"Il faut faire des compromis" : Jean-Marc Jancovici maintient son idée d'un quota de vols en avion

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Jean-Marc Jancovici, ingénieur et président du think tank The Shift Project, était l'invité du Grand entretien mardi 30 mai. Le professeur a confirmé sa proposition de quota de quatre vols en avion dans une vie pour lutter contre le réchauffement climatique : "De toute façon, une fois qu'il n'y aura plus de pétrole, il n'y aura pas de quoi assurer quatre vols dans une vie", explique Jean-Marc Jancovici.


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00:00 Et avec Léa Salamé, nous recevons ce matin dans le Grand Entretien le président du Shift Project,
00:04 ingénieur, professeur à l'école des mines Paris.
00:08 Questions, réactions, 01 45 24 7000 et sur l'application de France Inter.
00:14 Jean-Marc Jancovici, bonjour.
00:16 Bonjour.
00:17 Et bienvenue à ce micro.
00:18 Une question générale pour commencer.
00:19 Depuis le début de la guerre en Ukraine, on n'aura jamais autant parlé d'énergie,
00:25 de notre dépendance, de notre souveraineté, de la sobriété nécessaire dans nos manières
00:31 de la consommer.
00:32 Bref, de tous ces thèmes dont vous avez longtemps déploré l'absence dans le débat public.
00:37 Avez-vous l'impression, Jean-Marc Jancovici, qu'il y a eu ces derniers mois une bascule,
00:43 une prise de conscience, à la fois chez les dirigeants, dans les médias, et chez nous
00:48 aussi les citoyens ?
00:49 Alors, la réponse c'est globalement oui.
00:51 Au niveau des citoyens, la prise de conscience, elle s'est faite tout bêtement par les prix.
00:55 On a quand même vu un certain nombre de gens réagir à leur facture d'électricité,
01:00 leur facture de gaz, etc.
01:02 Et dans la sphère dirigeante, il y a eu également une forme de prise de conscience, à la fois
01:07 par les prix et puis aussi par la géopolitique, on va dire.
01:12 La question de la sécurité d'approvisionnement est revenue sur le devant de la scène.
01:16 Donc, incontestablement, la réponse est oui.
01:19 On voit des débats émerger, qui auraient dû émerger avant, par exemple sur la structure
01:23 du marché européen de l'électricité, par exemple, etc.
01:26 Donc oui, il s'est passé des choses.
01:27 Les citoyens se sont emparés des choses ?
01:29 Alors, je ne sais pas si les citoyens se sont emparés, mais le fait est que le sujet est
01:33 présent de manière croissante, enfin, il est plus présent qu'avant dans un certain
01:37 nombre de cervelles, oui.
01:38 Alors, le sujet est présent, vous le dites incontestablement, mais est-ce que les faits
01:41 suivent ?
01:42 La question que je vous pose, elle est basée sur le rapport annuel de l'Agence internationale
01:47 de l'énergie qui a été publié la semaine dernière et qui était contrasté.
01:50 C'est-à-dire que d'un côté, il nous apprenait que le montant dépensé pour les énergies
01:54 renouvelables dans le monde n'avait jamais été aussi important.
01:56 Il avait augmenté de 24% en deux ans.
01:59 Mais aussi, dans le même rapport, on apprenait que les dépenses pour les énergies fossiles,
02:03 le pétrole, le gaz, le charbon avaient aussi augmenté de 15% en deux ans.
02:07 Qu'est-ce que vous retenez, vous, de ce rapport sur la manière, sur le comportement au fond
02:12 de… ?
02:13 Alors, pour être très franc, je ne l'ai pas lu.
02:14 Par ailleurs, c'est un panorama mondial qui est évoqué.
02:17 Et là, à votre micro, on parle quand même plutôt de ce qu'il y a dans la cervelle
02:19 des Français.
02:20 Donc, voilà, il faut faire attention aux deux.
02:23 En ce qui concerne le sujet énergétique, en fait, il ne faut pas se focaliser juste
02:29 sur la question de la production électrique.
02:31 Les énergies renouvelables aujourd'hui qui se développent fortement dans le monde,
02:34 c'est l'éolien et le solaire.
02:35 Donc, c'est la partie électrique.
02:36 Ça n'est qu'une partie de l'énergie qu'on utilise.
