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00:00 [Musique]
00:05 Bonsoir.
00:07 Le mont Kolnada, où se trouve au perché le Palais des Congrès de Yaoundé,
00:12 a fait toute cette semaine l'objet d'une ascension vertigineuse et incessante.
00:19 Au premier plan, des hommes et des femmes d'affaires,
00:22 des dirigeants et entrepreneurs politiques répondant à l'appel du Salon International,
00:26 Promote 2024. L'objectif principal pourrait se ramener à un verbe d'action développé.
00:33 Développer son image, son business, son carnet d'adresses ou même tout simplement
00:38 son regard sur l'environnement économique et les autres acteurs.
00:43 À ce propos, Joseph Kizerbo, professeur d'histoire et homme politique Burkina Be,
00:49 dans son ouvrage "A quand l'Afrique ?"
00:52 dit avec une certaine révolte que, eh bien, on ne développe pas, on se développe.
00:59 Un soufflet à certains dirigeants et pays africains qui attendent souvent tout des autres
01:06 et prétendent que la réparation de la querelle coloniale est plus décisive que le sursaut d'orgueil,
01:12 poussant le berceau de l'humanité à se prendre en main.
01:16 À l'échelle des États, Robert Solow, l'économiste américain, noblié d'un prix Nobel en 1987,
01:23 rappelle que le développement économique s'explique par trois facteurs,
01:28 l'augmentation du travail, l'accroissement du capital et le progrès technologique.
01:34 Le Cameroun, dont le taux de croissance du produit intérieur brut dépasse à peine les 3%
01:38 selon l'Institut National de la Statistique, est évidemment loin du compte.
01:45 Dès lors, comment financer le développement économique dans notre pays ?
01:50 Question soumise à un homme qui a discrètement fait ses classes et ses preuves
01:55 dans les institutions que l'on présente souvent comme des adjuvants des États
02:00 dans cette bataille pour le développement.
02:02 Jean-Vier Litser est parti de son BAM natal, BAM-Ekim évidemment,
02:08 pour se former en économie au Royaume-Uni, mais aussi en France et aux États-Unis,
02:13 ce qui lui a valu 7 ans de fonction à la Banque mondiale,
02:18 mais son plus long séjour professionnel s'est effectué à la Banque africaine de développement
02:23 avec des responsabilités diverses jusqu'au Graal du vice-président des opérations de 2011 à 2016.
02:31 Aujourd'hui, le Camerounais est conseiller supérieur en finances et développement
02:36 au Programme alimentaire mondial des Nations Unies.
02:40 C'est notre invité, c'est Dimanche, Jean-Vier Litser, bonsoir et bienvenue.
02:45 - Bonsoir.
02:46 - Est-ce que cela vous dérange d'être appelé Jean-Vier en plein mois de février ?
02:53 - Oh, pas du tout, pas du tout.
02:57 Jean-Vier, comme vous le savez peut-être, c'est un prénom qui est devenu au nom de moi.
03:03 Jean-Vier, c'était le seul patron de la ville de Naples
03:06 et qui est mort dans des circonstances dont je ne parlerai pas ici,
03:12 mais qui a marqué l'histoire catholique, l'histoire de la religion catholique.
03:20 Donc, vous avez certainement entendu parler du miracle de Saint Jean-Vier.
03:23 - Absolument.
03:24 - Et mon papa croyait que j'ai fait le miracle, mais il s'est trompé.
03:28 - Vous n'êtes pas natif de Jean-Vier ?
03:30 - Pas du tout. Je suis natif de février et je suis natif du 29 février.
03:36 - Très bien. C'est dans quelques jours.
03:38 - Une fois tous les quatre ans.
03:40 - Voilà. Partir de Yoko, votre village, pour avoir le parcours
03:45 que j'ai très sommairement rappelé en introduction,
03:49 banque mondiale, BAD et pas comme un simple porteur d'eau,
03:54 eh bien, tous les jeunes qui nous regardent en ce moment
03:58 aimeraient savoir ce qu'il faut faire, ce que vous, vous avez fait
04:04 et qui puisse donc les inspirer.
04:08 - Alors, merci infiniment pour cette question qui, n'est-ce pas,
04:15 permet d'apporter une motivation aux jeunes Cameroonais ou Africains,
04:21 n'est-ce pas, qui veulent se lancer dans l'économie internationale ou ailleurs.
04:28 - Effectivement, j'ai eu la chance, je veux le dire,
04:32 d'avoir été élevé par un de mes oncles qui était instituteur
04:38 et qui a passé quelques années dans certaines villes de Cameroun,
04:43 à Nangaïvoko où j'ai fait l'école primaire, à Poli, à Yagoua, à Guider,
04:49 puis le lycée de Garoua, lycée de Ngaronderi.
04:52 Et tout ça, n'est-ce pas, a créé un cadre porteur pour, n'est-ce pas, mon épanouissement.
05:02 Et après, je suis allé me former en France, puis aux Etats-Unis et en Angleterre.
05:15 Mais ce n'est pas le fruit du hasard aussi.
05:17 C'est aussi quelque part une volonté intrinsèque, n'est-ce pas, d'aller de l'avant.
05:24 Et cette volonté a été, n'est-ce pas, mise en exergue par mon oncle,
05:33 qui m'a toujours dit qu'il fallait aller de l'avant, aller de l'avant, aller de l'avant.
05:37 Et c'est possible.
05:38 - Autotuteur.
05:39 - Et qui était instituteur, c'est ça.
05:42 Et c'est donc possible.
05:44 Cela s'est fait pour moi et ça peut se faire pour beaucoup d'autres Cameroonais.
05:48 Et la volonté interne, mais aussi le soutien, n'est-ce pas, qu'on peut avoir autour
05:55 pour permettre que cela soit possible.
05:59 - Donc pas besoin de pactiser avec le diable.
06:01 - Oh non, pas du tout.
06:02 Travaille, travaille et rien que travaille.
06:05 - Commençons donc par vous entendre, si vous le voulez bien, sur quelques questions d'actualité.
06:11 D'abord, ces produits pétroliers dont le prix vient d'augmenter au Cameroun,
06:17 le gouvernement explique que c'est une fièvre mondiale à laquelle le Cameroun ne pouvait pas échapper.
06:24 Est-ce que c'est la vérité ou alors ce n'est que de la démagogie qu'on pense une certaine opinion ?
06:31 - C'est la seule vérité.
06:35 Nous sommes sujet du prix international.
06:44 Nous faisons partie de la communauté internationale et donc nous sommes certainement aussi victimes,
06:51 n'est-ce pas, du développement sur le marché international et particulièrement celui du prix du pétrole
06:58 que nous importons et donc il faudrait quelque part qu'il y ait la vérité des prix.
