PLACE AUX FLAMMES - Emission du 2 février 2024

  • il y a 7 mois
Vendredi 2 février 2024, PLACE AUX FLAMMES reçoit Karine Gloux (instructrice de karaté & assistante coach, RFC Wimbledon)

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Transcript
00:00 [Musique]
00:06 Bonjour Karine.
00:07 Bonjour Charlotte.
00:08 Merci beaucoup d'avoir accepté de participer à cette série de flammes,
00:12 de femmes inspirantes,
00:13 qui contribuent d'une manière ou d'une autre aux enjeux de la société.
00:16 Tu vas nous raconter un petit peu ta vie,
00:18 mais juste en introduction,
00:19 en fait on se connaît grâce à une de nos directrices de création,
00:22 qui est Christine Franquiel.
00:23 Voilà.
00:24 Qui est ta belle-sœur, si je ne me trompe pas.
00:25 Qui est ma belle-sœur, c'est ça, nos maris sont frères.
00:26 Ah ben voilà.
00:27 Donc ça veut dire que les flammes c'est aussi une grande famille.
00:30 C'est rigolo, puis ça montre à quel point on peut rencontrer des gens inspirants,
00:33 finalement un peu à tous les coins de rue.
00:35 On est très content de t'accueillir,
00:36 car tu vas pouvoir nous raconter un petit peu ton parcours.
00:38 Et surtout tu nous donnes la chance de venir,
00:40 alors que tu repars en Angleterre demain.
00:43 Voilà.
00:44 Et donc tu nous accordes un peu de temps, pardon,
00:46 pour nous raconter ton parcours, qui est très inspirant.
00:48 Est-ce que tu veux nous dire un petit peu
00:50 quelles ont été tes différentes étapes de vie et ta carrière ?
00:53 Oui bien sûr.
00:55 Moi je suis née, j'ai grandi,
00:58 j'ai fait la plupart de mes études autour de Paris.
01:01 J'ai fait des études de commerce international.
01:03 D'accord.
01:04 Et puis rapidement après mes études,
01:05 j'ai eu l'occasion d'aller vivre et travailler dans différents pays.
01:08 Je suis d'abord partie en Pologne pendant 3 ans.
01:11 D'accord.
01:12 Je suis revenue un petit peu en France,
01:13 puis je suis repartie au Canada,
01:16 où j'ai vécu pendant 4 ans,
01:19 puis à New York où j'ai vécu pendant 4 ans.
01:20 Et là ça fait 16 ans qu'on s'est stabilisé à Londres.
01:24 D'accord.
01:25 Donc à travers ces différentes expériences,
01:29 j'ai travaillé essentiellement dans l'emballage,
01:31 dans les métiers de la vente, de la gestion de projets.
01:35 Au Canada, j'ai aussi travaillé pour une start-up
01:38 qui fait des boissons d'énergie.
01:40 C'était une boisson d'énergie totalement naturelle.
01:42 Oui, c'était plus original à l'époque,
01:45 c'était le début des années 2000.
01:46 D'accord.
01:47 Une chouette expérience.
01:48 Mais je crois que tu as eu un changement de vie
01:49 assez radical à un moment.
01:50 Oui, tout à fait.
01:52 À Londres, j'ai travaillé pour Max & Spencer
01:55 dans leur studio de design.
01:56 D'accord.
01:57 Et puis à un moment, l'organisation a changé,
02:01 le contexte a changé et ça ne me convenait plus.
02:04 C'était devenu très politique
02:06 et j'avais eu grand plus de plaisir à aller travailler là-bas.
02:09 Et j'ai décidé d'arrêter pour me recentrer un petit peu plus
02:15 sur une activité qui était plus en accord
02:19 avec mes valeurs, avec mes aspirations,
02:22 avec mes envies en fait.
02:24 J'ai eu la chance de pouvoir m'arrêter
02:26 et de me poser la question de qu'est-ce que j'ai envie de faire,
02:29 quelle est ma flamme à moi, qu'est-ce qui m'allume.
02:32 Et alors, qu'est-ce que tu fais aujourd'hui ?
02:34 Alors aujourd'hui, je suis dans le domaine du sport et de l'autisme.
02:38 D'accord.
02:39 Quand je me suis posé la question de savoir
02:42 qu'est-ce que j'aimais réellement,
02:43 je me suis souvenue que quand j'étais petite,
02:45 je me suis demandé quand on est tout petit,
02:47 qu'on n'a pas de pression sociale, de pression familiale,
02:51 qui on est vraiment.
02:52 Je pense que c'est là qu'on peut être vraiment
02:53 et d'aller rechercher cet enfant-là.
02:55 Et moi, j'ai toujours aimé le sport.
02:56 J'ai toujours fait beaucoup de sport.