02:39 La mondialisation, par exemple, qui a totalement bouleversé la vie des gens sur les dernières
02:43 décennies, ce n'est pas dû essentiellement à l'électricité, c'est dû essentiellement
02:46 au pétrole.
02:47 La mondialisation, c'est des camions et des bateaux.
02:49 Si on n'avait pas les porte-conteneurs, pas les minéraliers et pas les camions, il
02:52 n'y aurait pas de mondialisation.
02:53 Et ce n'est pas dû à l'électricité.
02:55 Et ça, ça ne baisse pas, en fait ?
02:58 Alors non.
02:59 Quand on regarde globalement, il y a eu le choc du Covid, mais quand on regarde globalement
03:05 ce qui se passe en tendance sur les dernières décennies, non, ça ne baisse pas.
03:08 Par ailleurs, sur les deux dernières années, il y a un tout petit… il faudrait faire
03:13 la part des choses au niveau du montant des investissements.
03:16 Il y a eu un petit effet inflation parce que comme les commodités et en particulier n'importe
03:22 quoi, y compris les éoliennes et les panneaux solaires, se sont remis à coûter un peu
03:25 plus cher qu'avant, il faudrait corriger de l'effet prix.
03:29 Cela étant, il y a une vraie tendance, c'est très clair.
03:31 Mais quand on regarde la part des énergies décarbonées dans l'énergie qu'on utilise
03:38 globalement, ou les machines plus exactement, parce que ce n'est pas nous qui buvons le
03:41 pétrole, utilisent dans le monde… Oui, non, ce n'est pas nous qui… On a tendance
03:45 à l'oublier.
03:46 Quand on dit "on consomme de l'énergie", en fait non, on utilise des machines.
03:48 La part des énergies décarbonées n'augmente que très doucetement dans le monde, précisément
03:56 parce que les énergies fossiles sur les 20 dernières années ont aussi fortement augmenté.
03:59 Alors, Elisabeth Born a présenté il y a 10 jours le plan de réduction des émissions
04:03 de gaz à effet de serre pour la France.
04:05 Jusqu'à présent, la France visait moins 40% d'émissions.
04:09 D'ici 2030, par rapport à 1990, ce sera désormais moins 50, conformément aux nouveaux
04:16 objectifs fixés par l'Union Européenne depuis deux ans.
04:19 Aujourd'hui, la France en est à moins 25.
04:22 L'effort sera réparti à moitié sur les entreprises, à un quart sur la sphère publique,
04:27 à un quart sur les particuliers.
04:29 Est-ce que cette architecture-là, déjà, vous semble bonne ? Est-ce que ça vous semble
04:37 aller dans le bon sens ?
04:38 Alors, Elisabeth Born a présenté il y a quelques jours au Conseil National de la Transition
04:42 Écologique un constat ou un plan plus exactement assez détaillé, qui en fait a été élaboré
04:48 par le Secrétariat Général à la Planification Écologique et qui, sur le papier, est quelque
04:53 chose d'assez fouillé.
04:54 C'est assez détaillé, il y a plein de mesures, de sous-mesures, etc.
04:58 Donc, le gros avantage de ce travail, c'est qu'il a mis des chiffres un peu partout et
05:02 qu'il a mis des chiffres sur des choses qui sont assez précises.
05:05 Donc, le plan d'ensemble, il est assez précis, on va dire.
05:09 Ce qui manque encore dans ce travail, mais bon, c'est pas lui faire injure, c'est les
05:14 mesures opérationnelles qui vont permettre effectivement de faire en sorte que tous les
05:18 objectifs et tous les souhaits qui sont dans ce document-là deviennent une réalité.
05:23 Qu'est-ce qui manquerait, par exemple, comme mesure, qu'est-ce qu'il y a dans ce plan-là
05:26 d'accompagnement ?
05:27 Alors, je vais donner un exemple dans le bâtiment.
05:28 Le document précise qu'il faudrait mettre 200 000 personnes de plus dans la rénovation
05:34 du bâtiment.
05:35 Bon, les 200 000 personnes, il faut les trouver.
05:36 Ça veut dire qu'il faut que, à ce micro, par exemple, régulièrement, il y ait des
05:40 gens qui disent "allez donc travailler dans l'artisanat du bâtiment, c'est super,
05:43 vous allez faire des choses qui sont utiles pour le pays, etc."
