• il y a 8 mois
Le 5 mars, dans le cadre de la commission d'enquête sur le narcotrafic, le Sénat a interrogé les magistrats du tribunal judiciaire de Marseille. Tous s'alarment de l'expansion du narcotrafic, comme "une sorte de gangrène qui abîme le tissu social" et fragilise l'état de droit. Selon certains, Marseille serait devenue une «"narco-ville". Etienne Blanc, sénateur LR du Rhône, rapporteur de cette commission d'enquête, répond aux questions de Jérôme Florin.
Regardez Les trois questions de RTL Petit Matin du 08 mars 2024 avec Jérôme Florin.

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Transcription
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00:02 RTL
00:06 Les trois questions du petit matin.
00:08 Comment venir à bout du trafic de drogue à Marseille ?
00:10 La question se pose depuis des années, des années que les plans antidrogue s'empilent dans la deuxième ville de France
00:16 et pourtant le nombre d'assassinats a doublé l'an dernier par rapport à 2022,
00:20 50 morts dans des règlements de compte et aujourd'hui les magistrats réclament un plan Marshall,
00:25 ils l'ont dit au Sénat dans le cadre d'une commission d'enquête sur le narcotrafic en France,
00:30 commission dont vous êtes le rapporteur Etienne Blanc, sénateur LR Duron, bonjour.
00:36 Oui bonjour.
00:37 Merci d'être avec nous ce matin sur RTL.
00:39 Les magistrats du tribunal judiciaire de Marseille qui se sont exprimés devant vous
00:44 ont tous eu l'air dépassés, sans moyens et sans autorité face aux trafiquants.
00:51 Est-ce que c'est l'impression aussi que vous avez eue ?
00:53 Non, on ne peut pas dire dépassés, sans moyens, sans autorité, le système judiciaire fonctionne.
01:02 En revanche, ce qui est vrai c'est que ces moyens ne sont sans doute plus à la hauteur du phénomène
01:09 et le phénomène, comme vous l'avez parfaitement indiqué, s'est aggravé sur l'année 2023,
01:16 notamment au regard du nombre d'homicides qui faisait la suite à une année 2022
01:21 qui elle-même n'était pas mauvaise.
01:23 Donc le travail que nous faisons au Sénat, il est tout simple,
01:26 c'est d'essayer de comprendre si les moyens qui sont mis en œuvre à Marseille,
01:31 mais aussi sur l'ensemble de la France, sont à la hauteur de l'enjeu.
01:35 On a une évolution considérable du trafic de drogue,
01:39 on a une évolution considérable du produit du narcotrafic,
01:43 ce sont des sommes absolument gigantesques
01:46 et ces sommes, elles servent à corrompre, elles servent à la violence,
01:51 elles sont évidemment blanchies, donc c'est actuellement ce que nous recherchons.
01:56 Et pourtant Gérald Darmanin, le ministre de l'Intérieur qui était en visite à Marseille début janvier,
02:01 a vanté de bons résultats des forces de police et de gendarmerie sur place
02:06 en disant qu'il y avait au moins 40% de points de deal connus des autorités
02:12 qui avaient été supprimés à Marseille.
02:14 Alors nous sommes actuellement dans une période où ce mouvement est en cours,
02:20 c'est-à-dire on est en cours à Marseille de destruction de ces points de deal.
02:25 - Non mais il y a plus de morts !
02:26 - Et c'est ce que nous observons.
02:27 Alors, on ne peut pas dire cela...
02:29 - Il y a plus de morts, il y a de plus en plus d'argent...
02:31 - Nous sommes sur le moment de la bascule, c'est-à-dire qu'il y a une politique qui a été mise en place,
02:36 une sorte de politique place nette, comme l'annonçait le président de la République,
02:41 avec des points de deal qui ont disparu.
02:43 Alors ensuite c'est de dire qu'est-ce qu'ils sont devenus ?
02:45 Est-ce qu'ils ont rejoint d'autres points de deal ? Est-ce qu'ils ont rouvert d'autres points de deal ?
02:49 C'est tout cela que nous observons actuellement.
02:51 Mais c'est vrai qu'on est dans une période où une nouvelle politique a été mise en œuvre,
02:57 avec des moyens nouveaux, avec une nouvelle compagnie de CRS, etc.
