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Laurent Grandin, président de l’Interfel, l'Association interprofessionnelle des fruits et légumes frais, répond aux questions d'Alexandre Le Mer. Ensemble, ils s'intéressent à la crise agricole et à la souveraineté alimentaire évoquée par le Premier ministre, Gabriel Attal.
Retrouvez "L'invité éco" sur : http://www.europe1.fr/emissions/linterview-eco

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Transcription
00:00 - Europe 1, il est 6h41. - Les dernières mesures annoncées par Gabriel Attal semblent avoir rassuré les agriculteurs.
00:07 Est-ce qu'elles vont aussi soutenir notre souveraineté alimentaire ? Parce que cette question est au cœur de la crise agricole.
00:13 On en parle ce matin sur Europe 1. On va s'intéresser en particulier aux fruits et légumes que vous mettez dans votre assiette.
00:19 - Votre invité, Alexandre Lemer, c'est Laurent Grandin, président de l'Interfell, l'interprofession des fruits et légumes frais.
00:25 - Bonjour Laurent Grandin. - Bonjour.
00:27 - D'après le ministère de l'Agriculture, 60% des fruits et 40% des légumes consommés en France ne sont pas produits en France, ils sont importés.
00:36 Comment vous expliquez cette situation ?
00:39 - Alors déjà, la situation est très différente entre fruits et légumes, vous l'avez noté.
00:45 Sur les fruits, il faut considérer que quand même, une partie de ce qui est importé chez nous ne peut pas se produire actuellement sur le territoire.
00:54 C'est vrai de tous les fruits tropicaux, les bananes, les ananas, les mangues, les avocats.
00:59 Et c'est vrai aussi des agrumes pour l'essentiel, sans faire injure à nos amis corses.
01:03 On est essentiellement importateurs d'oranges, de citrons.
01:07 - On a des bananes antillaises quand même, Laurent Grandin.
01:10 - Oui, on a des bananes antillaises, mais c'est considéré comme outre-mer, disons.
01:14 Et ça rentre pour une partie, mais pas la totalité du besoin.
01:19 Et donc, si vous voulez, si vous rectifiez ces chiffres, vous vous retrouvez à quelque chose autour de 60% plutôt de part de production nationale dans la consommation des fruits.
01:30 - Les fruits et légumes français sont-ils plus chers que les versions importées, Laurent Grandin ?
01:37 - Incontestablement, pour une raison d'évidence.
01:41 Alors, il faut séparer deux choses.
01:44 C'est les produits qui sont mécanisés et mécanisables, sur lesquels les coûts sont assez comparables à nos voisins européens, parce que l'impact de la main-d'œuvre est faible.
01:53 Sur tout ce qui nécessite et notamment offrit beaucoup de main-d'œuvre, le différentiel est connu.
01:59 On a un modèle social à la française qu'on défend tous, mais qui a un impact sur la main-d'œuvre, même s'il y a eu des efforts,
02:06 ce qu'on appelle le TODE, d'ailleurs qui va être rehaussé, si c'est bien compris les annonces du Premier ministre,
02:11 qui allège les charges pour les travailleurs saisonniers.
02:15 Malgré ça, il est incontestable que sur cette partie-là, on a avec un certain nombre de pays un différentiel de coûts important.
02:25 Donc c'est là où l'écart se creuse.
02:27 - L'écart se creuse, ça fait des années que votre filière dénonce la concurrence déloyale des productions étrangères,
02:33 dumping social, vous l'évoquiez, sur les conditions de travail, sur les charges,
02:37 dumping sanitaire également, c'est-à-dire l'importation de fruits et légumes qui sont traités avec des pesticides interdits en France.
02:44 Sur ce point, vous avez obtenu une réponse de Gabriel Attal, Laurent Grandin.
02:49 - Alors oui, en partie, nous étions, nous, filière fruits et légumes spécifiquement, déjà engagés avec le ministère de l'agriculture sur un plan de souveraineté.
02:58 Et pour la partie des pesticides, on avait déjà travaillé un dispositif qui s'appelle PARSADA, qui est en fait la version végétale des cofito,
03:07 et qui conduisait à une anticipation des risques de suppression de molécules,
03:11 dans la mesure où on connaît, on sait qu'il y a certains produits qui posent des problèmes,
03:17 et qui doivent être anticipés en matière de moyens de recherche.