07:04 C'est vrai qu'il y a eu par le passé beaucoup de subventions.
07:09 Mais les subventions ont une limite justement, les subventions ne permettent pas aux consommateurs de savoir vraiment ce qu'ils achètent, à combien ils achètent cela.
07:22 Donc les subventions, hélas, ont des effets pervers sur l'économie.
07:27 C'est un poids énorme sur le budget.
07:32 Au moment où nous devons faire des choix sur d'autres secteurs, dépendant de l'économie, éducation, santé, infrastructure,
07:41 c'est des ressources énormes qui sont mises.
07:45 Un, deux, ces subventions ont malheureusement un effet d'inégalité.
07:54 Parce qu'on subventionne tout le monde.
07:57 Ceux qui sont nantis comme ceux qui ne sont pas nantis.
08:00 Vous allez à la pente, vous achetez le même prix,
08:04 au même prix que le paysan ou bien, je ne sais pas, quelqu'un d'autre qui n'a pas les moyens.
08:10 C'est-à-dire que sur cette table par exemple, on devrait subventionner pour moi et pas pour vous.
08:16 Alors, il est difficile justement d'avoir cette approche.
08:21 On aurait 10 000 pommes d'essence, n'est-ce pas, avec des prix différents à Yaoundé.
08:29 Donc, il vaut mieux justement ne pas avoir cette approche qui est inégale, mais qui est aussi inefficiente.
08:38 Inefficiente parce qu'il y a les secteurs qui ont besoin de ressources, mais qui n'en ont pas,
08:43 parce que les ressources vont dans la subvention.
08:46 Donc, pour moi, c'est une approche absolument qui a du mérite.
08:52 Et la décision prise par le gouvernement, n'est-ce pas, est à mon avis rationnelle.
09:01 Mais il faudrait des mesures d'accompagnement.
09:06 Et c'est justement ce que le chef d'Etat et le gouvernement sont en train de faire.
09:12 Nous en parlerons tout à l'heure, mais la conséquence de cette augmentation, c'est évidemment la vie chère.
09:19 Tout s'enflamme au niveau des marchés. Est-ce que ça aussi c'était inévitable ?
09:26 Est-ce que ça s'est également passé comme cela, par exemple, dans une sous-région comme l'Afrique de l'Ouest, que vous connaissez particulièrement ?
09:36 Oui, c'est malheureusement un problème général.
09:39 Et c'est même une translation.
09:41 Le prix des décharges carburées a un impact sur beaucoup de points de l'économie, et ça se reflète, n'est-ce pas, finalement, sur le prix.
09:49 C'est vrai pour le Cameroun, c'est vrai pour la Côte d'Ivoire, c'est vrai pour le Burkina et d'autres pays.
09:54 Mais le problème, de fond, comme je l'ai dit tout à l'heure, c'est la réduction des subventions.
10:02 Et il ne faut jamais commencer à subventionner, parce qu'après, il faut gérer les effets pervers de ces subventions.
10:09 Donc, c'est un processus tout à fait normal.
10:12 Et le plus important, comme je l'ai dit, ce n'est pas cette augmentation de prix,
10:19 mais le plus important, ce sont les mesures qui sont prises après, pour réduire l'effet de cette augmentation de prix sur la vie des populations.
10:29 Dans cet environnement de surenchérissement, eh bien, notre taux d'inflation est désormais au-dessus du seuil de 3% fixé par la CEMAC.
10:37 Le Cameroun dépasse les 7% désormais. Faut-il s'en inquiéter ? Et comment stabiliser les choses ?
10:45 Une faute d'inflation n'est jamais une bonne chose pour les citoyens, n'est-ce pas ?
10:55 Et il faut, dans tous les cas, essayer de réduire l'inflation au maximum,
11:02 compte tenu de l'impact sur le crédit, compte tenu de l'impact sur la vie de tous les jours,
11:11 compte tenu, n'est-ce pas, de l'impact sur notre productivité ou sur notre compétitivité.
11:17 Et tous les efforts doivent être faits, n'est-ce pas, pour ramener l'inflation à un niveau absolument soutenable.
11:25 Mais l'inflation... - Et cela passe par quoi ?
11:28 Cela passe... L'inflation, c'est un ensemble d'éléments, ce n'est pas que l'augmentation du prix du pétrole.
11:36 Il y a des problèmes intrinsèques, n'est-ce pas, à la gestion même du pays, qui peuvent créer de l'inflation.
11:45 Il y a des problèmes de manque d'infrastructures qui peuvent créer de l'inflation.
11:52 Il y a beaucoup d'autres facteurs qui sont en jeu.
11:55 Mais les facteurs que nous pouvons maîtriser doivent être maîtrisés.
11:59 Il y en a qu'on ne maîtrise pas. Il y a l'importation importée, sur laquelle nous avons très peu de mainmise.
12:05 Mais il y a l'inflation aussi domestique, qui est du fait, n'est-ce pas, de la gestion économique.
12:11 Et ce qui peut être maîtrisé, il faut absolument le maîtriser.
12:14 Très bien. Nous allons poursuivre tout à l'heure en questionnant un peu le financement du développement qui est au cœur de notre entretien.
12:25 Mais d'abord, cet arrêt, puisque vous avez parlé des mesures d'accompagnement.
12:28 Le chef de l'État a pris deux actes cette semaine.
12:32 L'un qui revalorise les salaires des personnels civils et militaires.
12:37 Et un autre qui porte à 4 500 francs CFA le montant des allocations familiales par enfant.
12:48 Voici le point de ces textes avec Agnès Solange Abessolo.
12:53 Désormais, ce sera 4 500 francs CFA par enfant pour les allocations familiales, au lieu de 2 800 francs CFA, comme c'était le cas,
13:03 1 700 francs de plus, soit une augmentation de 60 %.
13:07 Nous sommes préparés, non seulement à cette augmentation, mais aussi aux mesures pratiques qui permettent de mettre les sommes concernées à la disposition des bénéficiaires.
13:24 Donc, techniquement, nous sommes prêts. Financièrement, nous le sommes aussi.
13:29 Si tous les dossiers des 457 000 enfants concernés sont en règle, l'incident financier est de 19 milliards de francs CFA par an.
13:38 Évidemment, ça concerne les travailleurs, ceux qui travaillent et qui payent les cotisations sociales.
13:45 Ça ne concerne pas les pensions.
13:47 En ce qui concerne la revalorisation des salaires, l'État va dépenser 48 milliards de francs CFA supplémentaires par an, ce qui avait déjà été annoncé récemment.
