QUI EST À L'ORIGINE DU MEURTRE DE CETTE OCTOGÉNAIRE
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00:00 L'affaire qui suit relate des faits réels, dont le déroulement est illustré par des reconstitutions.
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01:58 Lorsque nous arrivons sur la scène de crime
02:00 et que nous apprenons que la victime était vivante
02:02 au moment où l'auteur a quitté les lieux
02:05 et que cette victime a subi des soins,
02:08 des premiers soins, des secours,
02:10 pour nous il est essentiel de connaître quand même
02:12 la position de la victime au moment
02:14 où les secours sont intervenus,
02:16 de connaître les soins qui ont été effectués
02:19 sur la victime,
02:21 afin de ne pas fausser nos constatations.
02:23 Par exemple, si la victime n'est pas accessible
02:26 ou s'il a fallu déplacer le corps
02:28 pour lui prodiguer des soins,
02:30 les secours vont nous dire exactement
02:33 ce qu'ils ont touché, ce qu'ils ont déplacé,
02:36 afin que nous puissions effectuer
02:38 de bonnes constatations.
02:40 La police judiciaire de Versailles
02:44 est dépêchée sur la scène du crime
02:46 pour effectuer les premières constatations.
02:48 On m'appelle et on me dit
02:51 qu'il y a une personne qui a été découverte
02:53 gravement blessée à son domicile,
02:55 à Argenteuil.
02:57 C'est une dame âgée,
03:00 l'appartement est fouillé,
03:02 elle est gravement blessée,
03:04 elle est partie à l'hôpital.
03:06 L'APJ est saisie, la bagasse commune est saisie,
03:08 et donc dans ce cadre-là,
03:10 on se transporte sur les lieux.
03:12 Le logement de la victime,
03:15 composé de trois pièces,
03:17 est un véritable champ de bataille.
03:19 Le sol est jonché de divers objets brisés,
03:21 de vêtements éparpillés
03:23 et de traces de sang.
03:25 La police technique et scientifique
03:27 prélève l'étouffe de cheveux
03:29 arrachée dans le salon, la cuisine
03:31 et la chambre.
03:33 Elle les place sous-cellées.
03:35 Sur le sol, les techniciens remarquent
03:37 de nombreuses taches de sang,
03:39 ce qui indique que la scène du crime
03:41 s'est déroulée dans les trois pièces
03:43 de l'appartement.
03:45 Les deux autres pièces de l'appartement
03:47 sont encore en étouffement.
03:49 La police a fait un appel à la police
03:51 de l'appartement.
03:53 - La scène de crime s'est déroulée
03:55 dans la totalité de la maison.
03:57 Elle a subi des coups à tel endroit,
03:59 d'autres coups à d'autres endroits,
04:01 encore d'autres coups à d'autres endroits.
04:03 On a deux éléments.
04:05 Déjà, une mobilité de la scène,
04:07 ce qui interdit un acte de violence
04:09 soudain et qui se stoppe aussitôt.
04:11 On a donc soit l'agresseur
04:13 qui agresse,
04:15 qui continue d'agresser,
04:17 qui bouge avec sa victime
04:19 et qui l'agresse encore à nouveau.
04:21 Ou alors une agression,
04:23 une tentative de fuite vers un autre endroit,
04:25 une deuxième agression,
04:27 une tentative de fuite,
04:29 une troisième agression.
04:31 C'est les deux éléments qui restent.
04:33 Souvent, on a un agresseur
04:35 qui va nous décrire un acte de violence
04:37 soudain dû pour une raison quelconque
04:39 et qui ensuite, il arrête.
04:41 La première lecture nous dit
04:43 qu'on n'est pas face à ça,
04:45 on est face à une agression
04:47 où les scènes de violence se sont succédées
04:49 les unes aux autres.
04:51 - Dans la cuisine,
04:53 à gauche du radiateur,
04:55 se trouve une importante trace de sang.
04:57 Les techniciens procèdent au prélèvement.
04:59 - Les premiers intervenants vont parler
05:01 d'une grosse trace au-dessus d'un radiateur
05:03 et c'est la trace sur laquelle
05:05 ils vont faire les prélèvements.
05:07 Malheureusement, nous n'avons sur cette trace
05:09 que l'élément "grosse trace".
05:11 À cette époque, en 1996,
05:13 lorsqu'on veut relever une trace
05:15 dans le but d'un ADN,
05:17 on va plutôt aller vers une "grosse trace"
05:19 qu'une toute petite trace
05:21 parce qu'au moins, dans la grosse,
05:23 on est sûr d'avoir assez de matière pour faire un ADN.
05:25 C'est pour cela qu'il s'est dirigé
05:27 vers cette grosse trace
05:29 sans donner plus d'explications sur la morphologie.
05:31 - La police technique et scientifique
05:33 cherche aussi à révéler des traces papillaires.
05:35 La mobilité de la scène du crime
05:37 fait penser que l'agresseur s'est déplacé
05:39 et a pu toucher de nombreux objets.
05:41 Tout l'appartement est donc passé au peigne fin.
05:43 - On lève des empreintes,
05:45 mais on ne sait pas dans l'immédiat
05:47 s'elles vont être pertinentes ou pas,
05:49 si ça aboutit à une identification ou pas.
05:51 - Car pour aboutir à une identification,
05:53 il faut que les empreintes papillaires révélées
05:55 soient déjà enregistrées
05:57 au fichier automatisé des empreintes digitales.
05:59 En d'autres termes,
06:01 il faut que les traces prélevées
06:03 sur la scène du crime
06:05 appartiennent à une personne
06:07 qui a déjà été interpellée.
06:09 - On cible quand même les relevés
06:11 sur les objets qu'on suppose
06:13 que l'auteur a touchés.
06:15 On va cibler les zones
06:17 que les personnes touchent
06:19 en rentrant dans un appartement,
06:21 c'est-à-dire la porte, la poignée de porte,
06:23 les objets, les tiroirs,
06:25 le téléphone...
06:27 La difficulté dans ce genre de choses,
06:29 c'est de savoir qu'on a tout traité,
06:31 qu'on n'a pas oublié un objet
06:33 qui pourrait justement, malheureusement,
06:35 avoir été manipulé par l'auteur des faits
06:37 et qu'on aurait oublié.
06:39 - Les techniciens prélèvent
06:41 dans l'appartement de la victime
06:43 plus de 50 empreintes de doigts.
06:45 Et petite originalité,
06:47 ils prélèvent aussi ce que l'on appelle
06:49 une empreinte palmaire.
06:51 C'est une empreinte de l'intérieur
06:53 de la main, la paume.
06:55 Cette empreinte se trouve
06:57 sur le rebord de fenêtres en bois du salon.
06:59 - Sur un rebord de fenêtres,
07:01 on va utiliser, si c'est sur l'électrique,
07:03 on va peut-être utiliser de la poudre
07:05 pour matérialiser la trace.
07:07 C'est ce qu'on voit là aussi dans les séries télé.
07:09 Avec du doigté, on va saupoudrer
07:11 une poudre dont la couleur sera compatible
07:13 avec le support, de façon à créer
07:15 un contraste important.
07:17 Et puis on matérialisera la trace papillaire.
07:19 La trace palmaire, en l'occurrence.
07:21 En général, les rebords de fenêtres,
07:23 dans les appartements, en général,
07:25 ils sont peints ou vernis.
07:27 Donc ça se prête, effectivement,
07:29 à une révélation de trace papillaire.
07:31 - La police va également prélever,
07:33 dans les 3 pièces de l'appartement,
07:35 des tachés de sang.
07:37 - Des mouchoirs ensanglantés,
07:39 on ne s'y attend pas.
07:41 Ce n'est pas un élément qu'on a l'habitude de rencontrer.
07:43 Alors sur ces mouchoirs, il y a des traces de sang.
07:45 Pourquoi ? Est-ce qu'ils ont été en contact
07:47 avec une blessure ?
07:49 Servient-ils à éponger une blessure ?
07:51 Ou est-ce qu'ils étaient présents
07:53 sous une blessure, et donc les traces passives
07:55 sont venues souiller ces mouchoirs ?
07:57 Ou alors la victime,
07:59 comme l'auteur, l'ont utilisée
08:01 pour essuyer
08:03 une arme ensanglantée
08:05 ou la victime s'essuye le front avec.
