Service du Premier ministre, la direction interministérielle du numérique a pour mission de définir la stratégie numérique de l’État et décliner ses grandes priorités en la matière. Au programme : progresser sur la souveraineté, accélérer l’indépendance du système d’information de l’État et renforcer nos compétences numériques. Autant de sujets auxquels s'attelle Stéphanie Schaer, à la tête de la DINUM depuis déjà 2 ans. Elle nous détaille les grands axes de sa feuille de route.
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00:00 (Générique)
00:06 Mon invité s'appelle Stéphanie Scher. Bonjour Stéphanie.
00:09 Bonjour Delphine.
00:10 Vous êtes la directrice de la DINUM, la Direction Interministérielle du Numérique.
00:14 Qu'est-ce que c'est que cet organisme, cet organe, cette organisation ?
00:18 Alors on en parle quand même depuis quelques temps dans Smartech, on commence un peu à comprendre
00:22 le rôle clé que vous jouez aujourd'hui dans tout l'espace numérique, on va dire, public.
00:29 Je voulais ensemble qu'on profite de ce grand entretien pour regarder quelles étaient les priorités de la DINUM.
00:36 Vous êtes en poste depuis 2022. J'imagine qu'il y a une nouvelle impulsion aussi qui est donnée avec ce remaniement gouvernemental.
00:49 On a entendu beaucoup de choses autour de la simplification de l'administration nécessaire.
00:54 Ça passe, j'imagine, par le numérique, ça fait partie des priorités de la DINUM ?
01:00 Oui, tout à fait. Moi je suis arrivée à la DINUM déjà avec une conviction.
01:04 C'est qu'aujourd'hui, dans toutes les politiques publiques, le numérique est un levier formidable pour les rendre plus efficaces, plus simples,
01:14 et tout en préservant la souveraineté de l'État.
01:17 Je fais juste une petite pause parce qu'ici dans Smartech, on est comme vous, on est enthousiaste, on a envie, on y croit.
01:25 Mais c'est vrai que dans la réalité, ce n'est pas forcément le ressenti.
01:29 Si vous allez interroger les usagers.
01:31 Sur la simplicité, avec des exemples, je pense.
01:35 Quand on dit un État plus simple, plus efficace, plus souverain, si on passe quelques temps sur la simplification,
01:42 la simplification, c'est déjà de nouveaux services numériques qui permettent de simplifier les Français.
01:47 Je prends un exemple, la location des logements.
01:50 Pour beaucoup de citoyens, ça pouvait être compliqué d'avoir le bon dossier, de pouvoir faire ça facilement.
01:57 A été créé le dossier Facile, qui permet aujourd'hui à 500 000 citoyens qui ont utilisé le service,
02:07 d'avoir un dossier beaucoup plus facilement accepté par les loueurs.
02:12 Et donc ça, c'est une vraie simplification dans la vie du quotidien.
02:16 Je prends un autre exemple, immersion facilité.
02:18 Pour les demandeurs d'emploi, pour leur faire découvrir de nouveaux métiers.
02:22 C'est un service qui est mobilisé par France Travail aujourd'hui,
02:25 et avec des résultats assez prouvants, puisque dans 7 cas sur 10, ça débouche ensuite sur une embauche,
02:33 donc en découvrant de nouveaux horizons.
02:36 Je prends un autre exemple, d'un produit opéré par la DINUM, il s'agit de France Connect.
02:42 Il y a beaucoup de services en ligne pour lesquels il faut à un moment s'identifier, donner un login et un mot de passe.
02:49 Aujourd'hui, grâce à France Connect, on a 1 800 services pour lesquels on a le bouton France Connect,
02:56 qui facilite la mise en relation, l'accessibilité de ces services en ligne.
03:01 On va y revenir sur France Connect, parce que je trouve ce service vraiment génial.
03:05 Effectivement, c'est vraiment une simplification, mais j'ai l'impression que c'est en train de se complexifier malheureusement,
03:10 parce qu'autour de l'identité numérique, il se passe beaucoup de choses.
03:13 On va y revenir pour expliquer les choses.
03:16 Exactement, je compte sur vous.
03:18 Si on reste sur cette simplification, de quelle manière est-ce qu'on peut mieux exploiter les données à disposition de l'État aujourd'hui
03:28 sur les usagers français pour que ce soit plus simple ? Où est-ce qu'on a des progrès à faire ?
03:34 Le progrès qu'on a à faire, c'est sur le "dites-le-nous une fois".
03:37 Notre cadre juridique est clair, on ne doit pas être amené à redemander des pièges justificatifs quand l'administration les possède déjà.
03:45 C'est facile finalement à mettre en place.
03:47 Alors quand on le dit, ça sent simple, mais pourquoi ça ne marche pas ?