13:57 En ce qui concerne le ministère des Finances, je peux vous dire que nous, on est prêts.
14:01 Nous avons fait tous les calculs et nous, on est prêts pour que cette revalorisation coure à compter du salaire de ce mois de février.
14:09 Mais en ce qui concerne les allocations familiales, ce sera d'ici à la fin du mois de mars.
14:14 Ces mesures prises par le chef de l'État correspondent à celles que vous évoquiez. On ne peut pas faire mieux ?
14:24 On peut faire certainement mieux, mais il faut déjà commencer.
14:29 Et je pense que ce qui a été fait, c'est déjà un très bon début.
14:33 Vous savez, la baisse des subventions crée des distorsions, comme je l'ai dit.
14:42 Mais il faudrait déjà avoir quelques mesures, et les mesures prises par le chef de l'État, ce sont des mesures qui, tout de suite, montrent aux populations qu'il y a une volonté manifeste de ne pas laisser ces populations impacter par la hausse des prix du pétrole, et naturellement par la baisse des subventions.
15:08 Mais il faudrait aller au-delà. Il faudrait aller au-delà par des actions qui, tout de suite, vont aussi conforter les bénéficiaires et les populations.
15:22 L'impact qu'ils vont ressentir sera atténué.
15:28 Nous pouvons par exemple dire que le pays a un chantier de projets. Il faudrait accélérer la mise en œuvre de ces projets.
15:40 Ça, c'est un exemple. Montrer tout de suite aux populations que oui, en dehors de ces mesures, qui sont des mesures conjoncturelles, il y a des mesures structurelles qui permettront d'améliorer le bien-être des Camerounais.
15:55 Il y a, à mon avis aussi, d'autres mesures qui relèvent de la communication, et je dois saluer ici ce que le gouvernement fait en matière de communication.
16:08 Il faudrait certainement faire davantage. Il ne faudrait pas que ce soit ce qui arrive de manière sporadique. Il faudrait que ce soit dans la continuité.
16:17 Et cette communication doit, à mon avis, se faire dans un cadre qui n'est pas politique. Il faut dépolitiser ce discours, cette action économique.
16:29 C'est une action économique, c'est une translation de prix économique, et il ne faudrait pas la politiser.
16:34 Et il faudrait donc pour cela qu'il y ait un ajustement à la limite automatique, dès qu'il y a une augmentation de prix ailleurs.
16:39 Il faudrait que cela soit reflété ici automatiquement, sans que ce soit l'objet de grands débats.
16:45 Et maintenant, les actions déjà prises, comme je l'ai dit, sont très, très, très salutaires.
16:54 Elles auront un effet immédiat, d'autres auront des effets plus tard. Mais cette action déjà prise, à mon avis, est à saluer.
17:04 Parlons maintenant du financement du développement pour les États.
17:09 La première ressource, me semble-t-il, c'est le budget. Celui du Cameroun est légèrement en dessous de 7 000 milliards.
17:18 Est-ce que ce volume et la structure de ce budget vous semblent traduire une volonté réelle de développement ?
17:27 Oui. Un budget de 7 000 milliards, c'est vrai que nous pouvons mieux faire.
17:34 On peut toujours augmenter les ressources de l'État. Mais au-delà de l'enveloppe, ce qui importe vraiment, c'est comment ces ressources sont utilisées.
17:50 Mobiliser les ressources, c'est une bonne chose. Mais l'utilisation de ces ressources, c'est ce qu'il y a de plus important.
17:59 Il faudrait, à mon avis, dans cette utilisation, réduire au maximum les fuites.
18:07 Et il faudrait que chaque CFA mobilisé soit un CFA qui va changer la vie relative des citoyens dans les secteurs où ces ressources seront allées.
18:20 Les fuites, c'est-à-dire les détournements ?
18:23 Voilà, c'est ce que je veux dire. Les détournements, il faudrait absolument les minimiser.
18:29 C'est très coûteux pour les citoyens, c'est très coûteux pour l'économie, et c'est pas bon pour la perception du pays.
18:35 Et ça, c'est une lutte longue haleine qui a commencé et qui devrait être accentuée.
18:43 Et les gens ne réagissent que par rapport à ce qu'ils voient.
18:48 Et c'est pas tout que d'en parler, mais il faut des actions absolument que les gens pourront voir, qu'ils vont dire "Ah oui, effectivement, il y a une action qui est prise".
18:57 Et mon CFA qui va rentrer dans le budget d'État est utilisé à bon escient.
19:04 Et c'est une question de perception qui malheureusement a un impact sur ce que les gens vivent tous les jours.
19:16 Mais aussi, comme j'ai dit, ça va au-delà du pays, ça va bien à l'extérieur du pays où des investisseurs, soit, veulent venir au Cameroun,
19:27 mais qui sont peut-être très découragés par ces fuites, qu'il faut absolument juguler et maîtriser dans les meilleurs délais.
19:34 Un autre levier sur lequel beaucoup de pays africains, notamment, actives, est l'aide au développement.
19:43 Pour certains intellectuels et économistes, l'aide n'aide pas vraiment, excusez de la tautologie.
19:49 Joseph Kieserbo, par exemple, que j'aime beaucoup, vous l'avez remarqué, résume cela par une formule très africaine,
19:57 "Dormir sur la natte de l'autre, c'est dormir par terre".
20:02 Deux questions en une sur le sujet.
20:05 Pour un pays comme le nôtre, peut-on se passer de l'aide au développement ? Faut-il s'en priver ?
20:12 Alors, vous savez, pour l'aide, il y a plusieurs écoles.
20:16 Il y a une école qui dit que l'aide n'est pas bonne pour le développement,
20:23 dans la mesure où elle ne permet pas à l'épargne locale d'être mobilisée,
20:29 ou alors, au contraire, elle vient plutôt avoir un impact négatif sur l'épargne locale.
20:36 Il y a une autre école qui dit qu'elle est bonne et qu'il faut de l'aide pour se développer.
20:42 Je crois que c'est une combinaison des deux.
20:45 Il faut que l'aide vienne en complément de l'épargne locale.
20:50 Ce n'est pas ensemble qu'on peut aller vers des projets porteurs.
20:57 Pour moi, l'aide, ou alors l'investissement, ou alors les prêts,
21:05 ne sont pas une mauvaise chose. Au contraire.
21:08 L'aide ou l'investissement, tant qu'il permet d'avoir des projets porteurs,
21:17 dont la productivité économique est supérieure au coût de l'investissement,
21:22 je pense que c'est ce qu'il faut.
21:24 Il ne faudrait pas être cantonné dans des problèmes d'endettement,
21:30 qui c'est vrai que quand on est sur un détail, c'est un problème,
21:33 mais il ne faudrait pas que ce soit la contrainte majeure.
