Fin de vie : "On reste dans le flou", réagit ce Catalan membre de la Convention citoyenne

  • il y a 6 mois
Deux jours après la présentation, par Emmanuel Macron, du projet de loi sur l'aide active à mourir, le texte continue de faire réagir. L'un des membres de la Convention citoyenne sur la fin de vie, le Catalan Vincent Llobregat, a confié ses impressions à France Bleu Roussillon.
Transcript
00:00 L'invité du 6/9
00:02 Et notre invité ce matin, c'est un des 4 talents qui a participé à la convention citoyenne sur la fin de vie.
00:07 Il habite Toulouge et il a été tiré au sort il y a un peu plus d'un an pour faire partie des 184
00:12 citoyens français à prendre part au débat. Et ça y est, le projet de loi sur la fin de vie est arrivé.
00:18 Il sera examiné à partir du 27 mai à l'Assemblée Nationale. Suzanne Fudjaï.
00:22 Bonjour Vincent Llobregat.
00:23 Bonjour.
00:24 Vous avez 44 ans, vous êtes conseiller en patrimoine et vous avez donc participé à cette convention citoyenne sur la fin de vie pendant 5 mois l'an dernier.
00:32 Et là Emmanuel Macron a présenté les grandes lignes de ce projet de loi dimanche dans la presse.
00:37 Ce sera a priori des conditions très strictes pour y accéder.
00:40 Il faut être majeur, capable d'un discernement plein et entier, être atteint d'une maladie incurable avec des souffrances impossibles à soulager,
00:49 un pronostic vital engagé à court ou moyen terme. Qu'est-ce que vous pensez de la copie du président de la République ? Vous êtes satisfait ?
00:56 Bonjour. Oui, satisfait d'une certaine manière parce qu'on attendait une réponse depuis quelques temps maintenant et puis on a enfin cette réponse.
01:05 Donc ça c'est, je dirais, le côté positif.
01:07 Ensuite il va falloir déterminer un peu les contours de cette loi, savoir exactement de quoi il s'agit,
01:14 notamment par rapport au pronostic vital engagé à court ou moyen terme.
01:19 Que veut dire moyen terme ? Court terme on connaît déjà à quoi ça veut dire.
01:24 Moyen terme c'est plusieurs mois, un an, deux ans, c'est ça ?
01:26 Voilà, on ne sait pas trop où ça va.
01:28 Donc déjà nous en tant que conventionnels, mais j'imagine les patients et les malades attendent cette réponse.
01:33 Et puis, comme vous le disiez, des restrictions relativement strictes.
01:37 Donc nous par rapport à la convention, on avait réfléchi à différentes possibilités, déjà sur l'ouverture soit au suicide assisté, soit l'euthanasie, soit O2.
01:47 C'est quoi la différence ?
01:49 Le suicide assisté c'est de pouvoir, un peu ce que propose le président de la République,
01:54 s'injecter soi-même la dose létale avec une assistance bien entendu médicale.
02:01 L'euthanasie c'est le corps médical qui procède à l'injection.
02:06 En l'occurrence c'est plutôt la piste de suicide assisté qui est privilégiée par le gouvernement.
02:10 J'irais même, c'est un peu flou, parce qu'à partir du moment où on a le total discernement,
02:16 à partir du moment où on a la capacité physique, c'est la personne qui s'injecte la dose létale.
02:23 Il semblerait que si la personne n'a pas les capacités physiques,
02:27 ce serait une tierce personne soit choisie par le patient, soit le corps médical.
02:34 Donc s'il s'agit du corps médical, suite au fait que la personne n'a pas les capacités physiques
02:39 de pouvoir procéder à l'acte, on pourrait peut-être, pourquoi pas, parler d'euthanasie.
02:44 Si je comprends bien ce que vous dites, c'est une avancée ce projet de loi,
02:49 mais il y a quand même des éléments qui vous dérangent un peu, qui vous questionnent en tout cas.
02:53 Disons que le président de la République, lorsqu'on avait été reçu à l'Elysée en avril 2023,
02:58 nous avait dit qu'il y aurait certainement un modèle français, donc dit à la française.
03:03 C'est ce qui est en train de se dessiner, c'est-à-dire qu'on ne prend pas de décision directe
03:09 à dire "oui j'ouvre la possibilité du suicide assisté" ou "j'ouvre la possibilité de l'euthanasie".
03:14 On est un peu dans le flou parce qu'il n'a employé aucun mot à ce niveau-là.
03:19 Et donc on ne sait pas trop si on va vers d'un côté ou vers l'autre, voire un peu les deux.
03:24 Pour certaines associations, le problème c'est qu'il faut que l'équipe médicale soit d'accord
03:29 pour ce passage à l'acte, pour cette aide à mourir.
03:32 Est-ce que pour vous aussi c'est un problème qu'il faille l'aval de l'équipe médicale ?
03:37 Pour moi ce n'est pas un problème, c'est indispensable.
03:39 Pour moi c'est indispensable parce que c'est déjà le cas pour la sédation à profonde et continue jusqu'au décès,
03:47 de la loi Claes Leonetti.
03:49 Il ne s'agirait pas que le patient choisit de mettre un terme à sa vie et qu'il n'y ait pas d'accord médical.
03:58 Il faut quand même qu'il y ait un consensus avec le côté médical, la famille et surtout au cœur de tout ça le patient.
04:06 Mais il y a aussi des réticences chez les soignants.
04:08 On les a entendus, il y a une quinzaine d'associations de soignants qui reprochent au projet d'être éloignés
04:13 des besoins des patients et des soignants sur le terrain.
04:16 Ils disent aussi que le rôle des soignants c'est de soigner et pas de tuer.