03:50 C'est parce qu'il faut relier des administrations différentes, avec des données qui viennent d'une administration vers une autre.
03:56 C'est la raison pour laquelle on accompagne aujourd'hui l'ensemble des administrations.
04:02 On facilite aussi l'accès à ces données à l'ensemble de ceux qui fournissent les services administratifs.
04:09 Je vais prendre l'exemple des collectivités territoriales, par exemple, qui vont avoir besoin de donner de la CAF.
04:14 Et là, on a par API, des tuyaux qui permettent d'apporter directement les informations,
04:21 qui permettent par exemple à une famille d'avoir la tarification adaptée pour l'école, pour la cantine.
04:28 Ça c'est déjà une réalité. Le défi qui est devant nous, c'est de le généraliser en fait.
04:32 Et c'est une question de système d'information, de compatibilité entre les systèmes d'information ?
04:36 En fait, techniquement, il s'agit de le mettre en place et de faire en sorte qu'aujourd'hui,
04:44 on a deux gros bouquets de données pour les particuliers et pour les entreprises.
04:49 Chaque jour, nous on fait grossir ces bouquets de données mises à disposition de ceux qui proposent des services aux Français, aux entreprises.
04:58 Et c'est en allant dans cette direction-là, en rendant les choses très simples,
05:02 pour ceux qui mettent en ligne de nouveaux services, qu'on va arriver à passer à l'échelle.
05:08 L'autre façon de le faire aussi, c'est que quand on met en place une nouvelle démarche en ligne,
05:14 il y a beaucoup de démarches qui sont finalement assez simples à mettre en oeuvre.
05:19 On a mis en place un outil générique qui s'appelle "Démarches simplifiées"
05:23 et qui, par nature, par design, en fait, se grève sur toutes les API.
05:28 Donc c'est comme ça qu'on a pu proposer en trois semaines un guichet unique pour les inondations dans le Pas-de-Calais.
05:34 Ça c'était en janvier. Le Premier ministre l'avait annoncé.
05:38 Et en trois semaines, ça a pu être mis en place et on utilise à chaque fois les données qui arrivent.
05:43 Donc il y a différentes façons de le mettre en place.
05:46 Après, il y a aussi tout l'accompagnement des administrations, la culturation, cette circulation de données.
05:52 Et mes équipes s'y emploient chaque jour pour trouver aussi les derniers directants qui pourraient exister, bien évidemment.
05:59 Alors, on y vient à ce sujet de France Connect, que je trouvais une super idée,
06:04 parce que ça évite, évidemment, à chaque fois d'avoir un nouvel identifiant, un nouveau mot de passe.
06:08 Hop, on choisit de rediriger vers notre identifiant Amélie ou les impôts.
06:13 Mais là est arrivée une nouvelle identité numérique du côté de la Poste.
06:20 Et puis il y a l'identité numérique régalienne qui se met en place.
06:23 Et d'un seul coup, pour se connecter à des services où on utilisait France Connect, ça ne fonctionne plus.
06:27 Alors, on peut passer par d'autres outils. Et là, je dois dire que moi-même, je suis perdue.
06:31 On va revenir au fondement, en fait, de France Connect.
06:34 France Connect, c'est le choix français d'une fédération d'identités pour laisser la possibilité à chacun de choisir l'identité qu'il utilise,
06:43 mais bien sûr avec un nombre restreint d'identités.
06:45 Alors, parmi les identités phares qu'on a aujourd'hui dans France Connect, on a par exemple l'identité des impôts, l'identité Amélie.
06:54 On a en effet l'identité numérique de la Poste que vous avez citée.
06:58 On a France Identité. On a aussi la MSA. On en a six au total aujourd'hui,
07:03 qui sont acceptées dans le cadre de France Connect. Elles ont toutes fait l'objet de vérification.
07:08 Donc, France Connect, c'est une plateforme technologique qui accepte les différentes identités numériques.
07:14 Et France Connect se fait l'intermédiaire parce que tous les services en face, dès l'instant où ils acceptent France Connect, ils acceptent ces six identités.
07:22 Donc, aujourd'hui, il faut voir qu'il y a 1 800 services qui utilisent cette fédération d'identités
07:28 et 43 millions de Français qui aussi ont leur compte France Connect.
07:34 Donc, c'est quelque chose aujourd'hui qui crée de la confiance.
07:37 On a 74 % des Français qui ont confiance en France Connect. Ça croît tous les ans.
07:43 Donc, je pense que France Connect a réussi à trouver sa cible et apporte de la confiance et cette possibilité de choix qui est une autre voie.
07:57 Plutôt qu'identité unique. Il y a d'autres pays qui ont choisi un identifiant unique pour toutes les procédures.
08:03 Ce n'est pas le choix de la France. Je pense que ce n'était pas dans notre culture.
