• il y a 8 mois
Directrice générale du groupe agroalimentaire Bel, Cécile Beliot se confie notamment sur son parcours en tant que femme dans des sphères de pouvoir masculines. Elle partage sa vision du pouvoir comme simple moyen au service d’un but, et donne un conseil de carrière qui tient en trois lettres : P.I.N. pour « Performance », « Image » et « Network ». En invitant les femmes à ne pas se focaliser exclusivement sur leur performance, comme elles le font souvent.

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00:00 [Musique]
00:04 Bonjour Cécile Belliot.
00:06 Merci d'avoir accepté mon invitation en dépit d'un agenda bien évidemment très rempli.
00:11 Alors, vous êtes le grand témoin du jour, donc vous allez nous parler bien sûr de votre vision de la position des femmes dans le monde économique.
00:18 Alors je vais rappeler, c'est dommage parce qu'il y a beaucoup de sujets à traiter avec vous, mais là on va se concentrer sur ce thème-là.
00:24 Je vais rappeler en quelques mots pour vous présenter ou du moins confirmer à celles qui ne vous connaissent pas encore qui vous êtes.
00:30 Donc vous êtes la CEO de Bell, ça je l'ai dit en introduction.
00:34 Vous avez rejoint le groupe, alors Bell je répète sont les marques iconiques, Babybel, La Vache qui rit, Le Kiri, on les connaît toutes et tous.
00:43 Vous avez rejoint le groupe donc en 2018, vous étiez en charge de la stratégie du développement et vous avez pris la direction générale il y a maintenant deux années,
00:51 sachant que vous aviez auparavant exercé dans d'autres groupes tels que Danone assez longuement avant.
00:57 Alors vous êtes une des rares femmes à diriger une grande entreprise, ça je le disais aussi, et vous êtes également pionnière justement dans les sujets de transition alimentaire ô combien important aujourd'hui.
01:09 Vous avez aussi d'ailleurs une vision du management qui est très intéressante, je la résume mais on n'aura pas le temps d'en parler,
01:16 mais qui est que l'entreprise est finalement une somme de conversation et que le rôle de CEO c'est de favoriser, d'organiser, de sorte que les conversations s'établissent, soient des bonnes conversations.
01:26 Je trouvais que la définition était tout à fait intéressante.
01:29 Alors on n'est pas sur ce thème là mais on va peut-être le recroiser au travers de votre expérience personnelle.
01:35 Donc je commence tout de suite sur la question qui est finalement vous dans votre parcours à succès tel que vous l'avez connu, tel que vous le connaissez.
01:43 Est-ce que le fait d'être une femme a changé quelque chose ou pas ?
01:46 De toute façon c'est constitutif de qui je suis donc forcément que ça a changé quelque chose.
01:53 Ce qui est vrai, ce que ça crée quand on est une femme et qu'on grandit dans l'univers des dirigeants dans l'agroalimentaire c'est qu'on se sent vite seule.
02:05 Donc c'est vrai que j'ai eu et je continue à être très souvent la seule femme dans les différents conseils, coalitions auxquels je peux participer.
02:16 Et en fait la première chose que ça fait c'est que ça oblige.
02:20 C'est-à-dire qu'on le sait, c'est difficile d'être ce qu'on ne voit pas et du coup il y a une valeur d'exemple, de rôle modèle.
02:31 C'est la raison pour laquelle je suis là aussi aujourd'hui.
02:34 C'est-à-dire qu'il y a une forme d'obligation, en tout cas moi je ressens très très fort, de montrer à toutes les jeunes filles qui travaillent dans mon secteur en particulier
02:45 que c'est possible qu'on peut être une femme, une maman et une chef d'entreprise et de réussir à les inspirer juste à oser.
02:54 Après ce que ça fait aussi c'est qu'à un certain moment, moi j'ai réalisé que quand je rentrais dans une pièce, je ne pouvais plus en sortir sans m'être fait entendre.
03:07 Et parce que moi dans ma personnalité j'avais peut-être une forme de leadership un peu différente, ça m'a forcé en tout cas à oser prendre la parole,
03:20 à oser parfois interrompre ces messieurs qui ne voyaient pas que j'étais dans la salle.
03:27 Et à un moment je me suis dit je n'accepterais plus, je ne sortirais plus de la salle sans m'être fait entendre.
03:32 Et ça oblige aussi, et ça on le dit souvent sur les femmes, mais je pense que c'est vrai, à arriver très préparée.
03:38 À être dans un niveau, en tout cas je pense que ça montre l'exigence pour les femmes à chaque échelon qu'on passe.
03:49 La bonne nouvelle c'est qu'on voit que le système se met à bouger, qu'il y a un certain nombre de lois qui font qu'il y a des quotas.
03:55 Et du coup ça oblige le système à accueillir d'autres femmes à la table.