21:36 La contrainte principale, c'est la qualité des projets,
21:39 c'est la contrainte majeure, c'est les ressources qui sont associées,
21:43 compatibles à ces investissements, et c'est ce qui permet justement au pays d'avancer.
21:48 Je suis d'accord avec Iserbo, effectivement,
21:51 il ne faudrait pas qu'on se couche sur la note de l'autre,
21:54 mais il ne faudrait pas non plus que la note sur laquelle on se couche
21:57 soit une note avec des contraintes et des conditionnalités
22:00 qui sont telles que celui qui y est ne pourrait pas supporter.
22:05 À propos de la dette, vous en parliez tout à l'heure,
22:10 au stade actuel, le niveau d'endettement du Cameroun reste en dessous du critère de convergence de la CEMAC,
22:15 dont le seuil d'aide publique est inférieur à 70% du produit intérieur brut.
22:22 Ici, on ne se demande plus en réalité s'il faut s'endetter,
22:28 car le pays le plus endetté au monde, le Japon, fait partie des premières économies.
22:35 La question c'est plutôt comment se développer grâce à la dette.
22:40 C'est bien ça.
22:42 Si on s'endette pour la consommation, eh bien, on n'ira pas bien loin.
22:48 Mais si on s'endette pour des investissements rentables,
22:52 si on s'endette pour les investissements dont le taux de rentabilité est bien supérieur au coût de l'endettement,
23:01 eh bien, il y aura une dynamique positive.
23:04 Et ce problème de complémentarité, ou alors je dirais d'adéquation entre le type d'investissement et le type d'emprunt,
23:15 c'est ce projet qui est important.
23:18 L'autre problématique, c'est celle d'emprunter,
23:24 mais hélas de voir le projet prendre du temps à démarrer.
23:29 Ça devient très compliqué pour le pays.
23:31 Quand on s'endette, il y a des commissions, des frais d'endettement que le pays paye,
23:41 et tout projet qui n'avance pas n'est pas décaissé.
23:45 Et ces commissions, n'est-ce pas, s'arrochent, s'ajoutent à ce que doit payer le gouvernement.
23:50 Quand je parle du gouvernement, c'est bien vous et moi.
23:53 - Ces lenteurs sur l'exécution, la réalisation des projets, est-ce que c'est une particularité du Cameroun ?
24:01 Est-ce que vous l'avez souvent observé dans le cadre de vos fonctions dans plusieurs pays d'Afrique ?
24:07 Qu'est-ce qui explique même cela ?
24:09 - Ce n'est pas spécifique ou particulier au Cameroun.
24:14 C'est vrai dans beaucoup de pays, mais c'est une question de degré.
24:19 Alors maintenant, les causes sont nombreuses.
24:24 Certainement la qualité du projet.
24:26 Est-ce que le projet a été bien étudié ? Est-ce qu'il n'a pas été bien étudié ?
24:31 Est-ce que le financement a été bouclé ? Est-ce qu'il n'était pas bouclé ?
24:35 Est-ce qu'il y a eu une appropriation du projet par les bénéficiaires ?
24:41 Tous ces éléments entrent en jeu dans la mise en œuvre du projet.
24:47 Mais ce qui est important, c'est la dynamique du gouvernement.
24:54 Et il faudrait, si le gouvernement en fait une priorité, ce qui devait être le cas,
24:59 en fait une priorité, il faudrait mettre tout en œuvre pour que le projet avance rapidement.
25:05 Parfois aussi c'est les mécanismes de décaissement, les conditionnalités,
25:10 qui sont souvent opaques, parfois même assez lourdes,
25:14 celles des institutions, des barrières de fonds que vous, vous connaissez mieux.
25:20 C'est vrai. C'est vrai.
25:22 Mais un projet, c'est le fruit, n'est-ce pas, du gouvernement ou bien du promoteur et du financier.
25:31 C'est les deux qui se mettent ensemble.
25:33 Il y a un processus de négociation.
25:35 Et ce processus, n'est-ce pas, doit être au bénéfice des deux parties.
25:40 Donc il est important que ceux qui viennent négocier le projet, n'est-ce pas,
25:45 soient porteurs de cette volonté manifeste d'aller de l'avant
25:50 et que le projet soit mis en œuvre rapidement.
25:52 Mais il faut le suivi de ce projet.
25:54 Le suivi des projets est très important.
25:58 Et le suivi dépend non seulement du ministère sectoriel,
26:05 mais aussi du ministère qui mobilise les ressources.
26:08 Il faudrait donc que force soit donnée à ce ministère qui mobilise les ressources
26:14 pour de temps en temps demander où est-ce qu'on en est,
26:17 pourquoi ça n'avance pas,
26:19 parce que tout projet dont la mise en œuvre est retardée
26:23 a des effets négatifs sur les bénéficiaires à terme.
26:26 Jean-Philippe Litché, l'expérience des ajustements structurels
26:30 a jeté le discrédit et le doute sur le concours des institutions
26:35 comme celle de Bretton Woods.
26:37 Alors, pourquoi malgré la longue tutelle du FMI et de la Banque mondiale,
26:43 on ne progresse pas terriblement, notamment au Cameroun,
26:47 est-ce qu'il faut changer d'interlocuteur ou plutôt changer de démarche ?
26:52 Nous sommes partie prenante de ces institutions.
26:59 Nous sommes actionnaires dans ces institutions
27:02 et donc nous avons une voix peut-être minime, mais une voix qui porte quand même.
27:07 Et ces institutions, comme vous le savez,
27:12 mobilisent des ressources pour notre développement.
27:14 Et nous ne pouvons pas, n'est-ce pas, ne pas utiliser ces ressources à bon escient.
27:22 Et dans le cas du Cameroun,
27:26 je crois que les projets financés par ces institutions
27:31 ont une relative bonne santé.
27:37 Mais comme vous l'avez aussi bien dit,
27:40 ce n'est pas que le Cameroun, mais ce sont aussi ces institutions.
27:44 Mais nous ne devons pas accepter, tout simplement,
27:49 que ces institutions viennent nous dire ce qu'il faut faire.
27:53 Et c'est cela qui a ce problème d'appropriation.
27:55 L'appropriation de ce projet, par les bénéficiaires et par le pays,
27:59 est absolument importante.
28:01 Mais en ce qui concerne le programme avec le FMI,
28:06 c'est un programme, me semble-t-il, très utile.
28:10 Il est important que les ressources, n'est-ce pas, octroyées par ces institutions,
28:16 qu'on soit sûr que ces ressources sont utilisées, n'est-ce pas,
28:20 dans le cadre approprié.
