• il y a 2 ans
Emmanuel Macron a annoncé lundi qu'il attendait du gouvernement un projet de loi sur la fin de vie "d'ici la fin de l'été", en recevant les conclusions de la Convention citoyenne qui s'est prononcée pour une "aide active à mourir" mais sous conditions.

Category

🗞
News
Transcription
00:00 Monsieur les ministres, monsieur le président
00:02 du Conseil économique, social et environnemental,
00:04 mesdames et messieurs les parlementaires,
00:07 monsieur le président du Comité consultatif national d'éthique,
00:11 chers membres de la Convention citoyenne sur la fin de vie,
00:14 mesdames et messieurs,
00:16 merci pour ce rapport
00:19 et sur tous les propos que tous les 4 vous venez de tenir.
00:24 Et en effet, je tenais aujourd'hui à vous recevoir ici
00:29 au lendemain de l'achèvement de ces travaux,
00:31 marquant, vous l'avez dit, la fin d'un premier temps
00:36 et ouvrant un deuxième.
00:40 D'abord, pour saluer la qualité du travail
00:42 mené par chacune et chacun d'entre vous,
00:45 parce que vous vous êtes engagés
00:48 dans cette entreprise démocratique.
00:51 Alors, il y a un tirage au sort qui, en quelque sorte,
00:55 par la main du hasard, garantit une neutralité
00:58 avec des règles et une procédure.
01:01 Mais ce tirage au sort ne signifie pas
01:03 une absence d'engagement ou une forme de passivité.
01:07 Il donne une légitimité à une convention
01:10 qui a été ainsi définie par un texte organique,
01:14 puis le choix que nous avons fait avec la Première ministre.
01:17 Et vous, vous vous êtes engagés pleinement,
01:18 avec sérieux, avec le sens des responsabilités
01:22 et avec une rigueur intellectuelle qui vous honore.
01:27 Vous avez accepté d'être tirés au sort,
01:29 de suspendre pour 9 sessions votre quotidien,
01:32 de consacrer ainsi de votre temps, de votre réflexion
01:36 pour vous consacrer à cette question de la fin de vie.
01:40 Et en effet, la vigueur d'une démocratie suppose
01:43 que le plus grand nombre franchisse ce seuil
01:45 de la sphère privée vers l'agora public.
01:48 Et franchir ce seuil, c'est pas simplement avoir un avis
01:51 ou dire "je suis contre ceci ou cela"
01:52 ou cette décision qui est prise.
01:55 C'est de participer à la formation de la décision collective
02:00 et que les citoyens se délestent un peu
02:02 de ce que Tocqueville appelait la rouille démocratique.
02:07 Vous l'avez fait, et qui plus est à vous lire,
02:09 à vous entendre et au récit de vos délibérations,
02:12 avec tout à la fois cette rigueur que j'évoquais,
02:16 mais un respect, une considération les uns pour les autres
02:19 remarquable.
02:21 C'est un geste de courage, a fortiori,
02:23 pour réfléchir et débattre de la plus impensable
02:26 des choses de la vie,
02:28 celle qui en constitue le terme,
02:30 c'est-à-dire notre mort.
02:34 Vous l'avez fait aussi avec une sincérité d'autant plus notable
02:38 que l'expérience de vos prédécesseurs,
02:39 ceux de la Convention climat,
02:41 avait imparfaitement convaincu.
02:44 Non pas qu'ils aient été moins engagés et rigoureux
02:47 ou que la Convention n'ait rien donné,
02:49 comme je l'entends parfois.
02:51 Elle a, au contraire, permis des avancées considérables,
02:53 a été très largement marquée par des applications
02:57 dans textes de loi et textes réglementaires.
02:59 Avec elle, grâce à elle, la nation a accompli des pas décisifs
03:03 dans la lutte contre le changement climatique.
03:05 Pour autant, il est vrai que c'était
03:08 la 1re convention citoyenne,
03:11 et elle comportait des imperfections,
03:12 elle avait suscité des interrogations
03:15 quant à la méthode, l'encadrement et le suivi.
