• il y a 10 mois
Les agriculteurs sont en colère, bloquent les autoroutes, démontent des préfectures… et la droite, pourtant obsessionnelle de l'ordre, applaudit. Que s'est-il passé ? Dans cet épisode, notre chroniqueur Cyprien Caddeo analyse comment les semeurs de colère espèrent aujourd'hui en récolter les fruits. Dans le cynisme le plus complet.

Category

🗞
News
Transcription
00:00 [Générique]
00:12 Paris assiégé, Paris affamé, Paris qui se rappelle soudain qu'il y a des paysans de l'autre côté du périph'
00:18 et que leurs conditions matérielles d'existence sont déplorables.
00:21 Bonjour et bienvenue dans la tête d'enflue, aujourd'hui on va parler du mouvement social des agriculteurs.
00:27 Depuis son déclenchement le 18 janvier dernier, ce mouvement alimenté à la fois par une trop faible rémunération du travail
00:33 et la sensation d'un trop-plein de normes est venu percuter la rentrée politique du gouvernement Attal.
00:38 On va lancer ces trois prochaines semaines d'ici au salon un mois de la simplification.
00:44 Et donc partout en France il va se passer ce qui s'est passé dans ce département,
00:47 les préfets vont réunir nos agriculteurs, leurs représentants pour regarder,
00:51 arrêté préfectoral après arrêté préfectoral, norme après norme ce qu'on peut simplifier.
00:56 Et ouais, Gabriel Attal qui fait un point près sur une botte de foin,
00:59 c'était pas une évidence pour le golden boy de l'école asiatienne
01:02 qui découvre sans doute ici l'honneur de la bouse et de la paille.
01:05 Bon, quant à nous la gestion des mouvements sociaux par la Macronie, on commençait à connaître la recette.
01:09 On se disait bon bah ils vont se faire stigmatiser, traiter de preneurs d'otages, d'irresponsables,
01:14 on va envoyer les flics, ça va finir noyé dans un nuage de lacrymo et en fait non, pas du tout.
01:19 Le gouvernement l'écoute, le Premier ministre fait des annonces de main, il faut les entendre.
01:23 On répond pas à la souffrance en envoyant des CRS.
01:25 Alors ça, c'est pas banal. On va même se le remettre un coup d'ailleurs.
01:29 Est-ce qu'on doit les laisser faire sans envoyer les CRS ?
01:31 Oui, en tant que ministre de l'Intérieur à la demande du président et du Premier ministre.
01:34 Ça, ça va direct dans les archives.
01:36 Faut bien se rendre compte du cynisme du ministre quand il balance ça.
01:39 Darmanin sait très bien qu'il a envoyé des kilotonnes de CRS sur les manifestants pendant les retraites,
01:44 les écologistes, les jeunes des quartiers, pendant toute l'année 2023.
01:48 Il a ces images bien en tête.
01:50 Mais les agriculteurs ont un totem d'immunité.
01:53 Bon, puisque la Macronie s'est ramollie, j'espère qu'au moins on peut compter sur la bonne vieille droite
01:57 pour être ferme, incarner l'ordre, combattre la chianlie en bons héritiers du général.
02:02 Les agriculteurs, je peux en porter témoignage,
02:04 avaient utilisé toutes les méthodes sans être entendus et écoutés.
02:08 Donc il y a un moment, ils osent le ton.
02:10 Ça fait partie aussi du débat démocratique d'oser le ton.
02:13 Bah ça, même Gérard Larcher est devenu promanif.
02:15 Il disait quoi pendant les retraites, le président du Sénat ?
02:18 C'est que cette réforme, elle est indispensable.
02:21 Il faut qu'on fasse tous preuve de responsabilité.
02:25 Et je le dis, après crise sanitaire, entre la crise énergétique,
02:29 entre la crise du système de santé, il y a bien sûr un risque de cristallisation.
02:34 Mais il faut aussi que les organisations représentatives des salariés soient responsables.
02:40 Fallait pas bloquer.
02:42 Et bah niveau blocage, pourtant, là on est quand même pas mal.
02:44 Une armée de tracteurs pour prendre possession des axes autoroutiers qui mènent à Paris.
02:50 Comme vendredi, la FNSEA et les jeunes agriculteurs
02:54 annoncent vouloir paralyser la capitale à partir de demain 14h.
02:57 Et niveau dégradation et troubles de la route publique, on a de beaux exemples aussi.
03:01 Regardez à quoi ressemble la préfecture d'Agen après le passage des paysans.
03:04 Imaginez un instant que la même chose ait été commise par des écologistes,
03:13 à au hasard Saint-Sauline, ou par des jeunes racisés dans les banlieues.
03:17 Oui, oui, oui, mais leur colère à eux n'est pas légitime.
03:20 Aux yeux du gouvernement en tout cas.
03:21 Mais qu'on se comprenne bien, que les agriculteurs bénéficient dans leur lutte de la compréhension du pouvoir,
03:25 c'est une excellente chose, et franchement, tant mieux pour eux.
03:28 Ce qu'on voudrait, c'est que ce ne soit pas un régime d'exception,
03:30 et que dans ce pays, chacun ait le droit à autant d'écoute sans être stigmatisé.
03:35 On en appelle à eux pour assumer la souveraineté alimentaire,
03:38 et au moment même où on leur dit "vous devez assumer la souveraineté alimentaire",
03:41 certains sont dans des situations de grande précarité.
03:44 Donc c'est quand même le choc, finalement, des discours, et puis de la réalité sociale et économique.