03:21 Et donc on était déjà sur cette trajectoire, mais ce qui pose problème, ce n'est pas tant la liberté des échanges sous la réserve que j'ai émise tout à l'heure,
03:30 c'est le fait que ce n'est pas les autres pays qu'il faut accuser.
03:34 C'est la France qui a pris des dispositions successives, en avance cette phase,
03:39 ou complètement déconnectée des autres pays, et qui a interdit à nos producteurs d'utiliser des produits qui étaient...
03:44 - C'est-à-dire que vous ne luttez pas armes égales par rapport aux productions importées, Laurent Grandin, c'est ce que vous nous dites.
03:51 - Oui, on est désarmé sur certains produits, alors que ces produits continuent à être utilisés par d'autres pays,
03:58 et par ailleurs, chaque pays a la possibilité aussi de demander des dérogations, le temps de trouver des solutions,
04:04 et donc c'est peut-être ce qui manque quelquefois en France.
04:08 - Laurent Grandin, l'interdiction d'importer des fruits et légumes traités avec le thiaclopride,
04:13 c'est ce pesticide de la famille des néonicotinoïdes, qui est accusé d'être un tueur d'abeilles,
04:17 là on marque un point contre la concurrence déloyale de ce point de vue ?
04:20 - Oui, on ne fait qu'appliquer ce qui aurait dû être appliqué par tous, avec une difficulté quelquefois de détection,
04:29 mais effectivement, à partir du moment où en Europe on interdit pour des questions de santé ou d'environnement des produits,
04:36 ils ne doivent pas rentrer chez nous, c'est une évidence qui est directe, disons.
04:41 - Bon, mais qui vient d'entrer en application, c'est la différence, c'est une évidence qui n'était pas appliquée.
04:46 - Oui, c'est vrai, de ce point de vue, à partir du moment où on a des interdictions pour des questions de santé publiques,
04:57 il est clair qu'il faut prendre des clauses de sauvegarde pour ne pas importer des produits qui seraient, disons,
05:03 quelque part traités avec des produits dangereux.
05:10 - Oui, ça ne règle pas la question de la transition écologique, c'est ça aussi le problème,
05:14 c'est qu'on met sur pause le plan éco-phyto, c'est-à-dire qu'on met sur pause le plan de réduction de l'usage des pesticides.
05:20 Est-ce qu'on peut aujourd'hui se passer de pesticides Laurent Grandin pour produire des fruits et légumes en France en quantité suffisante ?
05:27 Est-ce qu'on a la réponse ?
05:29 - Alors, en aucun cas, mais on est sur une trajectoire, je rappelle quand même qu'on a baissé les pesticides les plus dangereux
05:36 ces cinq dernières années de près de 90%.
05:39 Donc on est quand même sur des trajectoires, si vous voulez, sur lesquelles tout le monde fait des efforts,
05:43 pas uniquement en France, et sur lesquelles la France est plutôt en avance sur ce terrain-là.
05:48 Donc on est, par rapport au plan éco-phyto, ce que j'ai cru comprendre, c'est qu'il y avait une question qui a été posée,
05:55 notamment par les céréaliers, sur des questions de nombre de traitements, ce qu'on appelle le "nodu",
06:00 mais fondamentalement le plan n'est pas remis en cause.
06:03 Il va perdurer et il va être réaxé sur des objectifs clairs,
06:08 parce que le problème d'éco-phyto, quand vous dites "on va réduire 50% les pesticides", ça ne veut rien dire.
06:14 Vous allez réduire quoi ? La masse, la dangerosité, vous allez réduire le nombre de traitements ?
06:19 Donc vous voyez, à mauvais objectifs, mauvais résultats,
06:23 mais sur le fond, on a quand même continué à avancer,
06:25 et nous, nous sommes collectivement tous engagés sur la transition agroécologique,
06:29 et on produit déjà de manière beaucoup plus saine et beaucoup plus équilibrée qu'il y a quelques années.
06:34 - Bon, en tout cas, des avancées que vous reconnaissez ce matin sur Europa.
06:37 Merci Laurent Grandin, je rappelle que vous êtes président de l'Interprofession des Fruits et Légumes Frais.
06:42 Merci.

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