus jamais.
05:09 Qu'est-ce qu'il me reste de Marjorie ? À part mes souvenirs, c'est des scènes, c'est des paroles, c'est des faits qui me hantent.
05:20 Est-ce que vous avez imaginé un jour que votre fille aurait pu partir comme ça, de la sorte ?
05:31 Jamais de la vie. Ça c'est quelque chose qui est impensable. Déjà le fait de perdre son enfant, c'est aux enfants de nous enterrer, c'est pas le contraire en fait.
05:46 Et là, jamais. Aussi atrocement, aussi... Non, ma fille n'a pas mérité ça. Pourquoi ? Juste pour des paroles, des bousculades ? Est-ce que ça vaut le coup de tuer quelqu'un ?
06:04 Comme toutes les ados de son âge, Marjorie postait des vidéos sur les réseaux. Dans cette histoire, tout est parti de là, avec des rumeurs sur sa petite sœur.
06:16 Je me demande à quel point ça peut mettre des filles en danger. J'en ai parlé avec Sincha, l'aîné de cette fratrie de cinq.
06:24 Là malheureusement, il y a eu l'impact des réseaux sociaux. Est-ce que tu penses que les réseaux sociaux, des fois, ça alimente ce genre d'événements ?
06:34 Je dirais même pas des fois. C'est tout le temps, c'est omniprésent. On le sait, nous en tant que parents, plus âgés en tout cas, que les réseaux sociaux, c'est un fléau.
06:44 Parce que moi, ma sœur, en quoi ? En deux heures, deux heures trente, elle a perdu sa vie. Pour quelque chose qui ne la concernait pas.
06:56 Elle venait juste avec son drapeau blanc, essayer d'atténuer, en tout cas d'arranger, de faire son rôle de grande sœur.
07:03 Moi, en l'espace de cinq minutes, ma vie, elle a basculé, à cause des réseaux.
07:09 Est-ce que tu as peur pour tes enfants plus tard avec les réseaux sociaux ?
07:12 Honnêtement, j'ai extrêmement peur. Moi, j'ai peur pour mes enfants. Ma fille, elle a huit ans. Je parle énormément avec elle.
07:23 Au début, je me tâtais à lui expliquer la raison du décès de ma petite sœur, donc sa tante. Après, je me suis dit, non, il faut qu'elle le sache déjà, ne serait-ce que pour elle.
07:33 Comme ça, ça peut lui permettre de comprendre un peu plus la frustration qu'elle aura plus tard quand je lui dirai non, non pour les réseaux.
07:45 Maman, elle a besoin de contrôler ce que tu fais. Tu auras un petit téléphone. Tu n'as pas besoin de réseau à ton âge.
07:53 Moi, j'ai extrêmement peur. J'ai un petit garçon, il a une vingtaine de mois. Je pense déjà à demain. On rentre dans une petite parano, je pense, très honnêtement.
08:05 Ça a bouleversé ta vie ?
08:08 Ah oui, oui, oui. Moi, la phrase ça va aller, la vie continue. Non, moi, ma vie, elle s'est arrêtée le 14 mai 2021.
08:18 Moi, ma vie, elle ne continue pas. Elle s'est arrêtée le 14 mai 2021. Et là, je me construis autour de ça.
08:31 En juin 2022, le procès du meurtrier de Marjorie a eu lieu. Le garçon de 14 ans a été condamné à 8 ans de prison ferme pour meurtre.
08:39 La deuxième soeur de Marjorie, Adelina, a lu un texte ce jour-là devant la cour. Un poème sur la disparition de sa soeur. Elle nous l'a lu là où sa soeur a été tuée.
08:51 Pardon à la jeunesse perdue, une porte qui se ferme par une main, une main qui disparaîtra à tout jamais. Une personne, puis deux, puis plusieurs, un groupe quoi, et soudain plus rien.
09:04 Le jugement, l'insulte, la menace, le débat, le regard, le silence, et celui qui veut tout simplement prouver aux autres.
09:15 Mais aussi brutalement face à cette personne qu'on ne reverra plus jamais, notre Marjorie. Et tout d'un coup, les soustractions s'enchaînent.
09:22 Le chiffre 5 à la maison devient 4. Le chiffre 5 frères et soeurs devient 4. Le chiffre 4 soeurs devient 3. Et l'appellation "les jumeaux" devient juste "Mat", puis lui tout seul.
09:36 Un coup de couteau en plein cœur. Son sourire, son visage, ses rêves, ses projets, laissés violemment au sol.