08:07 À travers la forme
08:09 des traces de sang, il n'est pas possible
08:11 d'identifier l'acte d'une victime se soignant
08:13 ou l'acte d'un agresseur se nettoyant.
08:15 - Dans le salon,
08:19 la police technique et scientifique saisit également
08:21 des éclats de verre et un sac à main
08:23 vidés de son contenu.
08:25 Ces 2 éléments sont placés sous scellés.
08:27 Dans la chambre,
08:29 lieu où Marie-Madeleine Révillon a été retrouvée,
08:31 les techniciens saisissent
08:33 le bas du pyjama de la victime
08:35 avec lequel elle a été retrouvée ligotée.
08:37 Ils placent aussi sous scellés un couteau de cuisine
08:39 muni d'une lame de 14 cm
08:41 présentant des traces de sang.
08:43 Le couteau est envoyé au laboratoire.
08:45 Les enquêteurs espèrent
08:47 que les analyses permettront d'isoler
08:49 l'ADN de l'agresseur.
08:51 Alors que les premières constatations se terminent,
08:53 la vieille dame décède à l'hôpital.
08:55 Il est 2h15 du matin.
08:57 Marie-Madeleine a agonisé
08:59 depuis plus de 3h.
09:01 Son corps est transporté au service médico-légal
09:03 de Garches pour être autopsié.
09:05 A l'examen externe,
09:07 le médecin légiste note en premier lieu
09:09 la taille et le poids de Marie-Madeleine.
09:11 1m46 et 38 kg.
09:13 La victime était particulièrement vulnérable.
09:15 Et le légiste dénombre
09:17 sur le cadavre d'importantes lésions.
09:19 Ce qui frappe sur le corps
09:21 de Marie-Nètre Révillon,
09:23 c'est le nombre de lésions.
09:25 On a un ensemble d'adultes
09:27 qui ont eu un nombre de lésions.
09:29 On a un ensemble d'associations de fractures
09:31 sur les côtes,
09:33 à la limite des arcs moyens
09:35 et des arcs antérieurs,
09:37 qui commencent à la première côte
09:39 et vont jusqu'à la cinquième, sixième côte.
09:41 Sur la région frontotemporale droite,
09:43 on a une plaie.
09:45 Ce n'est pas une plaie énorme,
09:47 mais c'est une plaie quand même.
09:49 Les hématomes sont quand même
09:51 des hématomes larges.
09:53 C'est vrai que les personnes âgées
09:55 sont plus vulnérables,
09:57 mais c'est surtout leur association
09:59 qui va faire la gravité des violences.
10:01 C'est vraiment
10:03 la traduction d'un déchaînement
10:05 de violences sur une personne
10:07 qui a toutes les apparences
10:09 d'une personne vulnérable.
10:11 Petit gabarit, petite taille,
10:13 corpulence plutôt menue,
10:15 personne âgée.
10:17 Cela démontre
10:19 à la fois un acharnement
10:21 et le fait
10:23 que l'auteur a réellement
10:25 pris son temps pour faire tout ça.
10:27 Il faut beaucoup de temps
10:29 pour porter 20 coups.
10:31 Il faut du temps pour porter
10:33 un coup qui va fracturer
10:35 la mandibule.
10:37 Il faut du temps pour s'asseoir
10:39 ou sauter à pieds joints
10:41 sur la tâche thoracique de la victime.
10:43 L'examen externe révèle également
10:47 une plaie superficielle au niveau
10:49 de la hanche gauche de 5 mm de longueur
10:51 due à un instrument coupant.
10:53 Dans le rapport d'autopsie,
10:55 on note l'expression
10:57 "une plaie en queue de rat".
10:59 C'est une caractéristique
11:01 des plaies par arme blanche
11:03 qui ont une action tranchante.
11:05 Avec une arme blanche,
11:07 on peut soit couper,
11:09 soit piquer.
11:11 Quand on coupe,
11:13 la plaie va d'abord
11:15 être profonde
11:17 pour ensuite se terminer superficielle.
11:19 On va donc avoir
11:21 une plaie avec
11:23 une espèce d'ovale
11:25 qui est la tête de la plaie,
11:27 suivie d'une queue très fine
11:29 comme la queue du rat.
11:31 Cette blessure en queue de rat
11:33 est une coupure superficielle.
11:35 Elle n'est donc pas à l'origine
11:37 de la mort de Marie-Madeleine Révillon.
11:39 L'auteur des faits s'est servi du couteau
11:41 pour intimider sa victime,
11:43 pas pour la tuer.
11:45 L'autopsie se poursuit.
11:47 On l'entend d'habitude.
11:49 Mais elle s'est quand même vidée de son sang
11:51 dans ses parties molles du fait des coups.
11:53 C'est quelque chose qu'on voit souvent
11:55 dans les violences conjugales
11:57 sur un espèce d'acharmement
11:59 par exemple de l'homme sur la femme,
12:01 la répétition des coups
12:03 qui entraîne cette spoliation sanguine.
12:05 S'il y avait eu moins de coups portés,
12:07 elle avait beaucoup de chance
12:09 d'en réchapper.
12:11 Parce qu'on n'a pas de lésions
12:13 majeures.
12:15 On n'a pas de lésions
12:17 qui entraînent
12:19 la mort par une atteinte
12:21 d'un organe,
12:23 une atteinte vitale d'un organe.
12:25 Le médecin légiste
12:27 est formel.
12:29 C'est le nombre important de lésions sur tout le corps
12:31 qui est la cause directe du décès.
12:33 Marie-Madeleine Révillon a été battue,
12:35 martyrisée, suppliciée.
12:37 Ses cheveux, arrachés par poignets,
12:39 sont l'une des caractéristiques reconnues
12:41 de la torture.
12:43 C'est une chose pour la plaie superficielle
12:45 par arme blanche.
12:47 Le médecin cherche alors sous ses pieds
12:49 des traces de brûlure,
12:51 autre élément typique des cas de torture.
12:53 Ce déchaînement de violence
12:55 sur une personne aussi vulnérable
12:57 motive particulièrement les policiers.
12:59 À l'époque,
13:01 j'ai 3 ans
13:03 de brigade criminelle à peu près.
13:05 Des affaires, on en a vu d'autres depuis.
13:07 Mais l'assassinat d'une vieille dame
13:09 de 80 ans,
13:11 on voit qu'elle a été battue,
13:13 que des cheveux de cette dame
13:15 sont encore collés au plafond,
13:17 que tout est retourné,
13:19 qu'il y a eu des traces de lutte.
13:21 Une vieille dame de 80 ans,
13:23 elle n'a pas à mourir comme ça.
13:25 C'est toujours hyper intéressant.
13:27 C'est malheureux à dire,
13:29 mais pour des techniciens comme nous,
13:31 c'est toujours intéressant
13:33 quand ça se passe de cette façon-là.
13:35 Cela fait 2 jours que Marie-Madeleine est morte
13:37 et pour l'instant,
13:39 le mystère reste entier.
13:41 Il n'y avait pas de billes,
13:45 il n'y avait pas de pistes.
13:47 Une vieille dame comme ça
13:49 qui se fait tuer de cette façon-là,
13:51 je me dis qu'il faut absolument
13:53 qu'on arrive à sortir ça.
13:55 On est là pour ça.
13:57 8 jours après les faits,
13:59 c'est la déception à la police judiciaire
14:01 de Versailles.
14:03 Les résultats des prélèvements tombent.
14:05 Toutes les traces papillaires
14:07 sont en place.
14:09 Seul espoir, l'empreinte palmaire
14:11 relevée sur le rebord extérieur
14:13 de la fenêtre du salon.
14:15 L'empreinte palmaire,
14:17 elle ne donne rien pour l'instant
14:19 et pour la bonne raison
14:21 que dans le cas des relevés
14:23 systématiques d'empreintes
14:25 des gens qu'on place en garde à vue,
14:27 on prend les empreintes des doigts
14:29 systématiquement et on ne prend pas
14:31 systématiquement les empreintes palmaires.
14:33 C'est un protocole.
14:35 Le protocole dit qu'on prend les doigts
14:37 dès demain.
14:39 Le souci, c'est qu'en France,
14:41 il n'y a pas de fichier d'empreinte palmaire
14:43 à l'époque.