08:06 Et donc, France Identité, c'est une identité qui vient parmi toutes les identités.
08:14 Pour les identités officielles.
08:15 Et en fait, France Identité, la vocation, c'est aussi d'avoir une identité plus sécurisée.
08:21 Et ça, ça se met en place petit à petit avec des tests qui sont en cours pour pouvoir aussi, grâce à cette identité régalienne,
08:29 pouvoir faire des démarches plus sensibles avec davantage de risques de fraude.
08:36 Comme on commence à l'avoir aujourd'hui avec l'identité sécurisée de la poste qui permet déjà d'accéder, par exemple, au paiement du compte personnel de formation.
08:47 Mais aussi plus récemment, depuis janvier à ma primaire et Navin.
08:51 Ça protège le citoyen, mais ça protège aussi le service public en face pour limiter la fraude.
08:56 On sait qu'il y a des services qui génèrent plus de coûts financiers.
08:59 Oui, parce que si on se met à convaincre, on n'a pas forcément besoin d'avoir une identité ultra sécurisée.
09:02 On ne veut pas d'usurpation d'identité. Personne ne veut que son identité soit usurpée.
09:08 Et donc, passer à un niveau d'identité supérieure quand le risque de fraude est accru est très important, tant pour le citoyen que pour le service public.
09:16 Mais ça, ça fait partie des défis, je pense, de réussir à bien uniformiser tout ça, à fluidifier ses expériences des utilisateurs avec l'arrivée de ces nouvelles identités.
09:25 Et bien accompagner la montée en puissance également, et main dans la main, bien sûr, avec le ministère de l'Intérieur, de l'utilisation de cette nouvelle possibilité qui est France Identité.
09:34 Mais France Identité, on peut déjà l'utiliser pour les 1800 services.
09:37 Rien que là, les deux sujets qu'on a abordés ensemble, la simplification du service public et les identités, ça vous fait déjà deux missions quand même assez solides.
09:45 Il y en a une autre qui m'intéresse et qui n'est pas des moindres non plus, c'est la souveraineté.
09:49 Comment est-ce qu'on se crée, nous, en France, nos propres briques technologiques pour s'assurer une certaine indépendance ou résilience numérique ?
09:58 Alors, la souveraineté, en effet, on l'a mis en priorité dans la nouvelle stratégie numérique de l'État.
10:03 C'est important d'avoir la maîtrise de son système d'information.
10:05 On est dans un environnement géopolitique qui fait que, de plus en plus, on considère très important de maîtriser ce qui fait le quotidien du fonctionnement de l'État.
10:16 Du quotidien également, en fait, du travail des agents publics.
10:20 Donc, on en vient à l'environnement numérique de travail et le choix qu'on fait et qu'on poursuit à la dînum, c'est d'accompagner l'ensemble des ministères sur des outils numériques bien maîtrisés qui permettent d'assurer le fonctionnement quotidien.
10:34 Donc, c'est l'échange de fichiers, ça va être la messagerie, la messagerie instantanée.
10:38 Je m'arrête un instant sur ce sujet-là, puisqu'il y a quelques années, on a fait le choix d'avoir une messagerie instantanée sécurisée.
10:47 On a pris en fait...
10:48 CHAP.
10:49 Voilà, ça s'appelle CHAP.
10:50 On a pris l'outil en open source à l'état de l'art, le protocole Matrix, qui permet d'échanger des messages de façon chiffrée.
11:03 L'ensemble est opéré par l'état, donc ça amène aussi une sécurité supplémentaire.
11:07 Et c'est un service aujourd'hui très largement déployé, puisqu'on est à 200 000 utilisateurs quotidiens, en particulier dans les ministères qui ont le plus cette culture aussi de la sécurité et de besoin d'échanger de façon en pleine confiance.
11:25 Confidentielle.
11:26 Confidentielle, mais aussi en pleine maîtrise et en pleine confiance.
11:29 Et c'est en croissance, puisque sur le deuxième semestre 2023, nous avons eu 20% de croissance du nombre d'utilisateurs sur CHAP.
11:37 C'est un outil qui est utilisé dans d'autres pays.
11:39 Par exemple, l'Allemagne, le Luxembourg ont fait les mêmes choix que la France.
11:42 Donc le même protocole libre, également opéré par leur soin.
11:46 Et d'ailleurs, cette stratégie de souveraineté, je la partage en particulier avec mon homologue allemand, avec qui nous avons signé un accord de partenariat pour développer ensemble ces environnements numériques de travail pour les agents publics.
11:59 Au-delà de la messagerie, vous voulez dire sur d'autres outils ?
12:03 Au-delà de la messagerie, sur les outils collaboratifs, sur l'intelligence artificielle également.
12:07 On aura des produits franco-allemands ?
