• il y a 10 mois
Bertrand Piccard entend faire le tour du monde sans escale en huit jours dans un avion propulsé à l'hydrogène vert. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-6h20/l-invite-de-6h20-du-vendredi-09-fevrier-2024-8257284

Category

🗞
News
Transcription
00:00 6h22, il y a votre micro, Maillon Lourds, un aventurier !
00:04 Bertrand Piccard, président de la fondation Solar Impulse, qui a un nouveau projet réalisé en 2028,
00:10 un tour du monde sans escale à bord d'un avion propulsé à l'hydrogène vert.
00:14 Bonjour Bertrand Piccard !
00:15 Bonjour !
00:16 Alors à quoi il va ressembler cet avion à hydrogène ?
00:18 Nous sommes à la radio, mais donnez-nous des images !
00:20 Oui, c'est un avion avec deux fuselages, parce qu'il faut mettre beaucoup de réservoirs d'hydrogène liquide.
00:25 Donc deux fuselages, en travers, comme un grand H, vous avez les ailes, 34 m d'envergure,
00:32 et au milieu un petit cockpit dans lequel il y aura mon collègue Raphaël Dinelli qui construit l'avion et moi.
00:38 Donc vous serez deux sur cet avion ?
00:39 On sera deux cette fois !
00:41 Et vous aviez bouclé un autre tour du monde en 2016,
00:44 c'était avec Solar Impulse, un avion à énergie solaire qui était tributaire de la météo,
00:48 il avait fallu du coup 17 étapes, là l'avantage c'est que vous n'en dépendez plus ?
00:53 C'est vrai qu'avec Solar Impulse c'était plus symbolique,
00:55 on voulait montrer ce qu'on pouvait faire avec des énergies renouvelables, avec des technologies propres.
01:00 Cette fois c'est beaucoup plus opérationnel, c'est un avion qui pourra voler même quand il n'y a pas de soleil,
01:04 qui sert un petit peu de banc d'essai pour l'aviation décarbonée qu'Airbus, Daher veulent pousser à fond.
01:11 Oui, c'est ce que vous dites, c'est que ça va être vraiment un laboratoire,
01:14 la technologie va ruisseler ensuite sur les entreprises, c'est ça l'objectif ?
01:18 Oui, c'est ça le but.
01:19 Parce que vous savez, on vit dans un monde où d'un côté il y a ceux qui nient le problème,
01:24 et de l'autre il y a ceux qui disent que le problème climatique, environnemental,
01:28 et de l'autre côté on dit que le problème est tellement important qu'on ne peut pas le résoudre et qu'il n'y a plus d'espoir.
01:34 Moi ce que j'aimerais montrer c'est qu'il y a des solutions,
01:36 que ces solutions doivent être mises en place,
01:39 que ce ne sera pas tout de suite toute l'aviation commerciale qui sera décarbonée, mais c'est un premier pas.
01:44 Et vous savez quand il y a eu les premières voitures, personne n'y croyait, les premiers avions, personne n'y croyait.
01:49 Maintenant il faut montrer qu'on peut vivre prochainement dans une société avec des moyens de transport,
01:54 des moyens de logement qui peuvent être beaucoup plus propres et beaucoup plus efficients avec des nouveaux types d'énergie.
02:00 Et donc avec ce nouveau projet vous avez des partenariats avec des entreprises comme Airbus par exemple ?
02:05 Alors Airbus nous a beaucoup aidés pour tout le design, l'étude de faisabilité,
02:09 Daer aussi, Arianespace, Ariane Group, Capgemini,
02:13 et puis on a un tout gros partenariat et c'est pour ça qu'on a pu enfin annoncer le projet
02:18 sur lequel on travaille quand même depuis deux ou trois ans maintenant avec Raphaël Dinelli, c'est ScienceCo.
02:22 ScienceCo c'est une entreprise de produits du futur.
02:27 Ça vient du chimiste Solvay qui est peut-être un peu plus connu des auditeurs.
02:30 Exactement, c'est un spin-off de Solvay. Solvay m'avait déjà beaucoup soutenu pour Solar Impulse,
02:36 avait soutenu mon grand-père pour monter dans l'astratosphère en 1931.
02:39 Qui était un aventurier lui aussi.
02:41 Explorateur plutôt parce qu'il s'agissait de tester la première capsule pressurisée
02:47 pour monter au-dessus du mauvais temps et à l'époque c'était pour ouvrir la voie à l'aviation moderne de l'époque.
02:52 Maintenant c'est ouvrir la voie à l'aviation du futur.
02:55 ScienceCo va produire des matériaux composites, les piles à combustible,
03:00 les isolations pour les réservoirs d'hydrogène liquide.
03:04 Vous savez, il faut garder de l'hydrogène liquide à -253°C.
03:09 Donc il y a des gros défis techniques, c'est pour ça que certains disent
03:12 "c'est impossible, ça ne marchera jamais".
03:14 Mais il faut faire très attention quand on est sceptique,
03:16 parce que quand la chose se réalise, on passe pour un idiot après coup.
03:20 Vous espérez démentir les critiques Bertrand Piccard ?
03:24 Il y a effectivement des questions sur l'hydrogène.