02:58 J'ai toujours beaucoup aimé ça pour le côté physique,
03:01 mais aussi parce que c'est un espace de partage.
03:05 Tu as une culture et une philosophie qui t'inspiraient
03:09 et qui t'aident à beaucoup.
03:10 Voilà, c'est ça.
03:11 Mais déjà toute petite, j'ai fait du sport.
03:14 J'ai fait du sport un petit peu en compétition.
03:16 Et dans une famille qui n'est pas sportive à l'origine.
03:18 Donc, c'était vraiment moi, en fait.
03:22 C'était moi le moteur, ce n'était pas mes parents.
03:24 Et donc, j'ai trouvé ça intéressant.
03:26 J'ai toujours fait du sport.
03:27 Et puis, il y a 14 ans, j'ai découvert le karaté.
03:31 Tu as commencé le karaté il y a 14 ans ?
03:33 J'ai commencé le karaté il y a 14 ans.
03:35 Même pas peur.
03:37 Mes enfants faisaient du karaté.
03:39 Dans le club, la Sensei m'a dit,
03:42 "Mais viens essayer.
03:43 Il y a des cours de femmes, des cours d'adultes qui pourront te plaire."
03:47 J'avais fait tout un tas de sports, mais jamais d'arts martials.
03:50 Donc, j'ai commencé.
03:52 J'ai essayé le karaté et je suis retombée dedans,
03:54 retombée dans le sport.
03:56 Comme mes premières amours, en fait, je n'ai pas arrêté.
04:00 Ça fait 14 ans que je fais du karaté,
04:01 que je n'ai pas arrêté.
04:02 Même quand j'ai recommencé à travailler,
04:04 j'y allais le soir, j'y allais avec des groupes,
04:06 avec plein d'enfants.
04:08 Mais je n'ai jamais arrêté.
04:10 Je me considère assez chanceuse d'avoir trouvé une activité
04:13 que je puisse tenir.
04:14 Qui te passionne.
04:15 Qui me passionne et qui me fait beaucoup de bien.
04:17 Mais je crois que cette activité, au-delà du fait qu'elle te passionne
04:20 et qu'elle te fasse beaucoup de bien,
04:22 je crois que tu as essayé d'en faire aussi quelque chose qui ait du sens.
04:25 Exactement.
04:26 L'autre axe que j'ai voulu explorer, outre le sport,
04:30 c'était l'autisme.
04:32 Je m'intéresse à l'autisme depuis, je ne sais pas,
04:34 peut-être une dizaine d'années.
04:36 D'où ça te vient ?
04:37 Alors, d'où ça me vient ?
04:38 Je pense que la flamme, je la situe autour d'une petite fille
04:42 qui s'appelle Emma.
04:43 D'accord.
04:44 Qui avait des problèmes neurologiques,
04:48 en partie de l'autisme, mais plutôt d'autres problèmes.
04:51 Et il se trouve qu'Emma est venue dormir un soir à la maison.
04:54 Elle avait une petite dizaine d'années peut-être.
04:56 Et le lendemain matin, je l'ai retrouvée devant la glace
05:01 en train de faire sa queue de cheval.
05:02 Essayer de faire sa queue de cheval, c'est déjà compliqué la coordination.
05:05 Et elle avait visiblement du mal.
05:07 Donc, je lui ai dit "Est-ce que tu veux que je t'aide ?"
05:08 Et Emma m'a dit "Non, pas maintenant."
05:10 Donc, je l'ai laissée faire.
05:12 Elle a continué à essayer de se coiffer.
05:14 Et puis, quelques minutes après, elle m'a regardée,
05:16 elle m'a dit "Maintenant, tu peux m'aider."
05:18 Elle avait essayé.
05:19 Elle avait essayé.
05:20 Et pour moi, il est devenu évident qu'il y avait un problème.
05:24 Ce sont des personnes qui sont enfermées dans leur corps,
05:26 qui ont un potentiel, qui ont une volonté.
05:29 Mais il y a des freins.
05:30 Ce corps, ces problèmes neurologiques,
05:33 qu'ils soient moteurs ou pas moteurs,
05:35 font qu'il y a une différence entre ce potentiel et l'expression de ce potentiel.
05:40 Et moi, ce qui m'intéresse, c'est d'aider ces enfants, ces personnes,
05:43 à sortir, à exploiter leur potentiel.
05:46 De l'enfermement.
05:47 Quand on veut le faire avec n'importe quelle personne, n'importe quel enfant.
05:50 Mais il se trouve que ce sont des personnes qui ont plus de mal à exploiter leur potentiel.
05:56 Et alors, le karaté, pourquoi le karaté en lien avec cette problématique que tu as envie de résoudre ?
