IA - Anne Bouverot est l'invitée de Yves Calvi
La commission de l'intelligence artificielle formule 25 recommandations pour renforcer la position de la France en matière d'IA. Pour en parler, Anne Bouverot, docteure en intelligence artificielle, co-présidente du comité interministériel de l'IA générative.
Regardez L'invité d'Yves Calvi du 14 mars 2024 avec Yves Calvi.
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00:00 Vous êtes sur RTL.
00:02 7h, 9h
00:06 RTL matin. Il est 8h24. Bonjour Anne Bouvreau. Bonjour. Vous présidez le conseil supérieur, le conseil pardonnez-moi,
00:12 d'administration de l'ENS, l'école normale supérieure.
00:15 Merci de prendre la parole sur RTL au lendemain de la remise de votre rapport très attendu sur l'intelligence artificielle.
00:20 Objectif,
00:21 renforcer la position de la France dans ce secteur hautement stratégique.
00:24 Et je vais vous demander pour commencer de rappeler aux auditeurs d'RTL ce qu'on appelle exactement
00:28 l'intelligence artificielle. Même la définition, il est important de la rappeler. Merci beaucoup et vous avez raison.
00:33 C'est un mot valise,
00:35 intelligence artificielle. Et d'ailleurs au fil des années, on y a mis des choses différentes.
00:39 L'intelligence artificielle, c'est utiliser beaucoup de données pour en tirer des choses qui font
00:46 du sens ou qui sont utiles. Et aujourd'hui,
00:49 l'intelligence artificielle de Tchad GPT, ça nous permet d'interagir avec des mots, avec des images,
00:56 avec les machines. Donc c'est pour ça que ça nous interpelle, parce que ça utilise
01:00 notre manière de communiquer.
01:02 On vit vraiment une révolution dans ce domaine et qu'est ce qui va changer dans nos vies concrètement avec l'IA ?
01:07 Puisque c'est comme ça qu'on l'appelle. Oui, avec l'IA, alors c'est effectivement une révolution qu'on est en train de vivre.
01:13 Ça change la manière d'accéder à l'information sur internet. Ça permet de faire des découvertes dans le monde de la santé.
01:21 Ça va changer notre manière de travailler. Si notre travail, ça inclut le fait d'utiliser des mots et des images, donc ça veut dire beaucoup
01:28 beaucoup de métiers. Et j'insiste sur le fait que ça va changer.
01:32 C'est-à-dire qu'il faut apprendre à s'en servir. La question passionnante au demeurant est la suivante. La France, notre pays, peut-il devenir
01:39 l'un des leaders mondiaux de l'intelligence artificielle ? Est-ce qu'on en a les moyens ? Alors on a beaucoup de talents.
01:44 On a
01:47 beaucoup de chercheurs, d'entrepreneurs dans le domaine. Et depuis longtemps, avec l'excellence de l'école de mathématiques et d'informatique en France,
01:54 il faut s'en donner les moyens.
01:56 Et il faut s'en donner les moyens. Il y a des aspects financiers.
01:59 Mais j'insisterai surtout sur notre toute première recommandation du rapport, qui est qu'il faut un plan de formation et de sensibilisation
02:07 massif pour tous les Français, toutes les Françaises, depuis la maternelle jusqu'à la retraite,
02:15 dans les études supérieures et au travail, pour apprendre à s'en servir.
02:19 Si on ne fait rien, on risque de regarder les trains passer, affirmez-vous à nos confrères du monde. Faut se bouger ?
02:24 Faut se bouger. Si on fait rien, c'est comme toute
02:28 innovation technologique et comme tout outil qui permet de faire beaucoup de choses. Il faut apprendre à s'en servir rapidement
02:36 pour en faire ce qu'on veut en faire.
02:38 Sinon d'autres vont
02:40 développer les manières de s'en servir, d'autres que nous. Alors le directeur du point Étienne Gernel nous racontait hier dans son éditorial avoir rencontré le
02:46 patron de Mistral. C'est l'un de nos champions français en matière d'intelligence artificielle.
02:50 Il a participé à votre commission. Il explique notamment que nous pouvons concurrencer les grandes entreprises technologiques, les fameuses big tech. Vous en êtes sûre ?
02:57 Alors d'abord c'est excellent qu'on ait des entreprises comme Mistral en France. Il y en a d'autres aussi. Je pense qu'il faut vraiment viser à un
03:04 développement de l'écosystème de l'IA. Mais nous sommes, pardonnez-moi, je vous interromps, nous sommes capables de rivaliser avec les géants américains et chinois.
03:10 Ou juste on doit trouver notre place dans le dispositif, ce qui n'est pas la même chose. Vous comprenez ma question ?
03:14 Je comprends bien votre question. On ne va pas devenir les Etats-Unis demain matin et il ne faut pas se fixer ça comme ambition.
