• il y a 6 mois
Il débarque dans le monde littéraire comme ses héros, avec un vieux camion, et l’envie de faire entendre une France des itinéraires bis… Pour son premier roman "Le Radiateur", Gonzague Pillon est ce matin l'invité de Mathilde Serrell. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/nouvelles-tetes/nouvelles-tetes-du-lundi-01-avril-2024-7676722

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00:00 Les nouvelles têtes Mathilde Serrel, ce matin un écrivain sur le tard qui ne bouge jamais sans son cantar.
00:07 Gonzague Pilon est dans notre studio portrait sonore.
00:11 Alors voici la bavette, bavette de flancher, bavette d'alloyaux, le fond filet avec le filet.
00:17 Ensuite nous avons le plat de coude découvert.
00:20 Fils de Boucher, il est né à Amiens et a choisi d'y installer les personnages de son premier roman
00:26 au Pigeonier, exactement le quartier des grands ensembles. Au départ son truc c'était pas de gratter des bouquins
00:31 mais plutôt des guitares, ce genre.
00:34 Sepultura ! S'il n'avait pas eu ses problèmes d'acouphène, il aurait continué dans le métal.
00:52 Après quelques années de socio à la fac, il trouve son chemin dans l'existence, la rando.
00:57 Un pied devant l'autre, en regardant tout droit, ça simplifie la vie.
01:05 Voilà qu'il troque les champs de betterave de Picardie pour les reliefs du Massif Central
01:09 et dégote un beau jour un vieux Renault Trafic, millésime 1984.
01:14 Ces fourgons qui font ici sur la piste d'essai leur premier kilomètre
01:17 sont les petits derniers de la gamme des véhicules utilitaires Renault.
01:21 L'estafette est morte, vive le trafic. Cadence actuelle de production, 60 trafics par jour.
01:28 Une fois réparé, son trafic devient le fidèle compagnon de toutes ces virées pédestres dans les montagnes
01:33 et l'accompagne aussi dans ce qui reste son métier de cœur, bouquiniste.
01:37 Il devient même le héros de son premier roman fumant, Le Radiateur, aux éditions J.C.Lattes.
01:43 Gonzague, Pierrot, bonjour !
01:44 Bonjour !
01:45 Vous êtes venu avec votre canne-tard ?
01:46 Non !
01:48 C'est bien d'avoir dit la vérité en tout cas ! Mais vous l'avez toujours avec vous normalement ?
01:52 Je l'ai toujours, tout à fait. Il est en réparation actuellement.
01:54 Vous arrivez donc à dire dans la vie littéraire, un canne-tard, c'est un premier roman fumant, Le Radiateur…
02:00 Est-ce que c'est un camion ? Parce que je ne savais pas moi ce que c'était.
02:03 À peu près depuis le début !
02:04 Moi je ne sais pas, il y a d'autres gens qui ne savent pas ce que c'est qu'un canne-tard.
02:06 Un camion, un Renault… Ah ben c'est un canne-tard, c'est un camion.
02:09 Là il s'agit d'un Renault Trafic. Et il est fumant parce qu'il a un problème de radiateur.
02:13 Vous n'êtes pas de Philippe non plus, vous ne savez pas ce que c'est qu'un canne-tard.
02:18 Vous êtes venu en camion, sauf aujourd'hui. D'habitude vous êtes avec.
02:22 Et vous partez en roadtrip également avec. Le sujet du roman, c'est Michel Dimitri et José qui veulent faire un coup fumant.
02:30 Ils veulent prendre la route pour aller dans un monastère, y voler des livres rares et précieux.
02:35 Est-ce qu'à un moment dans votre vie de bouquiniste, l'idée vous a effleurée ?
02:38 Se refaire en allant voler un vieux livre dans un monastère ?
02:42 Non, j'y ai pensé, mais ça avait déjà été fait. Il y a eu un vol de manuscrits qui avait été fait au Mont-Saint-Odi il y a quelques années.
02:49 Ils ont été retrouvés malheureusement ceux qui ont fait ça.