03:19 Et nous tous, d'ailleurs, nous avons appris
03:20 cette 1re expérience de ce que nous avons collectivement,
03:23 je m'inclus dedans, bien fait et mal fait.
03:27 Et vous avez bénéficié de tout ce que nous avons appris.
03:32 Vous avez perfectionné et porté à maturité
03:35 cette innovation démocratique de la Convention citoyenne.
03:39 La consolidation inédite de cette innovation démocratique
03:44 qu'est la Convention citoyenne, qui fait que maintenant, en effet,
03:47 il y a une forme de maturité à laquelle nous arrivons
03:50 par le travail que vous avez conduit
03:52 et auquel vous avez participé,
03:54 intervient un moment très particulier
03:57 de notre vie démocratique et de notre nation.
04:00 Nous sommes, et nous ne sommes pas les seuls,
04:03 mais à un moment, on le voit bien, de troubles.
04:05 La conception séculaire de la démocratie représentative
04:09 est bousculée, même attaquée.
04:13 Pourtant, il existe un Parlement,
04:15 et la légitimité de son pouvoir est un pilier de nos démocraties.
04:19 Le peuple s'exprime par ses représentants
04:21 ou par référendum au terme d'un débat
04:23 qui reproduit à plus grande échelle ce mouvement
04:25 qui a été le vôtre,
04:27 de décentrement individuel et de discussion féconde.
04:32 Mais on le voit bien aussi, parfois,
04:35 les rouages de notre démocratie, sa temporalité, ses mécanismes
04:40 font qu'il manque comme quelque chose.
04:43 Et donc cette rouille démocratique
04:45 que j'évoquais en citant Tocqueville,
04:47 il nous faut lui trouver un remède.
04:49 La densité de certains sujets,
04:52 soit concentrée dans le vertige éthique
04:53 d'une question fondamentale comme la fin de vie,
04:56 soit d'une ampleur telle qu'une multitude de situations
04:59 en sont bouleversées et que les enjeux techniques s'y ajoutent,
05:02 comme, par exemple, le changement climatique,
05:04 suppose un travail préalable comme une décantation démocratique.
05:10 Et c'est pourquoi une convention citoyenne,
05:12 vous l'avez d'ailleurs parfaitement rappelé,
05:14 ne se substitue jamais à la délibération parlementaire.
05:20 Mais elle la prépare, et surtout, je le crois,
05:22 dans certaines circonstances, elle la permet,
05:26 parce que se joue en son sein toute la complexité du débat,
05:30 parce qu'elle favorise ainsi un cheminement des avis,
05:33 enclenche une maïeutique et refroidit les passions brûlantes.
05:39 Une convention citoyenne apaise parce qu'elle est une enceinte,
05:43 au fond, de scrupules, de travail,
05:45 de pure aventure intellectuelle et éthique.
05:49 Et c'est vrai que c'est la limite de nos démocraties.
05:53 C'est le moins mauvais des systèmes.
05:55 Mais au moment du vote, le fait majoritaire
05:58 peut donner le sentiment qu'il écrase les voix minoritaires.
06:02 Vous avez, par vos travaux, le compte-rendu que vous en avez fait,
06:06 le rapport, donné une place au dissensus,
06:09 à la voix minoritaire.
06:11 Et c'est tout le défi qui est le nôtre
06:13 dans la vie de nos démocraties.
06:14 C'est de pouvoir continuer à avancer, à décider,
06:17 parce qu'on ne peut pas rester, en quelque sorte,
06:20 des enceintes impuissantes,
06:21 ou dès qu'on n'aurait pas l'unanimité,
06:23 on ne pourrait plus avancer.
06:25 Mais c'est de définir des voix majoritaires,
06:27 mais de réussir à respecter les voix minoritaires
06:32 en leur donnant une place, en leur permettant de cheminer à côté,
06:35 en les entendant,
06:37 en leur donnant leur place dans la délibération,
06:39 et en les reconnaissant dans le travail.
06:41 Et c'est ce qui permet,
06:43 à ces travaux que sont les conventions citoyennes,
06:45 mais aussi au sort qu'on doit en donner,
06:47 de compléter ce qui est l'exercice du vote dans une élection,
06:53 qui est libre dans une élection, qui permet de voter un texte.