28:22 Il faut qu'on soit sûr que ces ressources auront un impact
28:26 à temps voulu.
28:29 Maintenant, avons-nous besoin de ces institutions ?
28:33 Eh oui, certainement. Nous en avons besoin.
28:36 Ces ressources viennent en complément de l'épargne intérieure.
28:40 Et donc, il faut continuer à travailler, n'est-ce pas, main dans la main,
28:45 avec ces institutions pour que nous puissions obtenir l'optimalité qu'il faut.
28:49 - Est-ce que vous avez fait un tour au salon Promote
28:54 pendant les quelques jours que vous avez ici ?
28:57 - Je suis arrivé au Cameroun il n'y a pas longtemps,
29:00 mais j'ai bien entendu parler du salon Promote.
29:03 - D'accord. Quelqu'un qui s'y est rendu cette semaine,
29:07 c'est le ministre d'État, secrétaire général de la présidence de la République,
29:11 Ferdinand N'Gongo. Il a donc visité un certain nombre de stands
29:16 et a été suivi par une équipe de la CRTV.
29:21 Voici la visite du ministre d'État à Promote, racontée par Yves-Marc Meuzot.
29:28 Une animation spontanée de femmes agri-entrepreneurs,
29:35 femmes-forces de leur nom de baptême, en guise de souhait de bienvenue à Ferdinand N'Gongo,
29:40 le ministre d'État, secrétaire général de la présidence de la République,
29:44 qui effectue ce vendredi 23 février 2024, une visite des stands
29:49 au salon international de l'entreprise Promote, rendue cette année à sa 9e édition.
29:54 Accueilli à son arrivée au sommet de la colline Konyada
29:58 par le ministre du Commerce Luc Magloire Barga Tangana
30:01 et le directeur général adjoint du palais des congrès, Luiz Etonde Luma Musongué,
30:06 Ferdinand N'Gongo va entamer son périple par une première escale
30:10 dans le secteur des télécommunications.
30:12 Accueil chaleureux par les responsables et échange cordiaux avec ces derniers
30:16 qui saisissent l'occasion pour présenter leurs différentes offres.
30:20 Place ensuite à la communication, dans tous ces démembrements,
30:23 la tutelle d'abord, les opérateurs privés ensuite,
30:26 commerce et distribution, transport, finance, eau et énergie,
30:31 cette visite de stand est pour Ferdinand N'Gongo loin d'être une balade de santé.
30:36 Au pavillon pays, à ceux des administrations, dont principalement le ministère des finances
30:41 et celui de la défense, le ministre d'État, secrétaire général de la présidence de la République,
30:46 va marquer des escales significatives pour se faire présenter
30:50 le fonctionnement des différents corps et administrations.
30:54 Les stands des produits maids d'une Cameroun sont de ceux où il va passer la majeure partie de son temps.
30:59 Artisanat, agroalimentaire, boissons locales, textiles,
31:04 à cette 9e édition du salon international de l'entreprise,
31:07 les Camerounais étalent tout leur savoir-faire et leur génie créateur.
31:11 Tout au long de la randonnée, c'est manifestement chaque exposant
31:15 qui souhaite recevoir cet illustre visiteur, qui prend tout son temps pour écouter,
31:20 poser des questions et encourager ses différents créateurs.
31:24 A l'arrivée, près de deux heures d'horloge n'auront pas suffi à Ferdinand N'Gongo et sa délégation pour faire le tour.
31:31 De sources proches de l'organisation indiquent que l'édition 2024
31:34 le promote ses 32 pays et près de 1300 exposants.
31:39 Assurément, dans la vie de ce salon international,
31:42 cette édition 2024 constituera un tournant.
31:46 Malgré ce que dit l'éditorialiste à la chute de son papier,
31:50 certains pensent que les salons qu'on promote, c'est un peu comme tous ces ateliers,
31:56 séminaires, colloques qui nous perdent du temps et de l'argent.
32:00 Non, je pense qu'il faut créer un cadre où les investisseurs doivent se retrouver.
32:08 Parce que "know your customer", c'est ce qu'il faut.
32:13 Et ces échanges ne sont souvent pas porteurs de fruit, porteurs d'investissement,
32:19 surtout dans les domaines où l'État n'a pas d'avantages comparatifs.
32:24 Et c'est donc le lieu de féliciter, n'est-ce pas, le président de la République,
32:30 féliciter le ministre d'État, JPR, pour cette action
32:33 qui, à mon avis, démontre la volonté du gouvernement,
32:39 c'est pas de porter le secteur privé.
32:42 Mais il faut résolument changer la perception du Cameroun
32:49 comme un pays où le "doing business" n'est pas approprié.
32:56 Et ce que je recommanderais, puisque nous sommes tous convaincus
33:02 que le secteur privé est le moteur de développement,
33:06 et nous sommes convaincus qu'au Cameroun, nous avons, n'est-ce pas, une population dynamique,
33:12 une population qui, n'est-ce pas, a justement cet esprit de faire les affaires,
33:19 il faudrait que le "doing business" puisse s'accompagner.
33:22 Alors, il y a des domaines où le Cameroun a certainement quelques soucis,
33:29 et je ne vais pas les énumérer ici, mais je pense qu'il faudrait absolument
33:34 aller dans le "doing business", le peignet, la voir au pin-fin,
33:42 et voir ensemble comment on peut mettre en place, supplier un projet
33:47 qui pourrait, n'est-ce pas, élaguer toutes les petites contraintes
33:50 qui empêchent le secteur privé d'éclore.
33:53 Et c'est faisable. C'est absolument faisable.
33:56 - Des institutions comme la BAD, que vous connaissez plutôt bien,
34:01 semblent souvent plus généreuses ailleurs qu'au Cameroun.
34:05 Est-ce qu'il faut d'abord qu'un Camerounais soit numéro un de la BAD pour que la donne change ?
34:11 - Non, pas du tout, ce n'est pas nécessaire. Ce n'est ni une condition nécessaire ni suffisante.
34:17 Mais ce qui est important, c'est le dialogue entre l'institution et les ministères concernés.
34:27 Et je peux le dire avec certitude que les relations entre la BAD et le Cameroun sont très bonnes.
34:40 J'ai souvenance, quand j'y étais, des discussions que j'ai eues avec le ministre Moutazé,
34:48 avec le ministre Adlamin. Il y a une volonté, n'est-ce pas, manifeste d'aller de l'avant.
34:57 Maintenant, comme je dis, le problème n'est pas au niveau de ce dialogue,
35:03 mais au niveau de la traduction des projets financés par la Banque africaine.
35:09 C'est la traduction sur l'impact des citoyens.
