Mort par crucifixion
Anatomie d’une découverte
En 2017, des fouilles archéologiques mettent au jour dans le village anglais de Fenstanton un squelette semblant porter les traces de la crucifixion. Une enquête minutieuse débute pour redonner une identité et un visage à l'inconnu au talon cloué.
En 2017, dans l'est de l'Angleterre, un chantier archéologique est lancé dans plusieurs cimetières du village de Fenstanton. Les fouilles mettent au jour de grandes quantités de vaisselle et de bijoux, mais donnent surtout lieu à une exhumation des plus intrigantes : celle du squelette n° 4926, dont le talon droit est percé d'un clou de fer. Rapidement avancée, l'hypothèse de la crucifixion suscite de grandes interrogations. Si ce châtiment a fait l'objet d'innombrables représentations dans l'art et l'imaginaire collectif, il n'a jusqu'alors été documenté qu'une seule fois sur des vestiges humains. Alors, quelle histoire se cache derrière le squelette au talon percé ?
Ambition intime
Qui était cet homme, d'où venait-il et quelle était sa vie ? Et surtout, pourquoi a-t-il été condamné à une peine si affreuse ? Pour redonner une identité au squelette n° 4926 et tenter d'apporter des réponses à cette énigme archéologique, les techniques les plus modernes sont mobilisées par les experts : scanner, analyses ADN et isotopique, reconstitution faciale par modélisation 3D... Au-delà de son intérêt historique, cette enquête minutieuse porte une ambition bien plus intime : redonner un visage à la victime d'un des supplices les plus cruels de l'histoire et lui rendre la dignité qui lui a été enlevée il y a près de mille huit cents ans.
Anatomie d’une découverte
En 2017, des fouilles archéologiques mettent au jour dans le village anglais de Fenstanton un squelette semblant porter les traces de la crucifixion. Une enquête minutieuse débute pour redonner une identité et un visage à l'inconnu au talon cloué.
En 2017, dans l'est de l'Angleterre, un chantier archéologique est lancé dans plusieurs cimetières du village de Fenstanton. Les fouilles mettent au jour de grandes quantités de vaisselle et de bijoux, mais donnent surtout lieu à une exhumation des plus intrigantes : celle du squelette n° 4926, dont le talon droit est percé d'un clou de fer. Rapidement avancée, l'hypothèse de la crucifixion suscite de grandes interrogations. Si ce châtiment a fait l'objet d'innombrables représentations dans l'art et l'imaginaire collectif, il n'a jusqu'alors été documenté qu'une seule fois sur des vestiges humains. Alors, quelle histoire se cache derrière le squelette au talon percé ?
Ambition intime
Qui était cet homme, d'où venait-il et quelle était sa vie ? Et surtout, pourquoi a-t-il été condamné à une peine si affreuse ? Pour redonner une identité au squelette n° 4926 et tenter d'apporter des réponses à cette énigme archéologique, les techniques les plus modernes sont mobilisées par les experts : scanner, analyses ADN et isotopique, reconstitution faciale par modélisation 3D... Au-delà de son intérêt historique, cette enquête minutieuse porte une ambition bien plus intime : redonner un visage à la victime d'un des supplices les plus cruels de l'histoire et lui rendre la dignité qui lui a été enlevée il y a près de mille huit cents ans.
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ÉducationTranscription
00:00 En Angleterre, des archéologues ont découvert 48 squelettes datant de l'époque romaine.
00:09 C'est un terrain qui n'avait rien d'extraordinaire.
00:13 L'un des squelettes pourtant est très particulier.
00:16 On a un squelette avec un clou enfoncé dans le talon.
00:20 C'était vraiment hors du commun.
00:23 C'est un cas de crucifixion tout à fait exceptionnel.
00:27 C'est une vraie pépite.
00:30 Qui était cette personne ? Quelle fut sa vie ? Et pourquoi a-t-elle été condamnée à une telle peine ?
00:36 C'est un supplice d'une grande cruauté. On a du mal à se le représenter.
00:42 Les archéologues recourent aux techniques les plus avancées pour étudier ce cas rarissime.
00:46 Tu n'as sans doute jamais vu ça ?
00:48 Jamais.
00:49 Comment vivait-on dans la Bretagne romaine ?
00:51 Il y a eu beaucoup de morts et de personnes réduites en esclavage.
00:54 La conquête romaine a été sanglante et violente.
00:57 Que sait-on de ce supplice ?
00:59 La manière dont le clou a été planté indique que le corps n'était pas dans une position classique sur la croix.
01:06 Nous allons découvrir une reconstitution saisissante du visage de cet homme qui fut crucifié par les Romains.
01:12 C'est le cas le plus intéressant de toute ma carrière.
01:17 Une équipe pluridisciplinaire va utiliser les techniques les plus modernes pour étudier des vestiges uniques au monde.
01:24 C'est en 2018, dans une région marécageuse de l'est de l'Angleterre, qu'une équipe d'archéologues fait cette incroyable découverte.
01:40 Tout commence deux ans plus tôt, dans le village de Fenstanton, où un promoteur souhaite construire des maisons.
01:46 La loi lui impose de faire réaliser une fouille archéologique préventive.
01:51 Il confie cette fouille à une société privée appelée Albion Archeology.
02:01 C'est moi qui ai été chargée de diriger et coordonner les fouilles à Fenstanton.
02:09 Le site se trouve au nord-ouest de Cambridge, près de la Via d'Evanna, qui faisait partie du réseau de voies romaines.
02:16 A première vue, il n'a rien de remarquable.
02:20 C'était un terrain ordinaire près de Cambridge. Il n'avait rien de particulier.
02:24 C'est seulement au moment de la fouille, en reconstituant l'histoire, qu'on s'est aperçu qu'il était vraiment hors du commun.
02:32 Au cours des deux années de fouille, les archéologues mettent au jour d'énormes quantités de céramique romaine, des petits objets personnels, ainsi que des bijoux.
02:41 Une communauté romanisée d'une certaine importance devait occuper le site.
02:46 Outre cette précieuse collection d'objets, les archéologues trouvent des tombes.
02:51 Quand on a vu ces bouts de tissu dans le sol, on s'est dit qu'il y avait peut-être des vestiges humains.
02:59 L'équipe met au jour cinq cimetières contenant les restes de 48 individus à la périphérie du site.
03:05 Chaque squelette est dessinée, mesurée, numérotée, et située précisément dans la tombe.
03:14 L'un des squelettes présente une particularité tout à fait exceptionnelle.
03:19 Il s'agit du numéro 4926.
03:22 Mais l'équipe ne s'en aperçoit pas immédiatement.
03:26 En voyant le détriment sur le terrain, rien ne permettait de voir qu'il était différent des autres.
03:31 Il était enterré près de cinq autres individus. C'était une tombe tout ce qu'il y a d'ordinaire.
03:36 C'est une fois au laboratoire que le squelette numéro 4926 révèle son secret.
03:42 On l'a laissé quelques jours au laboratoire.
03:45 Puis, soudain, la personne qui s'occupait de nettoyer les ossements a remarqué quelque chose d'inhabituel.
03:51 Un clou dans le talon.
03:55 Il y a eu un grand silence.