14:45 On n'a aucun moyen de rentrer cette empreinte
14:47 dans un fichier comme c'est faisable
14:49 aujourd'hui pour les empreintes digitales
14:51 qu'on appelle le FAEL,
14:53 le fichier automatisé des empreintes digitales.
14:55 On n'aura qu'un seul moyen de savoir
14:57 à qui est cette paume, c'est quand on l'aura comparée
14:59 avec la personne à qui elle appartient.
15:01 Au départ, quand on n'a pas,
15:03 on a tout le temps, toute la vie et tous les éléments qu'on a.
15:05 Là, c'est le voisinage total.
15:07 C'est les pavillons à côté,
15:09 c'est la famille,
15:11 c'est les connaissances de la personne,
15:15 c'est les collègues de police,
15:21 la police locale qui peut nous dire
15:23 si effectivement il y a des gens
15:25 qui sont connus pour des cas dans le coin ou pas du tout,
15:27 s'il y a des choses particulières
15:29 qui se sont produites la nuit,
15:31 des choses qui ont été contrôlées dans le coin.
15:33 À côté du domicile, il y avait un bar
15:35 et donc à ce sujet-là,
15:37 on a eu déjà une petite avancée
15:39 concernant un individu
15:41 qui aurait été vu dans la soirée
15:43 de façon très floue,
15:45 sans grande description
15:47 qui permet d'identifier immédiatement,
15:49 donc devant le domicile.
15:51 Les collègues qui sont allés
15:53 dans ce fameux bar à côté
15:55 sont tombés sur le gérant du bar
15:57 qui par exemple,
15:59 par bonheur pour nous,
16:01 par malheur pour l'auteur,
16:03 juste au moment où,
16:05 quasiment au moment où ça s'est passé,
16:07 avait besoin d'aller dans sa réserve
16:09 pour aller rechercher des bouteilles pour s'approvisionner.
16:11 Sur le trottoir,
16:13 le gérant du bar aperçoit furtivement
16:15 la silhouette d'un homme qui semble s'enfuir,
16:17 un objet encombrant dans les bras.
16:19 Inquiet, il appelle aussitôt la police.
16:21 Il n'y a pas tellement de pistes
16:25 au départ dans cette affaire.
16:27 Il n'y a pas tellement de pistes
16:29 si ce n'est que tout se passe à argent d'oeil
16:31 et qu'on a un signalement
16:33 qui est donné par le monsieur
16:35 qui tient le café juste à côté
16:37 de cette vieille dame
16:39 et on travaille sur le signalement
16:41 qui est quand même à la fois assez banal.
16:43 Le signalement c'est un type à 1m70,
16:45 corpulence normale, apparemment les cheveux bruns.
16:47 Il le voit de dos en train de s'enfuir.
16:49 Donc autant vous dire
16:51 qu'il n'est déjà pas capable de le reconnaître.
16:53 Pour la police,
16:55 il est possible de dresser un portrait robot.
16:57 Les enquêteurs doivent poursuivre leurs recherches.
16:59 À Argent d'oeil,
17:01 la nouvelle du meurtre de Marie-Madeleine Révillon,
17:03 surnommée par tous Marinette,
17:05 se répand comme une traînée de poudre.
17:07 La vieille dame était une figure locale,
17:09 journaliste dans l'hebdomadaire de la ville.
17:11 La première personne qu'on a pensé appeler,
17:17 c'était moi parce qu'on savait que
17:19 j'étais assez proche de Marinette.
17:21 J'étais vraiment stupéfait.
17:23 Je n'aurais pas imaginé que ça puisse se produire.
17:25 Alors Marinette, d'abord, c'est une toute petite femme.
17:27 Elle est très extravertie dans le travail,
17:29 très introvertie en ce qui la concerne.
17:31 C'est-à-dire, on ne sait pas grand-chose sur sa vie.
17:33 Elle n'en parle jamais.
17:35 Elle n'a pas envie d'en parler.
17:37 Marinette vit seule à Argent d'oeil depuis 40 ans.
17:43 Ce qui était quand même son grand secret,
17:47 c'est qu'au départ, il y avait un immense chagrin d'amour.
17:49 C'était comme ça, à cette époque.
17:51 Marinette, elle est née juste avant la première guerre mondiale.
17:53 Il y avait des femmes qui avaient un grand amour
17:55 qui ne réussissait pas à se faire,
17:57 qui se concrétisait pour x, y raison.
17:59 Et puis, elles ne s'en remettaient pas.
18:01 Et donc, elle est restée seule toute son existence
18:03 avec cette histoire qu'elle a essayé de gérer au mieux
18:05 à sa façon, donc en remplissant sa vie d'autre chose,
18:07 du journalisme.
18:09 C'était un personnage que tout le monde
18:11 connaissait à Argentin.
18:13 Dans tout le quartier, tout le monde connaissait Marinette.
18:15 Les gardiens, tout le monde voit Marinette.
18:17 "Salut, Marinette. Bonjour, Marinette."
18:19 Il y a l'arrivée avec son petit vélo noir, là.
18:21 C'est le prototype des journalistes locaux
18:23 qui est complètement immergé dans sa société.
18:25 Et non seulement, elle va voir tout le monde,
18:27 mais tout le monde va la voir.
18:29 C'est la vedette, en quelque sorte,
18:31 à chaque manifestation.
18:33 C'est la personne importante,
18:35 celle qui va faire l'article, que tout le monde va lire.
18:37 Alors, Marinette, elle est tout le temps à la police.
18:39 Il faut se représenter qu'elle est, en quelque sorte,
18:41 une petite fille du commissariat.
18:43 Moi, à l'époque, j'étais pas un policier.
18:45 J'étais un policier de la police.
18:47 À l'époque, j'étais pas un policier.
18:49 J'étais un scribouillard, moi, au commissariat.
18:51 Vous savez, je remplissais les registres.
18:53 Je répondais au téléphone.
18:55 J'allumais le poêle à charbon du commissariat.
18:57 Enfin, bref.
18:59 Et Marinette, bon,
19:01 on venait là d'une manière très discrète.
19:03 Il y avait des atomes crochus entre nous.
19:05 Oui, j'avais beaucoup de sympathie pour elle.
19:07 Voilà. Voir de l'amitié.
19:09 - Elle pourrait presque être un personnage
19:11 d'un roman de Simnon.
19:13 Ce serait typique de cette atmosphère.
19:15 De ce côté à la fois bon enfant
19:17 et un peu brutal quand même.
19:19 Et en même temps, très fraternel.
19:21 - Marinette, c'était...
19:23 C'était une institution,
19:25 la chaîne qu'on n'abat pas comme ça.
19:27 - Les enquêteurs découvrent
19:29 que Marinette Révillon a passé sa vie
19:31 à rédiger des articles sur des faits divers.
19:33 Des crimes, des décès,
19:35 des cambriolages en tout genre
19:37 remplissent le quotidien de la journaliste.
19:39 Marie-Madeleine passe le plus clair
19:41 de son temps au commissariat d'arrestation.
19:43 Elle traquait l'info.
19:45 Pourtant, dès le début de l'enquête,
19:47 les policiers découvrent que la spécialiste
19:49 des faits divers faisait confiance à tout le monde.
19:51 - Elle était très...
19:53 Très confiante, finalement.
19:55 C'était pas la femme à se barricader.
19:57 Elle faisait confiance.
19:59 Comment ça a pu se produire?
20:01 On a fait une énigme.
20:03 J'étais vraiment scandalisé.
20:05 J'étais...
20:07 J'étais...
20:09 J'étais...
20:11 Scandalisé.
20:13 Je comprenais pas.
20:15 Je comprenais pas.
20:17 - Qui avait un motif de vengeance?
20:19 - Les enquêteurs épluchent
20:21 les articles rédigés par Marinette
20:23 dans l'espoir d'y trouver un motif de vengeance.
20:25 Et si la vieille dame
20:27 s'était attirée les foudres d'un criminel
20:29 épinglé par sa plume?
20:31 Mais Marinette n'a aucun ennemi.
20:33 L'enquête de personnalité
20:35 révèle au contraire une vie simple et modeste.
20:37 - Là, on se rend compte
20:39 que vraiment, c'est une personne
20:41 qui vivait un petit peu recluse.