03:59 Et on voit très bien, les quotas sont bien faits, que quand on commence à ne pas être la seule, mais qu'il commence à y avoir un tiers de la représentation.
04:07 Le rapport de force change totalement et par conséquent l'expression est beaucoup plus écoutée.
04:11 La diversité s'installe et là on voit bien que justement les conversations se mettent en place.
04:17 Je défends beaucoup dans différentes instances et dans cette émission, cette idée que les femmes doivent prendre, et j'insiste sur le mot prendre, leur juste place dans les sphères de pouvoir.
04:31 Finalement qu'est-ce que vous pensez de cet engagement ? Est-ce que vous le partagez ?
04:37 En fait c'est très intéressant la façon dont vous posez la question.
04:41 D'abord, pour moi il n'y a plus de question sur est-ce que les femmes doivent prendre leur place.
04:47 En tout cas il n'y a pas de question sur l'apport de la diversité à une entreprise.
04:53 Ça fait je crois plus de 15 ans que McKinsey publie chaque année un rapport qui s'appelle "Women First" et qui remontre la data brute.
05:01 C'est-à-dire quand il y a de la diversité de genre à l'intérieur d'une entreprise, la performance économique est meilleure.
05:09 Donc pour moi il n'y a pas de débat sur ce qu'apporte la diversité en termes de créativité et d'innovation.
05:14 C'est jusqu'à un moment en fait, on sait bien que ça apporte, finalement ça ouvre le champ des possibles et des perspectives.
05:21 Parce que finalement ça apporte la façon dont on voit le monde.
05:25 Donc j'allais dire ça déjà en tant qu'objectif, pour moi ce n'est plus une question.
05:30 Après ce que je trouve intéressant c'est quand vous dites "prendre le pouvoir".
05:34 Parce que moi en tant qu'homme, j'ai eu du mal avec le mot "pouvoir" en toute sincérité.
05:41 Parce que j'avais des biais, je me mettais derrière le mot "pouvoir".
05:46 Et en fait ce qui m'a vraiment fait basculer c'est quand j'ai compris que finalement le pouvoir n'est pas un but mais c'est un moyen.
05:52 Et en tout cas moi ce qui m'anime, mon projet personnel, c'est bien de réussir à transformer la chaîne alimentaire.
06:00 Et de montrer qu'à travers un groupe comme Bell, on peut ouvrir une voie où on tient et la responsabilité et la performance financière.
06:07 Donc c'est pour ça que le pouvoir est un moyen qui est nécessaire.
06:12 Et l'autre dimension que tu poses c'est celle de prendre.
06:15 Et moi j'ai eu cette chance finalement, dès jeune chez Danone, d'avoir été accompagnée, mentorée.
06:22 Et à travers ces mentoring et ces coaching, à un moment je me souviens très bien de conversation avec un coach qui m'a dit
06:29 "Mais Cécile, le pouvoir ça ne se donne pas, ça se prend".
06:32 C'est exactement ça.
06:35 D'ailleurs c'est amusant le fait que vous disiez que la notion de pouvoir vous a à un moment un petit peu interpellée, donné, vous avez eu des questions autour.
06:43 Moi j'ai eu ces mêmes types de questions autour de l'ambition.
06:47 Le mot d'ambition au départ me paraissait chargé négativement.
06:51 Alors que ce n'est pas du tout le cas, et qu'au contraire il faut avoir, il faut oser avoir de l'ambition et prendre le pouvoir.
06:56 Absolument.
06:57 Un élément que je peux ajouter pour rebondir sur l'ambition et montrer à quel point les femmes parfois ont...
07:02 Une petite chose qui m'a beaucoup aidée au démarrage de ma carrière chez Danone, c'est qu'on m'a donné les clés d'une carrière.
07:08 Et on m'a dit "ça tient à trois lettres, que tout le monde peut retenir parce que c'est les lettres de votre code PIN de téléphone".
07:14 P-I-N.
07:15 Ah oui d'accord.
07:16 Et alors ça normalement on retient bien.
07:17 P pour performance, I pour image, N pour network.
07:21 Et on m'a dit à ce moment-là, j'étais assez jeune, les femmes surinvestissent la performance en se disant "comme je suis très performance, on va me remarquer, je vais grandir".
07:29 La performance joue évidemment, et joue beaucoup au démarrage d'une carrière.
07:34 Mais quand on est arrivé à un certain niveau, on considère que finalement on est tous performant.
07:40 Et après c'est les deux autres lettres qui jouent.
07:42 Et le network, j'avais compris assez vite que dans network il y a work et que ça ouvre le champ des possibles.
07:47 Moi j'ai une curiosité naturelle, donc j'allais dire, je ne me suis pas trop forcée.