03:57 Tout le monde s'interrogeait. Est-ce que tu as déjà vu ou entendu parler de ça ?
04:01 Pas de réponse.
04:03 Alors quelqu'un a lancé, comme une plaisanterie, il a dû être crucifié.
04:07 On a fait des recherches sur Internet au sujet des traces archéologiques de crucifixions.
04:13 On pensait tous qu'il y en avait des tonnes parce que c'est un supplice très connu à travers l'histoire,
04:17 qui est mentionné dans l'art, la religion, la littérature.
04:20 Mais on n'a trouvé qu'un seul autre cas mis au jour en Israël dans les années 1960. C'est tout.
04:25 C'est là qu'on a commencé à comprendre l'importance de ces vestiges.
04:29 Ce sont les restes d'un individu qui vivait à l'époque romaine et dont le talon droit est transpercé d'un clou.
04:36 S'il s'agit bien d'un cas de crucifixion, c'est une découverte archéologique majeure.
04:41 David Ingham et son équipe décident de prendre contact avec des spécialistes.
04:47 Voici mon minuscule laboratoire à Cambridge.
04:51 Corinne Dweig enseigne à l'université de Cambridge.
04:56 Elle est spécialiste de l'étude des os en contexte archéologique.
05:00 On peut parler d'ostéoarchéologie ou de bioarchéologie.
05:06 C'est la même chose, c'est qu'on examine les os, on les étudie, on les découvre.
05:13 C'est la même chose, c'est qu'on examine les os, on les étudie, on les découvre.
05:18 Ça désigne la même chose, à savoir l'étude des restes humains pour en conserver la trace et reconstituer leur histoire.
05:25 J'ai travaillé avec la police pendant 15 ans sur des enquêtes criminelles.
05:30 Corinne Dweig est experte dans l'art de percer les secrets des ossements,
05:35 que ce soit dans le domaine judiciaire ou dans le domaine archéologique.
05:40 Quelqu'un d'Albion Archeology m'a appelé et m'a dit d'une voix mal assurée,
05:46 on a un squelette avec un clou enfoncé dans le talon.
05:51 La personne a marqué une pose pour qu'on puisse bien assimiler ce qu'elle avait dit.
05:56 Puis elle a ajouté, est-ce que ça pourrait être un cas de crucifixion ?
06:03 Je suis d'un naturel très sceptique.
06:07 Quand on m'annonce quelque chose de spectaculaire comme ça, j'ai tendance à dire non, ça doit être autre chose.
06:13 On connaissait un seul cas de crucifixion avéré dans le monde en Israël.
06:20 Le clou était resté en place parce qu'il s'était tordu en entrant dans l'os.
06:25 Donc je me suis dit, si ce nouveau squelette avec un clou dans le talon est vraiment un cas de crucifixion,
06:31 ce serait le deuxième cas connu au monde et le premier en Grande-Bretagne.
06:36 Corinne Dweig cherche d'abord une autre explication à ce talon percé.
06:41 Dans certaines sociétés antiques, on plantait un clou dans le corps du défunt pour éviter que ce ne soit une âme errante.
06:48 Mais quand on étudie les textes de l'époque romaine,
06:53 on ne trouve jamais aucune mention d'un os du pied qui serait percé pour empêcher l'âme de partir.
07:00 Le clou a-t-il pu arriver là par accident, quand le cercueil a été cloué par exemple ?
07:07 Ça paraît peu probable.
07:12 Si on cloue un cercueil et qu'on touche le cadavre par accident, on s'arrête.
07:19 Il ne reste qu'une seule explication.
07:24 Je commence à me dire avec effroi qu'il pourrait bien s'agir d'une crucifixion.
07:31 La crucifixion était un châtiment répandu chez les Romains.
07:38 La personne était suspendue à un mât ou une croix.
07:45 L'exemple le plus célèbre est celui de la crucifixion.
07:51 Mais cette peine existait depuis longtemps déjà et elle a perduré encore plusieurs siècles.
07:58 Ce supplice est mentionné dans les textes romains de manière univoque dès la fin du 3e siècle avant notre ère.
08:06 Et il reste en usage jusqu'à vers 300 après notre ère.
08:12 Cela fait donc cinq siècles de cruauté.
08:17 La crucifixion était une peine que les Romains réservaient généralement aux esclaves et aux personnes coupables de crimes contre l'État.
08:24 C'était un supplice dégradant destiné à servir d'exemple.
08:30 Un texte parle de brigands qu'on a crucifiés à un carrefour au vu de tous pour dissuader quiconque de les imiter.
08:38 À l'époque de la guerre de Spartacus, les Romains ont utilisé la crucifixion pour décourager toute véléité de révolte chez les esclaves.
08:47 D'après les sources, des milliers d'esclaves insoumis ont été crucifiés sur la voie Appia qui menait à Rome.
08:55 Par ailleurs, l'historien juif Flavius Joseph rapporte que le général romain Titus crucifiait 500 personnes par jour devant les portes de la cimiterie.
09:04 Quand on additionne ces chiffres, on arrive à un nombre effrayant.
09:10 Malgré cela, les sources latines font très peu mention de cette peine.
09:16 Les Romains n'aiment guère parler de crucifixion.
09:20 Cicero dit que les gens bien élevés ne prononcent même pas le mot "croix".
09:25 Le récit de la mise en croix de Jésus qu'on trouve dans les évangiles est un exemple de la crucifixion.
09:31 La mise en croix de Jésus qu'on trouve dans les évangiles est la description la plus détaillée qu'on ait d'une crucifixion par les Romains.
09:38 Mais c'est un peu frustrant parce qu'on n'apprend quand même pas grand chose.
09:43 Quant aux traces matérielles de crucifixion, elles sont inexistantes, à l'exception notable du cas découvert en Israël.
09:52 Si les Romains ont vraiment crucifié au moins 100 000 personnes, voire plus, et je suis certain que c'est le cas, où sont passées tous ces clous ?
09:59 Première explication possible, dans la plupart des cas, les suppliciés étaient simplement ligotés, ce qui coûtait bien moins cher que des clous.
10:06 Deuxième explication, lorsque les Romains utilisaient des clous pour renforcer la fixation ou infliger une torture plus douloureuse, ils les recyclaient après usage.
10:15 Ils récupéraient les clous pour les réutiliser, soit pour d'autres crucifixions, soit pour construire un bâtiment.
10:23 Le squelette numéro 4926, avec son clou fiché dans le talon, est donc remarquable à tout point de vue.
10:32 Cette découverte est fantastique à bien des égards, notamment parce qu'il s'agit d'un squelette complet. C'est une vraie pépite.
10:45 C'est le cas de crucifixions romaines le mieux conservé au monde. Une pépite a même de nous renseigner non seulement sur le supplice qu'a enduré cet individu, mais aussi sur sa vie.
10:57 Qui était-il ? Et d'où venait-il ? Était-ce un homme libre ou un esclave ? Un notable ou un humble personnage ? Et pourquoi a-t-il connu un tel sort ?
11:08 Pour tenter de répondre à ces questions, Corinne Dweig va passer les ossements au scanner.
11:15 Habituellement, cet examen est réservé au domaine médical.