20:43 Elle s'était un petit peu retirée
20:45 chez elle-même.
20:47 Quelqu'un de très gentil
20:49 qui accueillait les gens,
20:51 qui apparemment s'est un petit peu abusée.
20:53 Donc, quelqu'un
20:55 avec un aspect facile
20:57 qui laissait rentrer des gens.
20:59 On aurait pu croire, effectivement,
21:01 dans ce cadre-là,
21:03 que ça aurait pu être une aide ménagère
21:05 ou qui profite de la faiblesse de la personne.
21:07 Mais bon, ces gens-là ont été entendus
21:09 et visiblement, c'était pas eux.
21:11 Ça semblait être quelqu'un d'extérieur
21:13 qui était venu.
21:15 Donc, il fallait chercher
21:17 sur un motif crapuleux
21:19 complètement différent
21:21 de l'entourage de la personne.
21:23 - Les enquêteurs découvrent
21:25 que le seul élément volé à la victime
21:27 est une vieille télévision en noir et blanc.
21:29 Télévision qu'ils retrouvent
21:31 abandonnée sur le trottoir
21:33 à 20 m du domicile de la victime.
21:35 La police ne comprend pas.
21:37 Il semblerait que le crime n'est aucun mobile.
21:39 - Et puis, il y a des choses bizarres
21:43 dans ce dossier. Il y a la télévision
21:45 qui est retrouvée à l'extérieur,
21:47 qu'il y a rien à faire là.
21:49 Rien n'est volé à l'intérieur
21:51 à part cette télé parce que manifestement,
21:53 il n'y a pas grand-chose à voler.
21:55 Enfin bon, c'est bizarre.
21:57 - Sur la télévision,
21:59 la police technique et scientifique
22:01 ne retrouve aucune empreinte
22:03 sur le crime. Son enquête de personnalité
22:05 n'apporte aucun élément nouveau.
22:07 Les auditions du voisinage n'ont plus.
22:09 Les policiers continuent leurs investigations.
22:11 Une vieille dame torturée,
22:15 des touffes de cheveux de la victime,
22:17 un couteau de cuisine taché de sang,
22:19 un sac à main vidé de son contenu,
22:21 une télévision volée et abandonnée aussitôt.
22:23 L'enquête des policiers piétine.
22:25 - On a des éléments
22:29 avec les fichiers de police locaux
22:31 concernant des jeunes
22:33 qui traînent dans le quartier,
22:35 qui font des conneries,
22:37 des cambriolages, des agressions.
22:39 On a donc une bande
22:41 qui traîne dans un quartier défini
22:43 avec une liste de noms
22:45 qui...
22:47 Bon, pour l'instant,
22:49 il y en a plusieurs qui peuvent correspondre
22:51 avec un signalement très vague.
22:53 On se dit, oui, celui-là,
22:55 pourquoi pas l'autre.
22:57 On a des noms qui apparaissent
22:59 mais on n'a pas...
23:01 On n'a pas d'élément particulier
23:03 qui nous rattache, donc,
23:05 l'auteur potentiel à la victime.
23:07 Assez rapidement, on avait fait le tour
23:09 de ce qu'on pouvait faire.
23:11 Autant la personne était la victime
23:13 que le voisinage,
23:15 que les collègues locaux.
23:17 On avait fait un petit peu le tour
23:19 des éléments qu'on pouvait gratter
23:21 et on restait un petit peu sec,
23:23 comme on dit. On était un petit peu
23:25 dans l'attente d'un petit indice
23:27 qui nous permettait de dénoncer
23:29 ce qui se passait.
23:31 L'information qui va nous permettre
23:33 de délucider cette affaire,
23:35 elle trouve son origine
23:37 à la brigade des stupéfiants
23:39 de la PJ Versailles à l'époque,
23:41 puisqu'un des chefs de groupe
23:43 qui est le chef de groupe
23:45 de Voix Publique,
23:47 lui, il a une information
23:49 disant qu'un individu
23:51 qui a été interpellé
23:53 pour vol à main armée
23:55 à l'époque, c'est manifestement
23:57 qui a tué Marinette Révilleux.
23:59 Donc, quand il est
24:01 extrait de prison,
24:03 nous, on part à l'antenne PJ
24:05 de Sergi pour essayer de s'entretenir
24:07 avec ce garçon, et avec qui
24:09 on va discuter pendant deux ou trois heures
24:11 et il va effectivement nous dire
24:13 "moi je ne sais pas ce qui s'est passé,
24:15 tout ce que je peux vous dire
24:17 c'est que la rumeur argentelle dit que c'est
24:19 Rahmani Abdelhak qui a commis ce meurtre".
24:21 [Musique]
24:23 [Musique]
24:25 [Musique]
24:27 - Il ne s'arrive pas très souvent, mais il a été bavard.
24:29 Et puis il a donné le nom,
24:31 il a donné un nom, un nom qui
24:33 figurait déjà dans les
24:35 listings qu'on avait pu récupérer au commissariat.
24:37 Donc là, ça commence à être
24:39 bon, ça commence à sentir bon comme on dit.
24:41 - C'est déjà énorme dans le cadre d'une affaire comme ça,
24:43 d'avoir le nom de l'auteur, il y a beaucoup
24:45 de policiers qui aimeraient être dans la même situation que nous, je pense.
24:47 - Il confirme la rumeur qui
24:49 circule dans le quartier.
24:51 "Oui, moi j'ai
24:53 entendu dire que...
24:55 Oui, c'est quelqu'un que je connais, que je fréquente,
24:57 et tout le monde dit que c'est lui".
24:59 Et alors pourquoi,
25:01 pourquoi la rumeur dit que c'est lui ?
25:03 Parce qu'il en a parlé à plusieurs
25:05 personnes, qu'il est parti au bled juste après,
25:07 qu'il est connu pour être violent.
25:09 Donc voilà,
25:11 tout le monde dans le quartier sait que c'est lui.
25:13 [Musique]
25:15 - Les enquêteurs ont enfin un nom,
25:17 Abdellah Kramani.
25:19 Et même si ce nom n'est encore qu'une rumeur,
25:21 pour la police judiciaire de Versailles,
25:23 c'est une avancée de taille.
25:25 Abdellah Kramani, 22 ans,
25:27 est bien connu des services de police.
25:29 Domicilier à Argenteuil,
25:31 la rumeur dit qu'il est retourné au bled, au Maroc.
25:33 Il a fait l'objet de quatre
25:35 condamnations dans le passé, pour vol
25:37 avec effraction et agression.
25:39 Celui que désigne la rumeur,
25:41 atout d'un délinquant récidiviste.
25:43 - Kramani, c'est un être
25:45 qui galère, qui est un petit peu paresseux.
25:47 Quand on voit son curriculum vitae,
25:49 il a essayé de faire plombier, mais au bout de deux mois,
25:51 il a abandonné parce que c'était trop dur.
25:53 Il n'a aucun déclic
25:55 pour se dire,
25:57 "je vais m'en sortir".
25:59 Donc, il vit
26:01 chez ses parents,
26:03 tranquille.
26:05 Un grand paresseux,
26:07 comme je dis, un grand méchant mou.
26:09 Il va café en café,
26:11 il se prend
26:13 une douzaine de joints par jour.
26:15 Pas d'objectif,
26:17 pas d'idéal,
26:19 aucune culture.
26:21 C'est une silhouette qui se promène,
26:23 comme ça.
26:25 - Les policiers tentent d'en savoir
26:27 un peu plus sur Abdellah Kramani.
26:29 Mais ils veulent rester discrets.
26:31 Pas question d'éveiller les soupçons du jeune homme.
26:33 Car s'il apprend que les services de police
26:35 s'intéressent à lui, Abdellah Kramani
26:37 risque de disparaître à jamais.
26:39 Les policiers auditionnent donc
26:41 les personnes qui le connaissent.
26:43 Mais évite soigneusement ses proches intimes
26:45 et sa famille.
26:47 - On essaie de savoir si c'est quelqu'un
26:49 qui est violent,
26:51 qui a l'habitude de faire des cas.
26:53 On se rend compte
26:55 que c'est un jeune qui a des problèmes,
26:57 qui a l'habitude de boire.
26:59 Il était plus gérable.
27:01 Une fois qu'il avait bu, il pouvait faire n'importe quoi.