02:52 Malheureusement ?
02:53 Le projet était beau, je trouvais. C'était la liberté d'alliance.
02:57 C'était comme dans le livre qui était en train de se détériorer.
03:01 Ils les avaient volés pour les remettre en état. C'est un peu la source d'inspiration que j'ai eue aussi.
03:06 Ce n'est pas un casque de banque, c'est un casque de livre. C'est à quel symbolique pour vous ?
03:10 C'est l'amour des livres. C'est pour remettre les livres en état. C'est un cri d'amour pour les livres.
03:20 Vous avez été bouquiniste, et d'ailleurs on le ressent encore dans les pages de ce livre. C'est quoi un incunable ?
03:26 Puisqu'on est finalement sur un lundi pascal, on pourrait avoir un peu de culture générale. Un incunable, c'est quoi ?
03:32 Un incunable, c'est un livre qui a été écrit avant l'invention de l'imprimerie, avant Gutenberg.
03:37 Et qui est parfois dans les monastères parce qu'il est relié, écrit à la main. C'est un livre qui se fait de moine en moine.
03:44 C'est ça, exactement.
03:45 On va se retrouver dans un livre fumant aussi, puisqu'on y fume énormément.
03:50 Et on se rend presque compte que c'est rare de nos jours dans les pages des romans.
03:54 Michel, il a 50 ans, une clope au bec. En peignoir, il accueille une huissier de justice.
03:58 Il s'éclaircit les pensées avec une clope. José, il a 29 ans, il est livreur de pizza pour la famille,
04:03 dealer pour les clients et les intimes. Il s'allume un Wange et c'est écrit comme tel.
04:08 Vous lui avez fait revenir un peu de fumée dans les pages des romans, Gonzague-Pilon.
04:13 C'est là où vous en parlez que je me rends compte.
04:16 Puisque à vrai dire, c'est vrai que ça fait partie du naturel des personnages.
04:20 Ils sont tout le temps en train de fumer.
04:22 Alors José, c'est presque plus normal puisque c'est un petit peu son cœur de métier.
04:26 Puis il a grandi avec ça dans les banlieues.
04:29 Mitch est quelqu'un de très nerveux, qui me fait un petit peu penser à Michel Houellebecq dans le personnage.
04:34 Qui a tout le temps une clope au bec. Plus les antidépressants.
04:39 On commence, Mitch s'est fait quitter par sa femme.
04:43 La huissier de justice est là pour faire payer le loyer puisqu'elle est partie, mais elle ne paye plus sa part.
04:48 Et puis José, il vit dans un HLM avec sa mère au Pigeonnier.
04:52 Il y a la voisine Christelle qui fait du porno sur Jackie et Michel.
04:55 Au-dessus, il y a un mec qu'on surnomme Heure Creuse parce que toute sa vie, il passe la spie.
05:01 Il fait tourner les machines à laver la nuit.
05:03 Il en a fait un pour payer moins cher son EDF.
05:06 Là aussi, moi, il me semble que ce sont des personnages qu'on trouvait moins dans les pages de littérature.
05:11 Pour vous, Consacre Pilon, c'est peut-être pour ça qu'on écrit un livre.
05:14 Il y a parfois des choses qu'on ne lit pas dans les autres livres.
05:17 En tout cas, c'est sûr que ce sont des personnages qui sont authentiques.
05:22 Qu'on ne trouve plus aujourd'hui, mais comme un petit peu tout ce qu'il y a dans le livre.
05:26 En fait, le camion, on ne le trouve plus aujourd'hui.
05:28 Les personnages ont des mentalités, ils se déconnectent complètement.
05:31 Ils enlèvent les téléphones.
05:33 C'est un petit peu anachronique, on va dire, comme histoire.
05:36 Ce qui fait qu'on découvre des personnages comme ceux-là, un peu anachroniques, mais qui ont existé.
05:40 C'est tiré un petit peu de fait réel, on va dire.
05:43 - Alors, je voudrais qu'on entende la langue de ce livre.