06:02 Parce que je pense que le karaté peut, comme le sport en général,
06:06 peut apporter des outils qui vont les faire grandir,
06:11 les faire se développer, les faire s'épanouir
06:13 et qui vont pouvoir leur servir dans la vie en général.
06:16 Le sport permet de gagner de la confiance en soi.
06:21 Ça permet d'apprendre à gagner, d'apprendre à perdre,
06:25 d'apprendre à grandir, de partager.
06:29 C'est tout un tas de qualités de confiance en soi,
06:33 de gagner de la confiance en soi, de l'estime.
06:35 De respect aussi.
06:37 Enormément le respect, c'est très important.
06:39 Le respect pour moi est très important.
06:41 De soi et des autres.
06:42 Et dans le karaté, le karaté s'y prête particulièrement
06:44 parce qu'il y a cette notion de respect qui est aussi très importante pour moi.
06:48 Il y a une routine bien établie.
06:50 Dans le karaté, on peut définir un terrain de jeu bien précis.
06:56 C'est très normé.
06:57 C'est ça que tu veux dire ?
06:58 Oui, il y a beaucoup de routines.
06:59 Il y a une routine, c'est prédictible.
07:01 Les cours de karaté que je fais avec des enfants en besoin spécifique,
07:05 j'ai un tableau avec des dessins, des pictogrammes
07:08 qui commencent par le karaté.
07:10 Après, on fait le salut pour expliquer comme un emploi du temps
07:13 ce qui va se passer.
07:14 Après, on va faire des exercices avec le poing.
07:17 Après, on va boire un verre d'eau.
07:18 Après, on va faire des exercices avec le pied.
07:20 Après, on va faire des exercices en partenariat.
07:22 Tout ça pour m'adapter à des enfants
07:25 pour qu'ils comprennent bien ce qui va se passer,
07:27 où on en est dans la session.
07:28 Et à chaque fois qu'on a fini une partie de l'activité,
07:30 on peut enlever le velcro et le poser, passer à autre chose.
07:36 Le karaté a cette particularité,
07:41 on peut travailler tout seul comme on peut travailler en groupe,
07:46 on peut travailler en équipe.
07:47 Le karaté, on ne se touche pas beaucoup.
07:49 Comme tu disais tout à l'heure, moi j'ai commencé il y a 14 ans.
07:53 J'étais largement adulte.
07:54 Je fais relativement peu de combat.
07:58 Moi me battre avec des filles tatouées de 19 ans,
08:00 ça ne me passionne pas.
08:03 Je ne fais pas le poids.
08:05 Mais le karaté, on ne peut pas se toucher.
08:08 On peut faire des exercices tout seul, dans le vide,
08:13 avec une certaine routine, une certaine répétition,
08:16 qui est aussi quelque chose de très important,
08:18 très rassurant pour les personnes avec autisme.
08:20 Il est structurant.
08:21 La routine, la répétition fait qu'il peut se concentrer sur quelque chose.
08:26 Petit à petit, on peut mettre quelqu'un en face avec un pad, par exemple,
08:30 ce qui fait que la personne va être en interaction avec une personne.
08:36 Ça peut être le professeur.
08:38 On peut élargir comme ça.
08:41 On peut prendre une personne et lui dire,
08:43 "Fais-nous l'entraînement, fais-nous l'échauffement, fais-nous le stretching."
08:47 Ça responsabilise aussi, c'est ça que tu veux dire.
08:49 Ça responsabilise, c'est ça.
08:51 On peut les amener à faire des activités qu'ils n'ont jamais faites
08:56 et sortir de leur zone de confort.
08:58 C'est quelque chose qui est aussi important pour moi,
09:00 qui est valable pour tout le monde, à tout âge.
09:03 Sortir de sa zone de confort.
09:05 Si je résume, aujourd'hui, tu es coach en karaté pour des enfants autistes.
09:10 J'ai quelques enfants autistes.
09:12 Je n'en ai pas autant que je le souhaiterais.
09:15 Mais c'est quelque chose que j'aimerais développer.
09:19 Il y a un retour qui est assez extraordinaire.
09:23 C'est quoi ces retours ?
09:25 Tu me disais la dernière fois que ces personnes autistes
09:28 ont des difficultés à fonctionner dans notre monde.
09:31 Le karaté et le sport en général permettent à ces personnes
09:36 de s'affranchir de freins et de s'intégrer d'une manière ou d'une autre
09:40 dans un collectif.
09:41 Est-ce que c'est ça que tu essaies de mettre en forme,
09:44 de mettre en place dans cette initiative que tu as prise ?
09:47 Oui, c'est ça.
09:48 Comme je disais, on peut avoir des activités qui sont très individuelles,
09:51 très séparées.
09:52 Et puis, on peut amener petit à petit les enfants à travailler ensemble,
09:58 à faire des exercices un petit peu différents.