27:03 D'après ce que disaient ses proches.
27:05 Ils nous disent que c'est quelqu'un qui fumait du shit.
27:07 Et qui donc,
27:09 sans travail et consommateur
27:11 régulier de shit,
27:13 dit forcément besoin d'argent pour acheter des doses.
27:15 Ca confirme
27:17 que c'est quelqu'un qui est capable d'eux.
27:19 On se dit...
27:21 On étudie
27:23 les affaires pour lesquelles il a été interpellé.
27:25 Voilà, les fractions,
27:27 l'agression, c'est bon.
27:29 C'est quelqu'un qui a le profil.
27:31 - Alors ce qu'on fait, nous, c'est qu'on va
27:33 travailler sur... Déjà, parce qu'on ne sait pas
27:35 s'il est tout seul. On dit que c'est lui qui a fait ça.
27:37 Mais on ne sait pas s'il est un guetteur.
27:39 On ne sait absolument pas comment ça s'est passé à l'intérieur.
27:41 Ni combien ils sont.
27:43 Donc nous, on va travailler sur les gens
27:45 qui sont dans son environnement.
27:47 Les gens de sa famille. On fait des repérages
27:49 sur le domicile déclaré qui est celui de ses parents
27:51 à Argenteuil. Et ensuite,
27:53 on va mettre sur écoute la ligne fixe
27:55 des parents d'Abdellah Kramani.
27:57 - A partir de ce moment-là,
27:59 soit 3 semaines après le meurtre
28:01 de Marie-Madeleine Révillon,
28:03 les enquêteurs écoutent scrupuleusement
28:05 toutes les conversations téléphoniques de la famille Kramani.
28:07 Et celles de la mère d'Abdellah Kramani
28:09 intéressent particulièrement les policiers.
28:11 - Ce qu'on apprend, c'est que
28:15 effectivement, Ramani Abdellah
28:17 qui a disparu, puisque sur plusieurs
28:19 conversations téléphoniques, sa mère dit
28:21 qu'il n'est pas là, qu'il est au Maroc.
28:23 On se doute, parce que l'écoute
28:25 va durer très très longtemps,
28:27 qu'il y a un phénomène
28:29 qui a motivé le départ d'Abdellah Kramani
28:31 au Maroc. La mère
28:33 sait que quelque chose de grave s'est passé
28:35 mais magnifiquement, elle ne sait pas quoi.
28:37 - Ses proches lui disent de ne pas rentrer.
28:39 On ne sait pas s'ils sont au courant
28:43 de ce qu'il a fait,
28:45 mais on voit qu'ils lui disent
28:47 de ne pas rentrer parce qu'ils ont peur qu'on l'interpelle.
28:49 Les policiers en ont la preuve.
28:53 Abdellah Kramani a quelque chose à cacher
28:55 et c'est pour cela qu'il a pris la fuite.
28:57 Mais sur le territoire marocain,
28:59 aucune autorité française ne peut l'interpeller.
29:01 Seule solution pour les enquêteurs,
29:03 attendre que le jeune homme décide de rentrer.
29:05 - On ne fait rien.
29:09 On ne fait absolument rien
29:11 parce qu'on ne veut pas que quelque chose
29:13 contrarie sa décision
29:15 de rentrer en France.
29:17 Puisqu'il reste au Maroc, la seule solution,
29:19 alors qu'on n'a pas
29:21 encore la comparaison
29:23 de l'empreinte Palmer
29:25 avec Kramani. On ne sait pas si c'est la sienne.
29:27 On ne sait pas.
29:29 On ne peut pas dénoncer l'effet au Maroc
29:31 parce qu'on n'a pas assez d'éléments objectifs
29:33 pour lui attribuer ce meurtre.
29:35 Et si on commence à droite, à gauche
29:37 à poser des questions sur Abdellah Kramani,
29:39 ça va forcément lui revenir aux oreilles
29:41 et il n'aura peut-être pas envie de rentrer tout de suite.
29:43 Donc, ce n'est pas très compliqué, on ne fait rien.
29:45 On est invisible,
29:47 on écoute et on attend.
29:49 - On sait qu'à un moment donné, lui, il veut rentrer.
29:51 Pour quel motif ?
29:53 C'est assez classique.
29:55 Les gens qui ont l'habitude de vivre en France
29:57 et d'avoir leur vie en France,
29:59 même s'ils sont originaux dans notre pays,
30:01 même s'il y a de la famille dans notre pays,
30:03 au bout d'un moment,
30:05 ils ne s'y sentent plus très bien.
30:07 Ils ont la nostalgie de leur milieu
30:09 et de leurs habitudes
30:11 et ils finissent par rentrer
30:13 au bout de 2 mois, 2 mois, 6 mois.
30:15 On sait qu'à un moment donné,
30:17 il y aura quelque chose qui va se passer.
30:19 - Et la patience des policiers
30:21 va payer.
30:23 Au bout de 9 mois d'écoute téléphonique,
30:25 ils apprennent, lors d'une conversation anodine
30:27 de Mme Ramani avec une cousine,
30:29 qu'Abdelhak est rentré.
30:31 - Et donc, il rentre.
30:33 Le 3 septembre, on interpelle,
30:35 on investit l'appartement de ses parents
30:37 là où il est. L'interpellation se passe bien.
30:39 Il est tranquille chez ses parents.
30:41 Ils ne comprennent pas pourquoi on vient le chercher.
30:43 On lui dit sur quoi on enquête.
30:45 Il dit "Je ne comprends pas, je n'y suis pour rien."
30:47 - Les policiers placent aussitôt Abdelhak Ramani
30:51 en garde à vue et l'interrogent.
30:53 Le jeune suspect est très calme
30:55 et nie en bloc avoir une quelconque responsabilité
30:57 dans le meurtre de Marinette Révillon.
30:59 - Il y a un décalage entre les constatations,
31:03 le crime, la violence du crime
31:05 et la passivité du gars qu'on a
31:07 en garde à vue chez nous, ça c'est clair.
31:09 J'avais même trouvé ça décevant, moi.
31:11 J'avais même trouvé ça décevant à l'époque.
31:15 C'était il y a un moment, déjà.
31:17 - Les policiers disposent de très peu d'éléments.
31:19 Le crime est atroce
31:21 et le suspect presque banal.
31:23 Les dénégations de Ramani promettent
31:25 un interrogatoire compliqué.
31:27 - Je vais être le seul à l'entendre.
31:29 Je commence par lui présenter l'album
31:31 "Est-ce que le quartier, ça te dit quelque chose ?"
31:33 Ça lui dit rien,
31:35 il n'y est jamais passé,
31:37 il ne sait pas où c'est.
31:39 A l'issue de cette première audition
31:41 où il nie absolument tout,
31:43 on lui prélève l'empreinte de sa paume.
31:45 Il redescend en garde à vue, manger tranquillement
31:49 et pendant ce temps-là, les techniciens d'identité judiciaire
31:51 font la comparaison entre
31:53 sa paume à lui
31:55 et la trace qui est retrouvée sur la fenêtre
31:57 côté extérieur
31:59 du logis de Mme Rémillon.
32:01 Et évidemment, la comparaison est positive, c'est la même.
32:03 La trace palmaire retrouvée sur la scène du crime
32:07 est le seul indice matériel dont disposent les policiers.
32:09 Si elle correspond à l'empreinte de Ramani,
32:13 c'est pour les enquêteurs la possibilité d'inverser
32:15 le rapport de force pendant l'interrogatoire.
32:17 Vers début d'après-midi,
32:19 15h, 15h30,
32:21 deuxième audition.
32:23 Là, on discute.
32:25 Je lui dis "T'as bien réfléchi ?".
32:27 Puis là, il n'est pas bien.
32:29 On voit qu'il n'est pas super bien.
32:31 Et quand je lui montre la photo
32:33 du transfert de la trace,
32:35 je lui montre la fenêtre, je lui dis
32:37 "Tu vois la photo, là, la trace, c'est ta main".
32:39 Alors là, il blémit.
32:41 Et puis là, il sent qu'il est coincé.
32:43 Lui, il comprend tout de suite.
32:45 Et là, il raconte tout de suite.
