- Grand témoin : Nicolas Bouzou, économiste et auteur de « La France de l'à-peu-près » (L'Observatoire)
LE GRAND DÉBAT / Fin de vie : quelle loi pour l'encadrer ?
« Le chrono de Blako » par Stéphane Blakowski
Mercredi 29 mars 2023, la mission d'évaluation de la loi Claeys-Léonetti a remis son rapport. Il établit que l'accès aux soins palliatifs est insuffisant, tout comme le recours aux directives anticipées et à la sédation profonde et continue jusqu'au décès. Cette loi s'avère souvent méconnue des patients et des soignants. Elle est régulièrement jugée incomplète ou mal appliquée. Elle n'apporte pas de réponse à toutes les situations, notamment lorsque le pronostic vital est engagé à court ou moyen terme. Pourtant, se diriger vers l'euthanasie ou le suicide assisté faisait déjà partie des promesses de campagne de François Hollande en 2012...Comment légiférer sur la fin de vie lorsqu'elle n'est qu'une somme de cas particuliers ?
Invités :
- Anne Vivien, vice-présidente de l'ADMD
- Didier Martin, député Renaissance de Côte-d'Or
- Olivier Falorni, député Modem de Charente-Maritime
- Docteur Antoine Lafont, professeur en cardiologie à la faculté Paris-Cité
LE GRAND ENTRETIEN / Nicolas Bouzou : « l'à-peu-près », un mal français
Dans son ouvrage « La France de l'à-peu-près », l'économiste Nicolas Bouzou estime que la France souffre d'un égalitarisme et d'un nivellement par le bas qui nous éloigne collectivement de l'excellence. Pour éviter que cela ne se produise, l'auteur considère qu'il faut renforcer la production de capital, de travail et de technologies. Mais cette volonté de croissance est-elle souhaitable ou même compatible avec les objectifs écologiques que la France s'est fixée ?
- Grand témoin : Nicolas Bouzou, économiste et auteur de « La France de l'à-peu-près » (L'Observatoire)
BOURBON EXPRESS
- Stéphanie Dépierre, journaliste à LCP
LES AFFRANCHIS :
- Carole Barjon, journaliste à l'Obs
- Richard Werly , correspondant France/Europe pour « Blick »
Ça vous regarde, votre rendez-vous quotidien qui prend le pouls de la société : un débat, animé par Myriam Encaoua, en prise directe avec l'actualité politique, parlementaire, sociale ou économique.
Un carrefour d'opinions où ministres, députés, élus locaux, experts et personnalités de la société civile font entendre leur voix.
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LE GRAND DÉBAT / Fin de vie : quelle loi pour l'encadrer ?
« Le chrono de Blako » par Stéphane Blakowski
Mercredi 29 mars 2023, la mission d'évaluation de la loi Claeys-Léonetti a remis son rapport. Il établit que l'accès aux soins palliatifs est insuffisant, tout comme le recours aux directives anticipées et à la sédation profonde et continue jusqu'au décès. Cette loi s'avère souvent méconnue des patients et des soignants. Elle est régulièrement jugée incomplète ou mal appliquée. Elle n'apporte pas de réponse à toutes les situations, notamment lorsque le pronostic vital est engagé à court ou moyen terme. Pourtant, se diriger vers l'euthanasie ou le suicide assisté faisait déjà partie des promesses de campagne de François Hollande en 2012...Comment légiférer sur la fin de vie lorsqu'elle n'est qu'une somme de cas particuliers ?
Invités :
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- Didier Martin, député Renaissance de Côte-d'Or
- Olivier Falorni, député Modem de Charente-Maritime
- Docteur Antoine Lafont, professeur en cardiologie à la faculté Paris-Cité
LE GRAND ENTRETIEN / Nicolas Bouzou : « l'à-peu-près », un mal français
Dans son ouvrage « La France de l'à-peu-près », l'économiste Nicolas Bouzou estime que la France souffre d'un égalitarisme et d'un nivellement par le bas qui nous éloigne collectivement de l'excellence. Pour éviter que cela ne se produise, l'auteur considère qu'il faut renforcer la production de capital, de travail et de technologies. Mais cette volonté de croissance est-elle souhaitable ou même compatible avec les objectifs écologiques que la France s'est fixée ?
- Grand témoin : Nicolas Bouzou, économiste et auteur de « La France de l'à-peu-près » (L'Observatoire)
BOURBON EXPRESS
- Stéphanie Dépierre, journaliste à LCP
LES AFFRANCHIS :
- Carole Barjon, journaliste à l'Obs
- Richard Werly , correspondant France/Europe pour « Blick »
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NewsTranscription
00:00 [Musique]
00:05 Bonsoir, bienvenue, ravi de vous retrouver dans Savour Garde.
00:09 Ce soir, un économiste dans le fauteuil du grand témoin Nicolas Bouzou.
00:13 Bonsoir.
00:14 Vous publiez "La France de l'à peu près" aux éditions de l'Observatoire.
00:18 Un essai tonique sur l'excellence que les Français attendent,
00:22 naissant sans donner les moyens.
00:24 Un essai à rebrousse-poil, aussi en pleine crise des retraites,
00:27 où l'on parle travail mérité et fort.
00:31 Vous avez des solutions, vous nous les ferez partager tout à l'heure.
00:33 Mais on commence avec notre grand débat ce soir.
00:36 Quel bilan de la loi Claes-Leonetti sur la fin de vie ?
00:40 Sujet douloureux, intime et universel.
00:44 Les députés s'en sont emparés pour évaluer très concrètement
00:48 l'application de cette loi de 2016 dans les hôpitaux du pays.
00:52 Ils rendaient leur rapport aujourd'hui à l'Assemblée.
00:54 On en parle dans un instant sur ce plateau avec nos invités.
00:58 Et puis 20h15, bien sûr, les partis pris de nos affranchis
01:01 et le Bourbon Express, l'histoire du jour à l'Assemblée.
01:04 Vous me suivez Nicolas Bouzou ?
01:05 - Avec plaisir.
01:06 - Ça me regarde, c'est parti.
01:07 C'est l'ultime demande d'une personne en fin de vie, mourir paisiblement.
01:23 Mais est-ce vraiment la réalité du terrain ?
01:26 Est-ce qu'on meurt mal aujourd'hui en France en 2023,
01:30 et cela à cause de la loi ?
01:31 C'est à cette question difficile qu'ont dû répondre
01:33 les 19 députés de la mission d'évaluation de la loi Claes-Leonetti,
01:37 votés en 2016.
01:39 Bonsoir, Olivier Falorni.
01:41 - Bonsoir.
01:42 - C'est vous qui l'a présidée, cette mission à l'Assemblée,
01:44 député Modem de Charente-Maritime.
01:46 Vous militez pour l'évolution de la loi, on le sait,
01:48 on se souvient de votre texte sur l'aide active à mourir,
01:52 qui ouvrait la voie au suicide assisté et à l'euthanasie,
01:54 on en parlera sûrement, mais c'est pour évaluer cette loi
01:57 que vous avez travaillée, notamment avec vous, Didier Martin.
02:00 Bonsoir. - Bonsoir.
02:01 - Merci d'être là.
02:02 Vous êtes député Renaissance de Côte d'Or
02:04 et co-rapporteur de cette mission d'évaluation sur la fin de vie.
02:08 Puis deux soignants, deux médecins sur ce plateau,
02:11 professeur Antoine Lafon.
02:12 Bonsoir. - Bonsoir.
02:13 - Merci d'être là.
02:14 Vous êtes cardiologue, vous dirigez l'unité de cardiologie interventionnelle
02:18 à l'hôpital européen Georges Pompidou, à Paris.
02:20 Enfin, bonsoir, docteur Anne Vivien.
02:23 - Bonsoir.
02:24 - Merci d'être là.
02:25 Ancienne anesthésiste et réanimatrice des hôpitaux de Paris,
02:28 vous êtes la vice-présidente de l'ADMD,
02:30 l'association pour le droit à mourir dans la dignité.
02:34 Nicolas Bouzou, c'est un sujet qui nous concerne tous,
02:37 c'est un sujet important, un sujet grave également.
02:40 D'ailleurs, la Convention citoyenne rend ses conclusions ce week-end.
02:43 N'hésitez pas à intervenir quand vous le voulez.
02:45 Avant de savoir si elle est bien appliquée,
02:47 cette loi, qu'est-ce qu'elle dit ?
02:48 Clès Leonetti, il a 200 secondes pour nous la résumer.
02:51 Le chrono de Platko, pour commencer.
02:53 Et je me retourne, comme chaque soir, pour vous accueillir.
03:00 Bonsoir Stéphane.
03:01 - Bonsoir toutes et tous.
03:02 Alors, puisqu'on parle de fin de vie,
03:04 commençons par rappeler la promesse qu'avait faite le candidat Macron,
03:09 c'était il y a un an,
03:10 quand il présentait son programme à la presse.
03:12 On l'écoute.
03:13 - Je soumettrai la fin de vie à une convention citoyenne
03:16 et sur la base des conclusions de celle-ci,
03:18 à ce moment-là, je soumettrai,
03:20 ou à la représentation nationale ou au peuple,
03:23 le choix d'aller au bout du chemin qui sera préconisé.
03:26 - Le candidat est devenu président, ça tout le monde est au courant.
03:29 Et la promesse est tenue,
03:30 puisque ces trois derniers mois,
03:31 une convention citoyenne s'est effectivement réunie
03:33 pour faire des propositions sur ce thème de la fin de vie.
03:37 Il y a eu des votes qui ont déjà été faits.
03:39 Et trois quarts des citoyens étaient favorables à l'idée
03:42 d'inscrire l'aide active à mourir, on va dire,
03:44 l'euthanasie dans la loi, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.
03:46 Mais, comme vous le disiez,
03:47 avant de faire une nouvelle loi,
03:49 comme on aime bien faire en France,
03:50 il faudrait peut-être déjà savoir si celle qui existe est efficace.
03:53 Donc, une mission parlementaire,
03:55 nous avons ici un des rapporteurs,
03:56 qui s'est penché sur la question.
