Avec Nicola Delon, architecte et cofondateur du collectif Encore Heureux
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##LA_VIE_EN_VRAI-2024-02-22##
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NewsTranscription
00:00 La vie en vrai.
00:01 La vie en vrai comme tous les jeudis.
00:03 Alors je ne sais pas si on parlera d'intelligence artificielle, peut-être,
00:05 mais en tout cas on parle surtout d'architecture avec vous ce matin, Nicolas Delon.
00:09 Bonjour.
00:09 Bonjour.
00:10 Et bienvenue sur Sud Radio, vous êtes architecte, cofondateur du collectif Encore Heureux.
00:15 Vous définissez comme un architecte engagé.
00:17 Qu'est-ce que c'est un architecte engagé quand on connaît, comme aujourd'hui,
00:21 une crise dans l'immobilier particulièrement importante ?
00:23 Alors l'engagement c'est d'abord de partager le constat
00:26 qui est l'époque dans laquelle nous vivons où on n'a jamais autant construit depuis 70 ans
00:31 et en même temps on voit qu'il y a de plus en plus de gens qui ont de la difficulté à se loger.
00:34 Donc ça c'est un constat que l'on peut faire vraiment de plein de manières.
00:38 Et puis l'engagement c'est aussi considérer qu'on a des nouvelles limites qui arrivent,
00:41 qui sont des limites matérielles.
00:42 On va avoir de moins en moins de matériaux pour construire
00:45 et on voit que l'énergie va coûter de plus en plus cher.
00:47 Donc si vous voulez on a une complexité d'une crise du logement qui ne date pas d'hier,
00:51 l'hiver 54 c'était il y a 70 ans de la baie Pierre,
00:54 et le rapport de la Fondation Baie Pierre d'il y a quelques jours
00:56 fait état de millions de personnes qui sont dans une situation de ne pas pouvoir habiter.
01:00 Donc nous notre engagement c'est comment trouver les conditions d'habiter.
01:02 Alors comment on prend en compte justement toutes ces difficultés là, ces crises ?
01:06 On peut le dire, crise de l'immobilier, crise aussi écologique, crise de l'énergie.
01:12 Comment on prend en compte tout ça finalement dans cette façon de construire peut-être différemment ?
01:16 Alors c'est la méthode qui doit être différente.
01:19 Il se trouve qu'il y a des données matérielles sur lesquelles on n'a pas d'action
01:22 sur l'énergie, sur les matériaux, mais par contre on pourrait trouver d'autres façons de faire.
01:27 Une des premières choses c'est arrêter de démolir.
01:29 On pourrait considérer qu'il ne faut plus démolir de bâtiments,
01:31 comme la tour Rincey à Malakoff qui va être démolie dans quelques jours,
01:34 comme des immeubles à Toulouse qui représentent 1400 logements
01:38 qu'on va démolir pour en construire d'autres.
01:39 En fait on pourrait dire arrêtons la démolition,
01:41 il va falloir rénover, réparer, réhabiliter.
01:44 Pourquoi on démolit ? C'est plus simple de démolir que de réhabiliter ?
01:47 Alors il y a plusieurs raisons.
01:49 En effet c'est plus simple.
01:50 Jusqu'à il n'y a pas très longtemps c'était moins coûteux,
01:53 mais là on voit que les courbes sont en train de s'inverser.
01:55 Donc il va falloir vraiment changer de méthode et surtout il faut dire que ces projets-là
01:58 sont des projets qui ont été décidés il y a 10, 15 ou 20 ans,
02:01 qui aujourd'hui sont totalement anachroniques.
02:03 Donc en fait il faut aussi considérer que le monde change très vite
02:05 et que l'architecture, la façon de faire des villes, lui change très lentement.
02:08 Donc on a besoin de retrouver une concordance des temps,
02:11 on pourrait dire, entre ces deux éléments.
02:12 Alors comment on réhabilite justement ?
02:14 Ça veut dire qu'il faut vraiment se concentrer sur ce qui existe déjà
02:18 et imaginer comment on peut faire pour peut-être loger davantage ?
02:22 Alors d'abord il faut observer les bâtiments et voir de quelle manière on pourrait les transformer.
02:25 On a fait par exemple un projet dans le 19ème arrondissement de Paris
02:28 où on a proposé de transformer un ancien garage Renault
02:32 qui était de plusieurs étages pour en faire 75 logements.