10:03 Donc, on peut progresser progressivement, si je puis dire,
10:07 en fonction de la personne, de s'adapter,
10:10 de voir si on a besoin de rester dans sa zone de confort,
10:13 jusqu'à quand on peut continuer les mêmes exercices
10:17 ou faire autre chose sans déclencher du stress chez eux.
10:21 De l'angoisse, etc.
10:22 De l'angoisse, voilà.
10:23 Et donc, s'adapter comme chaque personne est différente aussi,
10:26 c'est un challenge.
10:27 Est-ce qu'il y a une formation spécifique pour faire cela ?
10:30 Ou c'est toi ton intuition, entre guillemets ?
10:33 Alors, moi, j'ai suivi des formations.
10:35 En fait, quand j'ai arrêté de travailler,
10:37 j'ai voulu m'orienter vers l'autisme.
10:40 J'ai suivi des formations online, en ligne,
10:48 parce que je voulais me former là-dessus,
10:51 sur l'autisme et le sport.
10:52 Mais j'ai voulu surtout me former sur le terrain, en fait,
10:54 parce que je pense qu'il n'y a rien de mieux
10:56 que le contact avec les gens.
10:58 Donc, j'ai travaillé dans des écoles pour enfants,
11:01 des écoles spécialisées.
11:03 J'ai suivi les enfants aussi bien dans leurs activités sportives
11:05 que dans leurs activités du quotidien,
11:07 voir quelle était leur routine,
11:10 puisque la routine est très importante,
11:12 justement, avec le matin, on arrive, on est triste,
11:15 on est content, on est en colère,
11:17 donc avec des petits pictogrammes,
11:18 toujours quelque chose de très visuel.
11:20 Ludique aussi, un petit peu.
11:21 Ludique, voilà, pour pouvoir exprimer les sentiments.
11:24 Les aménagements qui sont faits au niveau des ergothérapeutes,
11:28 en fait, qui travaillent dans les écoles avec les enfants.
11:30 D'accord.
11:31 Je travaille avec un enfant autiste,
11:33 un adolescent autiste non-verbal depuis quelques années aussi,
11:36 où le challenge, c'est de rentrer en communication,
11:40 finalement, de rentrer dans son monde.
11:42 Pour moi, les personnes avec autisme,
11:46 c'est un petit peu comme un labyrinthe.
11:50 C'est-à-dire que si, je te rends compte, je viens de parler,
11:54 on est française, on a les mêmes codes,
11:56 les mêmes codes sociaux.
11:57 Ça va tout droit.
11:58 La direction, voilà, ça va tout droit.
12:00 Et quand on a affaire à des personnes avec autisme,
12:03 on peut aller tout droit et puis se rendre compte
12:05 que ça ne fonctionne pas.
12:06 On peut faire ce qu'on veut, ça ne fonctionne pas.
12:08 Donc, quand on est à gauche, on essaye autre chose.
12:10 Donc, pour rentrer en communication, par exemple,
12:12 on ne va peut-être pas du coup plus regarder la personne dans les yeux,
12:15 parler plus lentement, faire des phrases très courtes
12:18 et essayer de voir si, là, on arrive à attirer son attention.
12:22 Et puis, quand on atteint une autre limite,
12:25 on retourne à droite, on change comme ça.
12:27 Et donc, voilà.
12:28 C'est une constante remise en question, en fait.
12:30 Je crois que c'est ça qui me fascine dans l'autisme.
12:32 C'est que ça nous fait nous remettre en question
12:35 parce que le principe des personnes avec autisme,
12:38 c'est qu'elles ont du mal à comprendre nos codes sociaux,
12:42 la façon dont notre société fonctionne.
12:44 Donc, à l'inverse, nous, on doit s'adapter
12:46 pour comprendre comment tout ça fonctionne, en fait.
12:48 Oui, il faut aller vers eux, quoi.
12:49 [Musique]
13:12 Alors, justement, si on parle un peu du sujet de l'autisme en général,
13:16 ton parcours a beaucoup été dans des pays anglo-saxons,
13:19 notamment au Canada, qui semble, d'après ce que tu m'as dit,
13:24 un petit peu plus en avance que les pays francophones
13:26 et notamment la France, sur, un, la considération de l'autisme,
13:30 mais aussi les outils et les organisations
13:32 qui peuvent être mis en place autour d'eux.
13:35 Est-ce que, justement, c'est la partie des messages
13:37 que tu as envie de faire passer aujourd'hui,
13:39 que c'est, voilà, important de considérer ces personnes, pardon ?
13:47 Avec des besoins spécifiques ?
13:48 Oui.
13:49 Tout à fait. Effectivement, les pays anglophones
13:51 sont plus en avance que nous,
13:53 que ce soit le Canada, les États-Unis, le Royaume-Uni.