03:00 Et évidemment, tout cela...
03:03 - Non mais ça ne règle rien, Etienne Blanc, ça ne règle rien.
03:05 - Pour l'instant, on commence à connaître les premiers effets positifs
03:11 de cette destruction des points de deal.
03:14 - En tout cas, les magistrats que vous avez eus face à vous dans la commission,
03:18 réclament un plan Marshall. Ce serait quoi ce plan Marshall ?
03:22 Qu'est-ce qu'il faudrait faire qui n'a pas encore été fait ?
03:25 - Alors, nous avons de plus en plus de dossiers,
03:28 l'institution judiciaire a de la peine à les traiter.
03:31 La masse des dossiers de poursuites est absolument considérable.
03:36 L'autre sujet qui a été révélé par les magistrats, c'est l'importance de ces dossiers.
03:41 On a des dossiers de plus en plus conséquents, de plus en plus denses,
03:44 dans lesquels il y a de plus en plus d'inculpés, il y a de plus en plus d'affaires,
03:47 il y a de plus en plus de quantités de drogue, il y a de plus en plus d'argent.
03:50 Et le troisième souci de ces magistrats, c'est évidemment la prison,
03:56 parce qu'on a compris aujourd'hui qu'en prison,
03:59 nous avons des narcotraficants qui continuent leur trafic
04:02 et qui peuvent même commanditer des crimes depuis leur cellule.
04:07 - Les têtes de réseau agissent de la cellule.
04:12 - Exactement. Alors comme je vous l'ai dit il y a quelques instants,
04:15 le gouvernement est en pleine campagne de destruction de ses points de ville sur Marseille.
04:20 Quelles seront les conséquences sur tout cela ?
04:22 Et il faudra encore quelques mois pour en apprécier les conséquences.
04:28 Est-ce que réellement il y a une diminution du trafic ?
04:32 Moi, je m'exprime à titre personnel,
04:35 je pense que quand on détruit un point de ville, il y a un report sur un autre point de ville.
04:39 - C'est ça, c'est une hydre, on coupe une tête, il en repousse une autre.
04:41 - C'est exactement ça.
04:42 On est dans une hydre, face à une hydre,
04:47 et les magistrats nous ont dit qu'on a besoin de plus de moyens.
04:52 Vous savez, les enquêtes sont extrêmement difficiles,
04:55 parce que ce sont souvent des enquêtes internationales.
04:59 Les systèmes qui sont mis en œuvre par les nachieux et par les narcotraficants
05:03 pour blanchir, pour cacher, sont de plus en plus complexes.
05:07 L'utilisation par exemple de cryptomonnaies,
05:10 tous les systèmes de blanchiment, la blockchain est aujourd'hui un des outils
05:15 extrêmement complexes qu'utilisent les narcotraficants.
05:18 On est dans une guerre, on est dans une course.
05:21 Il faut maintenant aller plus vite que les narcotraficants.
05:25 C'est ça que nous disent les magistrats, ils disent "faites attention".
05:28 Tout ça, il y a un autre sujet.
05:29 - Rapidement pour finir, Etienne Blanc.
05:32 - Rapidement sur ce qui se passe en Équateur.
05:36 Évidemment, la France n'en est pas là.
05:39 Mais il y a un certain nombre de signes qui sont inquiétants.
05:41 Les violences, l'importance de ces violences,
05:44 les masses d'argent et puis la corruption.
05:48 La corruption qui est partout.
05:49 Il y a de plus en plus d'affaires, on le voit dans nos services publics,
05:53 chez les docteurs, dans les douanes, dans les services administratifs.
05:57 - Le constat, il est là, vous l'avez dressé.
05:59 Maintenant, il faudra voir les moyens qui seront mis en œuvre.
06:02 Merci beaucoup. - C'est exactement ça, merci.
06:04 - Etienne Blanc, sénateur LR du Rhône,
06:06 rapporteur de cette commission d'enquête contre le narco-trafique.
06:09 Merci beaucoup. Bonne journée.
06:11 Retrouvez cette interview sur RTL.fr
06:14 [SILENCE]

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