05:45 Je ne sais pas si c'est fait ou pas fait.
05:46 Il faut que les gens aient envie d'y aller.
05:47 Il faut que...
05:48 Voilà, donc ça, il ne suffit pas d'un claquement de doigts.
05:51 Donc là, il y a un objectif.
05:53 On a mis un chiffre, on a dit "il en faudrait tant".
05:55 Ça ne veut pas dire que demain matin, ça sera fait.
05:57 On peut prendre un autre exemple, c'est les transports.
06:00 Vous savez que nous adorons discuter d'avions.
06:03 Oui, on adore discuter d'avions.
06:04 Il y a la question avions qui arrive, mais si vous voulez, on va le poser de suite.
06:09 Eh bien, il y a également dans ce document un objectif de moins d'avions pour une partie
06:15 des gens qui partent en vacances.
06:16 Bon, voilà.
06:17 Donc là, la question reste ouverte qui est "comment on fait ?"
06:20 Et comment on fait ?
06:21 Est-ce qu'on monte le prix des billets ? Est-ce qu'on met des quotas ?
06:24 Et là, l'aéroport de Schiphol, en Hollande, enfin aux Pays-Bas, a essayé, avant que Air
06:30 France-KLM ne lui fasse un procès pour lui faire faire machine arrière, de diminuer
06:34 - alors ce n'était pas pour des raisons de CO2, c'était pour des raisons de saturation
06:37 et de bruit, mais peu importe, il y avait quand même un effet CO2 intéressant derrière
06:41 - a essayé de diminuer le nombre de créneaux de décollage.
06:44 Bon, ça, c'est une possibilité aussi.
06:46 Ce n'est pas un instrument prix, là, c'est un instrument volume.
06:48 Et puis, ce que vous aviez proposé la dernière fois, et je vous avais posé la question et
06:52 votre réponse est devenue absolument virale, je crois qu'elle est encore postée tout le
06:56 temps, c'est votre idée qu'il faudrait un quota de, vous aviez dit, je ne sais plus,
07:01 4 ?
07:02 4 vols.
07:03 Alors depuis, j'ai fait le calcul.
07:04 Alors, attendez, je vais dire la voix.
07:05 De 4 ou 5 vols.
07:06 Dans une vie.
07:07 Dans une vie.
07:08 Donc chacun d'entre nous, on aurait le droit à 4 ou 5 vols.
07:10 Et voilà comment on lutterait vraiment contre le réchauffement climatique.
07:14 Ça avait fait réagir de tous côtés.
07:17 Est-ce que vous maintenez cela ? Ou est-ce que vous avez évolué ?
07:20 Non, depuis, j'ai fait les calculs et c'est à peu près le bon ordre de grandeur.
07:23 Mais il faut bien comprendre que mon père, qui était pourtant une catégorie socio-professionnelle
07:29 supérieure, puisqu'il était prof d'université, quand il est allé aux États-Unis dans les
07:33 années 50 pour faire un post-doc, il est allé en bateau.
07:35 Donc, l'idée que même on puisse prendre 4 vols en avion dans une vie, il y a un gros
07:42 demi-siècle, ça n'existait pas pour la population dans son ensemble.
07:46 Donc ce truc qui paraît aujourd'hui inconcevable, restrictif, malthusien, triste cirque, à
07:51 ce bonbon et j'en passe, à une partie des gens qui réagissent, il faut bien qu'ils
07:55 se rendent compte que c'est quelque chose qui est extrêmement récent et qui partira
08:00 avec le pétrole.
08:01 Parce que quand on regarde les alternatives techniques au pétrole dans l'aviation, de
08:04 toute façon, une fois qu'il n'y aura plus de pétrole, il n'y aura pas de quoi assurer
08:07 4 vols dans une vie par terrien.
08:09 Il n'y aura pas.
08:10 Donc vous maintenez ?
08:11 Oui.
08:13 Et je maintiens qu'il est urgent d'organiser notre avenir économique en fonction de ça.
08:18 Quand vous regardez par exemple l'empreinte carbone de Paris, un tiers c'est des vols.
08:22 C'est de l'avion.
08:23 Mais pardon ?