13:57 Voilà, ça fait plus longtemps qu'ils mettent des choses en place
14:00 et qu'ils adressent, voilà, qu'ils cherchent à faire connaître
14:06 la problématique de l'autisme.
14:08 Après, voilà, moi je suis une optimiste
14:10 et effectivement la France est en retard,
14:12 mais je préfère regarder le bon côté de la France, en fait,
14:15 avec ce qui se fait, ce qui est mis en place.
14:19 Donc, il y a des choses qui sont mises en place à différents niveaux.
14:21 Ça peut être dans les entreprises, avec des environnements adaptés
14:24 pour les personnes avec autisme.
14:26 Ça peut être des emplois adaptés, des environnements physiques,
14:29 lumière amoindrie, un endroit où il n'y a pas de passage,
14:31 où il n'y a pas trop de bruit.
14:34 Une sensibilisation pour les collègues,
14:36 pour que justement les personnes apprennent à repérer la différence,
14:40 à accepter la différence, à gérer la différence,
14:42 même si chaque personne est unique.
14:44 C'est ça qui est fabuleux, c'est que c'est un challenge.
14:47 C'est un film des jours, c'est infini de toute façon.
14:50 C'est ça, ça peut être dans le milieu éducatif
14:52 où il y a de plus en plus à la rencore.
14:54 Je pense qu'on insiste beaucoup dans les médias
14:56 sur le manque de personnes dans les écoles
14:59 pour pouvoir assister ces enfants-là.
15:02 Donc, effectivement, il en manque, mais bon, il faut en parler
15:04 pour justement qu'il y en ait un petit peu plus.
15:07 Mais il y a du matériel pédagogique aussi qui se développe.
15:12 Ça peut être dans les supermarchés, par exemple.
15:16 Dans les supermarchés, il y a des heures.
15:18 Dans certains supermarchés, ils font une heure par semaine
15:21 qui sont "autist-friendly", si on peut dire,
15:24 où la lumière va être amisée, il n'y aura pas d'annonce,
15:26 il n'y aura pas de bruit, il y aura plus de personnel
15:29 pour aider les personnes-là, accompagner.
15:33 C'est peut-être plus facile pour les familles
15:37 d'aller faire les courses à ce moment-là avec un enfant autiste
15:41 parce qu'ils savent qu'il y aura d'autres personnes,
15:44 que ce sera moins gênant puisque justement,
15:46 on fait quelque chose particulièrement pour eux.
15:48 Les cinémas, il y a des séances de cinéma aussi
15:50 où le bruit, le son est amisé, la lumière est amisée.
15:57 Quand on ne passe pas de pleine lumière au noir tout de suite,
16:00 ça va être progressif.
16:03 À côté de chez moi, c'est à Londres,
16:05 il y a un parc de trampolines où il y a une heure par semaine.
16:09 Pareil, on coupe la musique,
16:12 il y a du personnel un petit peu plus attentif.
16:15 Il y a plein de choses qui sont faites comme ça.
16:17 J'ai regardé un reportage d'autre jour où il y avait,
16:21 c'était l'aéroport de Beyrouth,
16:24 mais ça existe dans quelques aéroports,
16:27 où il y a des salles sensorielles.
16:29 Parce qu'en fait, les personnes avec autisme,
16:33 comme on l'a dit, ont des problèmes sociaux,
16:37 des problèmes de relations sociales,
16:39 ils ont aussi beaucoup de problèmes sensoriels.
16:42 Tous les cinq sens peuvent être exacerbés.
16:46 C'est-à-dire qu'une lumière qui nous paraît normale pour nous
16:50 va être très très forte pour eux,
16:51 un bruit, un stylo qui tombe, une tasse qui claque,
16:54 ça va être très très amplifié.
16:55 Ce n'est pas tous les sens, c'est l'un, l'autre, deux, trois,
16:57 ça dépend.
16:58 Parfois tous.
16:59 Voilà, tous.
17:00 Donc voilà, dans ces aéroports-là,
17:02 il y a des salles sensorielles où les familles peuvent aller
17:04 pour attendre dans des conditions plus favorables.
17:10 On peut montrer à l'enfant ce qui va se passer,
17:12 comme on va monter dans un avion, on va s'asseoir,
17:14 on va devoir rester assis.
17:17 Mais c'est incroyable parce qu'en fait,
17:18 tout acte du quotidien est beaucoup plus complexe
17:22 pour les personnes autistes.
17:24 Et juste pour continuer un peu sur l'autisme et ta vision
17:27 et surtout nous expliquer un petit peu mieux aussi,
17:30 il y a différentes typologies d'autisme.