02:35 Et donc là on a observé ce bâtiment, on s'est rendu compte qu'en fait il est en béton,
02:38 de très bonne nature, et donc on a fait des travaux très importants
02:41 pour en faire 75 logements avec des grandes terrasses,
02:43 avec une faille centrale qui permettait de faire entrer la lumière.
02:45 Et donc c'était vraiment la projection, et les architectes servent à ça,
02:48 à imaginer comment à partir d'un garage on pourrait se dire
02:51 il faut tout casser, on avait calculé que ce qu'on avait...
02:53 - Alors c'est pas les mêmes normes, les mêmes réglementations ?
02:55 Il faut penser aussi à tout ça ?
02:57 - Absolument, tout ça mais en fait on arrive à adapter.
02:59 La norme est là pour protéger les habitants, pour protéger la société.
03:03 Et d'ailleurs les normes sont très utiles parce que c'est ce qui fait que
03:05 quand il y a des catastrophes naturelles, vous en parliez tout à l'heure,
03:07 les bâtiments tiennent debout.
03:09 Donc les normes sont importantes.
03:10 Mais par contre ce qu'il faut c'est arriver à trouver d'autres manières de faire,
03:12 d'autres processus, d'autres protocoles.
03:14 Et ça, ça ne peut pas se faire soit uniquement par la puissance publique,
03:17 soit uniquement par les architectes.
03:18 Il faut aussi engager les artisans, les entrepreneurs,
03:20 les personnes qui vont construire tout ça.
03:22 C'est un ensemble.
03:23 - C'est une équipe d'une certaine manière.
03:24 - Absolument.
03:24 - On parle aussi pas mal ces derniers temps de la surélévation.
03:27 Donc c'est le fait, sur un immeuble par exemple, de trois étages,
03:31 de construire un quatrième, un cinquième étage.
03:33 - Absolument.
03:33 - Est-ce que c'est quelque chose qui vous intéresse aussi comme méthode ?
03:36 Est-ce que c'est intéressant ?
03:38 - En fait c'est intéressant parce que...
03:39 - Et réalisable.
03:40 - C'est intéressant, réalisable.
03:41 Il faut faire des diagnostics, s'assurer que le bâtiment va tenir.
03:44 Mais ça permet d'éviter d'artificialiser un sol,
03:46 de construire sur un terrain qui est soit naturel, soit agricole.
03:49 Et on voit aussi que l'enjeu de l'architecture de demain et des villes,
03:51 ça va être de ne plus s'étendre, d'arrêter de s'étendre
03:54 parce qu'on va devoir vraiment être là où on a déjà construit.
03:56 Parce qu'on va avoir besoin de nous nourrir pendant des siècles à venir
03:59 et qu'une fois qu'on a posé un bâtiment sur un champ de céréales,
04:02 on ne peut plus cultiver le blé.
04:03 Donc si vous voulez, c'est vraiment très important.
04:05 Et par ce biais-là, vous voyez qu'il va falloir tout faire en même temps.
04:09 Et moi je pense qu'aujourd'hui, on a un déficit d'absorber cette complexité,
04:13 d'accepter qu'il n'y aura pas de solution miracle.
04:16 Là, le Premier ministre a parlé de choc de l'offre dans le logement.
04:19 - Vous y croyez pas ?
04:20 - On sait que le choc de l'offre ne marche jamais.
04:21 Ça ne marche...
04:22 Pour faire baisser les prix, ça n'a jamais marché depuis 30 ans.
04:25 En fait, il faut vraiment faire un choc méthodologique dans tous les domaines,
04:28 qui sont ceux de la rénovation, de la réhabilitation,
04:31 de la surélévation, du réemploi des matériaux.
04:34 On travaille aussi beaucoup sur comment réutiliser les matériaux.
04:36 Et aussi les nouvelles façons d'habiter.
04:38 - C'est des nouvelles expériences.
04:39 - Absolument. Et ces expériences-là, on pourrait en citer plusieurs.
04:42 Il y en a une dans la ville de Hoche, dans le Gers,
04:45 qui est la préfecture du Gers,
04:46 où là, c'est 14 familles qui ont décidé ensemble d'acheter un ancien couvent
04:50 qui était abandonné, qu'ils ont acheté pour 300 000 euros.
04:52 Et ils ont divisé cet ancien couvent de 2000 m²
04:55 pour que chacun ait son logement.