08:24 Quand vous regardez l'économie parisienne, vous avez une bonne partie de l'économie
08:28 parisienne qui repose sur le transport aérien, que ce soit des sièges sociaux de multinationales,
08:31 du tourisme, les gens au château de Versailles, etc.
08:34 Mais j'en marche un peu plus.
08:35 Il faut penser un avenir avec moins de ça.
08:37 Pardon de vous apporter la contradiction, mais ça sert aussi à ça de vous interroger.
08:41 Quand vous voyez le comportement des jeunes, on dit que les jeunes se mobilisent pour
08:46 l'environnement et tout ça.
08:47 Eh bien aujourd'hui, qui prend le plus l'avion ?
08:49 Alors rapporté à la classe d'âge, c'est justement les jeunes.
08:53 Puisque les deux premiers consommateurs d'avion pour 100 000 personnes, c'est d'abord
08:59 les 25-34 ans.
09:02 Et ensuite derrière, c'est les 15-24 ans.
09:05 Et alors comment on change les mentalités si c'est même pas votre père ? C'est les
09:09 jeunes qui veulent continuer à prendre l'avion ?
09:11 Alors ils veulent continuer à prendre l'avion une partie d'entre eux, absolument.
09:14 Mais nous vivons dans une collectivité.
09:16 Donc après, il faut faire des compromis.
09:17 Une des choses que les jeunes peuvent très bien faire, parce que quand je dis cas de
09:21 vol dans une vie, c'est pas zéro.
09:22 On pourrait très bien instaurer un système dans lequel, quand on est jeune, on a deux
09:27 des cas de vol pour aller découvrir le monde.
09:29 Et puis ensuite, quand on est plus vieux, on part en vacances en Corrèze, qui est un
09:33 très beau département, où on part en vacances dans les Vosges, où on part en vacances en
09:37 Corse même, où on peut aller en bateau.
09:38 L'étranger, c'est fini, quoi.
09:41 On reste les soirs.
09:42 Où on y va en train.
09:43 Moi, il m'est arrivé, parce que j'avais le temps, d'aller en train au Maroc.
09:46 Alors il faut quand même traverser Gibraltar en bateau.
09:48 Où on peut aller en train en Suède.
09:51 Donc on peut même aller en train à Vladivostok.
09:55 Donc on n'est pas complètement coincé.
09:57 Il faut retrouver le temps du voyage, qui est un voyage long.
10:01 Et en fait, quand le voyage est long, le voyage lui-même est une découverte.
10:04 Quand vous prenez l'avion, en gros, vous passez d'un aéroport urbain à un autre
10:08 aéroport urbain.
10:09 Le dépaysement, il n'est pas monstrueux.
10:10 Vous avez raison, il faut avoir le temps.
10:12 Tout le monde n'a pas le temps.
10:13 Alors il faut l'organiser.
10:15 C'est-à-dire qu'on peut très bien l'organiser, tout ça.
10:17 Alors on voulait aussi votre avis sur le rapport Pisani-Maffouz consacré au financement
10:22 de la transition écologique.
10:24 Rapport qui préconise à la fois un recours accru à l'endettement de 10 points de PIB
10:29 d'ici à 2030, couplé à un impôt exceptionnel sur le patrimoine financier des 10% des contribuables
10:36 les plus aisés, ce qui rapporterait 5 milliards d'euros par an.
10:40 Une sorte d'ISF vert, c'est comme ça qu'il a été baptisé instantanément.
10:44 Qu'en pensez-vous Jean-Marc Jancovici ?
10:45 Alors, ces propositions, elles sont convergentes avec les résultats d'un article qui est
10:51 paru dans une revue technique qui s'appelle Ecological Economics, il y a quelques semaines
10:56 ou mois, je ne sais plus, et qui aboutissait à des résultats qui étaient très voisins.
11:01 C'est-à-dire que les auteurs disaient que si on veut faire la transition écologique
11:06 pour de vrai, il faut doubler la part de l'économie qui va dans les investissements.
11:10 C'est-à-dire en fait, il faut refaire des infrastructures, des biens durables, c'est
11:14 les trains, c'est les voitures électriques, etc.
11:17 Alors, eux ne parlaient pas du financement de ce truc-là, mais c'est convergent.
11:21 Il faut mettre tout le monde au travail.
11:22 Et par ailleurs, il y aura une baisse de la consommation et de l'inflation.