03:57 Et en fait, l'un des objectifs principaux
04:00 de la loi Claes-Lenetti, du nom des rapporteurs de cette loi,
04:03 l'un des objectifs principaux,
04:05 c'était de permettre à tous les Français,
04:07 sur l'ensemble du territoire,
04:08 d'avoir accès aux soins palliatifs.
04:09 On va dire, pour résumer,
04:11 qu'en France, les gens ont droit de ne pas mourir
04:14 dans d'atroces souffrances.
04:15 Or, le problème, c'est que cette loi a été adoptée il y a 7 ans,
04:18 et qu'elle n'est pas à respecter.
04:20 Faute de moyens, c'est ce qu'a expliqué ce matin Caroline Fiat,
04:23 qui est l'autre rapporteur,
04:24 donc la rapportrice ou la rapporteure
04:26 de la mission d'enquête.
04:27 On l'écoute.
04:28 La cartographie des soins palliatifs
04:30 est cependant marquée par des disparités territoriales.
04:33 21 départements ne disposent pas d'unités de soins palliatifs.
04:37 Ce constat questionne donc l'effectivité
04:40 de l'accès aux soins palliatifs.
04:42 Nombreuses ont été les personnes auditionnées
04:44 à indiquer que deux tiers des malades
04:46 nécessitant des soins palliatifs n'y avaient pas accès.
04:49 Donc, il y a déjà un problème,
04:52 mais au-delà de ça, la loi de 2016 a prévoyé aussi des innovations,
04:55 notamment la directive anticipée.
04:57 Donc, je ne savais pas ce que c'était que ce matin,
04:59 mais ce qui m'a rassuré, c'est que je ne suis pas le seul,
05:01 peut-être que vous ne savez pas, regardez,
05:02 57% des Français ne connaissent pas le sens de ce mot.
05:06 En fait, il s'agit d'un formulaire
05:08 que vous pouvez remplir quand vous êtes lucide
05:10 pour anticiper les décisions que vous aimeriez prendre
05:13 si un jour vous êtes dans le coma, à l'approche de la mort.
05:15 Donc, je vous donne un exemple,
05:17 ce n'est pas un papier obligatoire,
05:18 on a donné un formulaire sur le site de la Haute Autorité de la Santé,
05:21 mais c'est pour vous montrer qu'on ne coche pas des cas.
05:23 Il faut quand même réfléchir à ce qu'on va dire,
05:25 si on veut être réanimé après un arrêt cardiaque,
05:27 est-ce qu'on va être intubé,
05:28 ou refuser d'être intubé,
05:29 refuser d'être nourri artificiellement.
05:32 Donc, le problème, c'est que seulement 13% des Français
05:34 ont rempli cette directive assistée
05:36 qui pourrait être utile dans les circonstances ultimes.
05:40 Et on peut comprendre, parce qu'évidemment,
05:41 quand on est en bonne santé,
05:42 ce n'est pas le moment où on a le plus envie de penser
05:45 à l'idée qu'on pourrait finir dans des conditions atroces.
05:48 Et puis, quand on est malade,
05:49 on pense avant tout à guérir,
05:50 plutôt que de commencer à faire régler les détails de son agonie.
05:55 Bref, on arrive à l'idée que la mort,
05:57 c'est quand même la grande question
05:58 qu'on met tous un peu sous le tapis,
06:00 si bien que les Français ne sont même pas au courant de la loi actuelle.
06:03 Je vous ai parlé de la directive anticipée,
06:05 mais pareil pour la sédation profonde.
06:07 On se rend compte, quand on fait une enquête,
06:09 que les gens ne savent pas forcément ce que c'est.
06:11 Et pourtant, c'est quand même au cœur du débat qui va se poser.
06:14 Parce qu'actuellement, on fait donc une sédation profonde.
06:17 Ça veut dire qu'on autorise les gens qui,
06:20 à endormir profondément jusqu'à la mort,
06:22 les gens qui vont mourir.
06:23 Mais la question qui va se poser,
06:24 c'est est-ce qu'on autorise l'euthanasie,
06:26 c'est-à-dire les gens qui veulent mourir ?
06:28 J'ai repris la distinction faite par Didier Martin.
06:31 On écoute comment il expliquait ça ce matin en conférence de presse.
06:34 Cette loi, Claes Eonetti, elle a été conçue,
06:38 elle a été rédigée pour ceux qui vont mourir dans les jours à venir.
06:42 Très précisément dans ce cadre-là,
06:45 avec bien sûr une souffrance qu'on ne peut pas apaiser,
06:49 avec bien sûr un pronostic vital et une maladie incurable.
06:52 La question de l'aide active à mourir se posera pour ceux qui veulent mourir,
06:56 c'est-à-dire ceux qui ont un pronostic qui est au-delà de ces quelques jours.
07:00 Alors, j'ai fait de mon mieux pour poser le débat.
07:03 Je vais peut-être simplifier, vous allez pouvoir préciser,
07:06 mais n'hésitez pas à expliquer,
07:08 parce que c'est plus compliqué que d'être juste pour ou contre l'euthanasie.
07:12 -Je crois que tout le monde sera d'accord sur le sujet.
07:15 Olivier Falorni, déjà, comment vous expliquez
07:18 qu'aucun bilan n'ait été fait de cette loi qui a été votée il y a sept ans ?
07:23 -Je ne me l'explique pas et je trouve ça totalement anormal.
07:27 D'ailleurs, de façon générale,
07:29 le législateur n'évalue pas assez les lois qu'il vote,
07:32 mais en l'occurrence... -On a mis le sujet sous le tapis.
07:35 -Cette réflexion est un peu longue.
07:37 Il y a eu des évaluations faites par, d'une part,
07:40 l'Inspection générale des Affaires sociales,
07:43 d'autre part, le Conseil d'Etat,
07:45 qui ont été faites toutes les deux en 2018,
07:47 c'est-à-dire de manière probablement trop précoce,
07:50 mais il n'y a pas eu la moindre évaluation parlementaire de cette loi.
07:54 Je pense que nous répondons vraiment à un besoin d'évaluation.
07:57 -Est-ce que c'était facile à faire, ce travail d'évaluation ?
08:00 Est-ce que les données existent, sont accessibles ?
08:03 -Alors, d'abord, c'était passionnant.
08:05 Nous avons travaillé dans un cadre apaisé, serein,
08:08 qui contrastait beaucoup avec ce qu'on vivait
08:11 à côté dans l'hémicycle sur les retraites.
08:13 Par ailleurs, nous avons effectivement
08:15 beaucoup de mal à avoir des données quantitatives.
08:18 Nous sommes en incapacité de vous dire ce soir
08:21 combien de sédations profondes et continues maintenues jusqu'au décès
08:25 sont pratiquées en France chaque année.
08:27 -Pourquoi ?
08:28 -Parce que cet acte n'est pas codifié.
08:30 -C'est-à-dire ?
08:31 -C'est-à-dire que quand une sédation profonde est pratiquée,
08:35 eh bien, elle n'est pas mentionnée dans ce répertoire
08:38 qui indique tous les actes médicaux qui peuvent être faits.
08:42 Donc, nous sommes en incapacité de vous donner un chiffre
08:45 de sédations profondes et continues.
08:47 Par contre, ce que l'on peut dire, c'est que ces sédations profondes,
08:51 qui sont très différentes...
08:53 -C'est la principale innovation de la loi Clasleonetti.
08:56 -C'est la principale innovation qui était présentée
08:59 comme la solution alternative à l'aide active à mourir
09:02 et qui est très différente des sédations habituelles
09:05 où on endort provisoirement, on appelle ça les sédations proportionnées.
09:09 Là, c'est une sédation qui est irréversible,
09:11 puisqu'elle est maintenue jusqu'au décès.
09:13 -Pronostics vitals engagés à court terme,
09:15 affections graves et incurables, souffrance réfractaire au traitement.
09:19 Je rappelle les trois conditions, évidemment,
09:22 si le malade le demande.
09:24 Mais c'est très peu appliqué.
09:26 C'est ce que je voulais vous dire.
09:28 On n'a pas les chiffres, mais ce qu'on sait,
09:31 sur une base déclarative, parce que tout le monde nous le dit,
09:35 c'est que la sédation profonde et continue n'est pas appliquée.
09:39 Il y a deux raisons qui sont parfois contradictoires
09:42 et qui marquent aussi peut-être une sensibilité différente au sujet.
09:46 Certains nous disent que nous ne l'appliquons pas
09:49 parce que ce n'est pas nécessaire,
09:51 que cet outil-là peut être utile,
09:53 mais vraiment en dernier ressort, en dernier recours.
09:56 Et d'autres disent, comme Mme Lombard,
09:58 cette loi et la sédation profonde...
10:00 -Marthé Lombard, qui est juriste.
10:02 -Qui est juriste, qui est professeur, effectivement,
10:05 et mérite, nous dit que cette loi n'est pas appliquée
10:08 parce qu'elle n'est pas applicable,
10:10 et que la sédation profonde et continue
10:12 pose plus de problèmes qu'elle ne résout de problèmes.
10:15 -Vous avez déjà dit beaucoup de choses.
10:17 Didier Martin, comment peut-on résumer
10:19 votre rapport sur l'application de cette loi Claes-Leonetti ?
10:23 Est-ce que, globalement, on peut dire
10:25 qu'elle n'est pas appliquée et qu'elle est mal appliquée ?
10:28 -Alors, je ne suis pas d'accord.
10:30 -C'est une question que je vous adresse.
10:32 -Je pense qu'elle est mal connue,
10:34 y compris par les professionnels,
10:36 sauf certains, parce que c'est leur pratique quotidienne,
10:40 en particulier en réanimation,
10:42 mais la plupart des soignants,
10:44 qui ont leur éthique, qui ont leur déontologie,
10:47 et qui font pour le mieux pour accompagner,
10:49 y compris dans les unités de soins palliatifs,
10:52 connaissent, mais il n'y a pas eu de grande communication.
10:56 La formation, certes, des soignants, des aides-soignants,
11:00 des infirmières, des médecins,
11:02 comprend des modules sur la fin de vie,
11:04 mais c'est encore très insuffisant.