07:51 L'image, ce qui m'a vraiment aidée, c'est le jour où on m'a dit "mais en fait, travailler l'image, c'est pas faire son autopromotion,
07:57 c'est rendre l'organisation et l'entreprise dans laquelle tu travailles apprenante, parce que c'est faire savoir ce que tu as fait et donc ce que tu en as tiré,
08:06 pour que ton impact, au-delà de ce que tu as appris dans ton équipe, rejaillisse sur l'ensemble de l'organisation".
08:11 Donc plus largement.
08:12 Voilà, et quand on dit ça à une femme, elle arrive à embrasser ce sujet-là.
08:16 Je vais retenir, j'avais jamais entendu le pin, mais je vais retenir.
08:20 Alors justement, il nous reste deux minutes sur ce que vous faites au sein du groupe Bell et à l'extérieur pour l'égalité.
08:27 Alors évidemment, au sein du groupe Bell, on est très engagé.
08:31 Alors c'est un long chemin la diversité, parce que si vous écoutez par exemple, même le CIO de L'Oréal,
08:36 il vous dira qu'ils sont à ce niveau-là de diversité au sens large, d'ailleurs diversité de genre, diversité de culture,
08:44 exactement, ça prend lui et dit, c'est une génération.
08:47 Donc c'est pour vous donner un moment à quel point le chemin est long.
08:50 Et donc nous on a commencé par, moi je pense que ça tient d'abord de l'intentionnalité.
08:55 L'intentionnalité ça passe par des objectifs.
08:57 Dans une entreprise, quand il n'y a pas des objectifs chiffrés, mesurés, ça n'existe pas.
09:03 Donc nous on a commencé par, par exemple, compter et se dire, on voit très bien qu'on est à 28% sur les postes qu'on dit de leadership,
09:15 ça veut dire les directrices générales, les directrices d'usine.
09:18 On est à 28%, en fait on veut être à 40%.
09:21 On veut que dans toutes les fonctions, il y ait 40/40 entre les deux genres.
09:25 Et après il y a 20% sur lequel on laisse de la pexe, il y a des métiers qui sont plus masculins, d'autres qui sont plus féminins,
09:30 donc on accepte un 60/40.
09:31 Donc ça on l'a fixé déjà comme objectif et on a un gros sujet qui est celui justement des usines sur lesquelles on travaille.
09:37 Donc ça c'est l'intentionnalité.
09:39 La deuxième chose qu'on a évidemment travaillé c'est comment on y arrive.
09:43 Et donc là on se met en chemin de, un, générer ce qu'on appelle nous du pipe, c'est-à-dire on y identifie les talents le plus tôt possible,
09:56 on les fait accompagner par des systèmes de mentoring, on s'assure qu'il n'y ait pas de billets,
10:02 parce que le premier frein à la diversité, quelle que soit la diversité dont on parle, ce sont les billets qu'on a tous.
10:08 Donc en fait on forme l'ensemble de nos leaders et managers au billet.
10:12 Et le dernier point que je voulais faire, parce que je pense qu'il est absolument clé,
10:17 finalement l'objectif on sait qu'on doit le prendre.
10:21 Le comment, ça fait quand même des années que les entreprises travaillent sur le mentoring, sur le coaching,
10:26 sur comment on gère les talents, sur des règles comme à chaque short list pour un job ouvert je veux deux personnes issues de la diversité
10:35 face à deux personnes qui ne sont pas issues de la diversité, donc tout ça on le sait.
10:38 Moi je pense qu'au bout du bout ce qui fait la différence c'est la sincérité.
10:42 C'est la sincérité de l'engagement.
10:44 Et ce que je mets derrière le mot sincérité, c'est un moment, si on y croit, il faut avoir le courage,
10:50 je vais vous donner un exemple très simple, moi quand j'ai eu un poste de mon comité exécutif qui s'est ouvert,
10:56 j'ai dit je veux une femme et pas française.
11:00 Ça m'a pris dix mois.
11:02 Bien sûr.
11:03 Et donc si on n'est pas prêt à accepter ça, c'est-à-dire à se dire tant que je n'ai pas trouvé ce profil-là.
11:10 Je cherche.
11:11 Voilà.
11:12 Absolument.
11:13 Donc à un moment ça vient chercher chacun dans le courage et la sincérité et l'engagement.
11:18 Je pense que là, entre le pin qui me paraît un très bon conseil, j'espère que Eve Sebag qui était juste avant vous l'a entendu.
11:24 Oui j'espère que je l'ai reçu.
11:25 Et le côté sincérité que je partage au combien, parce que c'est une vraie réalité,
11:29 ce n'est pas l'absence de personnes possibles, de femmes possibles, c'est la volonté réelle et sincère.
11:35 Absolument.
11:36 Merci beaucoup Cécile de ce témoignage en tant que vrai rôle modèle.
11:40 Merci infiniment.
11:41 Je vais recevoir une autre femme dirigeante également, dans l'industrie aussi et dans les territoires.
11:46 donc voilà ça va compléter le tableau.
11:48 - Superbe.
11:49 - Merci Cécile.

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