11:27 Pisani, il dit des choses qui sont assez voisines.
11:31 Dans les deux cas de figure, les gens continuent à voir de la croissance du PIB, mais en
11:35 fait, c'est une croissance qui ne se matérialise pas en croissance de la consommation.
11:40 Les gens n'ont pas plus de mètres carrés et ils n'ont pas plus de pistolets à eau
11:42 à Noël.
11:43 Et c'est, à mon avis, assez cohérent avec la façon dont il faut s'attaquer aux
11:48 problèmes.
11:49 C'est-à-dire qu'il va falloir refaire des infrastructures.
11:50 Quand on refait des infrastructures, on ne les consomme pas plus pour autant.
11:53 Par contre, on y consacre une partie de nos moyens, une partie de la force de travail,
11:56 etc.
11:57 Moi, ce que je trouve très intéressant dans le rapport Pisani-Mafousse, c'est qu'il
12:01 vient d'une personne qui est très proche du pouvoir en place, qu'on ne peut pas
12:10 soupçonner d'être un gauchiste révolutionnaire et qui dit pour autant, il va falloir totalement
12:15 revisiter la façon dont on voit notre avenir économique.
12:18 Et il va falloir transpirer un peu et ne pas rêver en couleur d'un monde dans lequel
12:24 tous les problèmes seraient résolus à la fois.
12:26 En attendant, l'exécutif dit non à cette idée d'impôt.
12:29 Est-ce que l'impôt est une solution ? Non.
12:31 Ça c'est Bruno Le Maire.
12:32 Si une taxe suffisait à transformer notre pays et l'avenir de la planète, ce serait
12:36 formidable.
12:37 Ça c'est Olivier Véran.
12:40 Financer la transition sans les outils de la dette et de la fiscalité, c'est impossible.
12:44 Si M.
12:45 Le Maire accordait un peu plus de temps aux limites physiques qu'au renflement brun,
12:49 et bien… Oui ?
12:52 C'est une citation littéraire de son dernier livre, de son dernier roman.
12:57 Eh bien peut-être qu'il comprendrait qu'il ne suffit pas de dire non en se roulant par
13:02 terre pour échapper à un certain nombre d'évolutions qui sont en cours.
13:06 Donc M.
13:07 Le Maire se situe toujours dans une optique dans laquelle la croissance ne dépend que
13:11 de nous.
13:12 Du reste, l'élection au MEDEF c'est exactement pareil.
13:14 En ce moment, l'un des deux candidats dit "avec moi il va y avoir de la croissance",
13:16 c'est comme si la croissance ne dépendait que de nous.
13:18 Quand on comprend ce qu'est fonde l'économie, c'est-à-dire en fait des flux physiques,
13:22 on comprend que la croissance ne dépend pas que de nous.
13:24 En fait, historiquement, elle a dépendu essentiellement de l'approvisionnement énergétique.
13:27 Donc il est urgent qu'on ait un plan B sur qu'est-ce qui se passe si jamais ce n'est
13:31 pas comme ça que les choses évoluent et encore une fois ça ne dépend pas essentiellement
13:35 de nous.
13:36 Donc je trouve qu'il faut se donner le temps de lire… Il y a quand même un millier
13:41 de pages dans le rapport Pisani-Maffouz, dont la synthèse ne fait que 150.
13:45 Il faut se donner le temps de bien les regarder.
13:48 Vous vous trouvez très intéressant dans ce rapport.
13:49 Alors moi je trouve très intéressant d'avoir fait ce travail, que je n'ai pas encore
13:53 lu en totalité, et je pense que ça mérite une discussion un peu plus sérieuse que de
13:59 balayer d'un coup en disant non.
14:00 Exactement, que de balayer d'un revers de la main en disant non, non.
14:03 Parce qu'en fait, à problème nouveau, on va devoir inventer des remèdes nouveaux.
14:08 Une question sur la croissance précisément de Laurent au Standard d'Inter.
14:12 Bonjour, vous nous appelez de Nior.
14:14 Oui bonjour messieurs, dames.
14:15 On vous écoute.
14:16 Simplement une petite question pour monsieur Jean-Colici.
14:19 Est-ce qu'aujourd'hui le réchauffement climatique n'est pas complètement antagoniste
14:23 avec la culture capitaliste ? Et malheureusement il a déjà un peu répondu.