35:14 - La Banque a l'impression que cet impact n'est pas toujours effectif ?
35:20 - Cet impact aurait pu être plus effectif. C'est ce que je dirais.
35:25 Ce peut être plus effectif. Des retards dans la mise en œuvre des projets.
35:32 Des retards même au niveau... des faiblesses au niveau de la conception.
35:37 Mais là, ce n'est pas la faute du Cameroun, c'est aussi la faute de l'institution.
35:41 C'est les institutions qui travaillent ensemble.
35:43 Et à mon avis, ces contraintes et ces retards peuvent être jugulés.
35:50 Et il faudrait que les responsables de ces projets, à mon avis, soient plus agressifs.
36:01 Agressifs vis-à-vis de la Banque, vis-à-vis des instances de mise en œuvre de ces projets.
36:09 Parce qu'il s'agit d'objectifs à atteindre.
36:12 Il ne s'agit pas d'attendre que ça se fasse.
36:15 Il faut pousser. Il faut pousser et encore pousser pour que cela se fasse dans le meilleur délai.
36:21 Et pour que les bénéficiaires puissent avoir ces retombées en temps opportun et rapidement.
36:26 - Comparé à d'autres pays que vous connaissez et sur la base de votre expérience,
36:31 le Cameroun présente-t-il des obstacles rédhibitoires au développement ?
36:36 Quels sont ces obstacles-là ?
36:38 - D'abord, les obstacles, il y en a.
36:43 On ne peut pas avoir tout ce potentiel et avoir un taux de croissance qui tourne autour de 3-4 %.
36:53 Avec 3-4 % de taux de croissance, je peux vous garantir que nous ne pourrons pas aller bien loin.
37:01 Et 2035, c'est demain.
37:04 Il faudrait donc accélérer cette croissance.
37:08 L'accélérer, il faudrait que nous puissions atteindre les 7, 8, 9, j'ose rêver, 10 % de croissance.
37:17 Et c'est possible.
37:19 C'est possible parce que nous avons les matières grises, nous avons la capacité,
37:28 et nous avons la matière première.
37:31 Nous avons l'orientation donnée par le chef d'État.
37:35 Et il faut que toute cette équipe justement se mobilise pour atteindre ce objectif,
37:41 mais il faut surtout qu'il y ait un suivi.
37:45 - Quelles sont les bonnes pratiques que vous avez observées ailleurs
37:51 qui pourraient inspirer le Cameroun sur cette voie du développement ?
37:57 - Alors, j'ai connu des pays atypiques
38:01 où pour un projet, je recevais l'appel des plus hautes autorités du pays
38:08 qui poussaient pour ce projet.
38:11 Je ne demande pas que ce soit le travail du président de la République, non, loin de là,
38:15 il a des ministres, il y a d'autres personnes qui doivent le faire à sa place.
38:19 Mais ce dialogue constant est très très important.
38:24 Alors, qui suis-je pour ne pas agir avec promptitude
38:30 quand je reçois un appel aux responsables du pays et qui veulent voir le projet avancer ?
38:37 Et c'est à moi d'espoir de mobiliser toute mon équipe pour justement faire avancer le projet.
38:44 Et ce dialogue constant, c'est de prouver à l'interlocuteur en face,
38:50 qui est la Banque africaine de développement ou la Banque mondiale,
38:53 que nous voulons atteindre des résultats dans des meilleurs délais.
38:56 Et le push doit devenir pas de la Banque africaine ni de la Banque mondiale, mais du pays.
39:03 Et il doit absolument. Et maintenant, une décision à la limite collégiale
39:09 dans cette gestion des projets me semble bien appropriée.
39:14 Alors, ça peut être au niveau du Premier ministre, ça peut être au niveau de la Présidence.
39:18 Je suis sûr que ça se fait déjà au Cameroun, mais je pense qu'il faudrait le faire davantage.
39:22 La gouvernance est importante pour se développer.
39:26 Est-ce que de ce point de vue, nous disposons d'éléments, d'instruments de gouvernance nécessaires ?
39:33 Oui, le Cameroun semble-t-il bien outillé.
39:38 Théoriquement, bien outillé, avec tout ce qu'il faut pour qu'il y ait la bonne gouvernance.
39:44 Mais la pratique de tous les jours me semble être un problème.
39:49 La pratique de tous les jours fait dire à certains hommes d'affaires que j'ai rencontrés par-ci par-là,
39:55 qu'au Cameroun, les choses ne vont pas si vite que ça.
39:59 Vous comprenez, les hommes d'affaires viennent, ils veulent absolument avoir des résultats dans l'immédiat,
40:08 mais ils sont souvent heurtés à une lenteur, à la lenteur administrative.
40:14 - La machine. - La machine qui est un peu trop lourde.
40:17 Et il faudrait, n'est-ce pas, un peu plus de célérité dans ce que la machine peut faire.
40:25 Et je peux vous dire que c'est à ce prix que nous pourrons atteindre les 5, 6, 7, 8, 9, 10% de toute croissance dont nous parlons.
40:34 Il faudrait que nous ayons une administration orientée vers le développement.
40:40 - Les détournements et la corruption hypothèquent suffisamment à la gouvernance.
40:46 Au Cameroun, on sait que le chef de l'État moralise suffisamment à chacune de ses sorties.
40:52 La justice emprisonne même des hauts commis, voire leurs secondes mains, mais jusque-là, rien n'y fait.
40:59 Que faut-il de plus ?
41:02 - C'est vrai que beaucoup d'actions sont prises.
41:06 Mais nous avons l'impression que celui qui voit le Cameroun, n'est-ce pas, de loin, c'est celui tout de même d'une impunité relative.
41:21 L'impunité ici, ce n'est pas tant que les gens ne soient pas jugés, mais c'est le temps que ça prend.
41:31 Entre le temps où on reconnaît qu'il y a une faute et le temps où l'action de répression réprimande,
41:42 et en fait, il s'écoule beaucoup de temps.
41:45 Et ça donne à ceux qui sont dans cette mouvance, je dirais mouvance, de corruption,
41:52 de se dire "ça arrivera quand ça arrivera, mais en attendant, voilà ce que je vais faire".
41:59 Et donc, moi je pense qu'il faut absolument et absolument punir et punir rapidement.
42:07 Parce que le temps n'est pas forcément en notre faveur.
42:10 Et l'impression que ça donne à l'extérieur, c'est que bon, Cameroun, on peut faire ce qu'on veut,
42:18 on peut organiser des fuites, on peut créer des fuites, on peut amasser beaucoup de ressources sans être puni.
42:31 - Attends, attends. Très bien. Nous allons prendre un dernier élément de cette émission.