03:50 Le sociologue François Purcegle cible ici le cœur du problème.
03:53 Alors oui, la colère des agriculteurs, évidemment, est légitime.
03:56 Le lait, ils nous l'achètent dans les 40 centimes, mais c'est plus d'un euro le litre.
04:00 À large, c'est pratiquement zéro.
04:02 Je n'arrive même pas à en rémunérer, donc...
04:04 J'ai été obligé de faire des mises aux normes, pour pouvoir continuer à produire du lait.
04:08 Donc j'ai refait un bâtiment plus grand, c'était obligatoire.
04:10 C'est les normes européennes, ça m'a entraîné des investissements assez lourds,
04:14 et puis derrière, le prix du lait n'a pas monté, quoi.
04:16 Donc aujourd'hui, on a un redressement judiciaire.
04:19 Ça fait deux ans qu'on ne dégage pas de revenus.
04:24 Vous l'expliquez comment ?
04:25 C'est les charges, les charges qui nous étouffent,
04:29 les réglementations qui nous imposent des coûts supplémentaires.
04:34 On est passé en zone vulnérable il y a cinq ans.
04:36 J'ai repoussé au maximum les mises aux normes, qui m'ont coûté 120 000 euros.
04:40 Sauf que s'il y a bien quelqu'un qui n'est pas fondé à distribuer des brevets de légitimité,
04:44 des colères, c'est bien l'exécutif.
04:46 Pour cause, il en est la source de ces colères.
04:48 Et la droite non plus, d'ailleurs.
04:49 On les voit venir avec leurs calculs électoraux,
04:51 à se dire que surfer sur le mouvement, c'est sécuriser les voies des territoires ruraux.
04:55 Soit un tiers des votants, certes, en faisant parie que c'est un public de droite.
04:58 Je voudrais votre avis sur ces chiffres.
05:00 En vue de l'élection de 2022, les chiffres récents de l'enquête du Cvipof,
05:04 avec Ipso Soprasteria, ce sont des chiffres très intéressants,
05:07 je voudrais qu'on les regarde ensemble.
05:09 29% des agriculteurs interrogés auraient l'intention de voter pour Emmanuel Macron.
05:13 24% disent vouloir voter Éric Zemmour.
05:15 13% pour Jean-Luc Mélenchon.
05:17 10% pour Marine Le Pen.
05:18 7% pour Valérie Pécresse.
05:20 Mais ils ont voté les traités de libre-échange, qui tirent les prix vers le bas.
05:24 Ils sont au cœur de la colère paysanne.
05:26 Et le RN pareil, d'ailleurs, quoi qu'ils en disent.
05:28 Ce qui se joue là, c'est que ceux qui ont alimenté les raisons de la colère
05:31 finissent par en récolter les fruits.
05:32 Ce serait l'arnaque du siècle.
05:34 Et pour la gauche, une sacrée déroute.
05:36 On entend bien cette petite musique qui monte,
05:38 qui voudrait charger les écologistes par exemple.
05:40 Ils sont prêts à changer leur pratique.
05:42 C'est une erreur de croire que les agriculteurs ne veulent pas changer leur pratique.
05:47 Il faut finir la fin du mois.
05:49 Moi, la fin de la planète, pour le moment, je m'en fous un peu dans la crise actuelle.
05:52 Bon, lui typiquement, c'est Thierry Coste.
05:54 C'est un proche de Macron, c'est un lobbyiste de la Fédération des chasseurs.
05:57 Il a probablement des écologistes empaillés chez lui, en tout cas il aimerait bien.
06:01 La ficelle est grosse, comme si les écologistes
06:03 avaient dirigé la politique agricole française de ces 30 dernières années.
06:06 Alors qu'au contraire, les agriculteurs sont sur le front
06:09 dans la bataille climatique et écologique.
06:11 C'est pas pour rien que c'est parti d'Occitanie.
06:13 Ces jeunes agriculteurs du Tarn qui ont lancé ce slogan "On marche sur la tête"
06:18 sont les premiers à être percutés par le changement climatique.
06:20 En Occitanie, quand vous êtes viticulteur, vous voyez vos vignes brûler parfois.
06:25 Brûler.
06:26 Et vous sortez d'une crise climatique et vous tombez dans une crise sanitaire.
06:31 Et puis ensuite, vous retombez dans une crise économique.
06:34 Donc finalement, la question environnementale, ils sont pas à côté, ils sont dedans.
06:39 Y a pas d'eau, y a pas de ski, voilà.
06:42 Pour les agriculteurs de la vallée de la Tête, en cette fin janvier,
06:45 c'est une troisième année de sécheresse qui commence.
06:48 Une troisième année sans doute de restrictions pour l'irrigation.
06:51 Très difficile de faire boire les animaux
06:53 parce que très peu d'eau due à la non-irrigation l'été dernier.
06:57 Au jour d'aujourd'hui, on s'aperçoit qu'il n'y a pas de neige sur nos montagnes
06:59 mais que toutes les stations de ski sont ouvertes.
07:01 Le peu de réserve qu'il y avait, ils sont en train de le vider sans aucune restriction.
07:05 Pour nous, c'est la grosse problématique parce qu'ici, sans eau, y a pas de vie.
07:10 Si la droite emporte la manche ce coup-ci, les agriculteurs n'auront rien gagné.
07:13 À part la FNSEA, peut-être qu'il y aura eu la peau de quelques normes au passage
07:17 et le climat aura tout perdu.
07:18 Ouais, ça commence bien 2024.
07:21 Ça commence bien.
07:22 Voilà, c'est la fin de cette vidéo. Merci de l'avoir suivie.
07:25 N'hésitez pas à liker, commenter et à vous abonner à la chaîne.
07:27 N'oubliez pas de lire l'Huma.
07:28 Quant à nous, on se dit à dans deux semaines. Allez, salut !
07:31 [Musique]

Recommandations