Du lundi au jeudi, rendez-vous, dès 6h30 avec Thomas Sotto et Marie Portolano. Et du vendredi au dimanche, c'est au tour de Damien Thévenot et Maya Lauqué de dynamiser le réveil.
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00:00 Il est 8h14, c'est l'heure du choix d'actualité de Marie Portolano.
00:03 Marie, vous avez eu envie ce matin de recevoir Thierry Marx,
00:05 chef étoilé et engagé qui va participer au Paris SACLÉ Summit.
00:09 En clair, vous allez nous donner le menu pour les années 2050.
00:12 Bonjour et bienvenue à vous.
00:13 Merci.
00:13 Bonjour Thierry Marx.
00:15 Alors avant de savoir ce qu'on va manger en 2050, on est en 2024.
00:18 Est-ce qu'aujourd'hui, vous trouvez qu'en France, Thierry Marx,
00:21 on mange assez bien ?
00:23 Non, non, non, on ne mange pas assez bien.
00:25 D'abord, il y a une fracture sociale qui n'échappe à personne,
00:27 qui devient très dure.
00:28 Donc ça fait une alimentation à deux vitesses.
00:30 Une alimentation pour ceux qui ont un reste à vivre suffisant
00:33 et une alimentation pour ceux qui ont un reste à vivre insuffisant
00:37 et avec toutes les pathologies que ça comporte pour notre société.
00:41 Pour vous, l'alimentation, c'est un combat politique.
00:43 Vous trouvez que la classe politique ne s'intéresse pas assez
00:46 à ce qu'on mange, à l'alimentation ?
00:48 Je crois qu'elle s'y intéresse sporadiquement.
00:50 Ce qu'il faut, c'est s'y intéresser sur le fond, sur la durabilité.
00:54 Et là, je pense qu'effectivement, quand je dis que c'est un combat politique,
00:57 ce n'est pas dans l'intention d'être élu,
00:58 mais un combat pour la société en général,
01:01 parce qu'elle touche tout le monde.
01:02 Le bon pour tous, c'est l'essentiel.
01:04 Et c'est ce que vous dites sur la crise agricole.
01:07 Vous dites que le gouvernement a toujours trouvé des choses dans l'urgence,
01:12 mais que c'est sur la longueur qu'il faut travailler.
01:14 Exactement.
01:15 Ça fait 40 ans qu'on parle de crise agricole successive,
01:18 qui n'est pas partie en vacances en voyant un barrage agricole,
01:22 or que l'agriculture, c'est du temps.
01:24 Le temps agricole, c'est entre 5 et 10 ans.
01:26 Ce n'est pas un tableur Excel.
01:27 Donc, il faut projeter les choses pour pouvoir construire une agriculture
01:32 dans laquelle on soit capable de mesurer ce qu'est un bon produit,
01:34 son impact social, son impact environnemental et surtout son impact nutritionnel.
01:38 C'est ça que vous préconisez, vous, pour la crise agricole ?
01:40 C'est ce que je préconise au travers de Bleu Blancœur.
01:42 Toutes les recherches que nous menons à Paris-Saclay sont basées là-dessus.
01:47 Projeter les choses, forecaster, comme disent les Anglais,
01:50 et puis mettre les étapes nécessaires pour que nous mangions de mieux en mieux,
01:54 mais globalement pour tout le monde.
01:55 Est-ce que vous pensez qu'on est en danger avec ce qu'on consomme aujourd'hui ?
01:58 Oui, bien sûr. L'ultra transformé, c'est dangereux.
02:01 Une contre-étiquette, il faut regarder un petit peu ce qu'il y a derrière.
02:03 On n'a pas le temps de le faire.
02:05 Bien souvent, les gens sont assignés à acheter à un prix,
02:07 alors qu'ils n'achètent pas une valeur nutritionnelle.
02:09 Et c'est dangereux, oui, bien sûr.
