Une commission d'enquête du Sénat sur le trafic de drogue s'est arrêtée à Valence ce jeudi. Elle se rend dans les villes touchées par ce fléau partout en France pour entendre les acteurs de terrain. A Valence, les sénateurs ont rencontré des magistrats et se sont rendus au centre pénitentiaire. Leur constat : pas assez de moyens pour lutter contre les narcotrafics.
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00:00 7h45, une commission d'enquête du Sénat sur le trafic de drogue s'est arrêtée à Valence hier.
00:05 Alors qu'ont vu les sénateurs ? Joly Raymond, l'un d'eux est en ligne avec nous ce matin.
00:11 C'est même le rapporteur de cette commission d'enquête. Bonjour Etienne Blanc.
00:15 Bonjour.
00:16 Vous êtes aussi sénateur Les Républicains du Rhône.
00:19 On sait qu'il y a du trafic de drogue à Valence.
00:22 Est-ce que ce trafic est plus important, plus grave qu'ailleurs ?
00:26 À Valence, il y a eu un certain nombre d'événements particulièrement graves autour du narcotrafic.
00:32 Il y a eu des assassinats, il y a eu des genvisations, il y a eu une violence qui était extrêmement grave.
00:39 Et puis ce que l'on a constaté, ce sont des saisies importantes qui laissent entendre qu'il y a des quantités de drogue qui sont extrêmement importantes.
00:46 Hier, vous avez écouté des magistrats, notamment à Valence.
00:50 Qu'est-ce qu'ils vous ont dit ? C'est quoi le diagnostic dans notre ville sur le plan de la lutte anti-drogue ?
00:56 Nous avons écouté deux magistrats.
00:59 D'abord le procureur de la République et une vice-procureure qui nous a expliqué qu'il déployait des efforts très importants pour lutter contre le narcotrafic,
01:10 qu'il avait des moyens juridiques.
01:12 Il n'avait pas d'ailleurs, nous a-t-il dit, de jugement à porter sur ces moyens juridiques.
01:16 Nous qui sommes les législateurs, c'est à nous éventuellement de les adapter s'ils sont faibles.
01:21 Et puis nous avons écouté le président du tribunal, magistrat du siège, et là, la vie a été, on peut le dire, inquiétante sur la question des moyens.
01:31 La justice, à Valence, comme dans un grand nombre de départements français, manque de moyens pour bien juger les affaires de narcotrafic.
01:42 Ce sont des affaires complexes. Souvent il y a beaucoup de prévenus, il y a plusieurs accusés.
01:48 Et ce que nous ont dit les magistrats, c'est que les moyens sont insuffisants,
01:55 ce qui explique que l'on juge parfois des affaires très grandes en correctionnelle, c'est-à-dire qu'elles ne sont pas jugées en cour d'assises,
02:02 et que pire encore, elles ne sont pas jugées après une instruction.
02:07 Elles sont jugées sur citation directe, parce qu'on n'a pas le temps d'instruire et d'aller au bout des dossiers.
02:12 Et ça, c'est ce que nous écrirons dans notre rapport.
02:15 France Bedro-Mardash, il est 7h47, Etienne Blanc, je rappelle que vous êtes sénateur,
02:20 et que vous étiez hier à Valence pour une commission d'enquête sur le narcotrafic.
02:23 Qu'est-ce qu'il manque à Valence comme type de poste des policiers, des magistrats ?
02:29 Évidemment les deux, les policiers pour appréhender les délinquants,
02:35 on peut dire en même temps des places de prison quand ils sont jugés,
02:39 mais surtout ce qui manque ce sont des magistrats, des greffiers, pour juger convenablement.
02:45 Une affaire de narcotrafic, comme je l'ai dit tout à l'heure, c'est souvent très complexe, c'est beaucoup de prévenus,
02:52 ce sont des ramifications compliquées, ce sont des réseaux,
02:56 donc pour démonter tout ça et pour le comprendre, il faut des instructions,
02:59 et pour ça il faut des juges d'instructions, il faut des magistrats du siège, en nombre suffisant,
03:05 et puis après il faut juger, il faut qu'il y ait un nombre de liens suffisant,
03:09 pour ça aussi il faut les magistrats du siège.
03:12 Etienne Blanc, on note ce que vous dites sur Valence pour un manque de moyens pour lutter contre ce trafic de drogue,
03:18 malgré tout, on note depuis quelques mois l'arrivée d'une force d'action républicaine,
03:23 et le nombre de blessés, de coups de feu a baissé selon le procureur de la République,
03:28 est-ce que vous ne faites pas quand même un petit peu de politique, malgré tout, en tirant sur la sonnette d'alarme ?
03:33 Non, pas du tout, vous savez, le narcotrafic en France, sur l'année 2023, c'est plus de 300 morts,
03:40 à Marseille sur 2022-2023 c'est 80 morts, à Dijon ce sont des morts, et c'est vrai aussi à Rennes et à Nantes.
03:50 Ce sont des violences barbares.
03:53 À Marseille, on a appris qu'un jeune avait été brûlé vif au chalumeau,
03:58 on a appris qu'un cadavre avait été dépecé, démembré, on a vu et on a entendu des familles qui ont été frappées par ce drame.
04:06 Donc il ne faut pas faire de la politique avec cela.
04:09 Vous savez, il faut se poser une question simple.
04:11 Quand vous regardez la carte du monde, vous avez un certain nombre de pays
04:16 où le narcotrafic a pris le dessus sur la puissance publique.
04:20 Avez-vous suivi ce qui se passe en Équateur, ce qui se passe à Panama,
04:24 alors évidemment la France n'en est pas là, mais en Europe ?
04:28 Quand un avocat, quand un journaliste a été assassiné en Belgique,
04:34 quand des pressions ont été faites sur la famille royale de Belgique,
04:37 quand des pressions ont été faites sur le ministre de la justice belge,
04:42 il faut se poser des questions.
04:44 Le narcotrafic, ce sont des sommes considérables.
04:47 Vous voulez un chiffre par comparaison ?
04:50 Le narcotrafic en France, on dit que c'est un chiffre d'affaires entre 3 et 6 milliards.
04:54 Le budget de la justice, c'est 10 milliards.
04:57 Donc c'est comme ça, le nez en l'air.
05:00 Environ 50% du budget de la justice.
05:03 Avec ça, vous pouvez commettre des crimes, vous pouvez te prendre,
05:07 et parfois vous êtes plus puissant que des États.
05:09 Il ne faut pas faire de la politique avec ça.
05:11 Il faut ouvrir les yeux et il faut être réaliste.
05:14 Étienne Blanc, rapporteur de la commission d'enquête sur le narcotrafic,
05:18 également sénateur Les Républicains du Rhône,
05:20 merci d'avoir été l'invité de France Baudron Mardèche ce matin.
05:23 Merci beaucoup.