14:28 Mais par exemple, pourquoi ne pensons-t-on pas dans le domaine des constructions, des
14:33 panneaux solaires, des récupérateurs d'eau, des choses comme ça qui dès le départ pourraient
14:37 nous apporter grand chose et nous favoriser la lutte contre le climat qui nous touche ?
14:45 Merci Laurent pour cette question.
14:47 Jean-Marc Jancovici vous répond.
14:49 Alors c'est un vieux débat de savoir si capitalisme et pression sur l'environnement,
14:56 c'est des choses qu'on va arriver à concilier.
15:00 Alors quand on regarde l'histoire, on se rend compte qu'en fait il y a eu des sociétés
15:04 qui n'étaient pas organisées de manière capitaliste, qui ont pour autant été très
15:08 productivistes et qui ont exercé une très forte pression sur l'environnement.
15:11 Il y a au moins deux exemples intéressants à avoir en tête, c'est la Chine et c'est
15:15 l'URSS.
15:16 Alors on me dira que les alternatives au capitalisme ce n'est pas uniquement la Chine et l'URSS,
15:21 c'est tout à fait vrai.
15:22 Oui mais on peut très bien imaginer d'autres choses.
15:24 Mais c'est juste que la présentation de simplement il y a du capitalisme donc il y
15:29 a des problèmes, je ne sais pas si le fait de transformer mon boulanger en fonctionnaire
15:34 est quelque chose qui va supprimer des problèmes.
15:36 Je ne dis pas que c'est oui, je ne dis pas que c'est non, je pense que c'est un sujet
15:40 qui mérite là aussi qu'on se pense.
15:42 Mais la croissance verte ça existe ?
15:44 Alors la croissance verte non ça n'existe pas au sens où quand on fait croître les
15:48 flux physiques on a toujours les inconvénients de la croissance des flux physiques et par
15:52 ailleurs les flux physiques ils ne peuvent pas croître indéfiniment sur une planète
15:54 dont le diamètre ne varie pas.
15:55 Donc à un moment il n'y a pas de croissance du tout verte ou brune et par ailleurs imaginer
16:01 qu'on fait croître les flux physiques sans les inconvénients associés encore une fois
16:05 à la croissance, non c'est quelque chose qui malheureusement ne flotte pas.
16:09 Pour répondre à la question sur la construction, il y a déjà des contraintes sur la construction
16:13 il y a maintenant une norme qui s'appelle la RE-2020 qui sur la construction neuve est
16:18 assez dure parce que je crois que c'est une première mondiale du reste parce qu'elle
16:22 impose un contenu carbone maximum sur à la fois les matériaux utilisés pour la construction
16:26 et l'énergie de fonctionnement derrière pour le bâtiment.
16:30 Il y a des obligations sur les bâtiments existants qui commencent à arriver par exemple
16:35 on ne peut pas remplacer une chaudière à fioul quand elle tombe en panne.
16:37 Par exemple il y a des obligations de rénovation etc.
16:41 Les passoires thermiques ne peuvent plus être loués donc le monde n'est pas encore parfait.
16:45 Mais ça va dans le bon sens.
16:48 Il y a des choses qui vont dans le bon sens.
16:50 Total, un mot sur Total qui tenait son assemblée générale vendredi dernier.
16:53 Le groupe a enregistré un bénéfice record en 2022 de près de 20 milliards d'euros.
16:57 Son PDG Patrick Pouyanné a expliqué vouloir maintenir la production pétrolière dans
17:00 la prochaine décennie et pour cela dit-il j'ai besoin d'investir dans de nouvelles
17:04 installations.
17:05 Or le GIEC et l'agence internationale de l'énergie disent que pour atteindre la
17:08 neutralité carbone il ne faut plus investir dans aucune nouvelle installation.
17:13 Est-ce que c'est audible ce que dit Patrick Pouyanné ?
17:16 Alors Patrick Pouyanné il est là pour défendre les intérêts de son entreprise, il n'est
17:20 pas là pour défendre les intérêts du monde.
17:21 Donc on peut très bien considérer que ce qu'il dit n'est pas souhaitable.
17:27 En attendant la solution au problème n'est pas chez lui.