02:10 Mais alors, comment on fait ?
02:11 Admettons qu'on est quelqu'un qui n'a pas beaucoup de moyens.
02:13 Comment on fait pour bien manger aujourd'hui ?
02:14 Il faut regarder toutes les étiquettes, il faut regarder toutes les origines.
02:18 C'est compliqué quand même.
02:19 Non, je ne crois pas. On n'est pas en capacité de faire ça.
02:22 Moi, le premier, je ne rentre pas dans un magasin
02:24 en ne regardant que les contre-étiquettes.
02:26 Il faut que la marchandise...
02:27 Manger, c'est donner envie à des gens envie.
02:29 Donc, on n'a pas le temps, finalement, pour lire ces contre-étiquettes.
02:32 Non, ce qu'il faut, c'est travailler sur le fond,
02:33 apprendre à mieux manger, déjà apprendre à refaire la cuisine dans de bonnes conditions
02:38 et savoir ce qu'on mange, se restaurer.
02:40 C'est ça, c'est savoir ce qu'on mange.
02:41 Et quand on n'a pas beaucoup de moyens, effectivement, c'est beaucoup plus compliqué.
02:45 Mais il faut arrêter aussi de faire la variable d'ajustement
02:47 du pouvoir d'achat sur l'alimentation.
02:49 Il faut redonner du pouvoir d'achat pour qu'on n'ait pas à négocier.
02:52 Plus vous écrasez des marges sur l'alimentation,
02:55 plus vous écrasez la marge de l'agriculteur.
02:57 Alors, parlons un peu de ce qu'on va manger demain.
02:59 Moi, ça m'intéresse, puisque vous allez intervenir pour le Paris-Saclay-Sumy.
03:04 Pourquoi cette nécessité, selon vous, de faire entrer la science dans la cuisine de demain ?
03:08 C'est pas moi, c'est Raphaël Aumont et Sylvie Rotaillot, d'ailleurs,
03:11 qui nous a accueillis à Paris-Saclay il y a plus de 10 ans, maintenant.
03:14 C'était de se dire, qu'est-ce qu'on va manger, bien sûr,
03:16 mais comment on va transformer ce que nous mangeons ?
03:19 Ça, c'est important aussi.
03:20 Donc, manger demain, ça se végétalise beaucoup.
03:23 Stress hydrique nous impose, finalement, de consommer moins d'eau pour le bétail,
03:27 donc moins, mais mieux en termes de protéines animales
03:30 et plus de protéines végétales, bien sûr, qu'on sait produire aujourd'hui.
03:33 Et puis, quels matériaux ? Quelles casseroles ?
03:37 Parce qu'aujourd'hui, une assiette, c'est 16 % d'énergie,
03:41 ça nous coûte très, très cher.
03:42 Donc, il faut regarder un petit peu quels matériaux on va utiliser pour transformer la cuisine.
03:46 Il n'y a pas que le contenu, il y a aussi le contenu qui a un avancement.
03:48 C'est très ancien, la science en cuisine, on l'a oublié,
03:50 parce qu'on a une vision fantasmée de la cuisine très souvent.
03:53 Mais il y a un monsieur qui disait, la cuisine, sans cesser d'être un art,
03:57 devra soumettre ses formules trop souvent empiriques à la science.
04:00 C'était Auguste Escoffier en 1907.
04:02 Alors, qu'est-ce qu'on va manger en 2050 ?
04:04 Est-ce qu'il va y avoir de nouveaux aliments, par exemple ?
04:05 Il y aura de nouveaux aliments, notamment à base de protéines végétales.
04:09 On les voit arriver, l'algue arrive en force aussi.
04:12 Mais la protéine végétale est extrêmement intéressante
04:14 dans le sens où on sait la produire, le blé, la lentille, le pois chiche.
04:18 On sait la concasser, l'écraser et en faire une protéine absolument intéressante
04:22 pour notre alimentation.