03:20 Mais on est capable de faire partie
03:22 des pays qui sont à la pointe du développement de l'intelligence artificielle. Et il faut en profiter pour la développer
03:30 d'une manière qui nous convient. Vous voyez, en utilisant notamment
03:35 les données françaises pour entraîner les modèles, pour ne pas avoir uniquement une culture du web en anglais,
03:42 qui nourrissent ces outils.
03:44 On a les talents en France pour ça ? On a des talents, on a beaucoup de talents. Il faut renforcer la formation de ces talents,
03:50 il faut en former plus, à la fois
03:52 spécifiquement dans le domaine de l'intelligence artificielle, des ingénieurs, des chercheurs.
03:56 Mais il faut aussi former des gens qui font de l'IA et du juridique, qui font de l'IA et de la biologie, qui font de l'IA et de l'histoire.
04:03 De l'IA et dans tous les domaines.
04:05 Mais on arrive à les garder, ces français doués, ou ils filent ailleurs, notamment chez les grandes entreprises américaines ?
04:10 Les deux. D'abord, il faut de l'ouverture. Donc, il y en a qui vont travailler ailleurs, il y en a des brillantissimes.
04:15 Arthur Mensch est parti, il est revenu.
04:18 Yann Lequin a maintenant un pied de chaque côté de l'Atlantique.
04:22 Il faut leur donner l'opportunité de choisir, de rester ou de partir, et puis de partir et de revenir.
04:30 Donc, il faut avoir une capacité à être attractif. Parlons un tout petit peu chiffre. Vous recommandez tripler les investissements dans l'intelligence artificielle.
04:36 Vous affirmez que cela pourrait nous faire gagner dans les dix ans 1% de croissance supplémentaire de notre PIB.
04:41 Je le dis pour nos auditeurs, c'est énorme, 1% du PIB. Voilà, le produit intérieur brut.
04:45 Expliquez-nous ça, Anne Bouvreau, parce que c'est intéressant. Alors, j'ai co-présidé cette commission avec l'économiste Philippe Aguillon,
04:52 qui est un spécialiste de l'économie de la croissance.
04:55 Et donc, dans le cadre du rapport, il y a un travail qui a été fait sur des entreprises qui utilisent l'intelligence artificielle,
05:01 en France, ces dernières années. Et c'est cette étude-là qui montre que,
05:06 statistiquement, il y a une croissance de la productivité et de l'économie de ces entreprises.
05:13 Et c'est sur cette base-là que cette extrapolation a été faite.
05:17 Ce que vous nous décrivez est passionnant. Certains métiers vont disparaître ?
05:20 Alors, en fait, ce qu'il faut regarder, ce sont les tâches au sein des métiers.
05:25 Parce qu'il y a très peu de métiers qui sont uniquement constitués de choses qui peuvent être automatisées par l'intelligence artificielle.
05:31 Donc, l'essentiel, c'est que
05:34 70% des métiers, peut-être 80%, la grande majorité,
05:37 vont avoir des tâches qui vont changer. Et c'est pour ça qu'il faut apprendre à s'en servir.
05:41 Il y a très peu de métiers qui sont constitués uniquement de tâches de type
05:46 administrative ou analyse de données. Peut-être, ceux-là vont avoir tendance à diminuer.
05:51 Il y a d'autres métiers nouveaux qui vont être créés. Mais le point principal, c'est que
05:56 beaucoup de métiers vont changer. Et c'est pour ça qu'il faut se former.
05:59 Le pays qui sera leader dans le domaine de l'intelligence artificielle dominera le monde.
06:02 Ces propos sont ceux de Vladimir Poutine en 2017. Il avait donc raison ?
06:06 Je ne pense pas qu'il faille considérer...
06:10 Je sais que c'est perturbant, mais...
06:12 Oui, je connais bien cette situation.
06:14 Je ne pense pas qu'il faille vouloir être LE pays qui est leader.
06:17 Mais il faut faire partie des pays qui vont
06:21 embrasser et mettre en oeuvre cette révolution.
06:24 Et il faut travailler avec des pays alliés, on va dire, pour développer
06:30 aussi une vision mondiale d'intelligence artificielle qui nous convienne.
06:34 Une toute dernière question. Est-ce que vous êtes confiante sur le fait qu'Emmanuel Macron
06:38 suivra vos propositions ? Depuis 2017, le président a reçu beaucoup de rapports très intéressants sur son bureau
06:44 avant de les ranger bien soigneusement au fond d'un tiroir.
06:46 Écoutez, il lui appartient complètement de décider ce qu'il en fera.
06:50 Il était très intéressé hier lors de la remise du rapport.
06:54 Et je suis ravie d'être ici et de pouvoir communiquer autour du rapport
06:58 pour que chacun et chacune puissent s'en saisir.
07:00 Merci beaucoup.
07:02 [SILENCE]