04:56 Et donc là, c'est une coopérative d'habitants, on pourrait dire.
05:00 Ils se sont mis ensemble, ils ont acheté, ils sont chacun chez eux.
05:02 Donc c'est pas du tout qu'ils n'habitent pas ensemble.
05:04 Mais il y avait sur ce site-là un ancien gymnase
05:06 qu'ils ont conservé pour des activités, pour faire des grandes fêtes, etc.
05:09 Donc ça s'appelle la Convention à Hoche.
05:10 Et si vous voulez, ça nous montre que, en fait,
05:13 autant les ressources sont en train de s'épuiser,
05:15 mais par contre, notre matière grise est inépuisable.
05:17 Donc en fait, à la fois, il faut avoir ce discours de dire
05:20 on ne va plus pouvoir faire comme avant, c'est une certitude,
05:22 mais il faut dire aussi, en fait, le champ des possibles est immense.
05:24 - Vous aviez un exemple aussi du côté de Lausanne qui était intéressant.
05:27 - Oui, en Suisse, là, où un nouveau dispositif,
05:30 il y a quelques semaines, de permettre d'échanger des appartements
05:33 entre des personnes âgées qui sont dans des grands logements,
05:35 parce qu'au fil de leur vie,
05:37 ils ont eu des appartements de plus en plus grands,
05:39 notamment en logements sociaux,
05:40 et qui peuvent échanger avec des familles qui, eux, ne trouvent pas à se loger.
05:43 Et donc, c'est une sorte de bourse d'échange
05:45 qui va permettre aux personnes âgées de payer moins cher,
05:47 d'être dans un logement qui coûtera moins cher en chauffage,
05:50 moins cher en entretien,
05:51 et de permettre à une famille qui, elle, est à l'étroit,
05:53 parce qu'elle a un deuxième ou un troisième enfant,
05:55 d'occuper ce logement.
05:56 Donc là, vous voyez, c'est uniquement de l'intelligence,
05:57 pas artificielle, mais humaine, pour faire un choix.
05:59 - Vous n'utilisez pas l'intelligence artificielle ?
06:01 - On est en train de le regarder comme un des sujets,
06:03 mais on considère qu'il y a beaucoup d'abord à faire sur l'intelligence humaine,
06:06 et après, on pourra rajouter cette intelligence.
06:08 - Et en conclusion, je le sentais sur certains exemples que vous donniez,
06:11 c'est-à-dire que cette nouvelle démarche,
06:13 elle n'est pas réservée seulement aux grands centres urbains,
06:17 aux grandes villes,
06:18 c'est qu'on peut aussi dans les zones rurales,
06:19 on n'oublie pas aussi les zones rurales sur cette énergie.
06:22 - Si vous voulez, le défi, il est global.
06:25 Il y a évidemment un enjeu de rééquilibrer les territoires,
06:27 parce qu'on voit que les métropoles ont tout absorbé,
06:29 la jeunesse, la richesse, la culture,
06:31 et qu'il va falloir retrouver aussi une meilleure répartition
06:34 à l'échelle territoriale.
06:35 On le voit, la crise agricole aussi parle de ça,
06:37 de cette désertion des campagnes.
06:38 Donc on pense qu'il faut vraiment arrêter cette accumulation dans les métropoles
06:42 et retrouver un rapport beaucoup plus sain au territoire.
06:45 Mais si vous voulez, ces innovations sont vraiment à toutes les échelles, partout.
06:49 Et je pense que si on se disait qu'en fait,
06:51 il va falloir tout faire en même temps pour réussir à améliorer la situation,
06:54 ça serait le seul moyen d'y arriver.
06:56 - Nicolas Delon, je rappelle, architecte co-fondateur du collectif Encore Heureux.
07:00 Merci d'avoir été avec nous ce matin sur Sud Radio.
07:02 Je vous souhaite une très belle journée.
07:04 - Merci à vous.
07:04 - 6h44 sur Sud Radio, on vient dans un instant,
07:07 l'intelligence artificielle, on y vient.
07:10 Avec Maxime Trouleau, #OnEnParle,
07:12 et puis également avec Rémi André.
07:14 On va faire les prévisions météo, grâce à l'intelligence artificielle,
07:16 ça promet, le résultat n'est pas toujours très bon.
07:18 On verra ça, à tout de suite.