04:23 D'abord, dans l'axe plaisir-bien-être-santé, c'est le bon axe de la cuisine.
04:29 Et en même temps, d'accepter que notre alimentation se végétalise.
04:33 80-20, 80% végétal, 20% protéines animales.
04:37 Ah, donc vous pensez que vraiment ça va diminuer,
04:39 on va enfin réussir à consommer moins de viande.
04:41 Par exemple, moi j'aimerais bien ne pas manger de viande, mais je n'y arrive pas.
04:44 Quels sont les conseils que vous pouvez nous donner ?
04:46 On va y arriver, il faut intégrer de nouveaux ingrédients.
04:48 J'ai parlé de cette protéine végétale, blé, pois chiche, ce que vous voulez, lentille, écraser.
04:53 Tout ça va arriver dans une texture, par exemple, assez intéressante à cuisiner
04:58 et vous allez l'intégrer dans le panel de votre référent.
05:01 Ce n'est pas quelque chose qui doit s'imposer, ça doit arriver tout doucement.
05:05 On va l'utiliser tout doucement.
05:06 Parce que pour l'instant, ce n'est pas très bon.
05:08 On voit les produits végétaux en supermarché, les steaks végétaux, les merguez végétales,
05:13 ça n'a pas un super goût là ?
05:14 Non, ça n'a pas un super goût, mais il y a 10 ans,
05:17 nous commençions à travailler à Paris-Saclay là-dessus.
05:19 Et aujourd'hui, on sait produire des produits de qualité,
05:22 on sait même les industrialiser sans que ce soit un produit ultra transformé.
05:26 Il faut se méfier d'ultra transformation des produits.
05:29 Mais en tout cas, c'est aujourd'hui quelque chose qui existe, qui fonctionne.
05:32 Les algues arrivent fortement.
05:34 Encore une fois, ce n'est pas d'essayer de remplacer les choses à tout prix,
05:38 c'est-à-dire qu'il faut alterner.
05:39 Quand on parle de cuisine végétale, on ne condamne pas l'éleveur,
05:43 on lui dit "non, mieux mais moins".
05:44 Oui, c'est ça.
05:45 Et on veut garder nos paysages.
05:46 Mais manger des algues, ça ne donne pas trop envie.
05:48 Alors, c'est faux.
05:49 Aujourd'hui, on sait cultiver les algues en France, elles sont délicieuses,
05:52 et on sait les intégrer à un autre produit.
05:55 On peut arriver, moi je vois aujourd'hui des, le mot est affreux,
05:59 des croquettes, on va dire nuggets pour dire un mot à la mode,
06:02 mais de dalles qui sont absolument délicieuses.
06:04 Et vous dites que la cuisine de demain, c'est la cuisine africaine.
06:07 J'ai dit que c'était une cuisine plus rationnelle,
06:09 moins consommatrice d'eau.
06:12 On voit bien que cette raréfaction de l'eau va rajouter un ingrédient
06:15 encore plus cher dans notre alimentation.
06:18 Et quand vous étudiez la cuisine africaine,
06:20 vous apercevez que cette gestion de l'eau,
06:22 qui est un minima sur ce continent,
06:24 et bien, arrive à avoir des astuces de cuisson.
06:27 Pourquoi on cuit un kilo de haricots verts dans 10 litres d'eau ?
06:30 Or, qu'un haricot vert, c'est 80% d'eau en moyenne.
06:33 Donc ça n'a pas de sens.
06:34 Et je regarde cette cuisine africaine,
06:36 qui des fois sait travailler à l'économie énergétique.
06:39 Merci beaucoup Thierry Marc d'avoir été avec nous ce matin.
06:41 Vous serez au Paris-Sac-les-Sumites,
06:43 le premier sommet scientifique international,
06:45 demain et après-demain. Merci beaucoup.
06:46 Merci beaucoup.