11:06 Nous manquons d'enseignants,
11:08 nous manquons de chercheurs sur la question de la fin de vie.
11:12 Ces études ne sont que trop peu nombreuses.
11:16 Il faut chercher dans les publications
11:18 pour savoir comment se passe la sédation profonde continue.
11:22 -Elle est plutôt peu appliquée, plutôt que mal appliquée.
11:25 -Les protocoles sont peu appliqués.
11:27 -Professeur Antoine Lafon,
11:29 on va venir à la question de la sédation profonde et continue
11:32 jusqu'au décès, qui est la pierre angulaire de cette loi.
11:35 On voit bien que sur le terrain,
11:37 les soignants ont des doutes et sont réticents.
11:40 Déjà, inégalité d'accès des soins palliatifs.
11:43 La faute à qui ? La faute à quoi ?
11:45 -Alors, je pense qu'il faut quand même rappeler
11:48 qu'on vit dans l'hôpital, en tout cas l'hôpital public,
11:52 une crise majeure des soignants
11:57 qui, faute d'avoir des conditions de travail épouvantables,
12:02 quittent l'hôpital.
12:04 C'est leur façon de faire grève.
12:06 Donc, ça, c'est irréversible.
12:08 Là, on est un peu dans la mort programmée de l'hôpital.
12:11 Et si on enlève ceci, on peut se poser des questions,
12:15 mais c'est un élément majeur.
12:17 Quand une infirmière a 12 malades à sa charge,
12:20 et puis ça va devenir 20, et puis 28,
12:22 mais elle n'a même pas le temps de s'adresser...
12:25 -Donc, il manque des effectifs, y compris en soins palliatifs,
12:29 qui n'existent pas dans tous les départements.
12:32 Il faut le rappeler.
12:34 -Ca, c'est la première raison.
12:36 La deuxième raison, c'est que, encore une fois,
12:39 je suis un spécialiste des soins palliatifs.
12:42 Je me lève plutôt la nuit pour essayer de lutter contre la mort,
12:47 mais la problématique des soins palliatifs,
12:50 je pense qu'il y a, en effet, parmi les soignants,
12:54 il y a une réticence, je dirais, à l'ambiguïté.
12:59 Et je pense que ce qu'il faut rappeler dans la loi Claes Leonetti,
13:04 c'est que la première intention n'est pas de tuer,
13:08 c'est d'apporter une fin avec des soulagements,
13:11 notamment et surtout au niveau de la douleur.
13:14 -Laisser mourir, à toute dernière ultime heure,
13:18 plutôt que faire mourir, si on pouvait résumer les choses.
13:22 -C'est capital.
13:24 -Alors, Anne Vivien, on va parler de la sédation,
13:27 mais je voudrais parler aussi, il y a d'autres éléments,
13:30 on a parlé des soins palliatifs,
13:32 tout le monde est d'accord pour les renforcer,
13:35 mais les directives anticipées,
13:37 l'ADMD pousse pour faire ces directives anticipées,
13:40 on n'y est pas encore, ça reste très marginal.
13:43 -Oui, ça reste très marginal,
13:45 je pense qu'il y a plusieurs raisons,
13:47 c'est d'abord parce que, effectivement,
13:49 la mort est un tabou en France,
13:51 donc on n'en parle pas,
13:53 et parler de ces directives anticipées,
13:55 même en famille, c'est très difficile.
13:57 Donc, ça, c'est une première raison.
14:00 La deuxième raison, c'est qu'il...
14:03 C'est une notion qui est assez difficile à s'approprier,
14:07 parce qu'on sait tous
14:10 qu'on ne connaît pas notre seuil de tolérance
14:15 à la souffrance, à la maladie,
14:18 tant qu'on n'y a pas été confronté.
14:20 Donc, écrire sur le papier
14:22 ce qu'on veut ou ce qu'on ne veut pas,
14:25 précisément, tant qu'on est en bonne santé,
14:28 c'est très difficile.
14:30 Moi, quand j'en parle, les miennes sont rédigées,
14:33 et j'en ai parlé autour de moi,
14:35 mais quand j'en parle, je dis toujours,
14:37 n'oubliez pas que ces directives anticipées
14:39 sont faites uniquement pour le cas
14:41 où vous ne pouvez pas vous exprimer.
14:44 Sinon, tant qu'on peut s'exprimer,
14:47 ces directives anticipées,
14:49 elles sont dans un dossier,
14:51 mais ce n'est pas celle-là
14:53 qui sert à prendre aucune décision.
14:55 C'est tant qu'on...
14:57 Donc, elles ne sont intéressantes et importantes
15:00 que dans très peu de cas,
15:02 mais des cas qui sont sensationnels,
15:04 comme celui de Vincent Lambert.
15:07 Donc, toute personne jeune,
15:10 en bonne santé, peut un jour,
15:13 accidentellement ou par une maladie foudroyante,
15:16 se retrouver dans l'incapacité
15:18 de dire ce qu'elle veut,
15:20 tout en étant dans un état incurable.
15:23 Et donc, c'est dans ces cas-là
15:25 que les directives anticipées sont très importantes.
15:28 -Vous pensez que les gens qui les font
15:31 ont vraiment confiance dans le respect de ce document-là,
15:34 où se disent "le médecin ne va pas forcément m'écouter".
15:37 -Exactement. C'est la deuxième raison
15:39 pour laquelle il y a si peu de personnes qui les rédigent.
15:42 C'est qu'il y a des tas d'exemples
15:44 où ces directives anticipées
15:47 ne sont pas respectées.
15:49 -Bien. Et la DMD incite à, justement,
15:52 et les respecter et les rédiger.
15:54 On rentre dans le coeur du sujet.
15:56 On a compris la sédation profonde et continue jusqu'au décès
15:59 est rare dans le pays.
16:01 Une pratique qui semble faire hésiter les soignants
16:05 le moment de la décision venue.
16:07 Illustration dans cette unité de soins palliatifs
16:10 en région parisienne, où vous vous êtes rendus tous les deux.
16:13 C'est un reportage de Céline Crespi et Gilles Lepêtre.
16:17 ...
16:22 -Hôpital de Juvisy, en région parisienne.
16:25 Ce jour-là, le service des soins palliatifs
16:28 reçoit deux députés pour une visite un peu particulière.
16:33 -Notre rôle, c'est d'évaluer l'application
16:36 de la loi Claes-Leonetti,
16:38 voir les failles éventuelles.
16:40 -Pour les soignants, mieux appliquer la loi
16:43 serait d'abord d'en avoir les moyens.
16:46 Sur le papier, deux médecins sont dans le service,
16:49 mais en réalité, il n'y en a qu'un.
16:51 Idem pour les infirmières.
16:53 -Quand je suis arrivée ici, il y avait beaucoup plus de soignants.
16:57 Il n'y avait aucun patient qui décédait seul.
17:00 Maintenant, quand il y a un patient qui est en train de partir,
17:04 c'est difficile de se détacher,
17:06 parce que la collègue reste toute seule pour 10 patients.
17:11 -En phase terminale, la loi Claes-Leonetti
17:14 permet la sédation, qui consiste à endormir le malade
17:18 sans le nourrir ni l'hydrater, jusqu'à la mort.
17:22 -Est-ce que vous pratiquez régulièrement ou pas
17:27 ce nouveau droit, celui de la sédation profonde jusqu'au décès ?
17:32 -Face à une souffrance, on est obligés, à un certain stade,
17:37 de passer aux pratiques de la sédation.
17:41 -La sédation est un laisser mourir sans permettre le faire mourir.
17:46 Une frontière que ne se voient pas franchir
17:49 les soignants opposés à l'euthanasie.
17:52 -C'est pas à moi de donner la mort à quelqu'un
17:55 alors que j'ai signé pour prendre soin de l'autre,
17:58 et pas pour le faire mourir.
18:00 -Peut-être que la loi évoluera vers le suicide assisté.
18:04 Pourquoi pas ?
18:05 Le lieu des soins palliatifs,
18:07 en tout cas l'hospitalisation en soins palliatifs,
18:10 ne sera pas forcément le lieu...
18:12 -Entendu.
18:13 -Où ces choses-là devront être pratiquées.
18:16 -C'est entendu.
18:17 -Les professionnels en soins palliatifs
18:20 ont toujours combattu l'aide active à mourir,
18:23 une opposition qui n'a pas lieu d'être, selon le député.
18:27 -S'il devait y avoir une loi ouvrant le droit à l'aide active à mourir,
18:32 pour autant, il faudrait, si j'ose dire, dans le même temps,
18:36 conforter et renforcer l'accompagnement en soins palliatifs
18:41 en donnant des moyens humains et financiers.
18:44 -C'est exactement ce qui s'est passé en Belgique.
18:47 Quand le pays a autorisé l'euthanasie il y a 20 ans,
18:51 il a aussi renforcé ses services de soins palliatifs.
18:55 -Didier Martin, on voit que c'est très sensible
18:58 et très compliqué pour les soignants.
19:00 Très clairement, réfractaires à l'aide active à mourir,
19:03 ces soignants en soins palliatifs,
19:05 je l'estime que leur mission, donner la mort, n'est pas soignée.
19:09 Y compris sur la sédation, on sent que c'est difficile.
19:12 On n'a pas le chiffre, mais on a l'impression que c'est rare.
19:15 -Sur le chiffre dans cette unité,
19:17 10 lits d'hospitalisation en soins palliatifs,
19:20 environ 200 patients par an,
19:22 et d'après le médecin que nous avons interrogé,
19:25 2 à 3 sédations profondes continuent jusqu'au décès.
19:28 Donc, une pratique rare.
19:30 Et comme le dit cette infirmière,
19:32 leur vocation, effectivement, d'accompagner,
19:35 de veiller au confort, au bien-être,
19:38 de donner les médicaments et d'aller jusqu'au bout.
19:41 Effectivement, quand un patient, elle dit "va partir",
19:44 il monopolise beaucoup de notre temps
19:47 et il n'y a plus qu'une seule de nos collègues
19:50 pour le reste des 9 autres patients.
19:52 -Mais quand le patient le réclame,
19:54 quand les critères sont réunis,
19:56 qu'est-ce qui se passe concrètement dans les hôpitaux de France ?
