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Le prix est décerné par 100 lectrices et lecteurs de 20 librairies partout en France : Claire Deya est la lauréate du Grand Prix RTL-Lire Magazine 2024 pour son roman "Un monde à refaire" publié par les éditions de L'Observatoire. L'annonce a été faite par Philippe Labro, le président du jury. "Un monde à refaire" nous plonge dans un épisode méconnu de la fin de la seconde guerre mondiale, le déminage des plages françaises, un chantier colossal et d'un danger extrême.
Regardez L'invité d'Yves Calvi du 28 mars 2024 avec Yves Calvi.

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00:00 Vous êtes sur RTL.
00:02 7h, 9h
00:06 RTL matin. RTL 8h20. Bonjour Clare Déha. Bonjour.
00:10 Depuis une vingtaine de minutes vous êtes donc la lauréate du Grand Prix RTL Lire Magazine 2024 annonce faite sur RTL par Philippe Labreau,
00:17 président du jury qui est resté avec nous et Bernard Lehue, notre spécialiste littérature qui nous rejoint.
00:22 Bernard, Philippe, bonjour à vous deux. Bonjour. Avant de parler de votre roman "Un monde à refaire" publié aux éditions de l'Observatoire,
00:28 je rappelle à nos auditeurs que le prix RTL Lire Magazine
00:31 est attribué par 100 lectrices et lecteurs ainsi que 20 libraires dans l'ensemble du pays.
00:36 Dites-nous très simplement ce que vous ressentez après l'attribution de ce prix. Très simplement je suis folle de joie et
00:41 il faut absolument pas que j'en dise plus parce que sinon je vais perdre toute crédibilité.
00:45 C'est le prix, en fait j'en ai rêvé vraiment, j'avais très très envie de l'avoir.
00:51 Et je suis folle de joie.
00:53 Personne ne doute que vous le méritiez. Claire Déhiat, votre roman "Un monde à refaire" nous plonge en fait dans un épisode
00:59 méconnu de la fin de la seconde guerre mondiale. C'est le déminage des plages françaises.
01:03 C'est un chantier absolument colossal d'un danger extrême. Expliquez-nous.
01:06 En fait, juste après la guerre, on s'est rendu compte qu'il y avait 13 millions de mines sur le sol français. 13 millions.
01:13 C'est
01:15 incommensurable. C'était inédit. C'est la première fois qu'on avait ça et
01:19 de Gaulle s'est dit "c'est l'état qui va s'en charger". On a fait appel à des volontaires. 3 000 français se sont présentés pour déminer.
01:24 Il fallait dans cette équation, 13 millions de mines, 3 000 volontaires français, il fallait trouver une solution. Et la solution folle,
01:32 inédite et peut-être visionnaire qui a été trouvée, ça a été de faire travailler
01:35 les démineurs français avec les prisonniers de guerre allemands. Ce qui a été la première...
01:40 Cette première expérience a été comme un laboratoire de paix. Les tensions étaient incandescentes entre les deux groupes et finalement
01:48 ensemble ils ont commencé à reconstruire la France. - Comment êtes-vous venu à vous intéresser à un tel sujet, le déminage d'après-guerre ?
01:54 - Alors, comment j'aurais pu ne pas m'y intéresser ? C'est-à-dire que dans ce sujet-là, il y a tout. Moi, c'est un premier roman donc j'avais
02:00 envie de tout donner. J'avais envie d'histoire d'amour en même temps que d'histoire
02:03 d'enjeux très fort. Il y a tout dans ce sujet. Il y a des histoires de mort, il y a des histoires de
02:09 fraternité, il y a des dangers qui rôdent en permanence. Et quand le danger rôde en permanence, quand certains
02:16 profitent de leur vie juste après la guerre et que d'autres risquent la leur, comment est-ce qu'on fraye sa place ? Comment est-ce qu'on trouve son
02:21 droit au bonheur ? J'avais envie
02:23 de tragique et d'espérance. - Une des curiosités de votre livre et qui en fait aussi son charme, c'est que vous avez choisi les plages de
02:28 la Côte d'Azur alors que spontanément on pense bien entendu en Normandie au débarquement.
02:32 Pourquoi ? - Parce que je voulais montrer...
02:35 C'est vrai qu'on pense à la Normandie mais en fait le sud, tout le monde l'ignore,
02:39 a été extrêmement miné pour empêcher le débarquement des alliés qui a eu lieu en août 44 en Provence.