11:23 Normalement, quand on fait un scanner, on peut échanger avec les patients.
11:30 Ça ne va pas être facile.
11:35 Cette collaboration est intéressante pour mes collègues comme pour moi.
11:39 L'examen devrait fournir de précieux renseignements à l'archéologue.
11:46 Voilà le clou. Je le remets dans le trou.
11:52 C'est une bonne place. Une position logique, non ?
12:01 Le scanner est une méthode d'analyse très sophistiquée, qui utilise les rayons X.
12:07 Il permet d'obtenir une multitude d'images en coupe.
12:11 Des images en trois dimensions, pas juste en deux, avec lesquelles on peut faire tout un tas de choses très intéressantes.
12:18 Aujourd'hui, nous avons obtenu des images de grande qualité.
12:23 Ce sont des super clichés pour les archéologues.
12:26 Ça va les aider à explorer la vie et la mort de ces personnes.
12:30 Les clichés sont transmis à une société d'imagerie numérique, qui crée un modèle en trois dimensions du squelette.
12:37 Corinne Dweig peut alors pratiquer une incroyable autopsie virtuelle.
12:42 Un ami biologiste vient la seconder.
12:52 John Garrod est expert en anatomie.
12:55 C'est formidable de se retrouver pour étudier ce qu'on est bien forcés de qualifier de découvertes majeures.
13:03 Ces restes humains, c'est comme une fenêtre ouverte sur le passé.
13:08 Ils peuvent nous renseigner sur la vie et la mort de cet homme, ou de cette femme.
13:13 Les deux chercheurs s'intéressent d'abord à l'âge et au sexe de l'individu.
13:19 La première grande question, c'est de savoir si c'est un homme ou une femme.
13:22 On regarde surtout le pelvis, qui change à la puberté.
13:26 Il est au cœur du dimorphisme sexuel primaire.
13:30 Cette zone s'appelle l'incisure ischiatique.
13:33 Elle permet le passage du nerf sciatique.
13:37 À la puberté, elle reste étroite chez l'homme.
13:40 Mais chez la femme, elle s'élargit pour permettre au bassin de s'agrandir.
13:47 Il y a des années, tu m'avais appris à utiliser deux doigts pour mesurer grossièrement l'angle de ce canal.
13:52 Selon le résultat, on savait si c'était un homme ou une femme.
13:56 Chez la femme, l'angle est supérieur à 90 degrés.
14:01 L'incisure peut être vraiment très large.
14:04 Ici, on voit que l'angle fait un peu moins de 90 degrés.
14:09 Pas beaucoup moins. Donc c'est plutôt un homme.
14:14 Pour d'autres informations, le squelette peut-il livrer ?
14:17 Peut-on connaître l'âge de cet homme au moment de sa mort ?
14:25 Les os ont tous cessé de croître et ils sont soudés.
14:28 Donc cet individu a atteint l'âge adulte sur le plan osseux.
14:32 À partir de là, tout ce qu'on peut examiner fait le degré de détérioration de l'os.
14:38 Je crois que je vois des signes d'usure dans la région lombaire.
14:43 C'est très net ici. Tu vois ces petits nodules ?
14:46 La face postérieure de la vertèbre devrait être lisse.
14:51 Passé l'âge de 35 ans, des petits nodules se développent parce que les disques se détériorent.
14:57 Ça provoque ces excroissances osseuses.
15:01 Ici, elles sont très réduites.
15:04 Donc on peut dire que cet homme a plus de 35 ans, mais sans doute pas plus de la quarantaine.
15:11 C'est un peu la même chose.
15:13 On en sait désormais beaucoup plus sur le crucifié de Fenstanton.
15:21 Mais il reste encore de nombreuses questions.
15:24 D'autres examens devraient livrer davantage d'informations.
15:28 Une datation par le carbone 14 permet de déterminer plus précisément l'époque à laquelle il a vécu.
15:35 En croisant ce résultat avec l'âge des objets mis au jour sur le site,
15:39 on peut en conclure que l'homme de Fenstanton a probablement vécu vers l'an 250 après Jésus-Christ.
15:45 À quoi ressemblait donc la vie dans la Bretagne romaine au 3e siècle ?
15:50 En 27 avant notre ère, Rome cesse d'être une république et adopte le régime de Principa, dirigé par un empereur.
15:58 Etendant son influence depuis des siècles, elle domine désormais tout le bassin méditerranéen.
16:04 C'est la superpuissance de l'époque.
16:06 Mais au début de notre ère, elle n'a pas encore conquis la Bretagne.
16:10 La Bretagne est à la frontière de l'Empire romain.
16:15 Vue depuis la Méditerranée, la Bretagne est une contrée lointaine, barbare et sauvage.
16:21 La Bretagne est considérée comme difficile d'accès parce que la Manche est vue comme un océan.
16:28 L'océan est la limite du monde connu,
16:31 donc aller au-delà, c'est repousser les limites de l'Empire au-delà du monde connu.
16:36 La Bretagne commerce avec le bassin méditerranéen depuis des siècles,
16:40 en particulier avec la Grèce, Carthage et Rome.
16:44 Mais c'est seulement en 43 qu'elle est annexée à l'Empire romain.
16:48 Claude conquiert la Bretagne pour se couvrir de gloire militaire.
16:56 Pour Claude, c'est une excellente manière de s'imposer comme empereur.
17:01 Jusqu'à cette date, la Bretagne vit à l'âge du fer.
17:05 La population est organisée en tribus.
17:08 Elle pratique l'agriculture et ses constructions sont rudimentaires.
17:12 L'arrivée des Romains va tout changer.
17:14 La Bretagne devient une province romaine, avec des cités, des temples, des forts, de l'artisanat et tout le reste.
17:22 La population autochtone et les Romains cohabitent, même si ce n'est pas toujours facile.
17:27 Au fil du temps, on voit certains éléments prendre de l'importance.
17:32 De nombreux Bretons servent dans l'armée romaine, sur le Rhin et le Danube.
17:38 Les Romains vont occuper la Bretagne pendant plus de trois siècles.
17:44 On peut encore voir les traces de leur présence sur le territoire.
17:51 L'homme de Finstanton a vécu en plein milieu de la période romaine.
17:55 Quelle était sa position dans la société ?
17:58 Était-ce par exemple un riche Romain ou un esclave Breton ?
18:02 Corinne Douig et Ben Garrod tentent de déterminer ses origines et son statut social.
18:08 À l'époque, les gens travaillaient la terre.
18:11 Ils faisaient beaucoup plus d'efforts physiques que nous au quotidien.
18:14 On sait que la population de la Bretagne romaine travaillait forcément dur,
18:18 même si c'était seulement dans les champs.
18:21 Les os des bras et des jambes montrent des signes d'efforts physiques répétés.
18:28 Le crâne témoigne de chutes de dents et d'infections douloureuses tout au long de la vie.
18:33 Presque tous les squelettes exhumés à Finstanton portent la trace de blessures physiques,
18:38 d'arthrites et de nombreuses maladies.
18:41 On peut en déduire que ces individus appartenaient à la classe laborieuse.
18:47 Mais étaient-ils Bretons ?