42:38 C'est une question à laquelle les bailleurs de fond et le Cameroun lui-même accordent une priorité.
42:47 C'est le service public de l'eau potable.
42:51 Aujourd'hui, on avance vers un certain nombre d'assurances avec des projets qui sont en voie d'être bouclés.
42:59 Voici à peu près la présentation de ces projets qui vont donner davantage d'eau potable au Camerounais dans les prochains jours.
43:08 De la voix du directeur général de Kamwata lui-même, recueillie et mise en musique par Cyril Kinyembeben.
43:18 Dans l'immédiat, Kamwata a consacré son énergie pour amener de l'eau dans une dizaine de quartiers de la capitale économique d'Ouala
43:26 qui ont eu de longs mois d'attente.
43:28 Près de 11 000 m3/jour viennent d'être mis en service à Komasing, Dokoti et au lieu d'Ijini militaire.
43:35 Malgré la croissance démographique forte, le plan d'amélioration prend corps.
43:39 Il avait été demandé que nous réhabilitions les fourrages urbains.
43:44 Il y en a une quinzaine.
43:46 Actuellement, nous avons pu réhabiliter trois fourrages urbains qui apportent 32 000 m3 d'eau supplémentaire par jour.
43:55 Dont 32 millions de litres par jour.
43:58 Non loin de là, dans le Mungo, un jour nouveau s'est levé.
44:01 Avant ces deux départements du littoral, l'entreprise en charge de la distribution de l'eau règle la crise d'eau dans l'extrême nord.
44:07 Au Marois, Kamwata vient d'acquérir deux nouvelles pompes.
44:10 Elles y sont arrivées le lundi 19 février.
44:13 Les travaux d'installation sont en cours sur trois pompes principaux,
44:16 ce qui rendra disponible 12 500 m3 d'eau par jour dans la ville.
44:20 Dans d'autres localités du nord-ouest et du sud-ouest, grâce aux conventions signées,
44:24 les populations auront dans un avenir proche de l'eau potable.
44:27 Kamwata bénéficie du soutien du comité international de la Croix-Rouge
44:31 pour améliorer l'accès à l'eau potable dans les régions du nord-ouest, sud-ouest et extrême nord en crise.
44:36 L'objectif étant de couvrir les besoins des populations vulnérables de ces régions,
44:40 en particulier les femmes et les enfants.
44:43 La capitale yaoundé n'est pas laissée en marge.
44:45 Kamwata y sera bientôt plus efficace avec l'eau venue de la Sénégal.
44:49 Une ou deux choses rapides vous concernant.
44:54 D'abord, que retenez-vous de votre séjour dans ces institutions internationales,
45:01 aussi bien la Banque mondiale que la BAD ?
45:06 Vous retenez qu'on y fait de la charité ?
45:10 Avant de vous répondre, je voudrais venir sur le point sur les fuites, disons corruption.
45:17 Et la punition, n'est-ce pas, est une bonne chose, certes,
45:22 mais il faut aussi en amont l'éducation.
45:25 Il faudrait la sensibilisation, il faudrait que tout soit fait.
45:30 C'est ce package, n'est-ce pas, qui permet à la fois, peut-être, éventuellement,
45:35 de changer ce modus operandi ou alors ce mindset, n'est-ce pas,
45:41 de gens qui estiment que les ressources, qui sont des ressources collectives,
45:46 vous et moi et tous les autres communs, n'est-ce pas,
45:49 ces ressources, ils ont une utilisation comme ils veulent.
45:52 D'ailleurs, vous savez, tout le monde est fiscaliste,
45:55 tout le monde connaît le budget du Cameroun,
45:57 ligne 95, ligne 64, tout le monde en parle.
46:00 Tous les Camerounais en savent quelque chose.
46:02 Donc, sincèrement, cette perception doit complètement diminuer.
46:07 Cette conception d'un pays, n'est-ce pas, où la corruption est rampante,
46:12 doit absolument cesser.
46:15 Et c'est vraiment mon vœu, vraiment le plus pieux.
46:19 Alors, maintenant, quant à mon expérience dans ces institutions,
46:24 alors, la Banque mondiale,
46:30 j'y suis entré quand j'étais jeune,
46:35 jeune économiste, de l'école plutôt américaine,
46:41 donc avec le moins d'Etat possible.
46:44 Mais, j'ai défendu des thèses à l'époque,
46:51 qui étaient des thèses pour la protection industrielle,
46:55 pour, n'est-ce pas, libéraliser complètement cet emploi de l'économie.
47:01 Et je me souviens d'un voyage que j'avais fait avec le président Jemson Nubiono,
47:09 qui à l'époque était industriel, il l'était peut-être toujours,
47:13 où il me disait qu'il fallait, moi je lui disais qu'il fallait absolument, n'est-ce pas,
47:19 ne pas protéger l'industrie, peut-être l'industrie naissante, oui,
47:23 mais qu'il fallait laisser le secteur, le marché jouer.
47:28 Et je me rends compte que des années plus tard, quand même,
47:32 en tant qu'industrie naissante qu'il avait,
47:35 il avait absolument le droit à une certaine protection.
47:38 Donc, les thèses maximalistes que j'avais à l'époque, n'est-ce pas,
47:44 ont disparu peut-être, la sagesse s'est incrustée en tout temps.
47:50 C'est de dire que dans ces institutions, où certainement le mode de pensée peut varier relativement,
47:57 mais les tendances lourdes sont là,
48:00 et il faut que nous ayons au pays, n'est-ce pas, la matière grise qu'il faut
48:10 pour servir de contrainte aux thèses maximalistes.
48:15 Si les thèses maximalistes, nous pourrons avoir un impact,
48:19 mais s'il y a une contrainte, et la contrainte ne peut venir que du pays,
48:22 et c'est là qu'on arrive, n'est-ce pas, à cet optimum bien voulu.
48:25 Ça c'est du côté de la Banque mondiale.
48:27 De côté de la Banque africaine, une institution africaine qui a donc l'écoute des pays africains,
48:35 c'est une institution qui est prête à aider,
48:39 et il faudrait que nos pays, il faudrait que le Cameroun en fasse un très très très bon usage.
48:48 Et donc, je parlais tout à l'heure du dialogue permanent, du dialogue au quotidien,
48:55 et ce dialogue est très très important pour pouvoir faire bouger les lignes.
49:00 - Puisque vous vous prénommez Janvier, je vous cite le discours de John Kennedy,
49:06 prononcé le vendredi 20 janvier 1961, après sa prestation de serment comme 35e président des Etats-Unis.
49:14 Il disait alors, "Ne vous demandez pas ce que votre pays peut faire pour vous,
49:19 mais demandez-vous ce que vous pouvez faire pour votre pays."