03:27 La première qu'on se pose un peu basiquement, naïvement c'est
03:30 "est-ce que c'est plus dangereux que du carburant classique ?"
03:32 Je pense par exemple au risque d'explosion qu'on peut imaginer.
03:35 Non, vous savez le kérosène ça brûle, l'essence ça brûle, le gaz ça explose.
03:40 L'hydrogène, s'il y a des fuites, oui c'est dangereux, c'est pour ça qu'il ne faut pas de fuite.
03:45 C'est pour ça que maintenant on a des techniques qui permettent de contrôler ça,
03:49 qu'on n'avait peut-être pas aussi bien autrefois.
03:51 Là vous nous dites "on va utiliser de l'hydrogène vert",
03:54 ça veut dire qu'il est fabriqué avec 100% d'énergie renouvelable ?
03:57 Ah oui, sinon ça n'a aucun sens.
03:59 La majorité de l'hydrogène aujourd'hui est encore fabriqué par ce qu'on appelle le réformage du gaz.
04:04 Donc on casse les molécules de gaz pour en extraire de l'hydrogène.
04:08 Et ça, ça fait beaucoup d'émissions polluantes.
04:10 Donc il faut de l'hydrogène qui est obtenu par l'électrolyse de l'eau,
04:14 grâce à de l'électricité solaire, éolienne, hydroélectrique notamment.
04:18 Nucléaire aussi ?
04:19 Pourquoi pas ? Je pense que pour les avions commerciaux,
04:22 quand il faudra beaucoup d'hydrogène,
04:24 la meilleure manière de passer à l'échelle ce sera effectivement le nucléaire.
04:29 Et le point le plus délicat peut-être c'est effectivement ce stockage
04:32 dont vous nous parliez à -253°C.
04:36 Comment est-ce qu'on produit l'énergie nécessaire pour garder cette température-là ?
04:40 Alors en vol, c'est de l'isolation passive.
04:43 On aura un très gros thermos.
04:48 Au lieu de garder le café chaud, ça tient l'hydrogène froid.
04:51 Et puis pour fabriquer l'hydrogène liquide,
04:56 à ce moment-là, c'est avec des énergies renouvelables forcément, sinon ça n'a pas de sens.
05:01 On n'est pas décarboné sinon.
05:03 Et cet hydrogène à cette température, il prend beaucoup de place ?
05:06 Plus de place que le kérosène ? Comment ça peut se résoudre ça ?
05:10 Ça prend beaucoup plus de place.
05:12 Et il y a toujours un petit peu d'évaporation.
05:14 C'est ce qu'on appelle le "boil-off".
05:16 Et cette évaporation gazeuse, elle passe dans des piles à combustible
05:19 où elle refait de l'électricité et de l'eau.
05:21 Donc l'eau, elle peut être bue par les pilotes.
05:23 L'électricité passe dans les moteurs électriques pour propulser l'avion.
05:27 Rien ne se perd, mais est-ce que ça veut dire que c'est applicable à des avions de lignes classiques ?
05:32 Oui, mais vous savez, quand on développe quelque chose de disruptif,
05:37 très, très innovant, il ne faut pas imaginer qu'on va faire la même chose un peu mieux.
05:43 On va faire différemment, complètement différemment.
05:46 Donc notre avion, il est construit autour des réservoirs d'hydrogène liquide,
05:49 mais sur les plans d'Airbus pour l'avion à hydrogène de 2035,
05:54 vous avez les passagers dans les ailes et les réservoirs dans le fuselage.
05:58 C'est une inversion complète des choses.
06:00 Et c'est ça qui est passionnant.
06:02 En 1903, vous aviez le premier avion des frères Wright et 15 ans après,
06:06 vous aviez des avions complètement différents.
06:08 Maintenant, il faut de nouveau faire complètement différent.
06:10 C'est ça l'intérêt. Il faut que le progrès continue.
06:14 Mais cette fois-ci, ce n'est pas pour aller plus vite ou pour aller plus haut.
06:17 C'est pour aller plus propre.
06:18 Et vous nous dites que vous avez effectivement ces partenariats avec Airbus,
06:21 Ariane Espace, Solvay.
06:23 Vous ne redoutez pas que ce soit une opération de greenwashing de leur part
06:25 pour se donner bonne conscience, finalement, pour redorer leur image ?
06:28 Non, parce que quand vous voyez ce qu'ils font vraiment,
06:31 c'est ça qui est intéressant.
06:32 ScienceCo, donc l'ex-Solvay,
06:35 va nous donner des matériaux composites qu'on appelle des thermoplastiques
06:39 entièrement recyclables.
06:41 Ça, c'est formidable parce qu'autrefois, les composites n'étaient pas recyclables.
06:44 Donc, ils devaient être enfouis dans des décharges publiques.
06:47 Maintenant, on peut les fondre et refaire des nouveaux matériaux composites.
06:50 Donc, il y a une évolution qui est extrêmement intéressante.
06:52 Sinon, je n'accepterais pas n'importe quel sponsor, vous savez.
06:56 L'aventurier Bertrand Piccard, président de la fondation Solar Impulse
07:00 pour ce projet de tour du monde en avion à hydrogène.
07:03 Merci d'être venu ce matin sur Inter.

Recommandations