06:57 C'est donc à une oeuvre de réinvention démocratique
07:00 que vous avez prêté votre concours,
07:01 et cette oeuvre a été permise par l'action
07:04 du Conseil économique, social et environnemental,
07:06 dont je salue à nouveau le président,
07:09 ainsi que le travail de la présidente
07:10 du Conseil de gouvernance,
07:12 chère Claire Toury, cheville ouvrière de cette convention.
07:15 Vous l'avez rappelé, président,
07:17 par la loi organique du 15 janvier 2021,
07:20 nous avons fait en sorte que le CESE soit pleinement
07:22 ce carrefour des consultations publiques,
07:25 en réformant sa composition, mais en lui offrant aussi
07:29 la faculté de recourir au tirage au sort,
07:32 en lui confiant largement l'organisation
07:34 des consultations citoyennes.
07:37 Et je crois profondément que s'est inventée,
07:39 avec cette convention citoyenne, une expérience unique
07:42 qui doit nous servir de référence.
07:45 Naturellement, d'autres pays nous ont précédés
07:48 pour des exemples dont on rappelle souvent les succès,
07:51 un peu plus rarement les échecs, mais tous apprennent.
07:55 Mais après l'expérience de la convention climat,
07:57 nous pouvons être fiers d'avoir porté collectivement
08:00 à maturité un modèle français d'éthique de la discussion.
08:05 Une éthique de la discussion organisée par une institution
08:09 de la République et incarnée par des citoyens engagés.
08:14 C'est cela qui s'est cristallisé avec cette convention,
08:18 grâce à votre engagement, votre écoute,
08:20 votre respect mutuel, et c'est un moment très important
08:24 de notre vie démocratique.
08:27 Je souhaite à ce titre que cet instrument désormais mûr
08:30 de la convention citoyenne soit mis en oeuvre
08:32 pour d'autres sujets.
08:34 C'est pourquoi je compte dans les prochaines semaines
08:37 saisir le Conseil économique, social et environnemental
08:40 sur d'autres questions relatives à la vie de la nation.
08:44 Je veux maintenant revenir à la question si vertigineuse
08:51 qui, durant ces semaines, a été l'objet de vos travaux.
08:55 Je disais qu'une convention citoyenne
08:56 permet le débat parlementaire.
08:59 Cette fois-ci, en outre ce qui n'était aucunement assuré,
09:02 elle s'est faite la chambre d'écho de tout un pays.
09:06 La convention citoyenne s'est en effet pensée dès l'origine
09:10 comme, je dirais, la référence des références,
09:13 mais au sein d'un ensemble de facettes conçues
09:15 pour refléter l'ensemble des images philosophiques,
09:18 éthiques, politiques de notre société.
09:21 En effet, dès que le Conseil consultatif national d'éthique,
09:25 dont je salue le président et les travaux,
09:27 a rendu un avis important le 13 septembre dernier,
09:32 un travail associant de multiples acteurs
09:33 s'est déployé à travers le pays.
09:36 Des espaces éthiques régionaux,
09:37 ce qui a été l'un des apports de nos dernières décennies du CCNE,
09:42 ces espaces éthiques régionaux ont organisé des réunions
09:44 très nombreuses partout sur le territoire.
09:48 Un travail parlementaire a été mené
09:52 avec un groupe de travail transpartisan
09:54 animé par les ministres responsables,
09:57 ainsi qu'une mission d'évaluation de la loi dite Clasleonetti,
10:01 dont je salue les auteurs, cher Alain.
10:04 Un groupe de travail de professionnels de santé
10:06 s'est constitué afin de consulter précisément les soignants,
10:10 premiers chefs concernés,
10:13 et des missions des organismes d'évaluation,
10:16 comme un rapport à venir de la Cour des comptes,
10:18 apporteront aussi leurs contributions.
10:20 Vous le voyez, toute notre vie institutionnelle
10:24 s'est en quelque sorte emparée de la question,
10:26 chacune avec ses méthodes,
10:28 son champ d'élucidation et sa légitimité.