17:32 En fait, il y a des autismes qui sont gravement atteints,
17:35 que l'on voit, en tout cas qu'on peut percevoir
17:37 du premier regard, on peut se rendre compte
17:39 qu'il y a un problème, mais il y a aussi beaucoup d'autistes
17:42 qu'on ne perçoit pas du tout.
17:45 Oui, tout à fait.
17:46 L'autisme, c'est un spectre.
17:47 Donc il y a des personnes qui peuvent être très très légèrement atteintes
17:50 comme des personnes qui vont être beaucoup plus lourdement handicapées.
17:53 Tu me parlais de 1% ?
17:55 Oui, même pas un peu, moins d'un pour cent.
17:58 Mais après, ce sont des personnes,
17:59 les statistiques sont des personnes diagnostiquées.
18:01 Là aussi, on espère qu'il y aura beaucoup de progrès fait
18:04 sur le diagnostic, la reconnaissance, la sensibilisation
18:07 pour avoir plus de diagnostics
18:09 parce que beaucoup d'enfants ne sont pas diagnostiqués aujourd'hui.
18:12 Et la vie quotidienne pour eux est parfois très dure.
18:15 La vie quotidienne pour eux est compliquée
18:16 parce qu'ils sentent bien qu'ils sont décalés,
18:18 qu'ils sont des enfants qui évoluent mal dans le monde qu'on a,
18:24 notre société, la façon de fonctionner.
18:27 On ne veut pas normer, on ne veut pas tous être pareil, on est différents.
18:30 Sauf qu'il y a quand même une sorte de norme.
18:32 Et ces enfants-là ne rentrent pas dedans,
18:36 ont du mal à s'intégrer, ont du mal à interagir avec les autres.
18:42 Ils sentent qu'ils ne sont pas à leur place,
18:44 ce qui peut déclencher des colères, des crises chez eux.
18:48 De ce que j'entends, de ce que tu nous racontes, Karine,
18:51 c'est qu'en fait il y a un vraiment de connaissance de cette maladie.
18:54 Et donc c'est important qu'on en parle aussi davantage
18:57 pour mieux la comprendre et surtout peut-être adapter
19:00 certains environnements ou même certaines postures que nous avons.
19:03 Puisqu'en fait il y a beaucoup d'autistes qu'on ne voit pas
19:06 et qui vivent le quotidien de manière un peu douloureuse.
19:09 Voilà, un spectre.
19:11 Pour certaines personnes c'est évident, pour d'autres c'est beaucoup moins évident.
19:14 C'est ce qu'on appelle aussi la différence invisible.
19:17 Il y a un très beau livre d'ailleurs qui a été fait par Julie Dachaise,
19:21 qui est une BD que je conseille à toute personne qui veut comprendre.
19:25 C'est l'histoire d'une jeune femme qui a 26 ans,
19:27 qui travaille, qui est en couple je crois.
19:29 Donc elle est comme tout le monde, elle travaille, elle a son appartement.
19:33 Sauf qu'effectivement elle est sur le spectre.
19:37 Et là la BD exprime très bien ces challenges au quotidien,
19:43 ces défis au quotidien.
19:45 Ça peut être effectivement les bruits dans les transports en commun,
19:50 ça peut être la tasse de café du collègue, l'odeur du café.
19:53 Ça peut être le voisin qui voudrait prendre des cours d'espagnol
19:59 parce qu'elle parle espagnol, mais il a d'autres intentions,
20:02 mais elle ne les voit pas puisque ce sont des gens qui n'ont pas de second degré
20:05 qui sont très directs.
20:07 Donc voilà, c'est tout, c'est bien dessiné.
20:11 Il faut l'acheter parce que c'est important de bien comprendre.
20:15 Ça s'appelle "La différence invisible" et c'est très bien expliqué,
20:18 c'est très visuel en même temps.
20:20 Et même pour un petit, qui est potentiellement un petit enfant,
20:23 donc on le décelerait comme étant autiste,
20:26 c'est aussi une bonne façon de lui expliquer sa différence
20:28 et en quoi elle est importante, mais elle n'est pas handicapante.
20:33 C'est un très bon point.
20:36 Je pense que les personnes avec autisme sont des personnes différentes.
20:40 C'est différent de nous, ce n'est pas mieux, ce n'est pas moins bien.
20:43 C'est différent et malheureusement pour eux, comme la société est normée,
20:47 c'est compliqué pour eux de s'y adapter.
20:49 Donc il faut qu'ils fassent des efforts pour s'intégrer.
20:55 Et je pense qu'il est important qu'il y ait un diagnostic qui soit posé
21:00 parce que les personnes se sentent différentes mais ne comprennent pas.
21:02 Donc ça peut entraîner des sentiments de culpabilité, d'infaillirité,
21:06 d'énorme frustration.
21:09 Pourquoi on ne rentre pas dans les cases, pourquoi on ne rentre pas dans le moule ?