09:44 Hélas, une tragédie, la tragédie de Marjorie. Notre tragédie, mais aussi la vôtre. Car plus de Marjorie aujourd'hui sous-entend beaucoup trop de Marjorie demain.
09:55 Une jeunesse perdue avec nos jeunes défunts, qu'ils reposent en paix.
10:00 [Musique]
10:16 Trois mois avant la mort de Marjorie, Betty, une maman de 55 ans, a aussi perdu sa fille.
10:22 Lily Belle a été tuée à Saint-Cheron, une petite ville de 5000 habitants, au milieu des champs.
10:29 C'est comme si je faisais sa chambre, t'imagines ?
10:32 Trois mois après le décès de ta fille, il y a aussi une autre jeune fille qui s'est fait tuer, Marjorie.
10:40 Ça t'a fait quoi lorsque tu as appris son décès ?
10:43 Je me suis dit "encore une fille". C'est ça qui m'a le plus choquée.
10:49 C'est-à-dire que, poignardée par un gosse de 14 ans, pour une bêtise de réseau, pour une bêtise d'orgueil, pour rien quoi.
11:04 A la finale, pour rien du tout. C'est ça qui m'a choquée.
11:08 Ça m'a rappelé trop ce qui est arrivé à ma Lily Belle.
11:15 Le 22 février 2021, plusieurs mineurs de Dourdan, une ville d'à côté, viennent pour en découdre à Saint-Cheron.
11:22 L'adolescente de 14 ans se retrouve dans la bagarre. Elle est poignardée en haut de la cuisse.
11:29 Selon la procureure d'Evry, les rivalités entre les jeunes de Dourdan et Saint-Cheron ont montré à l'été 2020,
11:36 sur fond de messages, d'insultes et de provocations sur les réseaux sociaux.
11:42 Sur les lieux du drame, j'ai rejoint Lolita, la grande sœur de Lily Belle.
11:47 Je veux entendre sa version sur ce qu'il s'est passé ce jour-là.
11:51 Lily Belle, elle était chez des amis en train de passer une journée comme n'importe quel enfant peut passer en fait.
11:57 Ensuite, t'as une équipe de Dourdan qui débarque de je ne sais où, cagoulée, gantée, pour venir régler leur compte à Saint-Cheron,
12:05 alors que moi, ma petite sœur, elle a zéro problème avec tout le monde.
12:10 Donc ensuite, ils se sont pris à elle, à ses amis volontairement.
12:14 Donc, il a recherché même pas ma petite sœur en elle-même.
12:17 Et ben, j'arrive pas à comprendre jusqu'à là.
12:19 Il lui a mis un coup de couteau parce qu'elle lui a demandé de faire attention parce qu'il y avait des enfants.
12:24 Donc, je sais pas, comme à mon avis, il a pas apprécié, comme il a dit, il a pas apprécié qu'elle lui demande d'arrêter, de se calmer.
12:31 Ben, monsieur l'a plantée. Il l'a plantée comme ça volontairement.
12:37 Il l'a pas balafré, il l'a pas petite griffure, il l'a plantée, relevé le couteau pour qu'elle y passe.
12:43 Et tous les jours, tu vois, j'ai un flash au moins qui me revient, où je reste bloqué au moins pendant 15, 20 secondes, où je vais me dire mais mince, quoi, tu vois, c'est un truc de ouf.
12:52 Comment un drame comme ça a pu arriver à Saint-Cheron ?
12:55 Ça ressemble pas au décor que je connais.
12:57 J'ai retrouvé Betty devant la maison où elle a élevé Lili Belle pour en parler.
13:03 J'ai l'habitude souvent d'aller dans des quartiers pour aller voir des jeunes ou les sensibiliser par rapport aux RICS.
13:07 D'habitude, quand j'arrive, c'est des bâtiments, c'est des quartiers où il y a beaucoup de jeunes.
13:11 Et là, je me dis comment se fait-il que dans un petit village, il n'y a pas de bâtiment, comment se fait-il qu'on peut en arriver là ?
13:16 Comme je l'ai assez répété depuis un an et demi, c'est un problème de société.
13:21 C'est pas un problème de quartier, de ceci, de cela.
13:25 Je crois plutôt aux réseaux sociaux.
13:27 Pourquoi les réseaux sociaux, ils influencent les petits villages ?
13:31 Bien sûr, ils n'ont pas envie d'être des blédards.
13:33 Je pense qu'ils ont besoin de s'identifier.
13:36 S'identifier à qui ?
13:38 Au réseau social.
13:40 Le rappeur untel, il fait comme ça.
13:43 Les filles, elles vont s'identifier à ce qu'elles veulent, à Nabila.