18:49 Ou s'agissaient-ils d'esclaves originaires d'une autre partie de l'Empire ?
18:53 Pour le savoir, il faut faire appel à la génétique.
18:57 Je m'appelle Christiana Scheib, je suis chercheuse à l'université de Cambridge.
19:17 Christiana Scheib est une spécialiste reconnue dans un nouveau champ d'études
19:21 qu'on appelle l'ADN ancien.
19:23 Les fouilles menées à Finstanton ont livré une profusion de matériel génétique.
19:28 Mais celui-ci est très fragile.
19:30 L'ADN ancien nous offre une fenêtre horodatée sur le passé.
19:38 Mais il se dégrade au fil du temps.
19:41 Donc si on veut vraiment trouver des choses anciennes,
19:43 il y a beaucoup de précautions à prendre pour éviter toute contamination.
19:46 Toute personne qui accède au laboratoire d'ADN ancien doit se couvrir les cheveux
19:51 et la peau au maximum, et porter un masque et une combinaison spéciale.
19:55 Le but est d'éviter que son ADN moderne ne contamine l'échantillon à examiner.
20:00 À chaque fois que je travaille sur un nouvel individu ou une nouvelle population,
20:05 je pense à l'échantillon comme à une personne.
20:07 Qui était-elle ? Quel genre de vie a-t-elle menée ? Qu'a-t-elle vécu ?
20:12 Christiana Scheib a examiné l'ADN d'une vingtaine d'individus de Fenstanton.
20:17 Puis elle a comparé la composition génétique de cette population
20:21 à celle d'autres échantillons de la même période.
20:24 Du point de vue génétique, la population de Fenstanton ressemble beaucoup
20:30 à d'autres individus bretons de cette période, dont nous avons séquencé l'ADN.
20:34 Donc elle est sans doute autochtone.
20:37 Aucun individu ne ressemblait aux personnes d'Afrique du Nord
20:40 ou du Proche-Orient qu'on a trouvées dans d'autres sites datant de cette époque.
20:44 Ces résultats sont très importants.
20:48 Pour les confirmer, on va effectuer d'autres examens.
20:51 Ces nouvelles analyses devraient également livrer des informations
21:00 sur le mode de vie et l'alimentation du numéro 4926.
21:06 Je m'appelle Jane Evans et je suis géologue.
21:09 Je suis chargée en particulier de la collaboration avec les archéologues.
21:13 Jane Evans travaille au sein de l'Institut National Anglais d'Études Géologiques.
21:18 C'est une grande experte en matière de géochimie isotopique.
21:22 La plupart des gens connaissent les éléments tels que le calcium, le fer ou l'oxygène.
21:29 Mais ces éléments peuvent prendre des formes légèrement différentes
21:33 lorsqu'ils ont une autre masse.
21:36 On appelle isotopes les différentes formes d'un élément donné.
21:40 Quand on a un individu dont on ne sait rien,
21:44 les isotopes peuvent nous éclairer sur son identité et son origine.
21:50 Jane prélève des échantillons d'os microscopiques.
21:55 La méthode de l'analyse isotopique lui permet de reconstituer la vie d'un individu
22:00 des siècles après sa mort.
22:02 Au cours de sa carrière, elle a eu l'occasion d'examiner quelques vestiges hors du commun,
22:07 notamment une dent du roi d'Angleterre, Richard III.
22:10 Avec une seule dent, on peut analyser le carbone, l'azote, le soufre, le plomb, le strontium et l'oxygène.
22:18 Ça peut nous fournir des informations sur le régime alimentaire de la personne,
22:22 son lieu de vie et le niveau de pollution auquel elle a été exposée.
22:26 Les isotopes du strontium sont intéressants parce que leur présence est liée à la roche
22:31 qui a été le substrat de la nourriture consommée par l'individu.
22:34 On est capable de localiser ces variations sur le territoire anglais.
22:38 Les isotopes de l'oxygène proviennent de l'eau qu'on boit.
22:41 Le soufre est un élément intéressant qu'on étudie depuis peu.
22:45 Dans les régions marécageuses ou très humides,
22:48 les végétaux développent une signature sulfurique particulière.
22:52 Les niveaux de strontium, d'oxygène et de soufre fournissent des indications sur le lieu de vie de la personne
22:58 et le niveau d'azote sur son mode d'alimentation.
23:02 L'azote reflète le rang de l'individu dans la chaîne alimentaire.
23:06 Les personnes qui mangent beaucoup de viande ont des valeurs d'azote supérieures à celles qui sont végétaliennes
23:11 ou qui ont une alimentation végétale.
23:14 Et que nous dit l'analyse isotopique du squelette de Fentonton ?
23:18 La valeur de l'azote est assez élevée,
23:21 ce qui indique que la viande occupait probablement une place importante dans son alimentation.
23:26 Les isotopes du carbone montrent qu'ils mangeaient aussi des produits de la mer.
23:31 C'est typique des populations romanisées qui consommaient des sauces à base de poisson.
23:38 L'analyse isotopique nous renseigne également sur le lieu d'origine de l'individu numéro 4926.
23:45 Dans cet outil, quand on saisit des données isotopiques,
23:48 ça exclut automatiquement toutes les zones de Grande-Bretagne qui ne correspondent pas.
23:52 J'ai marqué Fentanton sur la carte, l'endroit où on a trouvé les ossements.
23:57 Si on commence par l'oxygène, on voit que ça exclut l'ouest de la Grande-Bretagne.
24:02 L'individu n'a pas pu grandir là.
24:04 Si on ajoute le strontium, la zone où il a pu passer son enfant se réduit encore,
24:08 en l'occurrence au sud-est de la Grande-Bretagne.
24:11 Et si j'ajoute maintenant les isotopes du soufre,
24:14 l'origine possible se réduit presque à une seule petite zone
24:17 qui correspond à l'endroit où cet homme a été exhumé.
24:20 En orange, ce sont les zones où il a pu grandir,
24:23 d'après la composition isotopique de ses dents.
24:25 L'homme de Fentanton était donc natif de la région où on l'a découvert.
24:30 J'ai fait beaucoup d'études de ce genre.
24:33 Celle-ci est exemplaire parce qu'on a réussi à déterminer la région d'origine de l'individu
24:37 avec beaucoup de précision.
24:39 C'est le résultat le plus précis qu'on ait jamais obtenu.
24:42 L'étude montre également que les niveaux isotopiques
24:45 n'ont quasiment pas varié au cours de la vie de l'individu.
24:49 On dirait qu'il était vraiment tressé d'enterre, toujours au même endroit.
24:54 En d'autres termes, l'individu numéro 4926
24:57 était natif de la région de Cambridge et ne l'a jamais quitté.
25:01 On a également appris qu'il avait un mode d'alimentation typiquement romain.
25:05 Dans quel autre domaine l'influence romaine s'est-elle fait sentir dans sa vie ?
25:09 A quoi ressemblait son quotidien ?
25:11 Comment était son habitat ?
25:13 Quel type de travaux accomplissait-il ?
25:15 L'autopsie virtuelle révèle un détail fascinant.
25:18 On peut afficher en rouge les zones où la densité osseuse est élevée
25:22 et en vert celles où elle est plus faible.