19:59 Elles sont pratiquées, on entend dire que parfois la mort est lente
20:02 et que ça devient insupportable pour les familles,
20:05 elles durent parfois plusieurs jours.
20:07 Qu'est-ce qu'il se passe ? Qu'avez-vous compris ?
20:09 -D'abord, ce qu'il faut savoir,
20:11 c'est que la sédation profonde et continue n'est possible,
20:14 selon les termes de la loi,
20:16 que si le pronostic vital est engagé à court échéance,
20:19 c'est-à-dire sur quelques heures, maximum quelques jours.
20:22 La principale difficulté, à mon sens,
20:25 c'est qu'il n'y a pas la maîtrise du temps.
20:28 C'est-à-dire qu'il y a une double angoisse,
20:31 d'abord parce que c'est une sédation
20:33 qui a vocation à être irréversible,
20:35 donc il ne faut pas que le malade se réveille,
20:37 ça a pu arriver,
20:39 et ce qui rend difficile la sédation profonde et continue à domicile,
20:42 alors que ça devrait être possible,
20:44 dans les faits, ça l'est difficilement,
20:46 parce qu'il ne peut pas y avoir un suivi permanent,
20:49 et puis par ailleurs, la maîtrise du temps que vous évoquez.
20:52 -Le Conseil d'Etat, en 2018, vous évoquiez
20:54 cette première tentative d'évaluation,
20:56 à cette phrase,
20:58 il parle de "mourant qui n'en finit pas de mourir".
21:01 -C'est terrible, cette phrase est terrible.
21:03 Ca veut dire que quand vous faites une sédation profonde et continue,
21:07 vous endormez la personne, vous la plongez dans un coma,
21:10 vous arrêtez de l'hydrater, vous arrêtez de la nourrir,
21:14 et finalement, après, tout dépend de la capacité de la personne,
21:18 si les organes vitaux tiennent le choc ou pas,
21:21 et ça peut durer assez longtemps.
21:24 -Combien de temps ? Angélien ?
21:26 -C'est difficile de le savoir,
21:28 parce que ça dépend effectivement...
21:30 -Une semaine plus ?
21:32 -Il y a des cas. Vincent Lambert,
21:34 il a eu une sédation profonde,
21:37 pas continue jusqu'au décès,
21:39 mais une sédation profonde qui a duré un mois avant...
21:42 -Un mois ? -Oui, un mois,
21:44 avant que les parents... Dans un premier temps,
21:47 avant que les parents n'obtiennent qu'on arrête cette sédation,
21:51 comme ils n'étaient pas d'accord.
21:53 -C'est ça, éthiquement, c'est très critiquable.
21:56 -Il a quand même été mis en sédation profonde,
21:59 en principe continue jusqu'au décès,
22:02 et puis le temps que les parents
22:04 attaquent cette sédation,
22:06 il s'est écoulé un mois,
22:08 et au bout d'un mois, on a arrêté la sédation,
22:11 parce que les parents avaient gagné.
22:13 -Olivier Falourni et Didier Martin.
22:15 -Je vais vous livrer un témoignage
22:17 que nous avons eu lors de notre visite à l'hôpital de Saint-Denis.
22:21 Votre équipe LCP nous suivait, d'ailleurs.
22:24 Il nous a expliqué que pour la première fois,
22:27 il avait fait une sédation profonde et continue
22:30 sur un bébé, en néonatalogie,
22:35 et cette sédation profonde et continue
22:38 durait, au moment où il nous l'a évoqué,
22:42 déjà depuis huit jours.
22:44 Imaginez ce que vivent les parents
22:47 en se disant "Cela fait huit jours
22:51 "que notre bébé est en sédation profonde et continue".
22:54 -Personne n'en parle, de ces situations-là.
22:57 Elles sont taboues, en France.
22:59 Pour les familles, c'est un corps qui s'assèche,
23:02 sans alimentation et sans nutrition.
23:04 -C'est effectivement une situation très pénible,
23:07 très douloureuse, c'est un déchirement.
23:10 -Il n'y a pas une limite éthique ?
23:12 -Nous avons une équipe qui a pris une décision,
23:15 dans une discussion collégiale,
23:17 soit la demande d'un patient,
23:19 quand il était conscient, au moment de la sédation,
23:22 soit avec des directives anticipées,
23:24 et là, encore une discussion collégiale,
23:27 et puis, il y a des préconisations,
23:30 pour ne pas dire des protocoles,
23:32 avec des drogues qui sont administrées.
23:34 On doit vérifier, tout au long de la sédation,
23:37 la réaction à la douleur, l'éveil, éventuellement,
23:40 mais se poser des questions.
23:42 Quelle est encore l'activité cérébrale dans ces conditions ?
23:45 -Est-ce qu'on est conscient ?
23:47 -On ne le sait pas.
23:49 C'est pour ça que nous avons préconisé, dans notre rapport,
23:52 que cette sédation doit être adaptée aux circonstances,
23:55 sans rentrer dans les protocoles,
23:57 sans évoquer les questions de temps et de délai,
24:00 mais dire et sécuriser la pratique des équipes soignantes,
24:03 quand la décision est prise,
24:05 il faut aussi que cette sédation soit, je dirais,
24:08 adaptée et efficace.
24:10 -Professeur Antoine Lafon, puis je vous ferai réagir,
24:13 est-ce que ça ne montre pas que là, en fait,
24:16 on n'est pas dans la bonne situation ?
24:19 Est-ce qu'il ne faut pas, tout simplement,
24:21 pour respecter la volonté du malade,
24:23 après tout, la question de savoir si sa mort lui appartient,
24:27 se pose, rendre les choses plus vivables,
24:30 si j'ose dire, en tout cas, rendre les choses plus rapides ?
24:34 -Alors, toute la problématique...
24:36 Moi, ça m'a fait froid dans le dos,
24:38 mourant, qui n'en finit pas de mourir,
24:40 du Conseil d'Etat en tant que soignant,
24:42 ça glace le sang, je trouve.
24:44 On a l'impression que, mais enfin, vous devriez être déjà mort,
24:49 comment se fait-il que vous soyez encore là ?
24:52 On rentre dans l'absurde.
24:55 Encore une fois, moi, le problème de la voix...
24:58 -Elle vous a choqué, cette phrase-là ?
25:00 -Absolument.
25:01 -Le Conseil d'Etat n'aurait pas dû l'écrire.
25:04 -Non, et je pense que le fait de bien préciser
25:07 qu'il ne faut pas hydrater le patient,
25:09 on sait que la déshydratation est source de souffrance,
25:12 donc on ne peut pas à la fois dire "on soulage",
25:15 mais... Attention.
25:17 -C'est un peu hypocrite, finalement.
25:19 Il y a une forme d'acte, il va mourir.
25:21 -La question que j'ai envie de poser,
25:23 c'est de dire, finalement, cette adaptation de la loi Leonetti,
25:27 quelle est l'intention première ?
25:29 L'intention est de...
25:31 d'apporter une...
25:33 mort programmée.
25:36 -Vous étiez déjà contre la loi Classe-Leonetti,
25:39 je comprends ça.
25:40 -La loi Leonetti est une loi qui s'applique...
25:43 -Elle va trop loin, déjà. -Et qui s'applique
25:46 parce que nous avons des... Comment dire ?
25:49 Des équipes mobiles de la...
25:52 de soins palliatifs,
25:55 et qui font...
25:57 qui installent leur protocole.
25:59 On n'a pas... On n'assiste pas
26:01 à des patients qu'on regarde déshydratés.
26:04 Si on appliquait la loi même Classe-Leonetti,
26:07 il s'agit, comme vous le disiez,
26:09 d'avoir des patients qui sont au bord de la mort,
26:12 mais le dire, on arrête l'hydratation...
26:15 Moi, ça me paraît absurde.
26:17 Quelqu'un qui est en train de mourir,
26:20 je pense à toutes les personnes
26:22 qui n'ont pas pu être intubées, ventilées,
26:25 à cause du Covid... -Vous auriez préconisé
26:28 les soins palliatifs, cédation,
26:30 comment vous appelez ça, proportionnés.
26:33 -48 heures, ou parfois quelques heures,
26:36 c'est un cas tout à fait exceptionnel,
26:38 d'une gigantesque tristesse,
26:40 mais je pense...
26:41 Il ne rentrait pas du tout dans le cadre de la loi Classe-Leonetti.
26:45 -Mais ce n'est pas un cas unique.
26:47 -Nicolas Bouzou, votre regard...
26:50 La question de l'autonomie se pose.
26:53 A qui appartient ce droit à mourir dans la dignité ?
26:57 A la personne, à la société ou aux familles ?
27:00 -Non, non, ça appartient à la personne,
27:03 mais votre débat, que je trouve d'un niveau exceptionnel,
27:07 me conforte dans l'idée que il n'y a pas d'urgence
27:10 à faire une loi sur l'aide active à mourir.
27:13 Je préfère qu'on réfléchisse en profondeur à ces questions.
27:17 On sait que les lois sont peu évaluées en France,
27:20 mais ce que disait Olivier Falorni,
27:22 c'est un énorme problème.
27:24 Une loi qui touche un sujet tellement sensible
27:29 et qui concerne théoriquement tous les Français,
27:32 qu'elle fasse l'objet d'une évaluation,
27:35 est un énorme problème.
27:37 Après, j'étais très favorable à la loi Classic-Leonetti
27:41 sur le papier, en théorie.
27:43 Je pense que la théorie est toujours bonne.
27:46 Ce que je comprends de nos échanges,
27:48 c'est qu'il y a des difficultés pratiques,
27:51 la question de la sédation, mais aussi la question des soins palliatifs.
27:55 On a un sous-développement dans notre pays
27:58 en matière de soins palliatifs.
28:00 -Mais, monsieur Falorni,
28:02 le Conseil national consultatif d'éthique
28:05 a rendu un avis extrêmement prudent et mesuré,
28:08 mais qui dit qu'il existe des situations
28:11 dans lesquelles on est en fin de vie
28:13 et où le pronostic vital est engagé,
28:15 mais non pas à 2-3 jours, à très court terme,
28:18 mais à moyen court terme.