05:45 Vous acceptez de nous lire quelques pages ?
05:47 On est avec Mitch et José que je vous ai un petit peu présenté.
05:51 On va réparer ce fameux trafic pour aller chercher les bouquins dans le monastère.
05:55 Les bouquins, c'est les livres.
05:57 - Mitch ouvre le capot, se penche sur le moteur.
06:02 - T'es sûr que ça va tenir ?
06:04 - Vas-y Mitch, tu me prends pour qui ?
06:06 - C'est moi qui l'ai re-soudé. Évidemment, ça va tenir.
06:08 - T'as bien vu, on a rempoté 5 litres de liquide dans ton radiateur.
06:12 Là, 3 gouttes le long du tuyau, 2 en dessous, c'est walou.
06:15 Le principal, c'est qu'il ne perde pas 2 litres à chaque fois que tu t'arrêtes.
06:18 De toute façon, t'as un voyant sur le tableau de bord.
06:20 La règle, c'est de pas t'inquiéter tant qu'il s'allume pas.
06:23 Et s'il fonctionne plus ?
06:25 - Tu te gares quand ça fume, ça ira.
06:27 - Arrête de baliser, le trafic c'est pas le problème, c'est la solution.
06:30 José craque son vinge, prend une longue taffe,
06:32 et recrache un épais nuage de fumée.
06:34 Sourire aux lèvres.
06:35 La banane.
06:37 - Relax Mitch, on est pas bien là ?
06:39 - Petit re-trip entre potos, au calme.
06:41 - Ouais, l'air de rien, le camion qui t'oblige à prendre ton temps, c'est pas si mal.
06:45 On profite du paysage.
06:46 - Ouais, tu les vois, tous les gens à dons sur l'autoroute.
06:49 Et vas-y que je te fais un appel de farce, tu me ralentis, ta grand-mère.
06:52 À peine parti, faut déjà être arrivé.
06:54 Ils ont tous réservé du samedi au samedi, des bons petits moutons de merde.
06:57 Et ils partent tous en même temps, au même endroit, avec la même clip,
07:01 les mêmes rejetons abrutis de smartphones.
07:03 Quand ils sont revenus, ils savent même pas où ils sont allés.
07:05 Et tous ces fils d'œufs, ils jugent des gens comme nous,
07:07 avec leur petit sourire en coin quand ils voient le vieux camion,
07:10 et qu'ils imaginent la gueule dans le pouvoir d'achat.
07:12 Bah dis donc non, quand même, des fois t'es pessimiste.
07:14 Pas pessimiste, lucide.
07:16 Si tu vis les yeux fermés, faut pas t'étonner de plus le ton de connerie.
07:19 - Merci Gonzague Pilon pour cette lecture.
07:22 On y entend la langue asie, c'est écrit comme ça.
07:25 Le camtar aussi, la pokerface, la jactonce, la caille.
07:29 Vous avez pas mégoté sur votre plaisir, en fait, à utiliser l'argot ?
07:33 C'est la langue d'audiarmes d'aujourd'hui ?
07:35 - Je pense, en tout cas, c'est des termes que j'ai beaucoup entendus autour de moi.
07:39 Quand je faisais de la musique, notamment, on était avec des rappeurs à côté de nous,
07:42 donc j'entendais ça.
07:43 Et dans le cadre des concerts aussi, on a fréquenté beaucoup les punks, etc.
07:47 - Donc vous aviez un petit carnet d'argot, toujours à jour ?
07:51 - Exactement, il y a aussi le frangin qui est dédié de ce bouquin,
07:54 qui est une encyclopédie vivante d'argot, qui m'a beaucoup aidé aussi.
07:57 - Et je rappelle que vous n'avez pas de réseau social,
08:00 mais que vous allez repartir en camion réparé bientôt.
08:04 Merci beaucoup d'avoir été avec nous Gonzague Pilon.
08:07 Le Radiateur, c'est J.C.Lattes dans une collection qui s'appelle La Grenade.
08:11 Bonne route.
08:12 Merci Mathilde.

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