17:31 Ce n'est pas à Patrick Pouyanné de décider de ce qu'il faut faire pour l'avenir énergétique,
17:35 c'est à la collectivité de décider ça.
17:37 D'une manière générale si on veut limiter les émissions de gaz à effet de serre, la
17:42 collectivité doit considérer que c'est un objectif éthique et ensuite dans ce cadre-là
17:45 l'économie prend la place qu'elle peut occuper.
17:47 Alors si on veut défossiliser...
17:49 Qui va le forcer ?
17:50 Ce que je veux dire c'est que s'il décide de construire de nouvelles installations ?
17:53 La collectivité.
17:54 Donc l'État ?
17:55 Absolument.
17:56 Donc le gouvernement ?
17:57 Bah nous, le gouvernement c'est nous.
17:59 Alors si on décide, on pourrait très bien décider par exemple qu'une entreprise ne
18:07 peut pas dépasser une certaine quantité de gaz à effet de serre émis, y compris
18:12 ceux qui étaient émis par les clients de l'entreprise.
18:13 Donc là en l'occurrence les clients de Total c'est ceux qui utilisent le carburant.
18:16 On peut le décider, après il faut en assumer les conséquences.
18:20 Alors une bonne partie des gens qui disent "le problème est uniquement chez Total",
18:23 en fait le problème n'est pas uniquement chez Total, sinon ça serait simple.
18:26 Il est chez qui ?
18:27 C'est partout, parce que si vous n'avez pas de pétrole abondant, aujourd'hui vous
18:31 n'avez pas la grande distribution parce que vous n'avez pas les camions et les bateaux,
18:35 vous n'avez pas les voitures pour les particuliers hors voiture électrique et il n'y en a quand
18:39 même pas beaucoup aujourd'hui, etc.
18:40 Donc je ne dis pas qu'il ne faut pas le faire.
18:42 Je dis juste qu'il faut bien comprendre qu'en fait vous ne pouvez pas extraire juste une
18:46 entreprise du système que nous avons construit en disant "celle-là je la zigouille et le
18:50 problème est réglé".
18:51 C'est malheureusement beaucoup plus compliqué que ça.
18:53 Donc je ne dis pas qu'il ne faut pas le faire.
18:54 Je dis qu'il faut bien comprendre que ça n'est que la partie émergée de l'iceberg
18:58 et que c'est l'ensemble de la civilisation que nous avons bâti qui dépend des combustibles
19:03 fossiles, y compris la part des emplois dans le tertiaire et les retraites.
19:05 Alors la première usine de batterie pour voiture électrique est inaugurée aujourd'hui
19:10 à Douvrin dans les Hauts-de-France.
19:12 C'est une co-entreprise Stellantis Mercedes Total Energy.
19:16 Trois autres entreprises de batterie de voiture électrique sont déjà annoncées en France.
19:21 C'est ça ce qu'il faut faire dans le pays, partout en Europe ? C'est la naissance
19:25 d'une nouvelle filière industrielle ?
19:27 Alors bien sûr que oui, il va falloir créer des nouvelles filières industrielles ou les
19:31 développer plus exactement et en remplacer d'autres.
19:33 Alors on l'a déjà fait dans le passé.
19:34 Dans le cadre de la mondialisation en France, on a fait plus d'avions et moins de chaussettes.
19:39 Donc le remplacement d'une filière industrielle par une autre, ce n'est pas quelque chose
19:43 de nouveau.
19:44 Là, à l'avenir, c'est une très bonne idée de faire en France des voitures électriques
19:49 plutôt que des voitures à pétrole.
19:51 Et c'est une très bonne idée d'essayer d'intégrer à l'amont le maximum d'étapes
19:55 de fabrication.
19:56 Parce que l'assemblage de la batterie, c'est juste la partie finale.
19:59 Si je prends l'histoire du début, il faut avoir des mines, sortir un certain nombre
20:04 de métaux des mines.
20:05 Justement, c'est une question d'un de nos auditeurs.
20:09 Peut-on vraiment promouvoir les véhicules électriques ? C'est Julien qui pose cette
20:13 question lorsqu'on connaît les conditions d'extraction des matières premières pour
20:16 la fabrication des batteries.
20:18 Alors, quand on utilise une voiture à pétrole, on extrait aussi des matières premières.
20:21 On vient d'en parler juste avant.