21:13 Et là, l'importance du diagnostic, effectivement,
21:16 de comprendre qu'on est différent.
21:18 Certaines personnes ne veulent pas qu'on mette des tickets sur elles-mêmes
21:23 ou sur leurs enfants.
21:24 Moi, je pense que c'est important de se rendre compte qu'on est différent.
21:29 Une fois que c'est dit, on n'est pas moins bien, on est juste différent.
21:33 Et donc on ne veut pas, on va devoir s'adapter.
21:36 Et donc le fait de comprendre va expliquer aux gens
21:39 que quand tu parles comme ça, ce n'est pas acceptable
21:41 ou que ça va choquer la personne en face de toi.
21:43 La personne aura telle réaction qu'elle ne va pas te plaire
21:45 ou qu'elle va se détourner de toi.
21:47 Donc il faut apprendre les codes des choses qu'on peut apprendre de façon innée.
21:52 Il faut leur expliquer, il faut que ce soit très explicite.
21:56 On ne peut pas parler avec des images, le non-dit, le second degré,
22:02 tout à fait, le langage corporel.
22:04 Ce sont des choses qui sont compliquées à appréhender pour eux.
22:08 Donc il faut le savoir et travailler là-dessus.
22:11 Si on revient un tout petit peu au rapport entre le sport et l'autisme,
22:15 pour toi, c'est extrêmement important que justement les autistes
22:18 puissent avoir accès aussi au sport et plus spécifiquement au karaté
22:22 parce que justement, ça leur permet de mieux s'adapter.
22:25 C'est ça aussi que tu essaies de leur apprendre ?
22:27 Oui, ça leur permet d'essayer des choses différentes,
22:30 de sortir de leur zone de confort, peut-être d'en avoir peur.
22:33 Mais s'il y a une équipe bienveillante, on connaît un petit peu les challenges,
22:38 on sait comment les adresser pour pouvoir les amener à faire des choses
22:43 un petit peu différentes, les amener à avoir peur de faire quelque chose,
22:48 ne pas y arriver et puis progressivement d'y arriver.
22:51 Le karaté aussi, il y a le système de ceinture, donc il y a la progression.
22:54 On voit la progression, elle est visible, la reconnaissance est tangible.
23:03 Pour moi, l'important, c'est qu'ils reproduisent ça dans la vie de tous les jours.
23:09 Ce n'est pas tellement pour les techniques de karaté que je fais ça,
23:14 mais c'est pour leur apprendre à prendre confiance en eux,
23:17 à prendre confiance en eux dans ce qu'ils font,
23:19 à prendre confiance en eux dans un espace public avec d'autres personnes,
23:25 d'apprendre à interagir avec les autres personnes,
23:27 de voir que oui, ça fait un petit peu peur au début, mais on y arrive finalement.
23:32 Parce qu'encore une fois, l'idée, c'est de leur donner l'autonomie
23:37 et qu'ils aient la meilleure vie possible et qu'ils aient les meilleurs outils,
23:40 qu'ils soient le mieux outillé pour évoluer dans la vie,
23:44 pour qu'ils trouvent leur place.
23:47 Je crois que trouver sa place, pour moi, c'est quelque chose de très important.
23:50 On parle beaucoup du karaté, je fais aussi du rugby inclusif.
23:55 Tous les dimanches matin, je suis sur le pitch de rugby du club de mon fils,
24:01 où il y a un groupe inclusif pour les enfants qui ne peuvent pas suivre leur catégorie d'âge.
24:06 C'est en gros de 5 à 14 ans, garçons et filles,
24:10 des enfants qui peuvent avoir différents problèmes,
24:13 qui peuvent être des problèmes liés à l'autisme, liés à la trisomie,
24:17 des problèmes psychomoteurs.
24:19 Donc voilà, tous des enfants différents, mais tellement riches.
24:23 Et l'idée, c'est qu'on soit tous ensemble, qu'ils soient inclus aussi.
24:28 Donc par rapport au karaté, là, il y a peut-être un petit peu plus de monde.
24:32 Et il y a cette inclusion qui est importante, je pense, pour l'enfant.
24:39 Donc déjà l'aspect physique, le bienfait du sport,
24:44 mais le fait d'être inclus dans un groupe.
24:46 Quand on fait un match, il y a des bleus, il y a des rouges.
24:48 Mon enfant, il est dans les rouges.
24:50 Tout ça pour aborder aussi la problématique de l'isolement de ses enfants et de ses familles.
24:57 Quand on a un enfant différent, tout est plus compliqué.
25:02 Tout est plus compliqué pour aller prendre les transports, aller au supermarché,
25:06 mais aussi chez les jeunes parfois.
25:08 C'est des enfants qui sont différents, qui sont isolés.