10:31 Et ce miroitement institutionnel
10:35 s'est reflété dans la société entière.
10:37 Des tribunes, des débats dans des municipalités,
10:40 une conversation en quelque sorte de tout le pays
10:44 s'est faite entendre.
10:46 Car nous sommes tous par essence concernés par la fin de vie.
10:50 Et nous savons d'expérience ou par oui-dire
10:53 ce qu'elle comporte toujours,
10:55 à la fois de douleurs irrémédiables,
10:57 mais aussi trop souvent de chagrins évitables,
11:01 ces autres drames qui s'ajoutent aux plus grands d'entre eux
11:04 et ne font que l'amplifier cruellement.
11:08 Cela vient de ce que, et c'est l'un des points tranchés
11:10 par votre convention, mais qui fait en outre
11:13 l'objet d'un consensus,
11:15 notre système d'accompagnement de la fin de vie
11:17 reste mal adapté aux exigences contemporaines.
11:22 Et ce, malgré le formidable engagement
11:24 de tous ceux qui y contribuent,
11:27 de nombreux témoignages le disent,
11:28 soulignant d'ailleurs l'excellence de la chaîne des soins.
11:31 Et les chiffres, d'ailleurs, le montrent,
11:32 montrent tout le chemin que notre nation a fait.
11:34 On constate une progression du nombre de lits de soins palliatifs.
11:38 9 526 en 2022 contre 7 500 3 ans plus tôt.
11:43 Mais la progression est trop lente,
11:44 vous l'avez rappelé, l'offre trop inégalement répartie.
11:48 21 départements de plus de 100 000 habitants
11:52 ne disposent pas de tels lits de soins palliatifs.
11:56 D'autres régions ne comptent pas du tout
11:59 d'équipes mobiles de soins palliatifs pédiatriques,
12:01 un besoin pourtant croissant.
12:03 Par ailleurs, la culture palliative
12:05 n'a pas été assez appropriée par les soignants,
12:08 faute de formation.
12:10 Le très faible recours aux directives anticipées
12:13 démontre aussi le décalage
12:14 entre le besoin d'accompagnement des Français
12:17 et l'administration de la réponse.
12:21 Alors, lisant vos travaux,
12:23 je vais essayer maintenant de cheminer vers
12:28 l'ouverture de ce 2e temps et donc ce que nous devons faire.
12:34 Je crois qu'une solution unanimement préconisée
12:38 doit être maintenant rigoureusement mise en oeuvre.
12:41 Il nous faut mieux faire appliquer la loi Classe-Léonetti,
12:44 comme le souligne aussi très bien
12:45 la mission d'évaluation de l'Assemblée nationale.
12:48 Nous avons en la matière une obligation
12:50 d'assurer l'universalité de l'accès aux soins palliatifs,
12:53 de diffuser et d'enrichir notre culture palliative
12:56 et de rénover la politique de l'accompagnement du deuil.
13:01 Car je crois profondément que nous n'avons pas le choix
13:04 entre une société où l'exigence de mourir dans la dignité
13:07 est légitimement devenue commune
13:09 et où l'insuffisance de l'offre de soins palliatifs
13:13 est pointée, l'écart est devenu insupportable.
13:16 Il est insupportable pour les patients et leurs familles,
13:18 notamment les plus vulnérables,
13:21 car ça crée une inégalité face à la mort.
13:24 Il est insupportable aussi pour les soignants,
13:28 et je ne le sous-estime pas.
13:29 Il est insupportable enfin pour une société et un pays
13:33 convaincus qu'il faut accompagner chacun,
13:35 comme le disaient les inventeurs même
13:37 de notre Etat Providence, du berceau à la tombe.
13:41 Menons ce combat, il doit nous rassembler,
13:43 et je sais que l'amélioration de l'accompagnement
13:45 de la fin de vie est à cet égard un chemin indispensable.
13:50 Il peut paraître pour certains la solution de prudence.