20:22 On extrait une matière première qui s'appelle le pétrole, à la fois pour fabriquer la
20:25 voiture, parce qu'il faut de la chimie organique, et pour la faire avancer.
20:28 On extrait des minéraux, on extrait du fer en particulier.
20:32 Une voiture, c'est essentiellement du fer.
20:33 On extrait du cuivre, on extrait du sable et du carbonate de calcium pour faire les
20:37 vitres.
20:38 Donc, on a aussi de l'industrie minière qui est associée à une voiture fossile.
20:41 Il ne faut pas croire qu'il n'y a que la voiture électrique là-dedans.
20:44 Si on regarde la voiture électrique, il va aussi falloir des mines.
20:47 Absolument.
20:48 De toute façon, il faut des mines pour n'importe quoi, y compris pour faire le casque que
20:51 vous avez sur les oreilles.
20:52 Vous avez raison.
20:53 Mais puisqu'on parle des voitures, je voudrais juste vous faire réagir sur ce sondage, la
20:57 consultation lancée par le Sénat sur la mise en place des ZFE, vous savez, les zones
21:02 à faible émission.
21:03 Non, mais pour lutter contre la pollution de l'air dans les grandes agglomérations,
21:07 on interdit certains passages.
21:08 Et là, quand même, les chiffres sont ahurissants, en tout cas, édifiants.
21:13 86% des particuliers consultés sont contre le déploiement de ces zones.
21:18 83% des particuliers sondés disent "je ne veux pas changer de voiture et je ne veux
21:24 pas de ces zones à faible émission".
21:26 Qu'est-ce que vous en concluez ? Ça rejoint notre toute première question qui était
21:30 de vous demander est-ce qu'il y a un changement de mentalité ?
21:31 Je vais peut-être quand même finir de répondre sur la voiture électrique, parce que je n'ai
21:33 pas fini.
21:34 Donc, si on industrialise le pays pour faire des voitures électriques, l'idéal, c'est
21:39 de faire toutes les opérations à l'amont de l'assemblage de la batterie, parce que
21:43 c'est des opérations très énergivores et c'est plus intéressant pour l'empreinte
21:46 carbone de la batterie de les faire chez nous avec de l'électricité décarbonée plutôt
21:51 que chez les autres avec de l'électricité plus carbonée.
21:54 Et ça joue sur un facteur 3 sur l'empreinte carbone de fabrication de la batterie, qui
21:58 elle-même représente la moitié ou plus des émissions de la voiture au moment où
22:04 on la fabrique, la voiture électrique.
22:05 Donc, c'est une étape importante et c'est également une étape importante en ce qui
22:08 concerne la valeur ajoutée.
22:09 Il vaut mieux l'avoir chez nous plutôt que de l'avoir chez les autres.
22:12 Je vous pose quand même la question.
22:14 Maintenant, pour finir et répondre à la question sur les ZFE, je ne crois pas que
22:18 nous allons remplacer dans les délais les 1,2 milliard de voitures à pétrole qu'il
22:22 y a dans le monde par des voitures électriques dans les 30 ans qui viennent.
22:25 J'y crois pas.
22:26 Et je suis même très perplexe quant au fait qu'on pourrait remplacer en France les 40
22:29 millions de voitures particulières que nous avons et sur lesquelles nous avons bâti
22:32 nos habitudes, dont les 83% de gens qui disent qu'ils sont contre, par des voitures électriques
22:37 de 1 tonne ou plus.
22:39 Je pense qu'on n'y arrivera pas.
22:40 Donc il va falloir faire aussi avec moins de voitures.
22:42 Après, le débat est ouvert pour savoir comment on fait avec moins de voitures.
22:45 Les ZFE, c'est une tentative aussi pour faire avec moins de voitures.
22:49 Et les gens vous répondent "je vois pas comment je vais faire".
22:51 C'est pas très étonnant qu'il y ait des gens qui disent "je vois pas comment
22:56 je vais faire".
22:57 Mais ça n'est que le début de la discussion.
22:58 Jean-Marc Président, c'est la question que vous pose Jacques.
23:01 Voilà ma réponse.
23:04 Ben voilà, un grand éclair de rire.
23:06 Merci Jean-Marc Jancovici d'avoir été à notre micro.
23:09 Il est 8h48.

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