28:20 Et pour ces gens-là, il faut l'aide active à mourir.
28:23 Vous êtes d'accord ?
28:25 -Oui, c'est un avis important
28:27 et qui était un petit coup de tonnerre,
28:29 parce que jamais le Comité national d'éthique
28:32 n'avait envisagé la possibilité d'une aide active à mourir.
28:36 Et il considère qu'il y a une voie possible
28:39 pour l'aide active à mourir.
28:41 -Vous pouvez nous expliquer ce que dit le Conseil ?
28:44 -Le Comité d'éthique, là, effectivement,
28:47 s'était au saut saisi, après la proposition de loi
28:50 que j'avais défendue en avril 2021,
28:52 justement, pour se prononcer sur
28:54 y a-t-il une voie éthique pour l'aide active à mourir.
28:57 Et il a dit, et c'est la première fois
29:00 que le Comité d'éthique se prononce de cette façon,
29:03 que c'est possible selon certaines conditions.
29:06 D'ailleurs, conditions qui étaient...
29:09 -On parle de certains malades en particulier ?
29:12 -Absolument. -La maladie de Charcot.
29:14 -Il y a deux problématiques qui se posent.
29:16 Ce sont les pronostics vitaux à moyen terme.
29:20 -C'est combien, ça ?
29:22 -Ca peut aller jusqu'à six mois.
29:25 Ca peut aller jusqu'à six mois.
29:27 Je vais vous donner un exemple.
29:29 Paulette Genshark-Hunzler, secrétaire d'Etat
29:31 aux personnes âgées sous Lionel Jospin,
29:33 avec qui j'ai eu de nombreux débats il y a une dizaine d'années,
29:36 qui était totalement hostile à l'aide active à mourir,
29:39 qui avait fait des tribunes pour dire non à l'euthanasie.
29:42 Elle a une maladie neurodégénérative,
29:44 elle apprend héréditaire.
29:46 Elle demande une sédation profonde et continue.
29:49 On lui dit "Madame, vous ne pouvez pas bénéficier
29:51 "d'une sédation profonde et continue
29:53 "car votre pronostic vital n'est pas engagé à court terme."
29:56 Alors qu'elle savait la façon dont elle allait mourir,
29:59 de façon terrible, parce qu'elle connaissait.
30:01 -Elle est partie en Belgique ? -En Suisse.
30:03 En demandant à son mari et à sa meilleure amie
30:06 de dire "Il faut que la France légifère
30:08 "sur l'aide active à mourir."
30:10 Quand on est confronté aux réalités
30:12 et cette femme connaissait parfaitement le sujet,
30:15 on peut vraiment se poser des questions.
30:17 -La question, elle est très importante,
30:19 c'est comment faut-il la faire évoluer, la loi,
30:22 et pour terminer, qui doit pratiquer le geste létal ?
30:26 Et là, c'est la grande question des soignants.
30:28 Qu'en pensez-vous pour terminer ?
30:30 La Suisse, c'est le suicide assisté avec une association,
30:34 et c'est le malade qui décide et qui pratique le geste.
30:37 La Belgique, c'est le médecin, à la demande du patient.
30:40 Qui doit faire le geste, Anne Vivien ?
30:42 -Moi, je pense que ça dépend des cas.
30:45 Ca dépend des cas.
30:47 Les deux doivent être accessibles
30:49 avec des garanties.
30:53 Mais l'euthanasie,
30:55 où c'est un médecin qui pratique l'acte,
30:58 permet de supporter plus longtemps,
31:01 tandis que le suicide assisté,
31:03 dans ces cas de maladies neurodégénératives,
31:05 par exemple, les personnes sont obligées presque d'anticiper
31:08 en disant "après, je ne pourrai plus avaler"
31:11 ou faire le geste.
31:14 Ce que nous pensons... -A la DND.
31:16 -Voilà, ce que nous pensons à la DND,
31:18 c'est que les deux doivent apparaître
31:22 comme une possibilité.
31:24 Dans le terme "aide active à mourir",
31:27 ça doit couvrir les deux possibilités.
31:30 -Le geste médical ou le geste de la personnalité.
31:33 -Mais que, même s'il s'agit d'un suicide assisté,
31:37 nous pensons qu'en France,
31:39 vu nos antécédents de soins et d'habitude,
31:44 il faudrait dans tous les cas la présence d'un médecin,
31:48 même si c'est le patient lui-même qui se tue.
31:51 -Vous avez le mot de la fin.
31:53 -Merci.
31:55 Dans ce geste, il y a un symbole très fort,
31:58 évidemment, un tabou, il faut le reconnaître.
32:01 Ce qu'il faut rappeler, c'est que c'est la demande du patient,
32:05 lucide, capable, de jugement,
32:08 dans une situation que la loi précisera,
32:11 et une inversion du consentement,
32:13 à savoir que c'est le médecin qui, compte tenu du contexte
32:17 et en fonction de la loi, accepte la demande du patient.
32:21 Que ce soit lui qui prenne le patient,
32:24 prenne directement son médicament,
32:27 ou qu'il y ait une injection par une pompe électrique
32:30 ou par un geste médical,
32:32 parce que c'est une décision qui, de toute façon,
32:35 dans son essence et dans son exécution,
32:37 doit être médicale,
32:39 je dirais, les choses importent peu.
32:42 Même si le symbole est très fort,
32:44 l'important, c'est la procédure.
32:46 -Bien, c'est dit. En tout cas, la Convention citoyenne
32:49 rend ses conclusions ce week-end.
32:51 D'un mot, le temps nous est compté.
32:53 Le débat s'achève.
32:55 -On ne peut pas considérer que l'aide active à mourir
32:58 est un acte médical, ni même un soin.
33:01 Je suis désolé, je ne pouvais pas ne pas le dire.
33:04 -Mais vous avez totalement...
33:06 Voilà, bien fait de faire part de cette parole-là,
33:09 qui est très relayée, notamment,
33:11 dans le corps des soignants en ce moment.
33:14 Merci beaucoup. On va suivre ça de près.
33:17 En tout cas, s'il y a un texte de loi,
33:19 c'est pas avant la fin de l'année 2023.
33:21 S'il y en a un, la situation politique est un peu compliquée.
33:24 Merci beaucoup. Merci d'être venu débattre sur LCP.
33:27 Vous restez avec moi, Nicolas Bouzou.
33:29 Dans un instant, on va parler de votre livre.
33:31 Dans une dizaine de minutes, vous les voyez,
33:33 ils sont prêts, nos affranchis.
33:35 La parole Barjon rejoint la grogne qui monte
33:37 sur la votation d'Anne Hidalgo sur les trottinettes.
33:40 Ce sera dimanche, cette votation à Paris.
33:42 France-Allemagne avec Richard Verli,
33:44 qui compare ce soir la façon de faire grève dans les deux pays.
33:47 Et puis, une pétition à l'Assemblée
33:49 pour supprimer la brave M.
33:51 Ce sera dans le Bourbon Express de Stéphanie Despierre.
33:54 Mais d'abord, la France de l'à-peu-près.
33:56 Nicolas Bouzou, elle est dure, cette expression.
33:59 C'est votre titre. Il raconte ce qu'est devenu notre pays.
34:02 A vos yeux, moyen, un peu décevant,
34:05 sans que ce soit catastrophique.
34:07 Alors, y a-t-il encore des raisons d'espérer ?
34:09 On voit ça dans l'invitation de Thibault Hénac,
34:11 et on en parle ensemble juste après.
34:14 Si on vous invite, Nicolas Bouzou,
34:17 c'est qu'en cette période de contestation
34:19 de la réforme des retraites,
34:21 vous prenez les Français à rebrousse-poil.
34:24 Nous nous écharpons sur une réforme
34:26 somme toute bénigne qui aurait dû être acceptée
34:28 en deux temps trois mouvements.
34:30 Loin sans faux, Nicolas Bouzou,
34:32 et vous le regrettez.
34:34 Pour vous, cette France de Gaulois réfractaire
34:36 gâche son génie
34:38 en privilégiant le confort sur l'effort.
34:40 Un état d'esprit que l'économiste
34:43 et essayiste libéral que vous êtes,
34:45 directeur d'un cabinet d'études,
34:47 dénonce à longueur d'ouvrage.
34:49 Votre dernier livre identifie ainsi
34:51 un de ces mots français à vos yeux,
34:53 la culture de l'à-peu-près.
34:55 - Regardez les erreurs que commet l'administration.
34:58 C'est l'URSSAF qui ne prélève pas le bon montant.
35:00 C'est la Sécurité sociale qui n'a pas pris en compte
35:02 le fait que vous avez déménagé.
35:04 C'est aussi quelque chose
35:06 qui scandalise un grand nombre de Français
35:08 à juste titre, le fait que les fautes d'orthographe
35:10 ne sont quasiment plus sanctionnées.
35:12 Il faut un discours qui soit bâti sur l'excellence,
35:14 que l'on ne tient plus pour des raisons
35:16 qui sont des raisons démagogiques.
35:18 Ce qui manque selon vous à la France,
35:20 plus de travail et plus de rigueur.
35:22 Un adage que vous déclinez
35:24 dans de nombreux domaines, santé,
35:26 école, économie.
35:28 La faute est collective.
35:30 La France, dans son ensemble, pratique
35:32 cette stratégie de l'à-peu-près.
35:34 Une stratégie de régulation des efforts,
35:36 de la satisfaction à court terme,
35:38 du manque de lucidité,
35:40 qui débouche sur un sentiment de frustration
35:42 relatif à des résultats décevants.
35:44 Pour sortir du rang Nicolas Bouzou,
35:46 vous prenez ainsi un changement de mentalité.
35:48 Moins de bureaucratie,
35:50 le retour à la méritocratie
35:52 et la culture de l'effort.
35:54 Vous appelez ainsi à réformer le pays,
35:56 toujours et encore,
35:58 et concluez votre propos par une mise en garde politique.
36:00 L'avenir de la France
36:02 ne peut s'inscrire que dans deux directions.
36:04 Le pire, incarné aujourd'hui
36:06 par les populismes de droite et de gauche,
36:08 ou l'excellence.