32:47 Le jeune Abdelhak prétend que le 16 janvier 1996,
32:51 après avoir fumé plus d'une dizaine de joints,
32:53 il avait passé la soirée seul
32:55 dans plusieurs bars d'Argenteuil.
32:57 Il en était sorti vers 23h environ,
32:59 fortement alcoolisé.
33:01 Il dit avoir erré pendant quelques instants
33:03 dans les rues.
33:05 Et s'être retrouvé devant le domicile
33:07 de Marie-Madeleine Révillon, par hasard.
33:09 Il raconte,
33:11 il a fait un petit déjeuner,
33:13 par hasard.
33:15 Il raconte, il raconte,
33:17 il est entré
33:19 chez la victime.
33:21 Dans la rue de Marinette,
33:23 à cette heure-là, seule la fenêtre
33:25 de la vieille dame est éclairée.
33:27 Le jeune Rahmani déclare au policier que c'est d'ailleurs
33:29 cette lumière qui a attiré son attention.
33:31 Il dit également avoir jeté une pierre
33:33 contre le carreau,
33:35 et s'être précipité sur la porte d'entrée.
33:37 Une personne lui a ouvert,
33:39 il a pénétré de force dans l'appartement.
33:41 Il l'a frappé,
33:43 il voulait sa carte bleue.
33:45 Elle lui a dit,
33:47 j'ai pas de carte bleue, il l'a pas cru,
33:49 il l'a frappé, il a été violent.
33:51 Mais chez Marie-Madeleine Révillon,
33:53 il n'y a rien à voler.
33:55 La journaliste ne possède ni carte bleue,
33:57 ni objet de valeur.
33:59 Elle le dit à son agresseur.
34:01 Mais pour le jeune Rahmani,
34:03 le refus d'obtempérer de la vieille dame
34:05 est vécu comme un terrible affront.
34:07 Il se met alors à la rouer de coups
34:09 et va même chercher un couteau de cuisine.
34:11 Menaces, tortures, violences,
34:13 le calvaire de Marinette
34:15 se poursuit de pièce en pièce.
34:17 Mais la vieille dame, qui n'a rien à donner
34:19 à son agresseur, ne parle pas.
34:21 Hors de lui, le jeune homme met
34:23 l'appartement à sac,
34:25 et s'enfuit en désespoir de cause
34:27 avec le seul objet qui peut lui rapporter
34:29 un peu d'argent, une vieille télévision.
34:31 Il laisse sa victime agonisante,
34:33 à peine vivante.
34:35 Il a pris la télé, il est sorti,
34:37 il s'est trop lourd, il s'est enfui.
34:39 Et ensuite, il se rend compte qu'il fait
34:41 une énorme connerie, et il part au Maroc.
34:43 Abdellah Kramani explique
34:47 aux policiers qu'après avoir déposé
34:49 la télévision, il a traîné dans les rues
34:51 d'Argenteuil et s'est endormi sur un banc.
34:53 Il affirme ensuite être passé
34:55 chez lui le lendemain matin,
34:57 prendre un sac de voyage, et s'être
34:59 enfui au Maroc par le train.
35:01 Et il nous dit, lui,
35:03 qu'il est toxicomane à la résine de cannabis,
35:05 au shit, et que c'est pour se payer
35:07 son shit qu'il essayait de trouver de l'argent.
35:09 Par contre,
35:11 il essaie de minimiser
35:13 son intention, ses actes,
35:15 en disant "je voulais pas la tuer, j'étais pas au courant".
35:17 Quand on lui dit qu'elle est
35:19 morte, il fait comme s'il était pas au courant,
35:21 parce qu'il dit "moi, quand je suis partie,
35:23 j'étais toujours vivante".
35:25 Alors, il a pas complètement tort, puisqu'effectivement,
35:27 elle meurt, qu'elle est déclarée
35:29 décédée qu'à 2h du matin.
35:31 Mais la pauvre, elle est dans un tel état qu'elle ne devait pas
35:33 être bienvaillante quand elle est partie.
35:35 Il peut pas nous expliquer pourquoi la victime est dans cet état-là,
35:37 puisqu'il va nous dire
35:39 que ça correspond pas au coup
35:41 que lui a porté. Il reconnaît
35:43 avoir sauté sur elle et l'avoir
35:45 un petit peu frappée, mais
35:47 manifestement pas autant
35:49 que le médecin légiste a pu le constater.
35:51 Parce qu'elle a été massacrée,
35:53 c'est clair, et dans mes souvenirs,
35:55 il dit pas qu'il la massacre.
35:57 On lui dit "ouais, mais tu te rends pas compte,
35:59 t'as frappé des personnes, c'était violent,
36:01 tu lui as cassé des côtes, tu lui as arraché
36:03 les cheveux, ouais,
36:05 c'est possible, oui, j'étais bourré,
36:07 je m'en souviens pas bien,
36:09 dans tout état de cause,
36:11 quand je suis partie, elle était vivante, au moment qu'elle est morte,
36:13 elle était vivante quand je suis partie.
36:15 Si on compare les blessures qu'a subies la victime
36:17 qui ont été mises en lumière par l'autopsie
36:19 et les déclarations
36:21 qu'il nous fait, lui,
36:23 il prend pas pour lui l'intégralité des violences
36:25 qui ont été subies par la victime.
36:27 Il est hyper évasif sur les
36:29 coups portés à Madame Révillon
36:31 et c'est tout juste
36:33 si il est pas
36:35 en train de nous dire que quelqu'un
36:37 est passé derrière lui pour finir le boulot.
36:39 Les aveux du suspect
36:41 laissent planer un doute.
36:43 Si, comme le dit Abdéla Kramani,
36:45 une tierce personne a pénétré chez
36:47 Madame Révillon le soir du meurtre, qui est-elle ?
36:49 On le met en face de ce qui se passe
36:53 et surtout, on lui dit
36:55 qu'il ment parce que
36:57 le tenancier du café
36:59 le voit s'enfuir.
37:01 Lui, il appelle les secours tout de suite.
37:03 Donc il est impossible,
37:05 comme il le dit, qu'un type
37:07 passe derrière lui pour,
37:09 comme on peut le dire, finir le travail.
37:11 C'est impossible. C'est la preuve
37:13 irréfutable qu'il ment.
37:15 Abdéla Kramani semble bien être le seul coupable
37:19 des blessures et tortures subies par
37:21 Marinette ce 16 janvier 1996.
37:23 Mais il dit ne pas
37:25 se souvenir des coups portés sur sa victime.
37:27 Est-il possible que l'effet
37:29 des toxiques qu'il avait absorbés ce soir-là
37:31 ait altéré son discernement ?
37:33 En d'autres termes,
37:35 les joints qu'il avait fumés, additionnés
37:37 aux alcools forts de la soirée, ont-ils
37:39 pu modifier sa perception des événements ?
37:41 La plupart des toxiques
37:43 ont un effet annihilateur
37:45 des barrières morales
37:47 habituelles. C'est ce qui est dit,
37:49 c'est ce qui est couramment admis.
37:51 Et je pense que l'alcool et le cannabis
37:53 ont peut-être joué un rôle,
37:55 c'est possible, un rôle facilitateur,
37:57 un rôle éventuellement
37:59 révélateur, mais pas
38:01 du tout un rôle original.
38:03 Le cannabis et l'alcool
38:05 ne peuvent pas être
38:07 considérés comme étant
38:09 strictement à l'origine des faits. C'est pas possible.
38:11 C'est une personnalité,
38:13 de type psychopathique, qui
38:15 éventuellement peut avoir
38:17 des débordements comportementaux
38:19 plus importants sous alcool
38:21 et sous cannabis que s'il n'en avait pas pris.
38:23 En fait, d'une façon générale,
38:25 c'est un individu qui est déjà
38:27 impulsif et effectivement, peut-être
38:29 que l'alcool et le cannabis ont facilité
38:31 le passage à l'acte. Mais comme cause
38:33 du passage à l'acte, non, c'est pas possible.
38:35 Et c'est simplement sa personnalité
38:37 qui s'est révélée sous l'alcool et le cannabis.
38:39 L'addiction aux toxiques d'Abdéla Kramani
38:43 n'explique donc pas la violence extrême
38:45 du crime. Pour les enquêteurs
38:47 qui ont auditionné le jeune homme à plusieurs
38:49 reprises, son passage à l'acte
38:51 se justifie autrement.