13:54 Je crois au contraire que c'est le premier pilier
13:58 de la réponse que nous devons apporter,
14:01 peut-être la réponse la moins spectaculaire,
14:03 mais la plus courageuse, parce qu'elle fait consensus
14:06 et qu'elle est la possibilité du reste,
14:08 parce qu'elle concerne le plus grand nombre
14:11 et probablement la plupart,
14:13 parce qu'elle offre de l'apaisement et de la dignité
14:16 et qu'en conscience, on ne peut tolérer cette inégalité
14:19 selon laquelle on est accompagné vers la mort différemment,
14:23 dans de plus ou moins bonnes conditions,
14:25 selon le lieu où l'on vit, le lieu où l'on est soigné,
14:28 la direction de ces dernières volontés.
14:30 C'est une inégalité fondamentale que nous devons corriger.
14:34 Concrètement, il nous faudra donc avancer
14:37 dans les prochaines semaines
14:39 pour mieux garantir l'égalité d'accès
14:42 et développer la prise en charge des soins palliatifs.
14:45 Cela signifie adapter les réponses
14:48 en fonction des publics et des lieux,
14:50 mieux intégrer à l'hôpital les soins palliatifs
14:52 dans le parcours de soins,
14:54 former les professionnels,
14:57 fixer un seuil de lit identifié par territoire
15:00 et un meilleur maillage par des équipes mobiles,
15:03 poursuivre le développement des soins palliatifs à domicile.
15:08 Un accent particulier devra aussi être mis en oeuvre
15:11 avec la prise en charge pédiatrique de la douleur
15:15 et dans le milieu médico-social.
15:18 Ensuite, il nous faut mieux accompagner les aidants,
15:21 bénévoles ou familles,
15:22 offrir du répit à ceux qui vouent leur vie à leurs proches
15:25 en train de la quitter.
15:27 Enfin, il nous faut, et c'est sans doute le moins aisé,
15:30 conduire chacun à la perspective de se déterminer par avance,
15:34 apprivoiser un peu de cette part impensable,
15:37 engager une appropriation de la culture palliative
15:40 auprès de nos soignants, des travailleurs sociaux
15:43 et de chacun d'entre nous.
15:46 Cela, c'est un travail de la société,
15:48 souterrain, philosophique, médical,
15:52 que l'Etat peut seulement accompagner.
15:54 Sur le reste, c'est-à-dire la garantie
15:57 d'un accès effectif et universel aux soins d'accompagnement
16:00 à la fin de vie, l'Etat a une obligation de résultat.
16:04 Aussi, je veux que nous avancions avec détermination,
16:06 et pour cela, il nous faut bâtir dans la durée.
16:09 C'est pourquoi je veux que nous élaborions
16:12 un plan décennal national
16:14 pour la prise en charge de la douleur
16:15 et pour les soins palliatifs
16:17 avec les investissements qui s'imposent.
16:21 Ca, c'est le 1er pilier, si je puis dire,
16:24 et le 1er élément de la réponse.
16:27 Je sais aussi que l'accompagnement de la fin de vie
16:31 est seulement un aspect du sujet,
16:34 parce que, et c'était la justification
16:36 de cette convention citoyenne,
16:39 les lois n'ont pas épuisé le grain de chaque situation,
16:42 chaque cas, chaque drame.
16:44 Le peuvent-elles et le doivent-elles, d'ailleurs ?
16:48 C'était justement la question qui vous était posée.
16:51 Vous y avez apporté des réponses claires.
16:54 Vous vous êtes forgé une conviction propre.
16:57 Vous vous êtes prononcé au 3/4 pour une aide active à mourir,
17:00 sous ses formes différentes,
17:02 du suicide assisté avec exception d'euthanasie
17:06 ou des 2 au libre choix de la personne concernée.
17:09 Et vous venez nous rendre compte
17:11 en rappelant les proportions de ce qui ressort de vos travaux.
17:15 J'ai déjà eu l'occasion de le dire.
17:17 J'ai en la matière une opinion personnelle
17:19 qui, comme celle de nombreux Français, peut évoluer,
17:22 évolue, évoluera, qui le sait.
17:26 Sur un tel sujet, j'ai aussi, en tant que président de la République,
17:29 une responsabilité de concorde et une volonté d'apaisement.