04:19 Il y a des critiques également du côté des politiques, à droite, à l'extrême droite.
04:23 Est-ce que vous redoutiez ce débat qui pourrait peut-être s'envenimer ?
04:30 S'envenimer, je ne l'espère pas.
04:32 Je ne le redoutais pas parce que lorsqu'on était déjà dans la convention au sein de l'hémicycle OCE,
04:40 on avait déjà ces débats.
04:42 On avait reçu des médecins, on avait reçu pas mal de spécialistes.
04:47 Ils étaient déjà contre, pour la plupart.
04:50 Donc on s'y attendait, il faut les entendre, il faut les écouter.
04:54 Mais je pense que c'est aussi peut-être leur apporter une réponse,
04:58 de pouvoir laisser le patient.
05:01 Je pense que le patient, il est vraiment au cœur de tout ça,
05:04 il a quand même le droit de choisir.
05:07 Pourquoi réfléchir ? On ne réfléchirait pas à se dire que
05:11 pouvoir laisser le choix aux patients c'est apporter une réponse
05:15 et d'apporter ce dernier soin qui me paraît indispensable.
05:19 C'est ce que demandent les patients, c'est ce que demandent les malades.
05:23 Je comprends que les médecins sont là pour soigner, non pas tuer,
05:29 comme ils le disent, donc c'est parfaitement légitime.
05:32 Mais finalement, soulager son patient et laisser partir le patient dans la dignité,
05:37 pour moi, ma part personnelle, ce n'est pas tuer son patient,
05:41 justement c'est le laisser partir en totale dignité.
05:45 - Victor Moindy, sur France Bleu, aussi on a notre invité, Suzanne Chojaï,
05:48 Vincent Yobegat, un habitant de Toulouge, qui a participé à la convention citoyenne sur la fin de vie.
05:52 - Alors justement, revenons au début de l'histoire, vous avez été sélectionné,
05:55 tiré au sort pour participer à cette convention citoyenne.
05:58 Je rappelle que dans la vie, vous êtes conseiller en patrimoine,
06:01 donc absolument rien à voir. Est-ce que vous aviez au début une opinion sur la fin de vie ?
06:05 - Totalement.
06:07 Du coup, quand j'étais sollicité pour la convention,
06:11 pour moi, j'étais déjà pour l'ouverture de l'aide à mourir,
06:16 dans le sens où je me suis dit qui je suis pour pouvoir décider la place d'un patient, d'un malade,
06:22 pour savoir s'il a le droit ou pas de partir de cette façon-là.
06:27 - Vous l'avez vécu, vous, avec un proche ?
06:30 - J'ai vécu auprès d'un proche, oui, sur ma grand-mère notamment,
06:34 qui était victime de la maladie d'Alzheimer.
06:38 Mais même au sein de mon travail, j'ai été confronté de temps à autre
06:43 à des gens qui avaient une pathologie relativement grave,
06:46 telle que la maladie de Charcot, par exemple.
06:49 Donc quand on est confronté à ce type de maladie, c'est vrai que c'est pas simple.
06:55 Et puis, ça amène surtout à réfléchir sur le sujet.
07:00 - Avant la convention sur la fin de vie, il y avait eu la convention citoyenne sur le climat.
07:05 Les participants à l'époque avaient été assez déçus de ce que le gouvernement avait proposé par la suite.
07:09 Est-ce que vous, vous êtes parti à la convention sur la fin de vie
07:13 avec cette crainte-là que finalement ça ne serve un peu à rien ?
07:16 - Non. On a eu, lors de la convention,
07:21 quelques participants de la convention climat
07:24 qui ont participé à l'ensemble de la convention citoyenne sur la fin de vie.
07:27 C'était plutôt des observateurs, ils n'ont pas eu le droit au vote ou quoi que ce soit,
07:31 ou travaillé clairement sur la convention,
07:34 c'était plutôt si on avait des questions, savoir comment ça se passait la convention, etc.
07:38 Ils nous avaient effectivement fait part de leur déception sur certains points,
07:43 et puis d'un côté satisfaisant, d'autres points, il faut le dire aussi.
07:48 Donc il y avait quand même quelques petites avancées, semble-t-il, de leur part.
07:51 Je pense que justement, le modèle de la convention, pour moi, est un modèle super intéressant.
07:57 - C'est mieux qu'un référendum ? - Oui, complètement.
07:59 Complètement, parce qu'on peut être pour un référendum, finalement.
08:05 Je trouve que c'est important qu'on laisse la parole aux Français,
08:07 et de laisser les Français s'exprimer sur un sujet sociétal aussi important.
08:12 - Et la convention citoyenne, c'est une façon aussi ?
08:14 - C'est une façon de, mais c'est une façon meilleure pour ma part,
08:17 parce qu'il ne s'agit pas de dire juste "oui" ou "non".
08:20 On dit "oui" et on sait pourquoi. On dit "non", on sait pourquoi.
08:24 Et moi, j'ai dit "oui" parce que je me suis servi aussi des avis des gens qui étaient contre,
08:30 qui m'ont permis à moi de pouvoir, on va dire, confirmer mon avis à moi.
08:36 Donc c'était hyper enrichissant de travailler tous ensemble, et ça s'est très bien passé.
08:40 - Et le projet de loi sur la fin de vie arrivera à l'Assemblée nationale le 27 mai.
08:45 Vous avez donc participé à cette convention citoyenne sur la fin de vie,
08:48 Vincent Uebregat, vous habitez à Toulouge.
08:50 Merci beaucoup d'avoir été avec nous ce matin. - Merci à vous.
08:52 - Merci à vous ce matin, bonne journée. - Merci, bonne journée.

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