38:53 C'était un
38:55 moyen pour obtenir quelque chose.
38:57 Ce n'était pas quelqu'un qui se faisait plaisir
38:59 à torturer, je ne pense pas. Mais
39:01 tous les moyens étaient bons.
39:03 Et on pense
39:05 que c'est pas forcément rendu
39:07 compte de... Et que peut lui importer, en fait,
39:09 de ce qui se passerait par la suite, quoi.
39:11 C'est dans la...
39:13 On va dire dans l'excitation,
39:15 du moment...
39:17 Ça va de plus en plus loin, quoi.
39:19 D'abord on tire les cheveux, après si ça résiste,
39:21 on met une claque, deux claques, un coup de poing,
39:23 il faut que la démarche soit brisée.
39:25 Puis ça suffit pas,
39:27 on appuie la tête par terre,
39:29 enfin voilà, c'est...
39:31 Après tout s'enchaîne, quoi.
39:33 Marie-Madeleine
39:35 a été attaquée, torturée,
39:37 battue à mort par son bourreau.
39:39 Mais quel est le mobile du crime ?
39:41 Comment admettre que
39:43 Marie-Madeleine ait été tuée pour une vieille
39:45 télévision en noir et blanc ?
39:47 Cet acte violent et gratuit a profondément
39:49 choqué et ému les habitants d'Argenteuil.
39:51 La mairie a d'ailleurs tenu
39:53 à rendre hommage à la journaliste.
39:55 Depuis près de dix ans,
39:57 une rue porte aujourd'hui son surnom,
39:59 Marinette Révillon.
40:01 Une forme de reconnaissance vis-à-vis
40:03 de cette femme
40:05 qui aimait beaucoup
40:07 sa ville,
40:09 et qui était
40:11 toujours à la recherche de quelque chose
40:13 qui pouvait
40:15 donner une mauvaise impression de la ville.
40:17 Donc, elle voulait savoir.
40:19 Elle participait
40:21 à...
40:23 disons à...
40:25 à l'information à l'intérieur de la ville.
40:27 Car Marinette
40:29 était aimée de tous.
40:31 Plus de 1500 personnes avaient d'ailleurs tenu
40:33 à assister à ses obsèques.
40:35 L'enterrement,
40:37 c'est le moment le plus émouvant.
40:39 On est au milieu de tous les gens qui l'aiment.
40:41 On est bouleversés
40:43 devant ce petit cercueil.
40:45 Et on ne sait pas trop quoi dire.
40:51 Mais là, encore,
40:53 on n'a pu mesurer
40:55 combien elle avait marqué
40:57 quand même les esprits
40:59 de gens,
41:01 que ce soit au commissariat
41:03 ou voire dans la ville.
41:05 Certes, vous savez, une ville, surtout comme Argenteuil,
41:07 ça bouge, ça.
41:09 Après, ça change.
41:11 Mais elle avait marqué les gens de son époque.
41:13 C'est clair.
41:15 Ça marque les esprits.
41:17 Ça marquait les policiers, les pompiers,
41:19 tout le monde.
41:21 C'est un peu comme si on racontait un cyclone
41:23 et qu'on était avalé par lui.
41:25 On ne s'attend pas à cet épisode-là.
41:27 Et donc,
41:29 ça crée un climat spécial sur les obsèques.
41:31 Une victime de 84 ans.
41:35 Un suspect de 22 ans.
41:37 Un toxicomane qui avoue l'effet
41:39 mais ni l'horreur de la totalité de ses actes.
41:41 À l'issue de sa garde à vue,
41:43 Abdéla Kramani est mise en examen
41:45 pour meurtre sur personnes particulièrement vulnérables,
41:47 acte de torture et de barbarie,
41:49 vol avec effraction.
41:51 C'est le début de l'instruction.
41:53 Quand il est présenté devant le juge d'instruction
41:57 après sa garde à vue,
41:59 il réitère ses aveux.
42:01 Et donc, une fois qu'on l'a arrêté et qu'on a ses aveux,
42:03 pour moi, l'affaire est terminée.
42:05 En fait, elle l'est pas.
42:07 Parce que moi, à l'époque, j'ai pas complètement l'habitude.
42:09 Mais il y a toute l'instruction,
42:11 il y a des choses à vérifier.
42:13 Le juge d'instruction
42:15 place Ramani en détention à la maison d'arrêt d'Aunis.
42:17 Le dossier paraît simple.
42:19 Pourtant, au bout d'un mois,
42:21 l'affaire connaît un rebondissement
42:23 pour le moins inattendu.
42:25 Beaucoup plus tard, dans le cadre de l'instruction,
42:27 Ramani se rétracte.
42:29 Il dit,
42:31 "L'EPV,
42:33 c'est le policier qui l'a tapé
42:35 et qui m'a forcé à le signer.
42:37 C'est un complot de la police, au moins.
42:39 Et je suis absolument pas l'auteur
42:41 du meurtre d'Alain Breville."
42:43 Un complot de la police.
42:47 Des aveux déjà rédigés.
42:49 Abdelhaq Ramani clame désormais son innocence.
42:51 Mais la rétractation,
42:53 c'est le sport national, souvent,
42:55 chez les mis en examen.
42:57 Ben, il doit
42:59 crier au mythe du complot,
43:01 le meurtre sur personne vulnérable,
43:03 acte de torture et de barbarie.
43:05 Je pense que son avocat
43:07 devait lui expliquer
43:09 à quelle peine de prison
43:11 il était confronté.
43:13 Mais il faudrait qu'il m'explique
43:15 pourquoi est-ce que,
43:17 lors du premier interrogatoire de Ramani,
43:19 chez le juge d'instruction,
43:21 pourquoi il réitère ses aveux circonstanciés.
43:23 Hein ?
43:25 Là, le policier, il est pour rien.
43:27 Là, il est pas là.
43:29 C'est le juge.
43:31 Alors, à ce moment-là, le juge d'instruction est un menteur.
43:33 Le greffier, celui qui tape la déposition,
43:35 est un menteur.
43:37 Et l'avocat de Ramani,
43:39 qu'il assistait lors de sa
43:41 première comparaison dans le juge d'instruction,
43:43 cet avocat-là est lui aussi un menteur.
43:45 Ah oui.
43:47 Tout le monde ment.
43:49 Sauf Ramani.
43:51 Mais le jeune homme
43:53 campe sur ses positions.
43:55 Ce n'est pas lui qui a tué Marie-Madeleine Révillon.
43:57 Son avocat construit sa défense.
43:59 Il y a, entre Ramani
44:01 et la victime,
44:03 un contraste étonnant.
44:05 J'avais en face de moi
44:07 Marinette,
44:09 qui bénéficiait d'une aura extraordinaire,
44:11 et puis j'avais
44:13 mon Ramani,
44:15 maghrébin,
44:17 relativement peu sympathique,
44:19 etc.
44:21 Mais je ne le vois pas
44:23 comme étant quelqu'un de particulièrement violent.
44:25 C'est plutôt un grand mot,
44:27 un grand nonchalant,
44:29 qui traîne sa paresse
44:31 de café en café, si on essaye de caricaturer
44:33 un tout petit peu.
44:35 Et voir
44:37 la bagarre
44:39 qui ressort des pièces du dossier,
44:41 des touffes de cheveux arrachées,
44:43 aller ligoter nue
44:45 sur son lit,
44:47 ou par terre,
44:49 on trouve l'appartement sans dessus-dessous,
44:51 c'est absolument extraordinaire.
44:53 Et c'est là où mon attention
44:55 est un petit peu enveillée en me disant
44:57 que ça ne colle pas.
44:59 Je me suis dit, mais la rumeur,
45:01 d'abord, à désigner Ramani,
45:03 puis
45:05 la police,
45:07 ses aveux,
45:09 ça n'a pas tellement de logique.
45:11 On dit, bon c'est Ramani,
45:13 il n'y a pas à se poser de questions, il n'y a que Ramani.
45:15 Et là je me dis,
45:17 mais prenons le contre-pied,
45:19 c'est peut-être pas Ramani.
45:21 Ce qui me fait avoir cette conviction,
45:23 c'est que
45:25 quand on regarde
45:27 le dossier de très près,
45:29 quand on l'étudie vraiment
45:31 très attentivement,
45:33 il y a des failles.