36:10 Alors Nicolas Bouzou,
36:12 une question pour finir.
36:14 Le pire, nous avons bien compris,
36:16 mais l'excellence,
36:18 est-ce Emmanuel Macron ?
36:20 Réponse.
36:22 Non, d'ailleurs, je le dis dans le livre,
36:24 au fond, moi je trouve que la politique qui est menée depuis six ans,
36:26 globalement, elle va dans la bonne direction.
36:28 Je me suis jamais dit ces six dernières années,
36:30 mais il faudrait faire l'inverse, là on fait n'importe quoi.
36:32 Donc je trouve que ça va dans la bonne direction,
36:34 mais voilà, et alors là, la réforme des retraites,
36:36 c'est exactement ça, c'est-à-dire que
36:38 c'est pas bien préparé,
36:40 c'est à la fois sur le fond
36:42 et sur la méthode,
36:44 quand c'est fait, quand les réformes sont
36:46 votées et promulguées, c'est pas très bien
36:48 exécuté, et puis c'est pas évalué,
36:50 vous voyez, donc je pense qu'en fait,
36:52 on pourrait faire beaucoup mieux.
36:54 Donc c'est pas lui qui incarnerait cette excellence
36:56 à la française ?
36:58 Qu'est-ce que c'est l'excellence, Nicolas Bouzou ?
37:00 En fait, la France,
37:02 c'est pas le Danemark, c'est pas l'Allemagne,
37:04 c'est pas la Suisse, c'est une espèce de moteur à explosion,
37:06 l'histoire de France, notamment dans le domaine économique,
37:08 social, dans l'innovation, etc.
37:10 Donc c'est vraiment l'alternance de périodes
37:12 qui sont des périodes absolument extraordinaires,
37:14 du point de vue de l'innovation, le Second Empire,
37:16 la Belle Époque, il y a un peu plus de 100 ans,
37:18 le monde entier avait les yeux rivés vers Paris
37:20 pour voir ce qu'il s'y passait, les 30 Glorieuses,
37:22 qui en France étaient parmi les plus brillantes
37:24 du monde occidental.
37:26 Et puis aujourd'hui, alors on tombe pas, selon vous,
37:28 mais on est moyen.
37:30 C'est pas une chute, la France, c'est pas un pays qui chute,
37:32 c'est formidable de vivre en France, il y a plein de choses
37:34 qui fonctionnent, mais ça fonctionne pas
37:36 comme ça devrait fonctionner, et moi ce qui me frappe
37:38 beaucoup, c'est que nos concitoyens,
37:40 ils veulent toujours l'excellence, mais dans les résultats.
37:42 Et je comprends ça.
37:44 Ils veulent des salaires qui sont plus élevés,
37:46 ils ont raison, ils veulent un hôpital qui fonctionne mieux,
37:48 ils ont mille fois raison, une éducation nationale
37:50 qui fonctionne mieux, ils ont mille fois raison,
37:52 sauf que tout ça, ça tombe pas du ciel,
37:54 ça se met pas en marche automatiquement.
37:56 - Ça tombe pas du ciel, mais on a pu peut-être le comprendre
37:58 avec le "quoi qu'il en coûte".
38:00 Est-ce que le déluge d'argent
38:02 à tout le monde,
38:04 entreprises comme particuliers,
38:06 ça n'a pas anesthésié notre capacité
38:08 justement à renouer avec l'effort,
38:10 avec la production,
38:12 avec toute une série de choses
38:14 qu'il faudra faire pour rembourser ?
38:16 - Je crois que vous mettez le "ouais" sur un point
38:18 qui est absolument essentiel.
38:20 Moi j'ai soutenu le "quoi qu'il en coûte",
38:22 je pensais que c'était absolument nécessaire,
38:24 mais je vois bien aujourd'hui
38:26 que le gouvernement a du mal à en sortir,
38:28 mais il a du mal à en sortir parce que la France
38:30 globalement a du mal à en sortir.
38:32 Et d'ailleurs, quelque chose qui est beaucoup revenu
38:34 sur cette question des retraites, c'était au fond
38:36 "vous nous embêtez, vous voulez nous faire travailler
38:38 deux ans de plus pour trouver 15 milliards,
38:40 alors qu'on vient de cramer
38:42 300 ou 400 milliards
38:44 avec la crise".
38:46 En fait, cet argument est un argument rhétorique,
38:48 il vaut pas,
38:50 parce qu'on avait une dette importante avant la crise,
38:52 c'était un problème, on a une dette très importante
38:54 après la crise et c'est un énorme problème,
38:56 mais du point de vue du narratif politique,
38:58 je vois bien cette difficulté,
39:00 et vous avez raison,
39:02 je vais pas vous prêter des pensées,
39:04 mais je pense en effet qu'on a un peu
39:06 anesthésié le pays,
39:08 mais justement, maintenant il faut dire...
39:10 - Pour le réanimer.
39:12 - Et puis on a formidablement
39:14 protégé les entreprises de nos concitoyens pendant la crise,
39:16 ça a forcément une contrepartie.
39:18 - Encore faut-il que ça
39:20 se soit audible, on sent bien
39:22 que c'est très compliqué aujourd'hui
39:24 de demander un effort aux Français.
39:26 - C'est pas pour ça qu'il faut pas le faire.
39:28 - Au-delà du "quoi qu'il en coûte",
39:30 la France a
39:32 un modèle social qui prend l'eau et ça n'a rien à voir
39:34 avec la pandémie, ça remonte à bien plus longtemps,
39:36 et en même temps la France est le pays d'Europe
39:38 qui paye le plus d'impôts,
39:40 avec des services publics qui sont pas au rendez-vous.
39:42 Pourquoi précisément,
39:44 et à qui la faute ?
39:46 - Prenons un exemple concret, l'hôpital par exemple.
39:48 Pendant longtemps, on a dit qu'il n'y avait pas assez d'argent à l'hôpital.
39:50 Cette année,
39:52 on va mettre plus de 100 milliards d'euros
39:54 dans l'hôpital, donc on peut pas dire qu'il n'y a pas
39:56 beaucoup d'argent, il y a de l'argent.
39:58 En revanche, on peut dire qu'il est mal utilisé,
40:00 que l'hôpital est désorganisé, qu'il y a plein d'inefficacités,
40:02 que c'est mal managé, que les gens sont démotivés,
40:04 qu'ils partent, etc.
40:06 Et ça, c'est très exactement
40:08 l'accumulation d'à peu près.
40:10 C'est-à-dire qu'on s'occupe pas des gens,
40:12 on s'occupe pas des personnels soignants,
40:14 on empile des normes de la bureaucratie, etc.
40:18 On a des directeurs d'hôpitaux qui n'ont pas toujours été responsabilisés.
40:22 Au bout d'un moment,
40:24 ça vous donne quelque chose qui ne va plus du tout.
40:26 À force d'accumuler les défauts, on y est.
40:28 - Ce que vous dites aussi bien dans le livre "La France de l'à peu près",
40:32 c'est qu'en gros, nos politiques publiques,
40:34 nos dirigeants saupoudrent de l'argent public un peu partout,
40:38 sans faire de véritables choix.
40:40 Les Etats-Unis, par exemple, investissent massivement
40:42 en amont à la création des inégalités
40:44 dans l'éducation, dans l'innovation, dans la recherche.
40:48 Pourquoi, nous, on n'arrive pas à faire ça à l'échelle européenne,
40:51 de façon massive ?
40:53 - Je peux vous dire un mot de l'éducation,
40:55 parce que ça me semble être un sujet absolument emblématique.
40:58 Ça ne va pas du tout l'éducation nationale aujourd'hui, évidemment.
41:01 Il faut à la fois augmenter, rendre le métier d'enseignant
41:05 plus attractif financièrement.
41:07 Je propose une règle que j'ai appelée "+20, +10",
41:09 c'est-à-dire +20 % d'augmentation pour tous les enseignants aujourd'hui
41:13 et 10 % d'augmentation du temps passé avec les élèves,
41:17 que ce soit en classe ou en petit groupe.
41:19 - Travailler plus pour gagner plus.
41:21 - Tout de suite.
41:23 Après, il faut bien sûr réorganiser l'enseignement
41:26 pour faire en sorte que ceux qui travaillent le plus,
41:30 qui travaillent le mieux, soient plus valorisés que les autres.
41:33 Parce que dans tout le système public,
41:35 aujourd'hui, si vous travaillez énormément,
41:37 si vous travaillez bien, vous n'avez aucun avantage
41:39 par rapport à quelqu'un qui...
41:41 Aucun système, aucun, ne peut fonctionner comme ça.
41:45 - Ce qui est très intéressant aussi, c'est qu'on l'a bien compris,
41:48 la bataille de demain va se jouer sur les innovations de rupture,
41:52 sur l'intelligence artificielle, sur la numérisation du monde.
41:56 Les semi-conducteurs sont un enjeu extrêmement important
41:59 à l'échelle de la planète.
42:01 Vous nous dites que cette bataille n'est pas qu'économique,
42:04 elle est géopolitique.
42:06 En France, il faut qu'on maîtrise l'innovation.
42:09 En fait, ça vaut pour l'Europe,
42:11 on n'a pas de très grosses entreprises...
42:13 - On n'a pas de GAFA, le géant du numérique.
42:15 - On n'a pas de GAFA dans le numérique,
42:17 dans l'intelligence artificielle,
42:19 mais même dans les biotechnologies, on n'a pas ça.
42:22 Et ça, c'est absolument essentiel.
42:24 Pour ça, il faut un marché du capital,
42:27 un peu comme le Nasdaq aux Etats-Unis,
42:29 il faut des universités qui collaborent
42:31 avec le secteur privé, ce qu'on n'a pas,
42:33 il faut des très grands centres de recherche,
42:35 il faut que les chercheurs aient envie de venir en France,
42:38 et là encore, qu'ils aient des conditions de travail
42:41 exceptionnelles et de bonnes rémunérations,
42:43 mais tout en amont, je reviens à ce que je disais sur l'éducation,
42:46 il faut aussi des enfants à qui on enseigne les mathématiques.