12:09 En tout cas, sur les mêmes souches libres.
12:11 Après, chacun opère aussi en pleine maîtrise.
12:15 Mais ça permet aux équipes également de travailler ensemble pour faire progresser cet état de l'art.
12:22 Stéphanie, il faut élargir à toute l'Europe !
12:24 C'est bien notre intention.
12:26 Je participe aussi avec mon homologue allemand aux réunions avec l'ensemble des Chief Information Officer qu'on retrouve dans chacun des États membres.
12:36 C'est bien sûr des sujets qu'on échange avec eux, mais c'est vrai qu'un partenariat, ça se crée pas à pas.
12:42 On a une forte proximité de pensée sur ces sujets-là.
12:47 Rapidement, dans l'intelligence artificielle, vous avez un produit qui s'appelle Albert.
12:53 Quelle est sa prétention, enfin, sa prétention en tout cas, son objectif ?
12:58 L'intelligence artificielle, je voulais y revenir parce qu'on a parlé de l'État plus simple, de l'État plus souverain.
13:05 Et l'État plus efficace, en fait, le gros levier aujourd'hui, c'est en effet l'intelligence artificielle.
13:10 L'intelligence artificielle, on le pratiquait déjà au sein de l'État pour cibler les fraudes, mais aussi cibler des accompagnements.
13:17 J'étais moi-même intrapreneuse d'une start-up d'État qui ciblait les accompagnements pour les entreprises en difficulté en croisant des données
13:25 et avec des algorithmes de détection de première, des signaux faibles de défaillance.
13:30 Donc la détection, c'est déjà un volet très important pour un État plus efficace.
13:35 Et c'est vrai qu'il ne faut pas l'oublier parce que l'intelligence artificielle permet déjà ses premiers objectifs de bien cibler,
13:42 être au bon endroit au bon moment pour les agents publics, par exemple.
13:45 Et ça, on continue à accompagner un certain nombre d'administrations sur ces sujets.
13:49 La révolution depuis un an, c'est l'intelligence artificielle générative.
13:54 Et très vite, on a vu tout le potentiel pour l'efficacité de l'État avec des tâches qui peuvent être chronophages,
14:02 voire rébarbatives, qui peuvent être faites très facilement par intelligence artificielle.
14:06 Et le pari qu'on a pris, c'est déjà de se dire, il faut maîtriser, d'où une idée souveraine qu'on appelle Albert.
14:12 Et il faut pouvoir aussi utiliser cet outil avec toutes les précautions.
14:20 Donc c'est l'agent qui a le dernier mot dans tous nos cas d'usage.
14:23 L'agent humain.
14:24 L'agent humain, l'agent public.
14:25 Pas l'agent conversationnel.
14:26 Non, l'agent public.
14:27 Et dans les applications, en fait, on est sur des agents conversationnels, en effet, du résumé de texte.
14:33 On teste actuellement dans les maisons France Service,
14:35 pour aider les agents publics dans les maisons France Service à mieux répondre aux citoyens.
14:39 Désolée Stéphanie Scherr, on n'a plus que 10 secondes pour parler des talents qu'il va falloir recruter,
14:43 parce que j'imagine que ça aussi, c'est un énorme défi.
14:46 Tout à fait.
14:47 Pour répondre à l'ensemble des enjeux qu'on a cités, on a mis comme priorité d'accompagner,
14:53 avec une politique spécifique, l'ensemble de la filière numérique de l'État.
14:58 Avec des actes très concrets.
15:00 En début d'année, par exemple, on a publié une grille de rémunération qui fait que,
15:04 je pense qu'on est aujourd'hui dans les standards du marché quand on recrute dans le numérique au sein de l'État.
15:09 Mais après, il ne s'agit pas de se limiter à ces questions de rémunération.
15:12 Il faut pouvoir offrir des parcours intéressants à tous ceux qui font le choix de l'intérêt général
15:16 et du numérique.
15:17 Et je peux dire à ceux qui nous écoutent aujourd'hui qu'il y a d'énormes défis à résoudre.
15:22 Tous les défis de la transition écologique, de France Travail, de l'égalité des chances, du régalien.
15:28 Et tout ça, le numérique peut apporter beaucoup.
15:32 Pour l'intérêt général.
15:33 Ça laisse beaucoup d'opportunités pour tous ceux qui aiment le numérique
15:38 et qui ont envie de relever ces défis des politiques publiques.
15:41 Merci beaucoup Stéphane Micher.
15:43 Merci, c'était très intéressant.
15:45 J'imagine qu'il y a plein de personnes qui vont vous appeler pour venir travailler à la DINU.
15:48 Maintenant, je rappelle, vous êtes la directrice interministérielle du numérique.
15:51 Merci beaucoup Delphine.
15:52 Merci.