45:35 Et je me dis, s'il y a peut-être
45:37 une chance sur mille,
45:39 il faut l'utiliser.
45:41 14 mai 1998.
45:43 Le procès d'Abdéla Kramani
45:45 devant la cour d'assises du Val-d'Oise
45:47 débute.
45:49 Il est accusé de meurtre sur personnes
45:51 particulièrement vulnérables,
45:53 acte de torture et de barbarie,
45:55 vol avec effraction.
45:57 Et au cours des deux journées d'audience,
45:59 le jeune homme va continuer à clamer son innocence.
46:01 Moi je suis entendu
46:03 sur l'identification et les auditions
46:05 de Ramani.
46:07 Donc moi je témoigne de façon
46:09 normale, en expliquant ce que j'ai fait,
46:11 et en expliquant
46:13 à la présidente ce que Ramani
46:15 m'a dit pendant sa garde à vue.
46:17 Et là ensuite, la présidente me dit
46:19 "oui mais voilà",
46:21 à la fin de mon témoignage,
46:23 la présidente s'adresse à Ramani en disant,
46:25 ou le président, je sais plus,
46:27 "Monsieur Ramani, qu'est-ce que vous pensez de ce que vient de dire
46:29 le lieutenant,
46:31 je crois que j'étais déjà encore lieutenant à l'époque,
46:33 le lieutenant du Châtel, et bien il dit "mais c'est faux".
46:35 C'est faux.
46:37 Il a tout inventé,
46:39 le PV était prêt, j'ai eu qu'à signer,
46:41 il m'a forcé à signer.
46:43 Donc là moi je suis pas content,
46:45 j'entends ça. Et donc je le regarde,
46:47 je me dis "t'as quand même pas du culot
46:49 de raconter ça".
46:51 Le rapport d'audition du 3 septembre
46:53 1996,
46:55 rédigé par l'enquêteur Laurent Duchâtel,
46:57 stipule clairement qu'Abdélak Ramani
46:59 a affirmé avoir attaché
47:01 les mains de sa victime, l'avoir frappé
47:03 plusieurs fois en lui disant de lui donner
47:05 sa carte bleue.
47:07 Bien évidemment la présidente lui dit "Monsieur Ramani,
47:11 vous avez avoué à la police".
47:13 "Oui mais c'était
47:15 tout préparé,
47:17 j'ai même pas lu".
47:19 "Mais Monsieur Ramani,
47:21 le lendemain,
47:23 vous avez renouvelé
47:25 ses aveux devant le juge d'instruction".
47:27 "Oui mais j'étais pas bien encore,
47:29 j'étais pas bien,
47:31 c'était pas moi,
47:33 c'était pas moi,
47:35 j'avais eu trop de pression, etc."
47:37 Parce que je crois que même l'avocat
47:39 va oser défendre la thèse du complot de policier.
47:41 Alors qu'il n'y croit pas une minute.
47:43 Mais bon, c'est son métier de mentir.
47:45 Vous avez la police qui pendant neuf mois
47:47 a fait son boulot.
47:49 D'enquête, d'investigation,
47:51 ils ont pris les empreintes,
47:53 ils ont pris les photographies, etc.
47:55 Donc eux, ils ont parfaitement
47:57 l'affaire en tête. On lui suggère
47:59 des réponses.
48:01 Faut voir comment ça se passe. On lui suggère
48:03 des réponses et lui n'a que dire,
48:05 lui il dit oui.
48:07 Il dit oui. Moi la scène de crime, je l'ai pas vue,
48:09 j'ai vu que les albums photos et j'ai lu les PV.
48:11 Donc j'ai pas tiqueté sur certains détails.
48:13 Sur les détails de son audition,
48:15 c'est lui qui me les donne. Je les ai vérifiés
48:17 après avec l'album.
48:19 Mais moi j'ai pas la connaissance visuelle de la scène de crime.
48:21 Donc les détails qu'il donne,
48:23 moi je les ai pus. Je les ai pas en mémoire.
48:25 C'est ce que j'ai expliqué au président.
48:27 Ils ont Ramani,
48:29 ils sont persuadés que c'est lui.
48:31 "Bon alors, Ramani, tu nous dis que c'est toi,
48:33 donc la vieille,
48:35 tu l'as ligotée avec son pyjama bleu
48:37 et puis... Hein ?"
48:39 Le pyjama, quand je suis aux Assises,
48:41 je m'en suis même pas souvenu. Je m'en souvenais pas.
48:43 Mais il dit, attendez,
48:45 il dit "moi, je... pyjama bleu,
48:47 c'est vous qui m'avez parlé du pyjama bleu."
48:49 C'est lui qui m'en parle.
48:51 Je peux pas avoir
48:53 fait un faux PV.
48:55 Il y a des détails qui sont dedans dont je me souviens même pas.
48:57 L'enquête est peut-être
48:59 orientée au sens où
49:01 on ne pose pas suffisamment de questions précises
49:03 à Ramani.
49:05 "Vous êtes rentré comment ? Vous êtes rentré dans quelle pièce ?
49:07 Qu'est-ce que vous avez fait ? Quel a été votre premier geste ?
49:09 Le couteau, il était où ?
49:11 Vous l'avez saisi comment ? Pourquoi vous avez eu
49:13 besoin d'un couteau ?"
49:15 Il suffit pas d'avouer.
49:17 Les aveux doivent circonstancier.
49:19 S'ils sont pas circonstanciés, l'aveu,
49:21 il est nul. Il sert à rien.
49:23 Ça sert à rien pour un flic
49:25 ou pour un accusé de dire,
49:27 ou pour un gardé à vue, ou qui vous voudrait,
49:29 de dire "oui, c'est moi. Oui, c'est moi, et puis quoi ?
49:31 C'est moi, et puis c'est tout."
49:33 Il faut rien faire de ça.
49:35 Les jurés assistent à ces échanges.
49:37 Accusations,
49:39 dénégations.
49:41 Le procès est animé.
49:43 Au deuxième jour d'audience, l'avocat de la Défense
49:45 plaide l'acquittement.
49:47 Alors, je vais dire le doute.
49:49 Le doute, il est basé sur quoi ?
49:51 Il est basé sur le fait, ce qui est quand même extraordinaire,
49:53 qu'on ne retrouve
49:55 aucune empreinte de Ramani
49:57 à l'intérieur de l'appartement de
49:59 madame Revillon.
50:01 On sait que Ramani ne portait pas de gants,
50:03 on n'en a pas trouvé.
50:05 On a trouvé son empreinte sur la fenêtre,
50:07 il était à main nue. On ne retrouve aucune empreinte.
50:09 On ne retrouve rien
50:11 qui appartient
50:13 de près ou de loin à Ramani.
50:15 Pas un cheveu, pas un bouton,
50:17 pas rien.
50:19 Ça, c'est quand même extraordinairement étonnant,
50:21 alors qu'on a l'impression qu'il y a eu une bagarre.
50:23 On a l'impression qu'il y a eu
50:25 une véritable rixe dans l'appartement.
50:27 On peut même se demander
50:29 s'il n'était pas plusieurs.
50:31 On voit mal, si vous voulez,
50:33 la scène du crime
50:35 ne correspond pas
50:39 à ce qu'on peut attendre
50:41 d'un débat,
50:43 un débat musclé
50:45 entre un Ramani
50:47 et une pauvre petite grand-mère sans défense.
50:49 Le 15 mai 1998,
50:51 Abdellah Kramani est condamné
50:53 à une peine de 30 années de réclusion criminelle
50:55 assortie d'une période de sûreté
50:57 de 20 ans.
50:59 La journaliste est passée
51:01 de l'autre côté du miroir,
51:03 de celle qui raconte un fait divers,
51:05 elle est devenue celle qui en est
51:07 elle-même la victime.
51:09 Et,
51:11 elle a été la victime
51:13 de la mort de son fils.
51:15 Elle a été la victime
51:17 de la mort de son fils.
51:19 Elle est devenue elle-même la victime.
51:21 C'est des sortes de mots fins
51:23 qui s'inscrivent dans son sang.
51:25 C'est des sortes de mots fins
51:27 qui s'inscrivent dans son sang.
51:29 [Musique]
51:57 [Musique]
52:01 [Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org]