25:24 Ça permet de visualiser la distribution de ces zones dans le squelette.
25:27 On pourrait examiner les bras et chercher s'il y a des modifications substantielles.
25:33 Oui, ici.
25:35 La densité est plus importante dans l'avant-bras droit que dans l'avant-bras gauche.
25:39 Cela indique qu'il effectuait peut-être une tâche spécialisée de manière intensive.
25:45 On voit ça chez les cordiers au Moyen-Âge ou plus tard.
25:49 Ils répètent sans cesse le même mouvement de rotation avec l'avant-bras.
25:54 On ne retrouve pas ça dans l'humérus, donc il ne maniait pas une hache.
25:59 Ce déséquilibre est très intéressant.
26:01 C'est étonnant. On arrive à reconstituer son âge et son sexe
26:05 et peut-être même le type d'activité qu'il pratiquait.
26:09 L'examen des squelettes mis au jour à Finstanton
26:12 avait déjà révélé que ces individus appartenaient à la classe laborieuse.
26:17 Et voilà qu'on découvre des signes d'une activité manuelle.
26:21 Mais laquelle exactement ?
26:23 Pour le savoir, il faudrait étudier le lieu où elle s'exerçait.
26:28 Que sait-on du site romain de Finstanton ?
26:31 Était-ce un village ou peut-être un domaine agricole ?
26:37 Pour mieux voir à quoi ils pouvaient ressembler,
26:40 David Ingham visite un site d'archéologie expérimentale.
26:44 Il s'agit d'une ferme de l'âge du fer,
26:47 reconstituée par des archéologues à Butser, dans le sud de l'Angleterre.
26:53 On pense que le domaine de Finstanton a été fondé à l'époque romaine,
26:57 sans doute au premier siècle après Jésus-Christ, à proximité d'une route.
27:02 C'était un site d'habitat romain spécifique qui ressemblait à un village.
27:06 Le site qu'on a fouillé était situé à la limite sud de ce village.
27:10 Au nord, des fouilles anciennes suggèrent l'existence d'une villa romaine.
27:16 Nous sommes ici devant un bâtiment qui est sans doute très comparable
27:20 à celui qui se trouvait dans la partie nord de Finstanton.
27:24 Les villas romaines sont somptueuses,
27:26 mais c'était avant tout des domaines agricoles.
27:29 On en trouvait beaucoup autour des cités,
27:32 qui assuraient l'approvisionnement en céréales, en viande, etc.
27:36 La villa de Finstanton devait appartenir à un membre de l'aristocratie locale
27:40 qui administrait les environs.
27:44 Le domaine de Finstanton était sans doute tenu par un riche propriétaire terrien,
27:49 ou par son intendant.
27:51 Sa villa devait être aussi imposante que celle de Butser.
27:56 Les villas romaines étaient somptueuses et richement décorées.
28:00 C'était une manière d'étaler sa richesse.
28:03 Le propriétaire invitait d'autres notables de la région ou des fonctionnaires
28:07 pour leur montrer qu'il avait adopté le mode de vie romain.
28:11 La Bretagne était aux confins de l'Empire,
28:14 mais ces villas rappelaient à tout le monde qu'elle en faisait partie intégrante.
28:20 La Bretagne compte de nombreuses villas au 3ème siècle,
28:23 mais l'immense majorité de la population vit encore dans le même type d'habitat
28:27 qu'avant la conquête romaine.
28:31 On sait qu'il y avait une villa dans le nord du domaine de Finstanton.
28:38 Néanmoins, la majorité des structures devaient être des habitations paysannes typiques de Grande-Bretagne,
28:43 peut-être encore des maisons rondes.
28:45 On peut voir ce type de construction à la ferme reconstituée de Butser.
28:54 On estime qu'environ 80 à 90% de la population de la Bretagne romaine
28:59 vivait dans des habitats ruraux très simples.
29:04 On travaillait, on dormait, on faisait tout sous le même toit.
29:08 Nous avons appris beaucoup de choses sur l'homme de Finstanton.
29:11 Il vivait dans un domaine agricole d'une certaine importance, près d'une voie romaine,
29:15 sans doute dans une structure rudimentaire comme les maisons rondes
29:19 qui sont typiques de l'âge du fer en Grande-Bretagne.
29:22 Il menait une existence besogneuse à l'ombre d'une luxueuse villa romaine.
29:26 Leur vie était difficile, ça ne fait aucun doute.
29:30 On a trouvé de nombreuses traces de maladies et de blessures dans la population qu'on a exhumée.
29:36 Ils fournissaient des efforts physiques au quotidien.
29:39 Ils devaient travailler pour vivre.
29:41 Ils assuraient une production pour le compte du propriétaire du domaine ou de l'Empire romain.
29:46 Quel type de production assuraient-ils ?
29:50 Des zoos d'animaux ont été découverts sur le site.
29:54 Une donnée très intéressante qui nous renseigne sur l'activité du domaine,
30:00 c'est le grand nombre d'ossements de bétail qu'on a retrouvés lors des fouilles.
30:05 La plupart étaient coupés en deux, peut-être pour extraire la moelle et la graisse osseuse
30:11 et fabriquer des produits cosmétiques, du savon, voire des bougies à base de suif.
30:16 Il est même possible qu'ils aient importé des carcasses de bœufs nettoyés
30:21 depuis les cités romaines voisines, telles que Godmanchester ou Cambridge.
30:26 Donc le domaine ne vivait pas en autarcie, il faisait partie d'un vaste réseau.
30:31 L'homme de Fenstanton accomplissait peut-être au quotidien des travaux manuels spécialisés,
30:36 tels qu'extraire de la moelle et de la graisse osseuse.
30:40 Cela expliquerait la densité osseuse élevée de son avocat.
30:44 Dans ce cas, on pourrait considérer que c'était un homme du peuple
30:48 qui s'est usé jusqu'à l'os à force de travail.
30:52 Mais les objets mis au jour à Fenstanton ne témoignent pas d'une population accablée par le travail.
31:00 Cathy Pilkington, d'Albion Archaeology, a rassemblé quelques-uns de ces objets.
31:07 James Gerard est spécialiste de la culture matériale,
31:11 il nous livre ses réflexions.
31:14 J'ai travaillé sur beaucoup de sites ruraux, et celui-ci est le plus sophistiqué de loin.
31:23 On a trouvé beaucoup plus d'objets en métaux que sur un site breto romain ordinaire.
31:28 C'est une très belle collection, j'aime beaucoup ces objets.
31:31 Commençons par celui-ci, il est superbe.
31:34 C'est ce qu'on appelle une cuillère à phare, ou parfois cuillère de toilette.
31:38 Mais c'est un drôle de nom. Donc c'est un ustensile qui sert à la toilette.
31:42 D'un côté il y a une petite cuillère pour prendre du phare ou un médicament,
31:46 et de l'autre une pointe pour curer.
31:48 La pratique de la toilette représente un vrai changement par rapport à l'âge du fer.
31:52 On prend l'habitude de se parer dans toutes les couches de la société,
31:55 et cet objet se rattache à cette pratique de la toilette.
