• il y a 7 mois
Du lundi au jeudi, rendez-vous, dès 6h30 avec Thomas Sotto et Marie Portolano. Et du vendredi au dimanche, c'est au tour de Damien Thévenot et Maya Lauqué de dynamiser le réveil.

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Transcription
00:00 Bonjour Lorraine Bastide. Bonjour Maya. Merci d'être avec nous ce matin. Comment allez-vous ?
00:04 Ça va bien ce matin. Il est un peu tôt mais ça va.
00:07 Parce que c'est vrai que c'est une question qu'on pose automatiquement,
00:10 sans vraiment écouter la réponse qui généralement est "oui",
00:13 alors qu'elle est cruciale cette question. Comment ça va ?
00:17 Ça dit beaucoup du lien à l'autre et de cette question de santé mentale dont on va parler.
00:21 Oui, c'est une question importante. Et puis ce qui montre aussi,
00:24 enfin ce "oui" un peu automatique, "oui et toi" qu'on répond systématiquement,
00:28 montre qu'il est compliqué de dévoiler ses vulnérabilités.
00:32 On est dans un monde où en fait dire "je vais pas très bien, je suis fatiguée, je suis triste,
00:36 j'ai honte, j'ai peur", ça reste encore très tabou.
00:39 Donc l'objectif c'est de libérer tout ça.
00:41 Justement, c'est ce que vous faites dans Folie Douce, vous donnez la parole deux fois par mois
00:44 à des personnalités publiques, alors activistes, écrivains, artistes, sur ce sujet de la santé mentale.
00:49 Je suis sûre qu'il y a des gens qui nous regardent ce matin en se disant
00:52 "mais de quoi on parle quand on parle de santé mentale et en quoi ça nous concerne tous ?"
00:56 Tout le monde a une santé mentale.
00:58 Je pense qu'il y a vraiment un éveil des consciences à ce sujet.
01:01 La santé mentale fait partie de la santé.
01:03 D'ailleurs on sait très bien que quand on traverse une dépression, un burn-out,
01:06 qu'on a des problèmes psychiques, il y a des répercussions sur le corps très souvent,
01:10 donc tout ceci est très connecté.
01:11 Parler de santé mentale c'est évidemment parler de troubles,
01:14 ça peut être des troubles du comportement alimentaire, la dépression,
01:18 mais c'est aussi parler de quand on va bien, c'est parler de ses émotions,
01:21 c'est parler de la façon dont on gère son quotidien psychique
01:25 et c'est une conversation que tout le monde doit avoir,
01:28 quel que soit le genre, l'âge, le milieu.
01:31 C'est ça, on ne parle pas que de maladies mentales graves.
01:35 Et je rappelle quelques chiffres, 13 millions de Français touchés par les troubles psy
01:38 ou la maladie mentale selon l'OMS et sur toute une vie,
01:42 la dépression touche 15 à 20% de la population.
01:45 Follie 12 c'est un prolongement de votre parcours féministe,
01:48 on va en parler, mais ça a aussi été je crois un cheminement personnel,
01:52 c'est-à-dire qu'avant de faire parler les autres de leur santé mentale,
01:55 vous vous êtes intéressée à la vôtre aussi.
01:57 Oui c'est vrai, en fait c'est important de dire que c'est effectivement le féminisme
02:00 et la réflexion sur le genre qui m'a amenée à me poser ces questions concernant les émotions.
02:05 Je pense que quand on réfléchit en des termes féministes,
02:08 on comprend que finalement si les émotions sont si taboues,
02:11 c'est qu'on vit dans une société qui valorise l'autorité, la force,
02:16 il faut produire, il faut être performant, il faut être efficace.
02:19 Donc mon questionnement féministe m'a amenée à me questionner sur mes propres émotions,
02:23 mes propres vécus, les endroits aussi où en tant que femme j'avais été silenciée,
02:27 on m'avait obligée à performer certaines choses qui n'étaient pas forcément moi-même.
02:32 Donc j'ai fait une thérapie qui m'a beaucoup aidée à aller mieux
02:36 et j'ai eu envie de donner la parole à des personnes
02:39 qui avaient entrepris ou pas d'ailleurs ce voyage dans leurs propres émotions.
02:44 Qu'est-ce que vous allez chercher chez ces personnes-là ? Qu'est-ce qui vous intéresse ?
02:47 Ce qui m'intéresse c'est la vulnérabilité et la sincérité.
02:50 Je vais avoir des invités, par exemple j'ai reçu Cyril Dion il y a une quinzaine de jours
02:55 qui a parlé très ouvertement de son burn-out, de traumatisme aussi qu'il avait vécu dans l'enfance
02:59 et qui lui a beaucoup travaillé avec une thérapeute,
03:02 donc qui avait le point de vue d'une personne qui s'est soignée
03:05 ou en tout cas qui a appris à vivre avec les difficultés psychiques qu'il pouvait rencontrer.
03:10 Je crois que c'est la première fois de vous qu'il parlait de ça.
03:12 Il en avait très peu parlé, il en a parlé en 2021 mais c'était passé un peu inaperçu.
03:16 C'est difficile de les convaincre de parler de ces sujets-là ?
03:19 Ce n'est pas si facile que ça.