25:10 Donc même s'ils ont la chance déjà d'aller à l'école,
25:12 ils n'ont pas forcément des amis.
25:13 Ils ne sont pas invités à aller jouer au foot en bas de l'immeuble.
25:15 Ils ne sont pas invités à aller à l'anniversaire, à aller à la piscine.
25:19 Donc c'est des enfants qui se retrouvent souvent isolés.
25:22 C'est une problématique compliquée pour les enfants et pour les parents.
25:25 Et pour les familles, bien sûr.
25:27 Justement, c'est intéressant, puisqu'on arrive vers la fin de ton interview.
25:31 Moi, j'ai entendu beaucoup, évidemment, de notions d'inclusivité.
25:35 Et surtout, beaucoup de bonheur à faire ce que tu fais.
25:38 Je trouve ça super inspirant.
25:40 Ça montre à quel point, tout ça, au-delà d'avoir envie de contribuer positivement,
25:45 justement de mettre en avant les problématiques de l'autisme,
25:47 toi agir pour le faire, on sent que ça t'apporte énormément.
25:52 Est-ce que justement, si tu as un petit mot de conclusion
25:56 que tu as envie de communiquer aux gens qui nous écoutent,
25:59 enfin, on te voit sourire.
26:01 Non mais c'est important pour moi parce que je me dis régulièrement
26:05 que c'est quelque chose que j'aime faire, le fait de m'occuper des autres,
26:12 de faire du bien à des personnes qui ont des besoins spécifiques.
26:17 Mais je ne le fais pas parce que je suis une bonne samaritaine
26:21 ou pour améliorer mon karma, en fait.
26:23 Je le fais parce que c'est vraiment quelque chose qui me nourrit, moi aussi.
26:26 Et ça, je trouve ça chouette d'avoir cet équilibre
26:28 parce que pour que ce soit pérenne,
26:30 je pense qu'il faut que ça vienne du cœur aussi.
26:32 Il faut que moi, j'y trouve mon compte aussi.
26:34 Bien sûr.
26:35 Donc, en fait, quand on peut le faire,
26:37 quand on a la chance de pouvoir, à un moment, s'arrêter,
26:41 se dire qu'est-ce qui m'allume, en fait,
26:45 qu'est-ce que j'ai envie de faire, quelle est ma flamme à moi,
26:49 qu'est-ce que j'ai envie de faire,
26:51 c'est chouette de pouvoir le faire.
26:55 Et quand on peut faire une activité qui soit en lien avec sa passion,
27:00 avec ses compétences,
27:02 qu'on peut transformer en activité professionnelle ou non professionnelle,
27:06 après, c'est chouette de trouver sa place.
27:09 C'est chouette de pouvoir faire ça.
27:11 Et puis quand on rayonne, on rayonne pour tout le monde.
27:13 On fait du bien de toute façon à tout le monde, je pense,
27:15 quand c'est comme ça.
27:17 Et voilà, c'est un petit peu le principe de l'Ikigai.
27:19 Je ne sais pas si tu connais, là, dans le développement personnel,
27:22 dans le recherche des emplois,
27:24 c'est de combiner sa passion, ce pour quoi on est bon,
27:27 ce qui sert à la société,
27:29 et puis comment le transformer en activité professionnelle ou non professionnelle.
27:33 Donc, il faut s'écouter et ne pas oublier l'enfant.
27:37 Comme je disais tout à l'heure, l'enfant qu'on était
27:39 quand on était tout petit, sans pression sociale, sans pression familiale.
27:42 Qu'est-ce qu'on avait vraiment envie de faire ?
27:43 Qu'est-ce qui nous allumait, qu'est-ce qu'on avait envie de faire ?
27:45 Et au-delà de ce qu'on avait envie de faire,
27:48 qu'est-ce qu'on a envie de faire pour ceux qui sont autour de nous ?
27:50 Il y a quand même cette idée de réciprocité
27:52 qui est super intéressante dans tout ce que tu racontes.
27:54 Et d'inclusion. Alors, on parle beaucoup d'inclusion.
27:57 Je pense que parfois, on parle un petit peu moins d'inclusion,
28:00 notamment de ces populations qui ont des problématiques comme l'autisme, etc.,
28:05 en tout cas en France, et que ça fait aussi partie du débat public d'une certaine manière.
28:09 Merci beaucoup du temps que tu nous as accordé.
28:12 Merci à toi de m'avoir donné la parole.
28:14 Ce n'était que sourire et effectivement rayonnement.
28:17 Et ça donne vraiment envie de s'engager à tes côtés.
28:20 Merci beaucoup de ton temps.
28:22 Et je pense que ça a inspiré beaucoup de gens autour de nous.
28:24 J'espère.
28:25 À bientôt.
28:26 À bientôt.
28:27 On voit Charlotte.
28:28 [Musique]

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