31:58 Même dans un petit domaine agricole comme Fenstanton,
32:01 certaines personnes prennent soin de leur apparence.
32:04 Oui, absolument.
32:06 C'est aussi un objet très agréable à prendre en main.
32:09 C'est très beau.
32:11 On sent qu'il a été utilisé.
32:14 Oui, même si c'était pour se curer les oreilles.
32:17 Oui, c'est vrai.
32:19 Voici un autre objet magnifique.
32:22 Vous pouvez m'en dire plus ? Je n'ai jamais rien vu de semblable.
32:25 Si j'ai bien compris, c'est un objet votif.
32:28 L'une des hypothèses, c'est qu'on mettait une bougie dedans.
32:31 On l'avait chez soi, sur l'autel dédié au dieu du foyer, c'est ça ?
32:35 Ces émeaux sont très décoratifs, c'est ravissant.
32:38 J'ai fait une sélection des plus belles céramiques,
32:41 et des plus complètes qu'on ait trouvées sur le site.
32:44 Elles sont magnifiques. J'adore les belles céramiques.
32:47 Elles sont quasiment intactes. C'est fantastique.
32:50 Si on regarde bien, on voit la trace des doigts du potier.
32:53 Ah oui.
32:55 Incroyable.
32:57 Ce sont les empreintes du potier romain.
33:00 Ça, je dirais que c'est un gobelet du 3e siècle.
33:03 On le prenait entre ses mains pour boire sans doute du vin ou de la bière.
33:07 La bière pouvait être locale, mais le vin devait venir de la région Rhénane.
33:11 C'est le plus probable au 3e siècle.
33:14 Un gobelet élégant, peut-être pour un vin blanc allemand.
33:17 Même un petit domaine comme celui de Fenstenton
33:20 avait accès à des produits venant de tout l'Empire romain.
33:24 L'une des différences par rapport à l'âge du fer,
33:29 c'est que les populations romanisées avaient accès à davantage de produits.
33:33 Néanmoins, les zoos d'animaux retrouvés lors des fouilles
33:36 rappellent que la vie était loin d'être facile à Fenstenton.
33:40 Si les animaux étaient abattus ailleurs
33:42 et que le domaine de Fenstenton s'occupait de transformer les carcasses,
33:46 ça devait être un travail assez ingrat.
33:49 Ça veut dire aussi qu'on tirait tout ce qu'on pouvait des animaux,
33:52 jusqu'à la moelle, littéralement.
33:54 Mais l'exploitation intensive est un trait caractéristique du monde romain.
33:59 L'image se précise.
34:01 L'individu numéro 49-26 était un homme de classe sociale inférieure
34:07 qui a vécu toute sa vie au même endroit
34:09 et qui accomplissait un travail manuel.
34:12 C'était une petite main au service d'un vaste empire.
34:15 On sait désormais comment il a vécu.
34:19 Mais comment est-il mort ?
34:21 Pourquoi a-t-il été crucifié ?
34:25 Chaque os nous raconte un fragment de l'histoire.
34:29 Mais ce squelette nous réservait une grosse surprise.
34:34 On ne s'attendait pas à trouver un clôt dans le talon.
34:38 Tu as dû trouver ça incroyable la première fois que tu l'as vu, non ?
34:42 Absolument !
34:43 Il m'a fallu plusieurs années pour y croire.
34:46 Tu n'avais jamais rien vu de tel ?
34:49 Je ne sais pas.
34:51 Tu n'avais jamais rien vu de tel ?
34:54 Jamais.
34:55 Le talon, c'est l'arrière du pied.
34:57 Il doit amortir chacun de nos pas.
35:00 Il a un peu une drôle de forme.
35:02 Et il est très solide, non ?
35:05 Tout à fait.
35:07 Il a une composition très intéressante.
35:10 L'intérieur est mou.
35:13 Il est entouré d'un tissu assez mince mais très dense.
35:18 Donc pour le percer, il faut enfoncer une pointe avec beaucoup d'énergie.
35:23 Sinon, on écrase l'os.
35:25 C'est tout ce qu'on obtient.
35:28 Ici, on a l'impression qu'on a fait entrer le clou d'un seul coup.
35:34 Mais il y a une petite entaille.
35:37 L'os n'est pas comme ça normalement.
35:40 On sait ce que c'est ?
35:42 J'imagine que c'est une tentative manquée.
35:45 Mais ce n'est qu'une supposition.
35:48 Une personne moyennement expérimentée a essayé de faire entrer le clou,
35:52 mais l'angle n'était pas le bon, ou c'était plus difficile que prévu.
35:56 Alors elle a dû s'y reprendre à deux fois.
35:59 Ça montre bien qu'il ne s'agissait pas d'un accident.
36:02 Le coup a été porté de manière intentionnelle, avec beaucoup de force.
36:06 J'ai beaucoup de considérations pour cette personne.
36:13 Je pense aux supplices inconcevables qu'elle a enduré.
36:16 Et je ressens beaucoup de respect pour elle.
36:19 On a toujours beaucoup de respect pour les ossements sur lesquels on travaille.
36:25 Quand j'ai fait des recherches sur la crucifixion,
36:28 ça m'a amenée à réfléchir à la torture que ça représentait
36:32 et au genre de mort que ça entraînait.
36:35 Tu as parlé de considérations,
36:39 et c'est vrai que j'ai une grande considération pour cette personne
36:42 du fait de ce qu'elle a traversé.
36:44 Le terme de torture est vraiment approprié ici.
36:47 Cette dame n'a pas été seulement exécutée, il a été torturé.
36:51 On se représente la crucifixion essentiellement à partir de l'image du Christ en croix.
37:01 Mais en réalité, ce châtiment pouvait prendre de nombreuses formes.
37:10 Flavius Joseph rapporte que les Romains procédaient de différentes manières pour les crucifixions.
37:15 D'après une célèbre légende, Saint-Pierre a été crucifié la tête en bas.
37:20 Selon Flavius Joseph, les soldats romains crucifiaient les captifs de différentes manières pour se moquer d'eux.
37:29 Que nous disent ces ossements sur la façon dont l'individu numéro 4926 a été mis en croix ?
37:35 Pour répondre à cette question, Corinne Duhigg fait appel à Pierce Mitchell.
37:40 C'est le seul archéologue au monde à avoir examiné à la fois le crucifié de Fentstanton et celui d'Israël.
37:48 J'ai eu beaucoup de chance.
37:50 Quand j'étais encore un jeune archéologue, je n'avais pas 30 ans,
37:53 j'ai été à Jérusalem et j'ai eu la chance de voir les restes de cet individu.
37:58 Ces restes ont été découverts à Jérusalem en 1968.
38:03 Ils se trouvaient dans un ossuaire du 1er siècle.
38:06 Le talon était percé d'un trou.
38:12 Quand j'ai appris qu'on avait trouvé un crucifié près de Cambridge,
38:17 datant de la colonisation romaine, je me suis dit incroyable.
38:20 On est à des époques différentes, dans des lieux différents,
38:23 mais la méthode employée est quasiment la même.
38:26 Quand on regarde l'alignement du clou, on voit qu'il pénètre dans le talon
38:30 et qu'il le traverse de l'extérieur vers la zone médiane,
38:33 exactement comme pour le crucifié de Jérusalem.
