L'ancien ministre de la Justice Robert Badinter, qui a porté l'abolition de la peine de mort en France, est décédé dans la nuit de jeudi à vendredi à l'âge de 95 ans
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00:00 Vous perdez plus ce soir un ami ou un homme qui a marqué l'histoire du XXe siècle en France ?
00:05 Oui, un ami, c'est vrai.
00:07 Je le connaissais depuis très longtemps, Robert Badinter, lui et sa femme d'ailleurs,
00:13 parce qu'on pense à elles beaucoup ce soir et à leurs enfants.
00:17 Ils fermaient un couple absolument lumineux.
00:20 C'est d'ailleurs une des questions que je voulais vous poser. On retient l'homme,
00:23 mais ce couple est aussi marquant de pages d'histoire.
00:28 Oui, parce qu'ils étaient tous les deux très proches.
00:33 Ils échangeaient énormément, ils avaient une communauté de convictions, on va dire.
00:40 Mais ils étaient chacun dans leur domaine et très respectueux de l'autonomie de l'autre aussi.
00:47 Donc c'est vraiment, quant à Elisabeth Badinter, on sait ce qu'elle a apporté aux femmes.
00:52 Mais Robert, c'était un personnage, un homme exceptionnel.
00:57 D'abord, il était d'une telle élégance.
01:01 C'est un mot qui revient souvent.
01:03 Et il avait, quand on parlait avec lui, il voulait raconter une histoire, il était plein d'humour.
01:09 Il faisait rire aux éclats. Il n'était jamais méchant dans son humour.
01:15 C'était quelqu'un au fond qui était passionné.
01:19 Il a eu mille vies, mille activités, toujours pour les libertés, pour le droit, pour les libertés individuelles.
01:28 Il a accompli une œuvre magistrale au ministère de la Justice.
01:31 Est-ce que ce n'est pas un peu dommage de le résumer, entre guillemets, à ce qui est le plus marquant,
01:38 c'est à l'abolition de la peine de mort en 1981 ?
01:40 Est-ce qu'on doit vraiment se dire, il y a ça, mais il y a aussi d'autres choses très importantes ?
01:43 Il y a beaucoup d'autres choses, mais il tenait beaucoup à ça.
01:46 C'était le combat de sa vie et il l'a réussi d'une façon géniale.
01:52 Mais il y avait beaucoup d'autres choses.
01:54 Au ministère de la Justice, il a complètement modernisé, révolutionné le ministère.
02:03 Son engagement, par exemple, pour les prisons, l'humanisation des prisons, était phénoménal.
02:10 Il l'a poursuivi jusqu'au bout.
02:12 La protection judiciaire de la jeunesse, qu'on appelait l'éducation surveillée, avant lui,
02:18 il a créé les travaux d'intérêt général.
02:20 On pourrait multiplier, et puis on connaît très bien, son combat contre les juridictions d'exception,
02:26 la dépénalisation de l'homosexualité.
02:28 Ça veut dire qu'il était sociétalement extrêmement en avance.
02:31 Oui.
02:32 Il avait un train d'avance.
02:33 Quand on voit parfois les débats qui nous agitent aujourd'hui dans notre société actuelle,
02:37 c'est quelqu'un qui est à 20, 30, 40 ans en avance.
02:39 Il y a une résonance actuelle de beaucoup de choses, quand même.
02:42 La possibilité pour chaque citoyen d'avoir recours devant la Cour européenne des droits de l'homme, c'est lui aussi ça.
02:51 Et on insiste beaucoup, et on a raison, le président l'a fait, sur son amour de la patrie.
03:00 Il venait donc de Moravie, de Bessarabi.
03:04 Et pour lui, c'était, comme pour beaucoup de réfugiés à l'époque, juifs notamment, mais pas seulement,
03:11 la France, c'était la patrie des droits de l'homme.
03:14 Et donc, il avait un amour de la France extraordinaire.
03:18 Mais il a laissé une empreinte européenne et internationale phénoménale.
03:23 Parce que moi, j'ai travaillé avec lui tout le temps.
03:25 Quand j'étais garde des Sceaux, je le consultais, forcément.
03:28 C'est la partie des références qu'on doit garder en tête.
03:31 Bien sûr, évidemment, je lui ai rendu visite tout de suite dès que j'ai été nommée, etc.
03:35 Mais je me souviens, quand on a écrit, on a confié à deux grands juristes,
03:40 l'écriture de la charte européenne des droits de l'homme, qui est encore des droits fondamentaux, pardon.
03:47 Mais il y a en premier l'interdiction de la peine de mort.
03:52 C'est-à-dire qu'on ne peut pas être membre de l'Union européenne s'il y a la peine de mort.
03:58 Et on ne peut pas y rester. Parce que la Pologne avait fait mine à un moment de la rétablir.
04:03 Et on lui a dit "écoutez, c'est ça ou..."
04:05 Donc, et la création, et la cour pénale internationale, et enfin, on pourrait multiplier les choses.
04:14 C'est pour ça que j'espère qu'on pourra...
04:17 Enfin, d'abord, il y aura cet hommage national qui a été annoncé cet après-midi.
04:21 Mais je me dis vraiment que Robert Banninter mériterait d'entrer au Panthéon.
04:26 Je ne sais pas si sa famille l'accepterait.