42:49 C'est un ensemble de choses.
42:51 Pourquoi c'est très important ?
42:53 Ce n'est pas qu'économique, c'est une question de puissance.
42:56 Moi, j'en parle aux diplomates.
42:58 Tous les diplomates me disent
43:00 qu'on a perdu en influence, en puissance,
43:03 mais si on réfléchit en profondeur à ce sujet,
43:06 c'est parce qu'on ne maîtrise pas suffisamment les sciences,
43:09 parce qu'on ne maîtrise pas suffisamment l'innovation,
43:11 et c'est ça qui a affaibli la voie de la France au niveau mondial.
43:14 Et si, comme moi, vous êtes un patriote,
43:16 pas quelqu'un qui se dit patriote en permanence,
43:19 mais si vous êtes un vrai patriote,
43:21 et que vous considérez... -Il faut refaire des maths.
43:24 -Mais oui, que le destin de la France,
43:26 c'est d'avoir une influence sur le monde entier,
43:28 parce qu'on a un message à faire passer.
43:30 Pour moi, le message français, il est très important.
43:33 Vous dites qu'il faut qu'on renforce notre économie,
43:35 pas simplement pour des raisons économiques,
43:37 mais pour des raisons liées à l'idée qu'on se fait de la France.
43:40 -Dernière question. -Je vous appelle le zéni français.
43:42 -Vous êtes aussi très dur avec les écologistes dans votre livre.
43:45 Pour eux, sous couvert de lutte pour le climat,
43:48 ils n'ont qu'envie de mettre à bas le capitalisme.
43:51 C'est pas un peu caricatural ?
43:53 -Non, pas du tout, c'est absolument pas caricatural.
43:55 Ils luttent pas contre le climat.
43:57 Ils sont à la Seine-Solyne contre les policiers,
43:59 je suis pas sûr du tout qu'ils s'intéressent au climat.
44:02 Ils veulent renverser la société,
44:04 mais un certain nombre de ceux qui disent "écologiste"
44:06 sont pas des écologistes.
44:08 Beaucoup sont contre le nucléaire,
44:10 alors que le nucléaire, c'était un point fort de la France,
44:13 et en plus, c'est une énergie décarbonée.
44:16 Ils haïssent beaucoup plus le capitalisme et la technologie
44:19 qu'ils n'aiment la planète.
44:21 -C'est dit. On a bien compris que pour vous,
44:23 la croissance reste le meilleur carburant de la France face aux crises,
44:26 y compris climatiques. La France de l'à-peu-près.
44:28 Pouvoir d'achat, santé, éducation, industrie,
44:30 revenons à l'excellence.
44:32 Point d'exclamation.
44:34 Vous restez avec moi, Nicolas Bouzou.
44:36 C'est l'heure d'accueillir nos affranchis pour leur parler de Tipri.
44:38 Ils vont vous faire réagir. On les accueille tout de suite.
44:41 Carole Barjon, éditorialiste à L'Obs, bien sûr.
44:45 Richard Verli, du quotidien suisse et alémanique Blic.
44:49 Merci d'être avec nous. Installez-vous, les amis.
44:52 On commence, comme chaque soir, par Bourbon Express.
44:54 C'est l'histoire du jour à l'Assemblée.
44:56 Elle nous est racontée ce soir par Stéphanie Despierre.
44:58 Bonsoir, Stéphanie.
44:59 -Bonsoir. Ce soir, je vais vous raconter l'histoire
45:01 d'une pétition à propos des Brave Hems.
45:04 Les Brave Hems, ce sont ces brigades de police motorisées
45:07 chargées d'assurer l'ordre dans les manifestations
45:09 et d'arrêter les casseurs.
45:11 Elles ont été créées, rappelez-vous, en 2019,
45:13 lors du mouvement des Gilets jaunes.
45:15 Elles sont sous le feu des critiques depuis la mi-mars
45:18 pour leurs interventions musclées dans les cortèges
45:20 contre la réforme des retraites.
45:22 Plusieurs enquêtes judiciaires sont d'ailleurs en cours
45:24 pour des violences contre des manifestants.
45:26 -Alors, quel est le lien avec l'Assemblée nationale ?
45:28 -Eh bien, cette pétition qui réclame la dissolution
45:30 de ces Brave Hems a été déposée sur une plateforme
45:34 de l'Assemblée nationale.
45:35 C'est un site spécifique créé en 2020
45:38 pour faciliter le droit de pétition citoyenne.
45:41 Alors, l'auteur de la pétition s'appelle Yann Milleriou.
45:44 C'est un ingénieur informatique de 50 ans,
45:46 francilien, militant du Parti de gauche
45:49 et de la France insoumise.
45:50 Son texte est une charge contre ces unités de police mobile
45:54 qui, selon lui, sont un des symboles de la violence policière
45:57 et participent, je cite, à l'augmentation à détention.
46:00 Alors, comme sa pétition est sur la plateforme
46:03 de l'Assemblée nationale, pour signer,
46:05 il faut renseigner son identité via France Connect.
46:07 Cela évite donc, a priori, les signatures farfelues
46:10 et tous les doublons.
46:11 -Oui, gros succès, déjà plus de 100 000 signatures
46:13 pour cette pétition.
46:14 -Oui, un cap franchi en quatre jours seulement.
46:17 Ce soir, à 18h30, on était à 182 000 signatures.
46:21 C'est un record pour cette plateforme de l'Assemblée.
46:24 Aucune pétition n'avait franchi la barre des 100 000 par AF.
46:28 Jusque-là, le plus gros score, c'était 40 000
46:31 pour l'allongement du congé maternité.
46:33 Alors, désormais, cette pétition a gagné le droit
46:36 d'être en ligne sur le site Internet grand public.
46:39 Si l'on peut dire de l'Assemblée nationale,
46:40 bon, il faut encore chercher un peu,
46:42 il faut bien une dizaine de clics pour arriver à mettre la main dessus.
46:44 Et la Commission des lois a nommé un rapporteur chargé des pétitions.
46:48 Il s'agit du député Renaissance de Gironde, Éric Pouillard.
46:51 Écoutez, il nous explique son rôle.
46:53 -J'ai trois options.
46:55 La première, c'est de classer cette pétition,
46:57 considérer que son objet n'est pas un peu mon avenu pour la classe.
47:03 Deuxième, c'est de la renvoyer à une autre commission,
47:06 considérant que ce n'est pas la Commission des lois
47:08 qui est la plus compétente pour en débattre.
47:11 Et la troisième, c'est de l'examiner en commission,
47:14 de mener l'objet de cette pétition en commission.
47:16 -Alors la décision sera prise mercredi prochain.
47:19 Si la pétition est examinée en commission,
47:21 les députés pourront ensuite auditionner
47:23 le ministre de l'Intérieur et les premiers signataires du texte.
47:26 -D'accord.
47:27 Alors il reste un second cap à franchir pour cette pétition.
47:29 -Oui, les 500 000 signatures, Myriam,
47:32 c'est désormais l'objectif des détracteurs,
47:34 des braves M, notamment des députés insoumis
47:37 qui soutiennent cette pétition.
47:39 Vu la vitesse à laquelle le compteur grimpe,
47:41 ça ne paraît pas inatteignable,
47:43 mais attention, ces signatures doivent venir
47:45 de 30 départements différents,
47:47 et à ce moment-là seulement,
47:49 la pétition pourra éventuellement déboucher
47:52 sur un débat dans l'hémicycle,
47:54 à condition encore que les instances de l'Assemblée nationale,
47:57 ce qu'on appelle la conférence des présidents,
47:59 donnent leur feu vert.
48:00 -Ça fait encore pas mal d'obstacles.
48:02 Mieux vaut faire un texte de loi directement,
48:04 ou une proposition de loi pour supprimer cette brave M.
48:07 On verra ce qu'il en est de cette pétition.
48:10 Carole, les trottinettes, ce soir, pourquoi ?
48:13 -Pourquoi pas ?
48:14 -C'est à vous.
48:15 -Parce que dimanche prochain, donc le 2 avril,
48:18 un référendum est organisé par la mairie de Paris
48:21 pour le maintien ou pour la suppression des trottinettes.
48:26 Ce sujet concerne quand même près de 2 millions de personnes
48:30 plus quelques milliers d'autres en proches banlieues.
48:33 Bien entendu, en organisant cette votation,
48:37 Anne Hidalgo cherche aussi à corriger son image
48:40 de tsarine autoritaire qui décide de tout toute seule.
48:44 Mais ce n'est pas le sujet principal.
48:46 -C'est pas une bonne idée pour vous, cette votation, ce référendum ?
48:50 -Oui et non.
48:51 Dans cette affaire de référendum, il y a la méthode et le fond.
48:54 Sur la méthode, je suis un peu réservée.
48:56 Parce que certes, la société demande davantage de participation,
49:00 les citoyens veulent être consultés directement
49:03 sur ce qui les concerne directement, c'est tout à fait normal.
49:06 Mais ce référendum a été décidé très tard, en janvier,
49:10 et la communication sur ce sujet,
49:13 ayant été extrêmement discrète,
49:15 beaucoup de Parisiens ne savent même pas qu'il y en a un.
49:18 D'autre part, il ne faut pas s'y tromper,
49:21 cette votation, comme dit Mme Hidalgo,
49:24 est en réalité une simple consultation.
49:27 Il y aura seulement 21 bureaux de vote dans la capitale.
49:31 A titre de comparaison, il y en avait 900,
49:34 bureaux de vote pour les dernières élections nationales,
49:37 législatives et présidentielles.
49:39 Et puis, le vote par procuration est impossible.
49:43 Du coup, on peut se dire que la participation va être faible
49:47 et que les résultats ne seront pas forcément représentatifs
49:51 de ce que pense l'ensemble de la population parisienne.
49:55 -Pouvait-elle faire autrement, la maire de Paris ?
49:58 -Oui, elle aurait pu assumer ses responsabilités,
50:01 prendre elle-même les décisions qui s'imposent,
50:04 notamment pour faire respecter les règles de base
50:07 et les interdictions qui concernent
50:09 les 400 000 utilisateurs de trottinettes
50:12 qui roulent à 25 km/h.