38:37 La façon dont ces clous ont été insérés ne correspond pas à la position classique du corps sur la croix.
38:45 Vous avez raison. Dans les deux cas, les talons sont sur l'extérieur du mât
38:49 et le clou va de la région latérale à la région médiane jusque dans le mât.
38:54 Les vestiges montrent que le talon a été cloué sur le côté de la croix,
38:59 soit pour éviter que l'individu ne s'échappe,
39:02 soit pour lui infliger une torture supplémentaire.
39:05 Il avait sans doute les bras et les jambes ligotés.
39:08 Il a été abandonné à la mort et à une longue agonie, exposé au soleil, à la pluie et au vent.
39:14 Une idée fausse, mais très répandue, au sujet de la crucifixion,
39:19 c'est que la mort était rapide.
39:22 Mais en fait, on a du mal à concevoir une mise à mort aussi cruelle.
39:27 Quelle sorte de crime le crucifié de Fenstenton a-t-il pu commettre pour mériter un tel châtiment ?
39:37 La crucifixion est une mort affreuse.
39:43 C'est un supplice qui est infligé en public.
39:46 Et l'une des raisons de ce supplice, c'est de susciter la terreur.
39:50 Le caractère public de la peine est déterminant.
39:54 Les Romains se servent de la crucifixion pour dissuader la classe laborieuse de se révolter.
39:59 Les Romains sont particulièrement intolérants à toute forme de trahison ou de sédition, qu'ils punissent de la crucifixion.
40:06 L'homme de Fenstenton s'est-il révolté ou a-t-il comploté contre les Romains ?
40:12 Il n'aurait pas été le seul en Grande-Bretagne.
40:19 Il y a eu plusieurs soulèvements. Celui mené par la reine Boudica est un bon exemple.
40:23 Mais il y en a eu d'autres, notamment celui des Brigantes dans le nord.
40:26 Il y a eu beaucoup de morts et de personnes réduites en esclavage.
40:28 La conquête romaine a été sanglante et violente.
40:31 Des troubles secouent encore la Bretagne au IIIe siècle.
40:35 L'homme de Fenstenton a-t-il pris part à une insurrection réprimée par les Romains dans la région de Cambridge ?
40:41 Au début du IIIe siècle, les Romains sont confrontés aux incursions des Calédoniens dans le nord de la Bretagne.
40:48 Dans ce qui est maintenant l'Ecosse.
40:50 Mais Septime-Sévère écrase plus ou moins ces mouvements.
40:53 On pense qu'après ça, le calme revient en Bretagne jusqu'à la fin du siècle.
40:58 Rien n'indique un soulèvement à proximité de Fenstenton au IIIe siècle.
41:04 L'individu numéro 4926 peut-il avoir été crucifié pour une autre raison ?
41:10 Les Romains appelaient la crucifixion le servilei supplicium, le supplice des esclaves.
41:16 Parce qu'ils réservaient cette peine aux hommes privés de liberté.
41:19 Si l'homme de Fenstenton était un esclave, il a pu être crucifié pour toutes sortes de raisons.
41:25 Les esclaves ne bénéficiaient d'aucune protection inscrite dans la loi, contrairement aux citoyens.
41:30 En théorie, le maître avait plus ou moins droit de vie ou de mort sur eux.
41:35 Peut-on penser que l'homme de Fenstenton était un esclave qui aurait provoqué la colère de son maître ?
41:41 Les choses ne sont pas si simples.
41:43 Au Ier siècle de notre ère, la citoyenneté était liée à des privilèges importants sur le plan juridique.
41:48 Les citoyens bénéficiaient de certaines protections.
41:51 Normalement, ils ne pouvaient pas être crucifiés.
41:53 La citoyenneté était réservée à une minorité, à qui elle offrait des protections et des privilèges.
41:59 Jusqu'au IIIe siècle.
42:06 212 est la date généralement retenue pour l'édit de Caracalla, qu'on appelle également la Constitution Antonine,
42:14 qui accorde la citoyenneté à la majorité des habitants de l'Empire Romain.
42:18 Comment interpréter cet édit ?
42:21 D'après certains auteurs, Caracalla déclare tous les habitants citoyens romains uniquement pour augmenter le nombre de contribuables.
42:29 Quoi qu'il en soit, la citoyenneté n'adoucit en rien la vie quotidienne des classes laborieuses.
42:35 Elle ne les met pas à l'abri des pires châtiments.
42:38 C'est là qu'on voit apparaître une distinction juridique très importante entre les honestioresses, les honnêtes hommes, et les humilioresses, les humbles.
42:50 Les notables et les humbles, pour donner une traduction littérale.
42:54 On a des comptes-rendus d'interrogatoire lors de procès.
42:58 Souvent, ils commencent par la question « quel est votre statut ? ».
43:04 Les humilioresses sont presque toujours condamnées à des peines corporelles.
43:09 Les humilioresses peuvent être condamnées à la crucifixion, même s'ils sont citoyens romains.
43:16 Donc, le crucifié de Fenstenton pouvait aussi bien être un esclave qu'un citoyen romain de basse extraction.
43:30 D'ailleurs, le nombre de crimes passibles de la peine de mort augmente durant le Bas-Empire.
43:35 Au fil des siècles, Rome devient plus autocratique, et les sanctions pénales sont plus cruelles.
43:43 C'est sans doute signe que l'Empire a des difficultés à imposer sa volonté.
43:55 La Bretagne romaine a beau être pacifiée au 3e siècle, le nombre d'exécutions est en hausse.
44:01 Un large éventail de crimes et délits ont pu valoir la mort au crucifié de Fenstenton.
44:06 Il y a un système juridique, mais qui y a accès ? Et ce système est-il juste ?
44:18 Les aveux ne sont admissibles que s'ils ont été obtenus par la torture.
44:24 Les gouverneurs peuvent prendre des décisions arbitraires.
44:27 Ils peuvent décider d'exécuter un homme même si la loi l'interdit.
44:31 Qui pourrait les en empêcher ?
44:34 L'homme de Fenstenton vivait aux confins de l'Empire romain.
44:38 Nous ne saurons jamais quels crimes il a commis pour mériter la crucifixion.
44:42 S'est-il soulevé contre l'occupant ?
44:45 A-t-il été victime de l'arbitraire ? C'est impossible à dire.
44:49 L'homme de Fenstenton a connu une fin atroce.
44:52 Mais une fois mort, il semble que l'on n'ait pas voulu s'acharner davantage sur sa dépouille.
44:58 Il y a quelque chose qui m'intrigue beaucoup.
45:02 Cet homme a été condamné à un supplice épouvantable.
45:06 Mais visiblement, sa communauté a pu récupérer son corps et lui donner une séparation.
45:14 Tout à fait normal.
45:16 Pourtant, certains auteurs rapportent que d'ordinaire,
45:20 les romains laissaient les dépouilles des crucifiés pourrir sur place ou les jetaient dans une fosse commune.
45:26 Une partie de la communauté a souhaité enterrer cet homme.
45:30 On sait que les proches pouvaient demander officiellement l'autorisation d'emporter le corps à celui qui avait ordonné l'exécution.