49:23 Janvier Liché, après toutes ces années à la Banque mondiale, à l'ABAD,
49:27 et maintenant au Programme alimentaire mondial, qu'avez-vous fait pour votre pays ?
49:33 Que faites-vous et que pouvez-vous faire encore ?
49:36 - Question difficile.
49:39 Question difficile, mais réponse tout à fait facile, hein ?
49:44 C'est-à-dire, en tant que Cameroonien, j'ai le devoir de vrai pour le pays, où que je sois.
49:57 Directement ou indirectement.
50:01 Alors, dans ces institutions, j'ai pu, de manière tout à fait informelle, donner des conseils.
50:13 L'activité conseil est tout aussi importante que l'activité projet.
50:19 Et j'ai pu donner quelques conseils aux dirigeants avec qui j'étais en contact,
50:32 soit à leur requête, soit à leur volontairement.
50:36 - Sur votre initiative ?
50:37 - Voilà, sur mon initiative.
50:40 J'ai pu aussi, n'est-ce pas, soutenir indirectement des projets qui concernent le Cameroun,
50:53 mais qui concernent aussi les pays de la sous-région.
50:57 Mais le plus important, me semble-t-il, c'est de pouvoir, n'est-ce pas,
51:09 continuer à œuvrer pour ce dialogue avec l'équipe dirigeante actuelle de la Banque africaine,
51:18 mais aussi les Cameroonais qui y sont.
51:22 Ils n'interviennent pas en tant que Cameroonais, mais ils interviennent en tant que...
51:25 pas de la Banque africaine, mais qui au fond, n'est-ce pas, ont le tissu camerounais.
51:29 Il y a la vice-présidente Marie-Laure Akinorubade, avec qui j'ai eu l'honneur de travailler,
51:36 le directeur général ici Serge Meyssan, qui était un de mes collaborateurs,
51:41 et qui, n'est-ce pas, a envie de laisser une marque positive au Cameroun.
51:48 - Vous ne comptez pas consigner toute cette expérience dans un livre, un jour ou l'autre ?
51:56 - Oui, c'est... c'est plus qu'une idée, c'est pratiquement fait.
52:05 Un livre sur mon expérience, mais aussi en matière de développement,
52:12 qui devrait sortir dans les tous prochains mois,
52:16 parce que ce qui se partage le mieux, c'est aussi la connaissance,
52:20 parce que c'est un effet multiplicateur.
52:23 C'est un bien immatériel, qui va se propager, qui va se multiplier,
52:29 alors que les biens matériels, comme vous le savez, il faut les partager, il faut les morceler.
52:34 J'estime que ce sera peut-être un ajout important, n'est-ce pas,
52:40 pour la jeune génération de Cameroonais, d'économistes Cameroonais.
52:44 - Deux dernières questions rapides pour terminer, puisque nous n'avons plus de temps.
52:49 Je m'adresse d'abord au chef de troisième degré de Mbam,
52:54 un village de Yoko dans l'Mbam-Ekim.
52:57 Pourquoi, malgré tous les pouvoirs que vous avez eus, et ceux que vous avez même encore,
53:02 vous allez arracher un poste de chef, au lieu de le laisser à ceux qui sont au village ?
53:08 - Oui, alors, chez moi, je suis Mbamute du Cameroun,
53:18 et vous en connaissez d'autres, le ministre Sadir Enne, Mbamute aussi.
53:22 - Qui est notre président du conseil d'administration.
53:25 - Absolument, et qui est notre élite, n'est-ce pas, phare de la région.
53:29 Chez nous donc, l'expression c'est, je traduis, c'est "arracher",
53:37 c'est "prendre un chef".
53:39 On ne se bat pas pour ça, et on est désigné par la population,
53:45 et dans ce cas bien précis, j'étais venu au Cameroun pour les obsèques de mon oncle,
53:49 et dans la foule, j'ai été soulevé de terre pour dire que j'étais le prochain chef.
53:54 - Donc, vous avez répondu à l'appel.
53:56 - J'ai répondu à l'appel, parce que, il est important de voir un impact sur le terrain,
54:05 sur quelques kilomètres carrés, l'impact, n'est-ce pas, de toutes ces thèses que nous faisons
54:11 par-ci par-là, de tout ce que nous avons fait dans les pays,
54:13 et qui est parfois perceptible et non perceptible.
54:16 Et voir comment, avec une population de 500 habitants, 600 habitants,
54:22 comment nous pouvons ensemble travailler et changer leur bien-être.
54:25 Et je suis très concerné, et je voudrais avoir des résultats le plus rapidement possible.
54:33 Et ça ne demande pas grand-chose parfois.
54:35 Ça demande d'abord d'avoir les services de base, éducation, santé, eau,
54:40 les infrastructures de base, "basic needs" comme disent les anglais.
54:43 Et je me suis attelé, et j'espère que d'ici un an ou deux ans maximum, n'est-ce pas,
54:50 je pourrai avec fierté dire que voilà ce que nous avons ensemble, n'est-ce pas, pu faire en bas.
54:56 - Ma dernière question, Jean-Philippe Littier.
54:59 Quand on a été, comme vous, pendant près de 30 ans à l'ABAD,
55:04 et qu'on a été directeur général au sein de cette institution,
55:07 vice-président des opérations par intérim, entre autres,
55:11 est-ce que vous faites partie désormais de tout ce qui songe au poste de président de l'ABAD
55:18 en se rasant tous les matins ?
55:20 - Oh, vous savez, le poste de président de l'ABAD, c'est un poste hautement politique.
55:30 Et il y a beaucoup de paramètres, de variables qui entrent en jeu.
55:35 Et ce n'est certainement pas ce que j'ai en tête tous les jours.
55:42 Ce qui m'intéresse à ce stade, c'est de revenir aux éléments fondamentaux,
55:49 les éléments fondamentaux d'un village comme Bam,
55:52 voir comment je peux changer, n'est-ce pas, Bam ?
55:55 Et le reste est du reçoit de la main visible.
56:01 - La main visible de Dieu. - Exactement.
56:04 - Comme nous sommes dimanche, on s'en remet donc à Dieu pour le reste.
56:08 Jean-Vier Littier, je rappelle que vous êtes économiste,
56:12 conseiller supérieur au programme alimentaire mondial des Nations Unies.
56:17 Merci d'être venu à Actuality Hebdo. - C'est moi.
56:20 - Mesdames et messieurs, nous passons, mais le Cameroun reste.
56:25 Alors prenons grand soin de notre cher et beau pays. Bonsoir.
56:31 (Générique)
56:34 ---
56:55 *Musique*