17:34 Vos réponses sont importantes parce qu'elles traduisent
17:36 une forme de vérité qui ne peut qu'interpeller.
17:40 Comme il y a une volonté générale qui dépasse la somme
17:42 de toutes les volontés particulières,
17:45 voilà une conviction générale au sens
17:49 où elle est celle formée, forgée,
17:51 au-delà de la conviction de chacun.
17:55 Celle-ci est non le produit d'une somme de perceptions,
17:58 mais elle est le fruit d'une délibération,
18:00 elle est un ouvrage même de réflexion.
18:03 Et je le dis clairement,
18:05 cette expression de la Convention porte en elle
18:08 une exigence et une attente,
18:11 c'est celle d'un modèle français de la fin de vie.
18:15 Nous y répondrons.
18:17 Nous avons déjà des éléments irrécusables de convergence.
18:21 Dans ce modèle français de la fin de vie,
18:24 vous avez fixé des bornes en-dessous desquelles vous estimez
18:27 que nous ferions fausse route.
18:30 D'abord, vous avez souligné l'importance de la prise en compte
18:33 et de l'analyse du discernement
18:36 afin de garantir l'expression de la volonté libre et éclairée,
18:40 que cette expression soit directe
18:42 ou par des directives anticipées ou une personne de confiance.
18:46 La question de la réitération du choix est tout aussi cruciale.
18:52 Ensuite, vous jugez primordial que la condition médicale
18:56 des patients présente le caractère d'incurabilité,
19:00 de souffrance réfractaire, psychique et physique,
19:05 voire l'engagement du pronostic vital.
19:09 Vous insistez à raison pour que jamais une aide active à mourir
19:12 ne devra être réalisée pour un motif social,
19:15 pour répondre à l'isolement qui, parfois, peut culpabiliser
19:18 un malade qui se sait condamné à terme
19:20 et voudrait en hâte programmer l'issue
19:21 afin de ne pas être une charge pour les siens et pour la société.
19:26 En outre, l'aporie, ou en tout cas l'absence de conclusion
19:30 sur l'aide active à mourir pour les mineurs
19:32 suggère de ne pas ouvrir cette faculté.
19:35 Enfin, vous avez voulu assortir l'aide active à mourir
19:40 de procédures qui permettent une écoute,
19:43 un accompagnement et une collégialité.
19:48 Tous ces points, sans faire l'unanimité,
19:50 ont fait consensus.
19:53 Mais sur les questions éthiques, mêlant l'intime et le politique,
19:56 il y aura toujours, et c'est d'ailleurs sain,
19:59 la possibilité de conscience qui objecte
20:01 à l'assentiment général.
20:04 Ainsi, ces quelques lignes rouges me paraissent utilement
20:07 encadrer l'hypothèse d'un modèle français de la fin de vie
20:12 et constituent notre point de départ.
20:15 Mais au-delà de ces bandes, qu'en est-il de ce modèle ?
20:18 Je contredirais aussitôt ce que je viens de dire
20:22 sur l'articulation des légitimités
20:24 si j'en concluais que le dernier mot sur la question
20:26 devait être dit aujourd'hui.
20:30 Nous sommes tous collectivement dans une forme de maillotique.
20:33 C'est pourquoi je demande au gouvernement,
20:37 en lien avec les parlementaires désignés par le président du Sénat
20:40 et la présidente de l'Assemblée nationale,
20:42 qui, avec leur conférence des présidents,
20:44 auront à faire ce travail transpartisan,
20:47 de mener une oeuvre de co-construction
20:49 sur la base de cette référence solide
20:53 qui est celle de la Convention citoyenne
20:55 et en lien avec toutes les parties prenantes.
20:59 Je souhaite que ce travail permette de bâtir un projet de loi
21:01 d'ici à la fin de l'été 2023.
21:04 Ainsi continuera une maturation collective
21:08 de l'éthique à la politique,
21:10 respectueuse de l'épaisseur des vies, de l'humanité,
21:15 trouvant aussi les bons mots,
21:16 et je parle sous le contrôle sur un tel sujet
21:19 de notre seul immortel de la salle, Chéri-Ricard Senat,
21:24 et nous pourrons ainsi, à travers cette maturation,
21:28 permettre, je le souhaite, je le crois,
21:31 de tracer un nouveau jalon
21:33 vers ce modèle français de la fin de vie.