50:14 A ce propos, le ministre des Transports vient d'annoncer
50:17 que les conducteurs de trottinettes devront avoir au moins 14 ans,
50:21 et non pas 12 ans, comme c'est le cas actuellement.
50:24 On se demande pourquoi il ne l'a pas fait plus tôt.
50:27 Quant au port obligatoire du casque,
50:29 question qui est quand même très légitime,
50:31 la décision est remisée à plus tard.
50:33 -Dommage. -C'est bien dommage,
50:35 car l'an dernier, à Paris, il y a eu 400 accidents,
50:38 460 blessés, 3 morts.
50:40 -On a l'impression que les règles ne sont pas du tout respectées.
50:43 -Et ces chiffres sont en hausse constante.
50:45 On sait pourtant qu'il est interdit de rouler à deux sur ces engins,
50:49 interdit de porter des écouteurs,
50:51 interdit d'en faire sur les trottoirs.
50:53 -Et personne ne respecte ces interdits.
50:56 -Non, en effet, car le problème de l'Amérique de Paris,
50:59 c'est qu'elle n'a pas de moyens suffisants
51:01 pour faire respecter, effectuer les contrôles
51:04 et faire respecter les règles,
51:06 car elle n'en a plus les moyens,
51:08 compte tenu de la situation financière de la ville de Paris.
51:11 C'est aussi un sujet.
51:13 Donc, il n'y a quasiment plus de contrôles ni de sanctions.
51:16 C'est notamment pour cette raison qu'Anne Hidalgo a préféré
51:19 se prononcer à titre personnel
51:21 sur la suppression pure et simple des trottinettes
51:24 et consulter les Parisiens, qui, jusqu'il y a peu de temps,
51:27 étaient majoritairement opposés aux trottinettes.
51:30 Tout ça est un peu dommage, car entre deux solutions extrêmes,
51:33 la suppression ou l'anarchie... -Dans Paris.
51:37 -On peut faire une régulation,
51:39 mais il faut, dans ces cas-là,
51:41 anticiper et s'en donner les moyens, et ça n'a pas été fait.
51:44 -Merci, Carole.
51:46 C'est la France de l'à-peu-près, les trottinettes,
51:49 et cette votation pour vous, Nicolas Bouzou.
51:51 -C'est passionnant. Les Parisiens vont voter pour l'interdiction
51:54 des trottinettes, et je partage votre avis.
51:57 Au fond, on va interdire quelque chose
51:59 parce qu'on n'arrive pas à le réguler.
52:01 Quand on y réfléchit, c'est absurde.
52:03 Nos concitoyens qui voient ça,
52:05 ils se disent que l'Etat de droit se délite.
52:08 Et il y a d'autres infractions que vous n'avez pas notées.
52:11 Il m'arrive de circuler à vélo électrique dans Paris.
52:14 Mon vélo est bridé à 25 km/h, comme le veut la loi,
52:17 et je suis doublé par des trottinettes
52:19 qui, visiblement, ne sont pas à 25 km/h.
52:22 Tout ça n'est pas possible.
52:24 Mais quand on a un endettement tel
52:26 et qu'on n'a pas voulu de police municipale,
52:29 pour faire respecter le droit, c'est plus compliqué.
52:32 -Aïe, aïe, aïe. On est toujours très coriaces
52:35 avec la maire de Paris.
52:37 Difficile de lui trouver un avocat sur ce plateau.
52:40 Vous n'en faites pas, je l'ai bien compris.
52:43 -Je ne suis pas de la trottinette,
52:45 mais c'est quand même super.
52:47 La votation, c'est la Suisse.
52:49 -Je vois.
52:51 L'influence helvétique déborde de plus en plus.
52:54 -Voilà. Ce soir, Richard,
52:56 vous vouliez faire une comparaison.
52:59 Ici, France-Allemagne, deux pays en grève,
53:02 deux façons de la faire.
53:04 -Effectivement, on parle souvent sur ce plateau
53:07 du couple franco-allemand.
53:09 On redit qu'il n'est pas utilisé outre-Rhin.
53:12 Les Allemands préfèrent parler de tandem pour évoquer
53:15 l'idée de deux pays qui, si possible,
53:17 essaient de pédaler dans le même sens.
53:19 Nous avons eu lundi une illustration des différences
53:22 qui rendent très compliqué un tel tandem.
53:25 Je veux parler de la grève générale
53:27 qui a paralysé l'Allemagne ce 27 mars
53:29 avec immobilisation des trains et des avions.
53:32 On a vu les images des gares vides
53:34 ou des aéroports complètement vides.
53:36 Une paralysie déclenchée par les puissants syndicats allemands
53:39 qui réclament des hausses de salaire pour compenser l'inflation.
53:42 Ce qui n'est pas nouveau, d'ailleurs.
53:44 L'Institut économique d'EIW a dit qu'il y a eu plus de grèves
53:47 ces dix dernières années en Allemagne
53:49 que dans les décennies précédentes,
53:51 comme si les Allemands se mettaient à ressembler
53:53 à leurs turbulents voisins français.
53:55 Mais la réalité de cette grève est à l'opposé.
53:58 Oui, les Allemands partagent le sentiment de colère sociale
54:01 généralisé en Europe, on sait aussi qu'au Portugal, en Grèce,
54:04 dans d'autres pays, ça bouge,
54:06 même si le taux de chômage en Allemagne
54:08 est au début des années 2000.
54:10 Oui, faire la grève reste là-bas un argument décisif.
54:13 Les 160 000 employés de la poste allemande viennent de le prouver,
54:16 puisqu'ils ont obtenu 11 % d'augmentation au début mars
54:19 pour mettre fin à leurs arrêts de travail.
54:21 -Ca fait rêver. -Mais non, les grèves françaises
54:23 et allemandes ne se ressemblent pas.
54:25 Ce lundi, par exemple, les employés en grève en Allemagne
54:28 ont manifesté sur leur lieu de travail.
54:30 Ils ont d'abord adressé leur revendication au patronat
54:33 et pas à l'Etat, et tous se sont remis au boulot,
54:36 comme il l'avait annoncé.
54:38 -En Allemagne, on fait grève sans bloquer, sans violence.
54:41 -Le blocage, il y en a eu. Un blocage sévère.
54:43 Ce n'était pas une fausse grève, la japonaise avec un brassard
54:46 pendant qu'on continue de travailler.
54:48 Les arrêts de travail ont été d'une redoutable efficacité.
54:51 Quantité de voyageurs ont dû annuler leur trajet.
54:54 Mais deux différences, surtout dans le débat actuel,
54:57 méritent d'être rappelées.
54:59 La première tient à l'objet de la grève.
55:01 En Allemagne, c'était les salaires.
55:03 On a dû mettre la pression sur le patronat, sur un point précis,
55:06 dans le but d'obtenir l'ouverture d'une négociation collective
55:09 et non pas une revendication générale
55:12 sur les conditions de travail ou sur le système des retraites.
55:15 Autre différence, on ne cherche pas outre-Rhin
55:18 à torpiller dans la rue un processus législatif.
55:21 L'objet de la grève allemande de lundi, il était social,
55:24 pas politique.
55:26 Il serait facile de comparer la grève de lundi
55:29 à la 10e journée d'action de mardi.
55:31 -Regardons la question des revendications et des méthodes.
55:34 Si les syndicats, le patronat, le gouvernement, le Parlement
55:37 étaient en France davantage dans leur rôle respectif,
55:40 comme en Allemagne, au premier, la négociation sociale pure et dure,
55:43 au second, les choix de société et les lois
55:46 après un débat en bonne et due forme.
55:48 Bref, chacun dans son couloir.
55:50 Avec ce modèle allemand, il y aurait peut-être
55:52 un peu moins de fièvre révolutionnaire
55:54 à tous les étages en France.
55:56 -Voilà une solution. La grève à l'allemande.
55:58 Le rêve français.
56:00 -Si je n'avais pas fait moins que ça, j'aurais soutenu la grève en Allemagne.
56:03 C'est parce que je suis pour la retraite à 64 ans
56:06 que j'aurais soutenu la grève en Allemagne.
56:08 Vous ne pouvez pas dire aux gens "travaillez plus".
56:11 "Gagnez moins, c'est pas possible".
56:13 Si les gens travaillent, il faut qu'ils gagnent bien leur vie.
56:16 Les entreprises allemandes font des profits,
56:18 il faut qu'elles augmentent les salaires.
56:20 -Vous trouvez qu'en France, les patrons
56:22 font pas assez d'efforts ?
56:24 -Les entreprises françaises qui gagnent de l'argent
56:26 doivent augmenter les salaires plus qu'elles ne le font aujourd'hui.
56:29 -On a vu dans la restauration, mais il a fallu négocier.
56:31 Pourquoi aujourd'hui on traite les pieds ?
56:33 -Elles le font pas parce qu'elles ont peur de l'avenir,
56:35 parce qu'on a un climat social
56:37 qui est plus révolutionnaire qu'en Allemagne.
56:40 On manque de ce niveau de confiance.
56:42 Mais non, je pense que...
56:45 La question du partage de la valeur...
56:48 D'ailleurs, les syndicats français sont plutôt bons sur ce sujet.
56:51 Il y a eu un accord signé fin février qui est assez astucieux.
56:55 Mais la question du partage de la valeur est absolument emblématique.
56:58 Plus de salaires aujourd'hui, c'est juste et c'est efficace.
57:01 -Avec cette différence, qui est le rôle de l'Etat,
57:03 en Allemagne, comme je le dis,
57:05 syndicats et patronat discutent ensemble.
57:07 Tous les deux ne se tournent pas vers l'Etat en disant...
57:10 -La culture du compromis social à l'Allemagne.
57:12 -Parce que l'Etat verse quelques millions par an pour les retraites.
57:15 -Merci à vous.
57:17 On s'arrête là. C'est terminé.
57:19 Merci à vous, les Affranchis, et merci à vous, Nicolas Voudou,
57:22 d'être passés sur le plateau d'LCP.
57:24 Très belle soirée documentaire
57:26 qui commence maintenant avec Jean-Pierre Gracien.
57:29 À demain.
57:30 ...