45:37 Dans le cas de la crucifixion, il n'y a pas eu de problème.
45:42 Mais il y a eu une autre question.
45:44 Dans le cas de la crucifixion la plus célèbre, celle de Jésus,
45:48 on sait que Joseph d'Arimacie a demandé à Ponce Pilate l'autorisation de descendre le corps de la croix pour le mettre au tombeau.
45:55 La même chose qui s'est sans doute produite à Fentstanton.
45:59 Les proches ont récupéré la dépouille et lui ont donné une sépulture.
46:03 Y a-t-il des éléments matériels qui corroborent cette hypothèse ?
46:07 Nous retournons au laboratoire d'ADN ancien.
46:11 Nous avons identifié deux liens génétiques étroits.
46:14 L'un était un lien au premier degré, c'est-à-dire entre un parent et un enfant, ou entre des frères et sœurs issus de la même union.
46:21 L'autre était un lien au second degré, donc entre un grand-parent et un petit-enfant, ou entre un oncle et un neveu par exemple.
46:28 L'examen a également montré que les habitants de Fentstanton étaient tous originaires de la région.
46:34 Puisque certains étaient parents, il s'agissait peut-être d'une communauté soudée
46:40 qui avait besoin de donner une sépulture au crucifié.
46:42 Cet homme a été maintenu au sein de sa communauté après sa mort.
46:46 Quoi qu'il ait fait dans sa vie, et quel qu'était celui qui l'a condamné au supplice,
46:52 je trouve ça très émouvant.
47:04 Joe Mullins est spécialiste de la reconstitution faciale dans le domaine judiciaire et il enseigne à l'université.
47:10 La plupart du temps, je réalise des reconstitutions faciales dans le cadre d'une enquête criminelle, pour aider à l'identification d'une victime.
47:19 Joe Mullins retrouve le visage d'un individu d'après son crâne à des fins judiciaires depuis une trentaine d'années.
47:30 Mais il n'a encore jamais travaillé sur un crucifié datant de l'époque romaine.
47:34 C'est une première mondiale.
47:37 J'exerce un métier vraiment passionnant, et ce cas est le plus intéressant de toute ma carrière.
47:44 Quand je travaille dans le domaine judiciaire, je demande des photos des lieux du crime et des vêtements qu'on a trouvé sur la victime.
47:50 J'ai besoin de toutes les informations disponibles pour reconstituer le visage de cette personne quand elle était encore vivante.
47:57 Comme je travaille dans le domaine archéologique, j'ai besoin du maximum d'informations possibles, que ce soit sur l'ADN, les isotopes ou le phénotype.
48:04 Ça me donne des indications sur la couleur des cheveux, des yeux et de la peau.
48:08 Joe a eu accès aux conclusions de Corinne Dweig, Jen Evans et Christiana Scheib.
48:13 D'après l'analyse génétique, l'homme de Fenstanton avait probablement les yeux marrons et les cheveux châtains.
48:23 C'est vraiment fantastique parce que j'ai eu autant d'informations, si ce n'est plus, sur cet individu qui est décédé il y a près de 2000 ans, que je n'en ai d'habitude sur des affaires de meurtre.
48:33 La difficulté, c'était que le crâne était fragmenté. C'était comme un puzzle vieux de 2000 ans.
48:43 Le crâne, c'est la fondation du visage.
48:49 Toute l'information est là, devant nous, quelle que soit son ancienneté.
48:53 Quand toutes les pièces du puzzle sont assemblées, on obtient ceci.
48:56 C'est la fondation sur laquelle je vais construire le visage.
48:59 Ensuite, on passe du logiciel 3D aux éléments photographiques qu'on va ajouter en s'appuyant sur les informations à notre disposition.
49:07 L'individu a 35 ans, les cheveux châtains, les yeux marrons et il n'est pas en très bonne santé.
49:15 Il y a des indices concernant la place des lèvres, les coins de la bouche, les iris, les sourcils, la ligne de la naissance des cheveux, l'arc supraciliaire, etc.
49:23 C'est comme une tête de monsieur patate à qui on ajoute des détails.
49:26 Si je clique sur les couches successives, ça montre les décisions que j'ai prises concernant la chevelure, par exemple.
49:32 Puis, on ajoute d'autres éléments graphiques, par exemple les joues creuses.
49:36 Ça correspond bien aux conditions de vie difficiles qui étaient les siennes.
49:42 Le crucifix de Fentstanton ressuscite sous les mains de Joe Mullins.
49:46 Ce n'est plus un simple crâne.
49:51 Je vois le visage d'une personne morte il y a près de 2000 ans et je ne l'oublierai plus jamais.
50:04 Plus de 5 ans après les fouilles menées à Fentstanton, Corinne Duhigg et David Ingham s'apprêtent à raconter l'histoire du crucifié à une assemblée de confrères et consoeurs archéologues.
50:14 Ils doivent encore ajouter la dernière touche à leur présentation.
50:18 La reconstitution faciale réalisée par Joe Mullins, qu'ils découvrent par la même occasion.
50:23 C'est fantastique de le voir se transformer ainsi.
50:28 Je ne l'aurais jamais imaginé comme ça.
50:33 C'est très impressionnant.
50:35 C'est une reconstitution magnifique et tellement vivante.
50:40 Les détails sont fabuleux.
50:43 Ça fait de lui une personne et plus seulement un squelette avec un numéro comme jusqu'à présent.
50:49 Il ressemble à un collègue que j'avais autrefois.
50:53 Il n'y a rien qui distingue un homme de l'Antiquité d'un homme contemporain.
50:58 Non, c'est vrai.
51:01 On pourrait très bien croiser cette personne à notre époque dans les rues de Fentstanton.
51:04 Cet homme a eu une fin atroce.
51:08 J'ai l'impression qu'en découvrant son visage, je peux lui donner davantage de considérations.
51:16 C'est fantastique qu'on ait pu reconstituer ce visage à partir de l'analyse génétique et de l'étude ostéologique que tu as faite, Corinne.
51:23 C'est une manière de le ramener à la vie presque 2000 ans après sa mort.
51:28 J'ai toujours beaucoup de plaisir à travailler avec d'autres ostéo-archéologues.
51:32 Et j'aime les échanges pluridisciplinaires.
51:36 C'était merveilleux de passer tout ce temps à échanger et à discuter avec des gens de tous horizons.
51:42 Ça a été extrêmement enrichissant.
51:47 L'archéologie à la télévision a l'air toujours extraordinaire alors que notre travail quotidien est très prosaïque.
51:57 Mais cette découverte-là, c'est la découverte d'une vie.
52:01 C'est ça, Corinne.
52:03 L'archéologie à la télévision est une expérience qui a été réalisée par des scientifiques et par des artistes.
52:07 Cette expérience a été réalisée en partenariat avec l'Université de Paris.
52:12 L'archéologie à la télévision est une expérience qui a été réalisée par des scientifiques et par des artistes.
52:17 L'archéologie à la télévision est une expérience qui a été réalisée par des scientifiques et par des artistes.
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52:28 L'archéologie à la télévision est une expérience qui a été réalisée par des scientifiques et par des artistes.
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