Jean-François Guihard, artisan-boucher dans le Morbihan et président d'Interbev et de la CFBCT, répond aux questions d'Alexandre Le Mer à l'occasion des 50 ans du pavillon des viandes de Rungis.
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00:00 - Au repas il est 6h41, le célèbre marché de Rungis fête aujourd'hui les 50 ans de son pavillon des viandes.
00:06 Même si la France est engagée à réduire la consommation de viandes, celle-ci ne baisse plus depuis 10 ans.
00:11 Votre invité Alexandre et Jean-François Guillard, président d'Interbev, l'interprofession du bétail et des viandes,
00:16 président de la Confédération de la Boucherie, Charcuterie et des Traiteurs.
00:20 - Bonjour Jean-François Guillard. - Bonjour à vous.
00:22 - Trois jours de fête à Rungis jusqu'à jeudi pour célébrer l'arrivée des viandes et des volailles,
00:27 c'était il y a 50 ans déjà en 1973. Trois jours de festivité, quel est le programme ?
00:33 - Oui donc on peut dire que c'est Rungis qui s'ouvre au grand public quelque part, avec...
00:39 Tout le monde peut aller visiter, bien sûr il faut s'inscrire pour un petit peu de discipline,
00:43 mais c'est un moment important, donc l'inauguration de ces manifestations ce matin,
00:49 donc à 6h et pendant trois jours, donc avec des animations, des dégustations.
00:55 Rappelez que Rungis, le pavillon des viandes, c'est 300 000 tonnes de viande par an,
01:02 c'est un secteur qui a 68 entreprises et c'est 1500 salariés,
01:09 donc c'est vraiment un pan important de l'économie alimentaire.
01:14 - Vous êtes artisan boucher également, à Maletroie dans le Morbihan,
01:18 on parle tous évidemment de l'inflation à tous les étages, au rayon alimentation en particulier,
01:23 ils vous disent quoi, vos clients ? Vous les voyez commander moins de viande,
01:27 vous voyez le panier qui baisse ?
01:30 - Je dirais que le consommateur s'adapte, donc certes certains viennent peut-être un petit peu moins souvent,
01:37 mais sont très attachés à la qualité et aux services.
01:42 Avec le Covid aussi, on a eu un renouvellement de génération,
01:46 parce que la jeune génération justement fait très attention à ses achats,
01:52 à la viande qu'on donne à nos enfants, je crois que c'est important,
01:55 donc peut-être les clients avec une rotation, je dirais, moins souvent,
02:00 mais peut-être un potentiel de client plus important.
02:04 - Il y a deux semaines, Bruno Le Maire a inauguré une usine de viande végétale dans l'Ulgoiret,
02:09 alors je crois que rien que l'expression vous irrisse, Jean-François Guillard, la viande végétale.
02:14 - Je dirais qu'on ne va pas opposer le végétal à la viande,
02:18 qu'il inaugure une entreprise en tant que ministre de l'économie, on peut dire que c'est son rôle,
02:26 mais derrière c'est la publication qui a été faite, la communication qui a été faite,
02:31 qui est plutôt maladroite, justement on nous dit qu'il ne faut pas opposer la viande et les légumes,
02:39 et là pour le coup c'est ce qui avait été fait, donc nous l'avons rencontré hier matin,
02:43 et bien sûr, bon, il reconnaît quelque part une erreur de communication,
02:48 mais c'est aussi son rôle de ministre, et on espère le voir cet été dans une exploitation,
02:55 et peut-être visiter un outil d'abattage ou de transformation.
03:00 - Oui, Jean-François Guillard, puisque vous parlez de communication,
03:03 vous avez quand même reproché à Bruno Le Maire, sous forme de reproche, si je comprends bien,
03:07 de se mettre au vegan, en vous demandant même s'il n'est pas devenu, pour vous citer,
03:11 le nouveau faux soyeur de la filière viande.
03:14 Ça vous a mis en colère quand même cette inauguration.
03:16 - Ça nous a mis particulièrement en colère, ça a mis en colère toute la filière.
03:19 Vous savez, en France, on a une filière vertueuse, on a des éleveurs qui ont en moyenne des petites exploitations,
03:27 on ne peut pas comparer à des élevages en fidlotte des Etats-Unis ou d'Amérique du Sud.
03:33 Donc on a un élevage qui est vertueux, un élevage herbagé, un élevage qui est capteur de carbone,
03:41 un élevage qui entretient les territoires,
03:44 donc je crois que les éleveurs, mais aussi le milieu de filière et la distribution,
03:50 que ce soit les bouchées, la moyenne, grande surface, n'ont pas du tout apprécié la plaisanterie.
03:54 - Alors attendez, vous êtes en train de nous dire que l'élevage est un capteur de carbone net en France,
03:59 Jean-François Guillard, c'est ce que vous nous dites.
04:01 - Je dis que l'herbe est capteur de carbone, les animaux mangent, je dirais, que de l'herbe en France.
04:09 On n'a pas des animaux qui sont élevés dans des bâtiments,
04:15 ils sont principalement 90% de leur vie à l'herbe, donc c'est vraiment important.
04:22 D'ailleurs on commence à voir ici ou là des articles qui vont dans ce sens.
04:27 - Bon alors en tout cas, ce n'est pas le sens du rapport publié le mois dernier par la Cour des Comptes,
04:32 Jean-François Guillard, vous l'avez vu passer forcément,
04:34 l'essage de la Cour des Comptes conclut que si la France veut respecter ses engagements climatiques
04:39 pour atteindre la neutralité carbone comme c'est prévu en 2050,
04:42 elle doit planifier la baisse de ses cheptels bovins qui représentent environ 12% des émissions de gaz à effet de serre.
04:49 - Oui, donc ça c'est le deuxième point qui nous a mis en colère.
04:52 Tout ça, ça a été en l'espace d'une semaine.
04:56 - Pourquoi en colère ? Vous contestez ces chiffres ?
04:58 - On ne conteste pas ces chiffres.
05:00 Mais la consommation de viande en France, vous savez, les recommandations,
05:06 c'est 500 grammes de viande brute, hors volaille, cuite par personne.
05:11 Aujourd'hui la moyenne en France, on est à 300 grammes.
05:14 Donc on n'est pas en surconsommation de viande.
05:17 Et après je vous dirais que, étant donné que nous avons une baisse de production,
05:21 si on veut faire baisser la consommation de viande, dans ce cas-là, il suffit tout simplement,
05:27 on n'a pas besoin de baisser la production en France, il suffit tout simplement d'arrêter les importations.
05:33 Vous savez que pour la fin de l'année, on va être entre 25 et 30% d'importation.
05:37 Donc si on veut baisser la consommation de viande en France, je ne ferais que 15%,
05:44 on arrête les importations de viande qui viennent de quelquefois, on ne sait pas trop d'où,
05:50 avec un bilan carbone, là je ne vous en parle pas.
05:53 Donc je crois que tous ces éléments sont aussi importants.
05:55 - Bon, la traçabilité à tous les étages, soutenir ainsi en réduisant les importations la filière française,
06:00 manger moins de viande peut-être, mais mieux de viande, de meilleure qualité,
06:04 c'est ce que vous nous dites Jean-François Guillard.
06:06 Merci, je rappelle que vous êtes président d'Interbev, l'interprofession du bétail et des viandes,
06:11 et président de la Confédération de la Boucherie, Charcuterie et des Traiteurs. Merci à vous.
06:15 - Merci.