02:45 En fait, je voulais montrer l'enfer au paradis. Je voulais que ça soit solaire alors que c'était tragique.
02:50 - Bernard Levu. - Alors on peut s'étonner, on pouvait imaginer que ce soient les militaires, les soldats qui déminent ces plages.
02:56 Pourquoi a-t-il fallu faire appel à des volontaires français et réquisitionner les prisonniers allemands ?
03:02 - Parce que les soldats français étaient occupés au nord. En fait, la guerre n'était pas finie.
03:07 Juste après le débarquement, il a bien fallu
03:10 déminer mais sauf que le débarquement dans le sud c'est en août 44 et que la guerre continue. La guerre continue
03:15 en France dans la poche de Saint-Nazaire par exemple et puis plus au nord et puis après en Allemagne. Donc en fait les militaires étaient occupés.
03:23 Donc voilà.
03:25 Et de Gaulle ne voulait pas faire appel à des sociétés civiles parce que la reconstruction après la première guerre mondiale, même s'il n'y avait pas de mines,
03:30 a été un peu une catastrophe parce que les sociétés civiles s'en sont
03:33 vraiment mis plein les poches et là il voulait que ce soit l'État, une certaine idée de l'État.
03:37 - Comme vous l'entendez, Claire Dénia est très documentée. C'est une des choses les plus
03:42 impressionnantes de ce livre. C'est le travail qu'elle a fait, les détails, la précision. Vous avez
03:48 travaillé quoi ? Une ou deux ans ?
03:51 - J'ai travaillé plus en fait. J'ai travaillé plutôt deux ans et demi en fait.
03:54 - Ah mais ça se sent. C'est ça qui est aussi passionnant. Vous avez l'intrigue, les personnages. Il y a une multitude de personnages.
04:01 Hommes et femmes,
04:02 ça se croise comme dans tous les grands romans. Mais surtout, ce qui me frappe, c'est
04:08 j'apprends des choses tout le temps. On est tout le temps informé. C'est pas seulement un roman, c'est un document.
04:15 C'est un documentaire.
04:17 - Mernalu. - Alors, c'est, ça reste aussi un roman, un grand roman sur ce contexte historique.
04:23 Vous greffez une trame romanesque bien sûr.
04:26 Vincent, un volontaire français, recherche Ariane, la femme qu'il aime, qui a disparu pendant la captivité de Vincent en Allemagne.
04:32 D'où vient l'idée de cette quête qui va véritablement nous tenir en haleine, Claire Déhiat ?
04:38 - C'est-à-dire que c'est aussi une époque qui me passionne
04:41 parce que la loyauté amoureuse est immense. Moi, j'ai lu,
04:45 j'ai lu, juste avant d'écrire le roman, la correspondance de mon grand-père lorsqu'il était en camp de prisonniers à Cassel.
04:51 Et voilà, et ça m'a complètement
04:53 subjuguée, frappée,
04:55 galvanisée,
04:57 de lire ses lettres d'amour et de voir que tout ce qu'il avait fait tenir pendant deux ans et demi, c'était
05:02 la femme qu'il aimait et qui
05:05 enfin voilà, dont il n'avait plus de nouvelles à un certain moment. Je vais pas dévoiler le livre,
05:09 mais évidemment, ce que je voulais, c'était des enjeux romanesques très forts. Jusqu'où on est prêt à aller par amour ?
05:15 Aujourd'hui, évidemment, il y a des applications de rencontres, ça va très vite. Mais à l'époque, en fait,
05:20 tous ceux qui avaient été séparés de la femme qu'ils aimaient pendant des années de guerre ou de camp de prisonniers
05:27 souhaitaient reprendre leur vie là où ils l'avaient laissée et c'était pas évident. Et jusqu'où on est capable d'aller par amour, les risques qu'on
05:33 est capable de prendre par amour,
05:35 risquer sa vie par amour, ça, ça me
05:37 ça me bouleversait. - On croise une très belle galerie de personnages dans un monde à refaire, notamment
05:42 Saskia, une jeune juive rescapée de la Shoah. Elle se devait d'être là, sa présence était incontournable ?
05:47 - Alors, elle est rentrée malgré moi dans le roman, enfin pas malgré moi, mais presque, à mon insu, c'est une femme que j'ai rencontrée
05:53 et qui a choisi de me parler après des années et des années et des années de silence. - Saskia existe ?