13:47 Et puis les garçons, à Bouba.
13:49 Depuis le décès de sa fille, Betty ne peut plus rentrer dans sa maison.
13:55 Elle a trop de souvenirs avec Lili Belle.
13:58 Elle qui gérait un bar dans le centre-ville, a même laissé des fûts devant chez elle, à l'abandon.
14:02 Elle a arrêté de travailler.
14:04 Maintenant, elle habite dans un camping à la sortie de la ville.
14:07 Ici, c'est vraiment mon refuge.
14:11 Je me sens mieux dans les bois.
14:15 Je préfère les arbres, la nature.
14:19 Parce que l'être humain m'a déçue, m'a fait mal.
14:25 Je ne sais pas pourquoi.
14:26 Je suis un peu la tristesse.
14:30 Je ne suis plus la joie de vivre, comme je l'étais.
14:33 J'ai fait ma Lili Belle quand j'avais 40 ans.
14:37 Donc c'était mon petit bâton de vieillesse, mon énergie.
14:41 Et aujourd'hui, j'en ai beaucoup moins, forcément.
14:53 Le dernier anniversaire de sa fille, Béthille a fêté au cimetière, entourée des amis de Lili Belle.
14:59 On a fait un gâteau au chocolat, comme elle faisait, fondant au chocolat.
15:07 On est venus fumer une cigarette, lui chanter sa chanson d'anniversaire.
15:12 Souffler les bougies à sa place, ici, le 16 juin.
15:20 Je suis née le 17 juin. C'était mon cadeau d'anniversaire aussi, quand je l'ai mise au monde.
15:25 Voilà pourquoi j'avais du mal à venir maintenant, toute seule. C'est très compliqué.
15:32 Depuis qu'elle n'est plus là, c'est très compliqué, parce que c'était la seule personne à qui je racontais ma vie.
15:47 Quand j'avais des galères, elle comme moi, on était toujours l'une pour l'autre.
15:51 Et c'est vrai que ce n'est pas facile de se dire, de se reconstruire après ça.
15:57 Pour tenir le coup, Béthille restait très proche des amis de Lili Belle, comme Léa, sa meilleure amie.
16:04 Tu sais très bien que je serai toujours, toujours là.
16:06 Mais je le sais. Et Lili, c'est notre petite ange gardien pour la vie.
16:11 Je t'aime.
16:13 Moi aussi, je t'aime.
16:16 Elle est très importante dans ma vie. Elle a fait beaucoup.
16:18 On s'aide, tous les jours on s'aide.
16:20 Avec Béthille, il n'y a pas une semaine où on ne s'appelle pas.
16:23 Je suis très souvent avec elle pendant mes jours de repos.
16:27 En fait, avec Béthille, on a vraiment besoin d'être ensemble.
16:31 C'est important parce que moi, je sais que si je n'ai pas Béthille, le manque va être encore plus là.
16:41 Mon petit ange au paradis, quand il fait nuit, c'est elle qui brille, on la regarde avec espoir.
16:47 Quand dans nos vies il fait trop noir, elle réveille l'amour en moi.
16:52 Quand je me sens déboussolée, elle sait revenir nous guider.
16:57 Quand on se sent abandonné, comme une petite soeur pour moi, que je garde dans ma mémoire.
17:06 Et dans mon cœur, tu resteras à jamais ma plus belle histoire, ma Lili.
17:12 Ça me fait mal au cœur de voir que des filles ont été tuées comme ça.
17:19 Après toutes ces discussions avec les proches de Lili Bell et Marjorie, il me reste une question sans réponse.
17:27 Est-ce que d'autres filles vont être touchées par les Ricks ?
17:31 Je ne sais pas.
17:33 Le Réveil, c'est une histoire de l'amour.
17:37 Le Réveil, c'est une histoire de l'amour.
17:42 Mal ne soit pas mal, mais mal ne soit pas comme ça.
17:45 Mal ne soit pas mal, mais mal ne soit pas comme ça.
17:49 Le Réveil, c'est une histoire de l'amour.
17:52 Mal ne soit pas mal, mais mal ne soit pas comme ça.
17:56 Le Réveil, c'est une histoire de l'amour.
18:00 Mal ne soit pas mal, mais mal ne soit pas comme ça.
18:04 Le Réveil, c'est une histoire de l'amour.
18:08 Mal ne soit pas mal, mais mal ne soit pas comme ça.
18:12 Le Réveil, c'est une histoire de l'amour.
18:17 Mal ne soit pas mal, mais mal ne soit pas comme ça.
18:20 [Musique]