03:22 Mais je voulais dire que j'ai par exemple reçu Elsa Wolinsky,
03:25 avec qui on parle de troubles du comportement alimentaire et qui elle pour le coup est encore un peu dedans,
03:28 encore en train de les régler et pour moi je ne veux pas faire un mode d'emploi,
03:32 le bonheur, comment on fait.
03:34 Je pense que ce qui touche et ce qui aide c'est d'entendre aussi des personnes
03:38 qui parlent de toute façon très sincère de leurs difficultés.
03:42 Mais parfois c'est vrai qu'après l'enregistrement, mes invités ont un petit moment de "waouh, qu'est-ce que j'ai dit ?"
03:48 parce que c'est encore très difficile d'oser avouer tout ça publiquement.
03:52 Il y a quelque chose de vertigineux et on se demande comment ça va être reçu.
03:56 Justement, il y a une prise de conscience des troubles psy,
03:59 mais pour autant, est-ce que c'est la fin des discriminations ?
04:02 C'est-à-dire que vous donnez la parole à des artistes dont on peut se dire que finalement un artiste est tourmenté
04:07 et c'est ce qui aussi fait son charme.
04:09 Mais si quelqu'un travaille à la banque, est soignant, est prof,
04:12 et va voir son supérieur ou sa supérieure en lui disant "ça va pas, je traverse une période de dépression, je suis bipolaire",
04:20 on n'est pas encore sûr que ce sera bien accueilli. C'est encore compliqué.
04:25 C'est très important de le souligner. Dans ma démarche, la santé mentale s'articule avec une réflexion sociétale et même politique.
04:31 Évidemment qu'on n'est pas tous et toutes à la même enseigne en fonction du milieu socioculturel
04:36 où on appartient, accéder déjà à une thérapie, accéder même à des ressources sur la santé mentale,
04:42 ça reste aussi un privilège.
04:44 Et la santé mentale au travail, c'est une énorme question, en particulier pour les femmes.
04:49 D'ailleurs, dans le dernier épisode, on en parlait, la ménopause, ça amène tout un tas de questionnements psychiques
04:55 et très souvent, le milieu du travail n'est pas du tout adapté pour accueillir ces questionnements et ces doutes chez les femmes.
05:01 On a souvent été traité de folle, d'hystérique, et ça continue parfois.
05:07 On a tendance à psychiatriser la santé des femmes, à tout rapporter à notre mental, encore aujourd'hui beaucoup.
05:16 En tout cas, c'est très intéressant d'observer l'histoire de la psychiatrie et de la psychologie au prisme du genre,
05:23 parce qu'effectivement, au début du XXe siècle, une femme féministe, comme par exemple Madeleine Pelletier,
05:28 une des premières femmes diplômées en psychiatrie, était internée.
05:31 Pourquoi ? Parce qu'elle était pour l'avortement, parce qu'elle voulait s'habiller en pantalon, et ça, c'était des signes de folie.
05:36 Et c'est très important de regarder la santé mentale au prisme du genre, mais aussi du racisme.
05:42 Parfois, un comportement de colère ou de revendication va être qualifié de pathologique,
05:46 alors que c'est simplement une revendication politique complètement légitime.
05:50 C'est pour ça qu'effectivement, pour moi, c'est très important d'avoir cette approche aussi sociétale.
05:55 Tout ce que j'ai pu faire avec la poudre avant, mon précédent podcast féministe...
05:58 Qui est entré dans l'histoire du féminisme aussi, ces dernières années.
06:02 Il a été très écouté, et il a déclenché, je pense, des prises de conscience,
06:06 me nourrit énormément dans ce que je suis en train d'entreprendre avec Folie Douce.
06:10 À la fin de chaque épisode, vous vous adressez aux auditrices et aux auditeurs en leur disant
06:13 "Prenez soin de vous, prenez votre temps". Pourquoi ce dernier conseil, "Prenez votre temps" ?
06:18 Pour moi, c'est vraiment un enjeu, le ralentissement.
06:22 C'est une prise de conscience que j'ai eue il y a 2-3 ans, parce que moi-même, j'avais fait un burn-out,
06:26 parce que je travaillais trop, parce que je voulais trop performer.
06:29 Et je me suis tatouée "ralenti" sur le bras droit.
06:32 Et depuis que j'ai ce mot écrit là, comme un petit post-it, ça m'a beaucoup aidée.
06:36 Parce que je pense qu'il faut effectivement, en particulier quand on parle de santé mentale,
06:40 ne pas être dans le culte de la performance.
06:43 "Je vais aller mieux très très vite", ça, ça marche pas.
06:46 Ça prend beaucoup, beaucoup de temps de comprendre d'où on vient,
06:49 de comprendre aussi les traumatismes, les choses qui nous ont modelés.
06:52 Et je pense que ce ralentissement du rythme, il est bénéfique pour nous, et aussi pour la société.
06:58 Et alors, pour ceux qui ne veulent pas forcément se le faire tatouer sur le bras,
07:01 on peut aussi lire votre livre "Courir l'ascargot", publié en janvier chez Jean-Claude Lattès.
07:07 Et je rappelle donc le titre de ce podcast, "Folies douces". Merci Lauren Bastien.
07:10 Merci infiniment Maya.
07:12 Merci à toutes les deux.

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