06:00 - Saskia existe. Enfin, alors,
06:02 malheureusement, elle nous a quitté, mais Saskia existe, elle m'a parlé et
06:06 en fait, elle n'a jamais parlé, même pas d'ailleurs à sa famille
06:10 proche, et en fait, un jour, elle a décidé de se confier à moi. Pourquoi est-ce qu'elle m'a choisi ? Je ne sais pas.
06:16 Peut-être parce que je raconte des histoires, je ne sais pas. En tout cas, en écrivant, j'écrivais sur des démineurs, je ne pensais pas parler d'elle
06:21 et elle est montée dans un quart, elle a rencontré le héros, elle n'a plus quitté le roman.
06:25 - C'est une scénariste, n'oubliez jamais que Claire Degas est une scénariste.
06:31 - Oui, oui.
06:32 - Ça ne vous est pas indifférent, j'ai bien compris. - Oui, du tout. - Nous non plus.
06:35 - Et historienne de formation, ce qui est d'aussi pour écrire un roman comme celui-là. Alors, on l'a dit,
06:40 allemand et français, les ennemis de la veille vont apprendre à travailler ensemble. Est-ce que dans ces circonstances, et ça c'est une question
06:47 fondamentale qu'aborde également votre livre, le pardon est-il possible ? Claire Degas.
06:53 - Alors, c'est la grande question que tout le monde évidemment se pose,
06:57 Elie Wiesel,
06:59 tout le monde, Simone Veil.
07:01 Moi, ce que j'ai vu,
07:03 il y a une historienne qui s'appelle Danielle Vollmann qui a écrit sur les démineurs, elle dit que ces laboratoires,
07:08 ces groupes de déminage étaient comme des laboratoires de paix, c'est-à-dire des gens qui se haïssent,
07:12 apprennent à travailler ensemble, à s'apprécier, à se respecter, à s'estimer. Le pardon,
07:17 en fait, ce qu'il y a d'incroyable, c'est qu'on a construit l'Europe sur l'axe franco-allemand alors qu'on venait de subir trois guerres atroces,
07:25 70, 1914 et 1939. Pour moi,
07:28 il y a une troisième voie, c'est-à-dire que c'est ni pardon, ni oubli, mais réconciliation.
07:34 On ne pardonne pas, on n'oublie pas, on se réconcilie. Et ça, c'est quelque chose qu'il faut
07:39 apprendre à faire, qui est extrêmement difficile. Ça serait bien qu'après l'arrivée de la guerre,
07:44 certains se penchent sur l'art de la paix. Comment, après avoir gagné la guerre, on gagne la paix ?
07:48 - Philippe Labeau ?
07:49 - On amorce l'Europe, en fait. C'est le début de l'Europe. Il y a autre chose aussi, mais
07:54 c'est tellement plein de choses. Des références très fréquentes à Camus, qui vous accompagne, je crois, depuis toujours,
08:02 à Zweig, bien sûr, "Le monde d'hier". Et puis, n'oublions pas la couverture, avec cette photo sublime,
08:08 de ce grand photographe américain, Eliot Herwitt, qui vous a autorisé, vous avez eu l'autorisation
08:14 d'utiliser cette photo sublime, dans un rétroviseur, sur une plage, deux amants qui s'embrassent.
08:21 - Alors, cette photo, l'histoire est incroyable. C'est-à-dire qu'en fait, avec Dana Burlach, mon éditrice,
08:29 on voulait vraiment un visuel très fort, et je lui avais fait un brief totalement improbable. Je lui avais dit "je voudrais un couple
08:34 qui est incapable de regarder en face la plage, mais qui n'est préoccupé que du passé".
08:39 Et elle m'envoie ça, en me disant "tu sais, on l'aura pas, c'est évidemment...", et moi j'adore cette photo, c'est la photo iconique d'Eliot Herwitt.
08:46 Il y avait une exposition au musée Mayol, et en fait, elle m'appelle deux jours plus tard en me disant "il parle français".
08:51 On lui a raconté l'histoire en français, il a été ému par cette histoire,
08:54 et il nous accorde les droits, alors que je pense que beaucoup de maisons, je pense, auraient aimé.
08:59 C'était le deuxième miracle. Il y a eu un miracle, qui est que le livre s'est vendu à Londres, a été vendu aux États-Unis, au salon du livre de Londres,
09:06 avant même d'être édité en France. Le deuxième miracle, c'est la photo d'Eliot Herwitt,
09:10 et jamais deux sans trois, le troisième miracle, c'est le prix RTL, donc je suis rationnelle, je crois au miracle.
09:15 Le mien.

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