21:38 Mesdames et messieurs,
21:39 voilà ce que je souhaitais vous dire aujourd'hui.
21:42 Ce serait trahir l'esprit qui a été le vôtre
21:46 que de déduire de vos réponses celles de la société.
21:50 Parce que vous aussi, vous avez changé d'avis
21:54 au fil d'échanges remarquables
21:57 par la qualité de respect
21:59 et la dose d'investissement personnel
22:01 qui ont présidé à vos 27 jours de débat.
22:04 Vous avez constaté qu'il existe des sujets incommensurables.
22:09 Vous avez approché la distance
22:10 qui sépare parfois la douleur des familles
22:13 et la conception de leur métier par beaucoup de nos soignants.
22:17 Vous aussi, vous avez érodé telle doctrine
22:20 à l'aune d'un témoignage,
22:22 telle certitude au frottement d'un avis,
22:25 d'un témoin, d'un expert.
22:27 Vous savez donc les ressorts d'une délibération
22:30 et la cadence nécessaire à l'émergence d'un avis collectif.
22:35 Tout ça, c'est indispensable.
22:37 Et le défi qui est le nôtre,
22:39 c'est de continuer à le faire vivre dans le pays.
22:40 Parce qu'à un moment, on doit avancer,
22:42 on doit prendre une décision.
22:44 Et il faut faire partager au plus grand nombre
22:48 ce cheminement qui a été le vôtre
22:53 pour essayer que le maximum de nos compatriotes
22:57 puisse sortir parfois des convictions qui se forgent.
23:00 Et vous le voyez bien, en quelque sorte,
23:02 je crois qu'à travers le travail qui est le vôtre,
23:04 il y a l'antidote à une forme de démocratie,
23:08 du commentaire permanent ou de la confrontation permanente
23:12 des avis irréductibles,
23:14 qui est ce dans quoi parfois nos quotidiens sont pris.
23:16 Je parle du vôtre comme du mien.
23:19 On a besoin de ce chemin partagé
23:22 où nous sommes dans le déséquilibre,
23:24 en quelque sorte,
23:27 des confrontations respectueuses et de l'avis des autres,
23:31 mais qui doit conduire à un moment donné
23:33 à prendre une décision, à bâtir un chemin.
23:34 Ce sera ce projet de loi.
23:37 Un pays vous a attendus, désormais, il vous entend.
23:40 Et c'est ce pas supplémentaire vers le consensus
23:43 qui n'aurait pu avoir lieu sans vous,
23:45 qui fait la force de cette aventure démocratique
23:48 et qui sera désormais poursuivi
23:51 par le gouvernement et les parlementaires
23:56 d'ici à la fin de l'été.
23:59 Je n'ai donc pas à vous promettre
24:00 de reprendre l'une ou l'autre de vos conclusions.
24:02 Elles suivront leur cours.
24:04 Quelque part, votre victoire, c'est qu'elles existent.
24:08 Votre succès, cela a été de les former,
24:11 par-delà la diversité de vos parcours,
24:14 et vos réponses sont ainsi, en quelque sorte aussi,
24:17 hors les murs de la Convention.
24:20 Nous avancerons vers un modèle français de la fin de vie.
24:23 Et ce chemin sera irrémédiablement différent,
24:27 car vous avez travaillé, échangé, décidé.
24:31 Oui, quel que soit ce chemin, grâce à vous.
24:35 Nous savons désormais qu'il est possible
24:38 et comment il doit s'arpenter.
24:40 Avec sérieux, avec scrupule, avec respect,
24:46 en refusant les controverses
24:49 et en acceptant, au fond,
24:51 de vivre avec des doutes.
24:55 C'est en étant fidèles à votre méthode, à votre éthique,
25:01 que nous serons fidèles à votre ambition.
25:03 Je vous remercie.
25:05 (Applaudissements)
25:08 (...)

Recommandations